Deuxième session. (Les joueurs souhaitant faire cette partie sont invités à sortir, ça va spoiler)
On rentre dans le vif du sujet. Voici l'heure de réunir les investigateurs sur les quais de Liverpool. Bruits de port, de mouette, il fait gris et brumeux, le MJ est un peu stressé. J'ai lu sur un autre forum, mais un peu tard, que faire débuter cette aventure directement sur le navire en mer était une bonne idée. Avec le recul, je ne peux qu'approuver et si je rejoue ce scénario un jour, je ferai comme ça. C'est un peu long et pas très palpitant de prendre pied sur le bateau, saluer le capitaine Sappletown, s'installer dans la cabine et attendre l'appareillage.
Bref, voilà la joyeuse bande en mer, qui commence à faire connaissance dans la seule pièce commune du Mary's Galloway, qui est un petit navire. De fait, ce sont les seuls passagers.
Présentation des PJ
Arrivé le premier, Jack a choisi la seule cabine individuelle du bord, mais y renonce devant l'insistance de Sadie, sans doute pour ne pas se faire mal voir de ses compagnons. Il se présente comme un croque-mort, ce qui fait un peu pouffer la table car son portrait n'évoque pas vraiment ce genre de profession.
A mon grand étonnement (consternation ?), Kirk, très sûr de lui, se présente d'emblée comme un policier. (Pour l'infiltration, on repassera !!) Léger tic nerveux de Jack.
Sadie dévoile qu'elle est journaliste, et Clinton Caffey salue l'assemblée avec autorité, en insistant à plusieurs reprises sur son titre de
docteur, qui ne semble impressionner personne.
Dans ce scénario, cette scène peut permettre au MJ de jauger d'emblée la part de RP de ses joueurs, et j'attendais de voir avec impatience ce qui aller se passer. Je n'ai pas été déçu ! Comblant mes espérances, mes joueurs, même les deux novices (Sadie et Kirk) se sont lancés dans de grandes discussions, le docteur Caffey monopolisant parfois la parole en relatant ses exploits Egyptiens d'un ton pédant.
Cette seule séquence a duré plus d'une heure... Je me suis dit que la partie était sur de bons rails.
Ensuite, le docteur Caffey et Kirk sont allés prendre l'air sur le pont, tandis que Sadie prenait du repos dans sa cabine. Jack en profita pour fouiller les sacs des autres voyageurs, restés dans la salle commune. Peu vif d'esprit, le pauvre garçon ne commença pas par les affaires de Kirk Coleman, préférant subtiliser leurs carnets de notes et stylos au docteur Caffey et à la journaliste. il n'eut pas le temps de s'intéresser au sac du policier, Kirk ayant décidé de revenir en bas, laissant le médecin en butte au monologue du capitaine Sappletown, intarissable sur les taxes exigées par ces
maudits anglais.
La tempête
C'est alors que le navire prit de la gîte, que le vent se mit à souffler, et que des trombes d'eau se déversèrent sans crier garde. Au loin, le ciel se bouchait à une vitesse effrayante.
— De mémoire de marin, j'ai jamais vu une tempête se lever si vite ! rugit le capitaine Sappletwon en ordonnant au docteur Caffey d'aller chercher les autres voyageurs.
Il allait avoir besoin d'aide.
De fait, le ciel noir était devenu terrifiant, tout comme ces creux de six mètres qui bringuebalaient la pauvre Mary's Galloway, bien seule en mer d'Irlande, et qui semblait soudain bien fragile.
— Il nous faut un plus gros bateau ! constata le docteur Caffey en remontant sur le pont, abasourdi par la brutalité de la tempête.
— J'ai besoin d'un homme à l'avant ! Les autres, actionnez la pompe dans la cale et arrimez ce qui peut l'être !
Le docteur Caffey se porta volontaire pour aller à la proue, ce qu'il parvint à faire malgré le pont glissant, tandis que Jack, Sadie et Kirk redescendaient en se tenant tant bien que mal. La malheureuse journaliste, en proie au mal de mer, ne supporta pas plus longtemps la houle et fut forcée de s'allonger.
