JOUR 1
Enfin le printemps !
Brenhaven sort à peine d’un hiver rigoureux, qui a épuisé les réserves de l’Auberge de l’Épée. La première caravane de l’année vient enfin d’arriver aux Halles, apportant des denrées alimentaires et des matériaux de construction. Un précédent convoi avait été attaqué par les Ifriers, qui tentent par tous les moyens de libérer la ville du joug des elfes.
Les caravaniers vont rester quelques jours, le temps de vendre leurs marchandises et d’acheter du tissu, du bétail, du vin, des produits manufacturés… ou des biens rares venus de la forêt de Nariamórien. Klaus, le patron de l’auberge, s’est précipité aux Halles afin d’acheter les provisions dont son établissement a grand besoin. Son personnel doit se débrouiller sans lui. C’est le coup de feu ! Les clients habituels sont comme toujours nombreux, en cette veille de jour chômé. Les caravaniers et leur escorte sont venus grossir leurs rangs.
Tout le monde met la main à la pâte. D’autant que
Tanorivel, le serveur, ne peut compter sur l’aide de l‘extra habituel de l’auberge, la jolie Birgit – pour qui son cœur bat.
Morrigan, le maréchal-ferrant, et
Rosa, l’écrivaine publique, affrontent la cohue sans sourciller. Le nain est robuste et Rosa… en pierre.
Sigmund, le brasseur, s’est réfugié derrière le comptoir – le halfelin ne s’est jamais tout-à-fait remis des tortures infligées par les sbires du nécromant, il y a quelques années. Les enfants de l’auberge, Otto, Magda et Eda, participent eux aussi au service, sous le regard de
Rikke, l’institutrice et accessoirement épouse du patron – même s’il s‘agit d’un mariage blanc. Elle ne peut que se féliciter d’avoir récemment embauché une videuse : Abigaël, une ancienne cliente, après cette éprouvante affaire de reliques nécromantiques.
Un gamin des rues transmet un billet à Sigmund : un message laconique de Birgit annonçant qu’elle ne viendrait plus. L’explication vient peu après, sous les traits fort peu amènes de
Friedrick, le père de la jeune fille.
Il annonce le mariage imminent de Birgit avec Tobias, l’apothicaire. Sa fille veut que l’Auberge de l’Épée organise le mariage. Cela ne lui plaît guère. Il donne malgré tout trois jours à l’auberge pour lui présenter un repas de fête, avec des divertissements. Si la démonstration le satisfait, l’auberge organisera bien le mariage, une bonne centaine de couverts. Sinon, il fera appel
au mal incarné à l’Auberge du Pont.
Une soirée mouvementée.
Tanorivel prend mal la nouvelle. Il paraît près à saboter ce mariage par un moyen ou un autre – mais pour l’heure il se force à sourire aux clients en leur apportant leur commande. Certains d’entre eux se révèlent pour le moins pénibles. Voire odieux. Ces quatre aventuriers, notamment. La lie de l’humanité. Et de la nanité, de l’elfité, etc. Il faut que Rikke use de toute son autorité de maîtresse d’école pour qu’ils se calment un peu – leur magicienne était sur le point de calciner un habitué.
Des éclats de voix se font entendre. Sigmund constate avec effroi que ses amis de la Vieille garde, résistants dans l’âme, ont été placé à côté d’une tablée réunissant les pires profiteurs de l’occupation elfique. Les insultes fusent. Avec une flagornerie éhontée, Tanorivel et Rikke proposent à ces collaborateurs la meilleure table de l’auberge, d’habitude réservée aux elfes, dans une pièce attenante à la grande salle – qui sert également, selon l’heure de la journée, de salle de classe ou de bureau à l’écrivaine publique.
Les collaborateurs sont ravis. Les amis de Sigmund beaucoup moins, ils sentent bien que le personnel de l’auberge a privilégié l’autre camp. Sigmund parvient malgré tout à retenir ses amis avant qu’ils ne quittent l’établissement avec fracas. L’incident est évité de justesse.
Pendant ce temps, l’un des meilleurs clients de l’auberge – enfin, plutôt le majordome du meilleur client de l’auberge, c'est-à-dire le baron d’Orville, qui loue deux chambres à l’année et consomme quantité d’alcool – se dispute avec un des caravaniers.
Non, le baron n’est pas devenu une loque humaine ! Retire ce que tu as dit, misérable ! Anthelme, le majordome, s’écroule, frappé au visage. Morrigan se fraye un chemin dans la foule pour le ramasser et parvient à le ramener dans sa chambre sans trop de casse.
Trondor, un habitué, est pris en flagrant délit de triche lors d’une partie de carte. Il est jeté dehors par Abigaël – mais les joueurs floués ne sont pas dupes, cette expulsion ressemble un peu trop à une mise en scène. Ils finissent par quitter l’auberge en clamant haut et fort qu’ils vont faire appel au Guet. Leurs pas se dirigent toutefois vers l’Auberge du Pont.
