Ah non, la théorie de Descartes sur les "animaux machines" a déjà fait assez de dégâts comme ça
Je suis sidéré par la capacité des gens (pas juste ici mais mes collègues etc.) à aborder la question de ChatGPT, Midjourney et compagnie sous un angle quasiment animiste. On rigole en voyant les Ewoks qui prennent C3PO pour un dieu dans
Le Retour du Jedi (une scène qui n'a d'ailleurs pas super bien vieilli...) mais on fait bien pire. Ces trucs sont pourtant juste des programmes informatiques qui génèrent du gloubiboulga textuel à partir d'un corpus énorme. Donc, pour autant que j'aie pu comprendre leur fonctionnement :
- ce sont des outils. Ils ne fonctionnent pas sans mots de commandes entrés par un humain pour leur dire quoi générer. Ils ne comprennent pas ce qu'ils lisent, ni ce qu'ils disent. Ils n'ont donc aucune "intelligence". N'en déplaise au gros élément de langage mis en avant par les entreprises qui ont nommé ces programmes. L'appellation "intelligence artificielle" relève en bonne partie de la poudre aux yeux.
- l'intelligence humaine est bien plus nuancée et complexe que ce qui a été dit plus haut, ne nous emballons pas.
- on est en plein marronnier : à chaque nouvelle technologie, depuis l'Antiquité, les humains s'imaginent qu'ils ont découvert une technologie qui va permettre d'imiter la vie intelligente ou quasiment. Quand on a découvert le pouvoir de la parole, on a cru que le principe du monde se trouvait dans les mots (cf. la Genèse dans la Bible). Quand on a maîtrisé la poterie, on s'est dit que les humains étaient au fond des poteries (cf. re-la Bible mais aussi diverses autres mythologies où les humains sont créés avec de l'argile, ainsi que des mythes tels que celui du golem). Quand on a découvert les engrenages, on a imaginé des hommes et des femmes automates (cf.
L'Ève future). Quand on a découvert l'électricité, on s'imaginait avoir découvert le principe de la vie (cf.
Frankenstein). Quand on a inventé l'ordinateur, le cerveau humain a été comparé à un ordinateur. Quand on a inventé les robots, on s'est dits qu'on allait tous être remplacés par des robots. Quand on a inventé Internet, le cerveau humain avec ses neurones qui communiquaient a été comparé aux sites Internet. Ensuite, ça a été les réseaux sociaux. Maintenant, c'est ChatGPT qui est censé avoir découvert le moyen d'imiter et d'égaler l'intelligence humaine. Donc là, j'aurais tendance à dire qu'on s'enorgueillit pour rien et qu'on ferait bien de ne pas se laisser empailletter les paupières par les premiers marketeux venus qui nous refourguent une métaphore autoglorificatrice...
- je pense que la principale crainte fondée liée à ces programmes est qu'ils ne provoquent la diffusion massive de texte de mauvaise qualité, une "discountisation" du domaine de la rédaction de textes, doublée d'un surcroît de déshumanisation. Un peu comme si toute une partie des interactions de lecture que nous avons au quotidien se changeaient en dialogues avec un automate téléphonique. Je n'ai pas envie d'un avenir pareil, en ce qui me concerne. Pour les interactions humaines en moins qu'il représenterait, mais aussi pour la probable crise de l'emploi et/ou la dégradation de la qualité de vie et de la qualité des conditions de travail des gens qu'il impliquerait.
- on ne peut pas vraiment prévoir comment cette technologie va se développer sans prendre en compte le fait que :
1) le vide juridique autour des IA ne durera pas éternellement. Ces technologies devront bel et bien être encadrés à un moment donné, et ce sera très bien. En ce qui me concerne, le plus tôt et le plus strictement sera le mieux.
2) tous ces trucs sont très à la merci des conséquences du réchauffement climatique (comme tous les domaines au bilan carbone catastrophique) et de l'épuisement des ressources fossiles (comme toutes les technologies basées sur beaucoup de composants informatiques eux-mêmes construits à partir de métaux rares pour certains bientôt disparus).