Kirk s'attelant à mettre les pompes en fonction, alors que déjà de l'eau s'infiltrait, Jack, sous couvert d'arrimer les bagages, en profita pour fouiller les affaires du capitaine. Il trouva un lance fusée avec une cartouche et des carnets sans intérêt. Puis il rejoignit Kirk et ils parvinrent à mettre la pompe en marche.
En remontant, ils retrouvèrent Sadie, qui se sentait mieux, et firent leur rapport au capitaine.
— On atteindra jamais Bryn Celli Ddu ! leur cria celui-ci pour couvrir le fracas des vagues. Je vais tenter de nous emmener au phare, pas loin. Y'a une crique qui nous protégera de cette furie !
La tempête, en effet, ne se calmait pas. De grands éclairs hachuraient le ciel, tandis que le fracas du tonnerre résonnait comme les canons de la Grande guerre. C'est alors que Kirk Coleman eut une révélation. Il lui semblait bien avoir déjà vu Jack, le soi-disant croque-mort, quelque part, sans toutefois parvenir à l’identifier. La mémoire lui revint d'un coup, tandis que le vent et la pluie les trempait jusqu'aux os. Cet homme, sans aucun doute, était un membre du gang Shelby, celui-là même qu'il était chargé d'infiltrer ! Il venait de reconnaître son visage, vu sur le dossier qu'il avait étudié avant le départ. C'était Dieu - ou le diable - qui l'avait mis sur ce bateau. Kirk n'avait pas pardonné la mort de son ailier, et les nuits suivant le massacre du hangar le laissaient en proie à des cauchemars atroces.
— Un autre homme à l'avant, vite ! Il va falloir me guider ! rugit le capitaine, dont le calme et l'assurance rassuraient les passagers transis.
A l'avant, le docteur Caffey avait pris soin de s'assurer à l'aide d'une corde. Il en déroula une autre pour aider le policier à le rejoindre. Sadie et Jack redescendirent chercher des gilets de sauvetage, qu'ils trouvèrent sans trop de mal. Jack en profita pour jeter un œil au contenu des tonneaux arrimés dans la cale. Mais ils ne contenaient que de la saumure.
Arrivée au phare
Trouant l'obscurité, la lumière du phare éclaira soudain l'équipage en proie à l'angoisse du naufrage. Jack tira sa fusée en l'air, éclairant une petite île. La proue heurta quelque chose qui rendit un bruit sourd. Il s’avéra que c'étaient des débris de bois. Kirk put distinguer le nom
White flower sur l'un d'eux, et aperçut dans le même temps, tout comme le docteur Caffey, des formes sombres qui glissaient sous le navire ; de la taille d'un phoque.
A peu près. Les deux hommes, remarquables d'acuité, virent également un autre navire se glisser dans la crique, avec une quinzaine de minutes d'avance. Un voilier.
Le Mary's Galloway, bien piloté par le capitaine Sappletown, accosta sans difficulté, si ce n'est que le voilier qui les avait précédés - un chalutier - s'était rangé sur le seul espace disponible. Il fallut donc s'arrimer à ce navire.
Sur la terre ferme, ils virent deux hommes. L'un était allongé et l'autre agenouillé auprès de lui. Les cris du docteur Caffey furent recouverts parle hurlement de la tempête.
Pour débarquer, les passagers devaient passer d'un bord à l'autre, une manœuvre rendue malaisée dans ces conditions. Le policier passa le premier afin de tendre une main charitable aux autres, les aidant à passer.
Stupéfaction, lorsque ce fut le tour de Jack, Kirk retira sa main au dernier instant ! Jack glissa sur le rebord trempé et se fracassa tête la première, se blessant au nez, qui dans un craquement sinistre se mit à pisser le sang.
Marmonnant de vagues excuses, le policier s'éloigna en direction de l'entrée du phare.
Le médecin était déjà au chevet de l'homme allongé, qui était inconscient.