Gisila, la cheffe des chambrières, vient voir Rikke en catastrophe. Trop de clients veulent des chambres ! Le personnel décide de coucher dans l’écurie et de céder leurs chambres aux clients. Mais pas aux aventuriers, qui devront se contenter du dortoir, qui sait où ils ont pu traîner, ceux-là… La meilleure chambre de l’auberge finit par échouer à Gretella, l’une des collaboratrices, qui commence à apprécier cet établissement qui sait accueillir les amis des elfes comme il se doit. Les positions de Klaus au Conseil ne sont donc que des simagrées !
Les chambrières doivent abandonner le service en salle pour changer les lits. Les enfants de l’auberge tentent de les suppléer, mais les erreurs de commande se multiplient. Rosa y remet vite de l’ordre. Elle installe même un tableau noir pour noter les commandes et renumérote toutes les tables.
Où est Klaus ?
Dans tout ce tumulte, le personnel de l’auberge n’a pas vu le temps passer. Mais Klaus n’est toujours pas revenu… Tanorivel et Rikke commencent à s’inquiéter. Rosa a une illumination. Il n’y a qu’une seule explication possible : Klaus s’est fait souffler la cargaison convoitée par la concurrence ! Il a dû se rendre à l’Auberge du Pont pour négocier.
J'ai eu l'impression que le joueur avait réussit un jet de perspicacité, comme son personnage quelques minutes plus tôt. Enfin, ça m'arrangeait, puisque la durée de la séance est contrainte !
La plupart des clients étant partis ou allés se coucher, le personnel décide de partir à la recherche de leur patron bien-aimé. Mais des plaintes se font entendre : les quatre aventuriers ont transformé le dortoir en quartier général et préparent leur prochaine expédition, empêchant les autres clients de dormir. Un contretemps des plus fâcheux.



Sigmund décide de leur offrir un verre de son tord-boyau le plus redoutable, mélangé à une décoction d’herbes somnifères, afin qu’ils s’assoupissent rapidement... Mais il se trompe dans ses préparations et leur sert au contraire un puissant stimulant ! Les aventuriers ne vont pas dormir de la nuit ! Excités comme jamais, ils parlent de plus en plus fort.
Le joueur a fait un "1" naturel à son jet... et a oublié d'utiliser la capacité du halfelin à H&D. Habitué à une certaine déveine, le joueur a préféré broder sur son échec.
Sans se laisser démonter, Sigmund leur propose de leur louer, à prix d’ami – en fait, plutôt à prix d’or – une salle de réunion où ils pourront préparer minutieusement l’exploration du fameux Temple du Serpent. Tout le personnel disponible est dépêché pour débarrasser et nettoyer la salle en question – la même où les collaborateurs s’étaient attablés – puis pour assister les aventuriers et leur vendre de l’équipement. Abigaël, ancienne docker, fait plusieurs allers et retours entre la salle et les réserves de l’auberge, tout en se demandant à quoi serviront toutes ces cordes, pitons, lanternes, perches, barres à mine, couvertures, etc. Morrigan bricole même, en toute hâte, un bélier portable, vendu au prix fort.
Le vieux chenu, qui a fourni la carte du donjon aux aventuriers, ne paraît pas ravi de toute cette agitation. Lui aussi aurait préféré dormir, sans doute. Les aventuriers le bombardent de question.
Sans en avoir l’air, Sigmund réfléchit à l’offre du vieillard, qu’il a entendu pendant qu’il servait des
digestifs somnifères stimulants : la carte contre… des effets personnels ? Qui pourront être revendus comme des reliques, une fois les aventuriers célèbres ? Que ces aventuriers sont bêtes !
Laissant les imbéciles en question sous la garde d’Abigail et de Guilherm, le veilleur de nuit, nos compères se décident enfin à partir à la recherche de Klaus. En suivant le raisonnement de Rosa, il a dû se rendre chez leur concurrent, l’Auberge du Pont, pour tenter de récupérer la cargaison qui lui a été soufflée.
Il est près de 23 heures, soit presque une après le couvre-feu. Cependant, éviter les patrouilles de gardes enfaytés ne devrait pas être trop difficile. Plongés dans une béatitude servile par un cruel enchantement, ces espèces de zombies vivants font preuve de davantage de zèle que de vigilance. Du reste, ils ne patrouillent que dans les rues principales éclairées par les lanternes à salamandres, accrochées aux toits des maisons ou à des réverbères. Par contre, il ne faut pas s’approcher des Arbres-Guets : ceux-ci accueillent trois archers elfes, plus une de leurs fichues druidesses-enchanteresses, les arindeäls, accompagnée de faucons ou de hiboux selon l’heure de la journée.
L'arbre... de la peur...
Comme son nom l’indique, l’Auberge du Pont se situe sur le pont de Brenhavren. Construit par les Ifriers, quand ceux-ci étaient encore une honnête guilde de bûcherons et de charpentiers et non une bande de hors-la-loi, ce pont est resté inachevé quand le margrave s’est adjugé le monopole des taxes – interdisant aux Ifriers de prélever un octroi sur les futurs passages et ruinant la rentabilité de l’investissement. Toutefois, si seul le margrave peut collecter l’impôt, la charte de la Brenhaven limite les prélèvements au territoire de la cité. Et le pont se situe hors des murs, au-dessus de la Waldine... L’auberge qui s’est installée sur le pont ne paye donc aucune taxe ! Une concurrence des plus déloyales.
Tout en ronchonnant et en rabâchant leurs griefs contre l’établissement rival, le personnel de l’Auberge de l’Épée se demande comment parvenir jusqu’à lui. Non seulement l’avenue qui mène au pont est éclairée mais un Arbre-Guet se dresse devant la construction. Il va falloir nager !
Tanorivel part en éclaireur. Grâce à la corde magique récupérée sur le corps des
titans demi-dieux brigands qui avaient attaqué l’Auberge de l’Épée tantôt, il passe par les toits, multiplie les détours, saute par-dessus les venelles et parvient à se glisser jusqu’au lavoir. De là, il nage jusqu’aux piliers qui soutiennent le pont. La fonte des neiges, en amont, a fait monter le niveau de la Waldine et considérablement refroidi ses eaux. Nager à contre-courant n’était pas une très bonne idée, mais le demi-elfe atteint péniblement son objectif, en évitant l’hydrocution de justesse. Il escalade les piles du pont, puis les murs de l’établissement rival – plus précisément de la partie située sur l’allée gauche du pont, qui abrite la maison de jeux au rez-de-chaussée et la maison close au premier étage. Il ne peut que relever les puissantes défenses de l’ennemi – notamment les pointes au bord des fenêtres. Une fois sur le toit, Tanorivel regarde de tous les côtés et s’immobilise quand il voit un petit groupe d’elfes se diriger… vers le bâtiment d’en face. La taverne. Une silhouette se détache : le commandant Erisadán lui-même, un véritable colosse même selon les standards humains. Tanorivel le voit entrer dans l’Auberge du Pont, l’air toujours aussi maussade. Il grimpe sur le corps principal de l’établissement, qui surplombe les deux ailes d’un étage, puis se glisse sur le toit de la taverne et tend désespérément l’oreille. Il n’arrive qu’à entendre… les pleurs d’une femme ?
Secouant la tête, le demi-elfe revient sur le bâtiment principal pour examiner les environs. Il suppose que Carmichaël a dissimulé des caches un peu partout, pour toutes ses activités de suppôt du mal. Le demi-elfe finit par apercevoir, derrière l’auberge, à l’extrémité du pont, une forme recroquevillée, près d’un des escaliers conduisant à un embarcadère privé - désormais interdit par les elfes. Klaus !
Tanorivel rebrousse chemin pour prévenir ses alliés. Ceux-ci décident d’emprunter une barque, au port, puis de se laisser porter par le courant jusqu’à l’embarcadère du pont. De là, il leur suffit de monter l’escalier pour récupérer leur patron. Sigmund dirige les opérations avec l’aisance d’un contrebandier chevronné. Rikke soigne son époux, qui fournit quelques explications – confirmant l’intuition de Rosa.
Le petit groupe se sépare. Tanorivel se met en tête de rester sur les toits, pour espionner leur rival. Le reste de la compagnie retourne sur la barque empruntée, pour la ramener au port. Cette fois-ci, il faut ramer ! Il ne reste plus qu’à regagner leur chère auberge.
Une dernière péripétie !
En chemin, ils assistent à une scène pathétique. Deux arindeäls, escortées de deux loups et de deux archers, enlèvent un enfant sous leurs yeux. La plus grande des arindeäl arrache la fillette des bras de sa mère, qui s’effondre sur le pas de sa porte, tandis que les archers tiennent le père en joue. Que faire ? Soudain, un cavalier surgit de la nuit… Et court vers la fillette au galop ! Son nom ? Tout le monde, bien sûr, le connaît. Il figure sur les avis de recherche. La flèche ! La flèche ! La flèche !

Juché sur son étalon noir, il charge ! Et reprend l’enfant aux elfes ! Il repart ! Mais un archer parvient à le toucher à l’épaule. Il s’effondre devant nos compères. Son cheval s’arrête quelques mètres plus loin. La fillette dégringole de la monture et part en courant.
Sigmund laisse échapper un piaillement et ouvre son sac à malice. Hystérique, il lance un mélange fumigène en direction des elfes. Il ne s’arrête pas là. Il fouille frénétiquement sa sacoche, envisageant de jeter tout son contenu à la figure des elfes. Jusqu’aux pièces de monnaie.
La Flèche demande au petit groupe de s’occuper de la fillette. Il remonte sur son cheval… Et traverse le nuage de fumée, au mépris du danger !
Morrigan pique un sprint improbable et rattrape immédiatement la fillette. Les loups, distraits par les artifices de Sigmund, laissent nos héros s’échapper !
Le très bon jet du joueur m'a permis de mettre fin à la scène, la partie devait s'arrêter faute de temps. Mais il faudra que je révise les règles de course-poursuite.