—Dieu merci, vous êtes toubib ! lui dit l'autre, un pêcheur gallois, avec un accent à couper au couteau. Aidez mon ami, s'il vous plaît !
Visiblement paniqué, il expliqua à la cantonade qu'ils revenaient de Liverpool lorsqu'ils avaient été pris dans la tempête, et que l'homme, le docteur Stoner, avait glissé et s'était fracassé le crâne sur les rochers.
Le docteur Caffey pratiqua un examen rigoureux malgré la pluie et le vent, et conclut rapidement que l'homme ne passerait pas la nuit. Il fallait le mettre à l'abri.
Le capitaine Sappletown aida à porter le docteur Stoner, et tout le monde entra dans le phare.
Le phare
Au rez-de-chaussée, on allongea le dénommé Stoner afin de faire le point. Le pêcheur rééxpliqua son histoire, répondant à quelques questions supplémentaires,indiquant que le docteur Stoner lui avait demandé de faire le taxi avec son chalutier depuis Bryn Celli Ddu - où ils vivent - jusqu'à Liverpool, mais sans savoir pourquoi. Pendant que l'homme restait évasif sur certains points, visiblement ébranlé par cette aventure, Jack avisa les escaliers et décida de monter, seul.
A l'étage, il entendit quelqu'un réciter une poésie étrange, huma une odeur de soupe de poisson, et se trouva nez à nez avec George Farlan, le gardien du phare, qui resta bouche bée de voir un autre être humain ici. L'accueil ne fut pas des plus chaleureux, mais l'homme indiqua qu'il y avait un endroit pour allonger le blessé et qu'il allait préparer davantage de soupe.
Une fois le docteur Stoner installé sur un lit de paille, toujours inconscient, Kirk et Jack - désormais inséparables - décidèrent d'explorer les alentours, tandis que Clinton et Sadie redescendaient explorer le rdc, en attendant que le repas soit prêt.
Bravant la tempête qui ne faiblissait pas, le policier et le gangster se dirigèrent vers le quai, avec l'intention de visiter l'autre navire. Sur le chemin, ils aperçurent une forme dans les rochers, qui disparut à leur approche. De la taille d'un phoque ?
A peu près..
Pendant ce temps, Sadie et le docteur Caffey trouvèrent une porte fermée à clé, du matériel divers, des lampes à huile, et surtout s'aperçurent que quelqu'un avait fouillé leurs affaires, leur dérobant leurs carnets de notes et leurs stylos ! (j'avais écrit des aides de jeu individuelles pour chacun de mes joueurs, et j'ai donc donné à Jack celles de Sadie et de Clinton)
Dans le navire, les deux hommes ne trouvèrent rien, si ce n'est que le bateau s'appelait le
Bad luck et qu'il n'était équipé d'aucun matériel de pêche, ce qui sembla suspect à Kirk.
Tout le monde se retrouva dans le phare, autour d'une soupe chaude, et c'est à contre cœur que Georges Farlan consentit à ouvrir une bouteille de whisky écossais, clôturant ainsi la première session. Au dehors, la tempête faisait rage, et bien que l'on soit encore l'après-midi, il faisait déjà nuit noire...
Conclusion : Cette première session dura plus de trois heures, commença lentement et trouva son rythme alors que la tempête se déchaînait. Il y avait moyen d’accélérer les choses, mais j'ai vraiment apprécié la partie de RP offerte par mes joueurs donc j'ai laissé filer ça. Un peu de calme avant la tempête, en somme...
Il y eut une belle cohésion, mon regret à posteriori étant que Kirk ait dévoilé aussi rapidement qu'il était policier. Peut-être que je n'avais pas assez insisté sur le fait qu'il était en mission d'infiltration. Pour autant, ça n'a pas fait complètement tomber cette intrigue secondaire à plat, puisque Jack ne sait pas que le policier l'a reconnu...
Bien sûr, le mieux aurait été de jouer ce scénario en one shot, mais c'est déjà beau de pouvoir jouer, alors on va pas trop en demander ! Et pour moi, 3 heures, c'était bien. On ne coure pas un marathon quand on reprend tout juste la course.