[CR] Millevaux et autres jeux Outsider

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Pikathulhu
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

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54. QUE LE GRAIN MEURE

Quand la guerre entre humains et Corax connaît un grave tournant. Reprise du roman-feuilleton après une trop longue trève ! On s'approche du dénouement !

(temps de lecture :  5 minutes)

Joué / écrit le 07/05/2021

Le jeu principal utilisé : Bois-Saule, jeu de rôle solo pour vagabonder dans les ténèbres sauvages de Millevaux

N.B. : Les personnages et les faits sont fictifs.

Le projet : Dans le mufle des Vosges, un roman-feuilleton Millevaux et une expédition d’exorcisme dans le terroir de l’apocalypse.

Précision : ces feuilletons sont des premiers jets, donc beaucoup de coquilles demeurent. Merci pour votre compréhension.

Avertissement : contenu sensible (voir détail après l’image)

Image
Tim Lenz, cc-by

Contenu sensible : nudité


Passage précédent :

53. Mission de confiance
Des moments d'introspection et de mise en abîme où la Sœur Marie-des-Eaux rassemble ces forces pour l'ultime affrontement.


L'histoire :

Vingt-Quatre de Descendres

Image
In a dark tongue, par Harvestman, un manifeste space folk et psyché-drone, aboutissement extra-dimensionnel d’un rituel forestier.

Je vois le corps d'Augure dans une baignoire.

Nous sommes en plein dehors, sur les gravas d'une tour, et la tempête nous cravache.
Il fait noire-nuit et mon estomac me brûle. Je comprendrai plus tard de quoi il s'agit. Un symptôme avancé de cette faim que j'ignore depuis si longtemps.

La Corax est nue. Maigre et osseuse, mais pourtant elle respire l'harmonie. La peau qui épouse ses côtes et sa poitrine est jeune. Des tatouages la parcourent. Racines, se divisant en radicelles, puis en racinelles. La baignoire n'est pas remplie d'eau mais de fourmis.

Augure soupire d'aise. Les insectes grignotent les parasites qui courent sur elle. J'ai du mal à décrocher mon regard des bêtes noires et rouges sur sa chair. C'est cette image plutôt qu'une autre qui me fait comprendre ce qui nous sépare.

"Je suis venu pour vous apporter mes condoléances."

Elle se redresse sur ses bras en forme de baguettes. Elle me sonde du regard.

"L'heure n'est plus aux lamentations. Mais à la riposte.
- Ne faites pas ça. On peut encore calmer les choses. Je suis allé à la messe de minuit de la Noël. J'ai parlé aux villageois.
- Pourquoi intervenez-vous, Marie ? 
- Parce que je suis un guerrier. Un guerrier guérisseur."

Je n'arrive pas à me décrocher d'elle, c'est quelque chose d'assez rare pour être souligné. Je me rappelle ce que j'ai ressenti pour sa sœur Euphrasie, et aussi ce que je n'ai pas ressenti pour elle, et la sécheresse de mon cœur. Pourtant, elle me fascine. J'ai compris qu'elle est la cheffe de son clan, et qu'elle est beaucoup moins jeune qu'il n'y paraît. Du moins en esprit.

Je regarde par dessus les monticules de pierre qui nous entourent. Mes yeux s'habituent à l'obscurité et je distingue les vestiges d'un village en contrebas. J'entends le bruit de la rivière qui emporte l'eau. Je ne vois pas ses adelphes mais je les sens.

"Alors votre volière est à Fontenoy-le-Château... J'aurais dû m'en douter."

À ces paroles je me demande comment je suis arrivé là. Je comprends alors que je n'y suis pas allé. Tout ça, c'est dans ma tête.

Pourtant, ça continue. Je décide d'accorder de l'importance à cette phantasia. 
"Marie, il est encore temps pour vous de quitter Les Voivres. Ne vous mêlez pas à ça.
- Je n'abandonne pas. J'ai choisi de me battre au côté des innocents. Je n'ai pas peur."

C'est à ce moment que les choses deviennent de plus en plus étranges.

Je me retrouve seul dans la bise affamée. Et c'est moi qui suis dans la baignoire. C'est moi qui suis nu, exposé à toutes les nuances du froid, celles du vent, de la faïence, des doigts insectes. Les fourmis sont amassées sur mon pubis et je n'ai plus de sexe.

Je me réveille dans la yourte. Le poëlle s'est éteint et les bourrasques ont ouvert la porte. Mais je suis dans les couvertures qui portent fort l'odeur de Champo et je me sens bien. Presque extatique.
Je respire les draps à pleins poumons. Je ne peux rester nu. J'enfile le pantalon du sherpa, ce qui procure des sensations inédites et je

[le journal s'arrête là pour cette journée]


Vingt-Cinq de Descendres

Image
Steve Reich : Drumming, par So Percussion, une pièce de percussions sur une partition minimaliste, un parcours dans des villages, des maisons et des labyrinthes de bois circulaire, hypnotique, interminable.

Il n'y a pas grand-chose à dire aujourd'hui. Je ne veux pas m'étendre sur ces événements.

Que dire de plus que j'ai repris conscience quelque part en pleine campagne, dans les habits de Champo. Les deux pieds dans la terre enneigée des essarts gagnés par les Fournier sur la forêt.

Ils étaient là aussi, les Fournier. Et sur leur visage se lisait toute la désolation du monde.

Toute la neige, la neige protectrice. 

Elle avait été fouaillée.

Les corbeaux avaient bouffé tous les germes durant la nuit.

Drôle de cadeau de Noël.

Et je n'arrivais pas à reprendre mes esprits, à comprendre ce qui venait d'arriver.

Mais les Fournier, eux avaient déjà compris, que tous les semis d'hiver y étaient passé. 

Ils avaient sorti leurs carabine et tiraient des coups de feu à Dieu.

Et de ce ciel d'un blanc de suaire, il tombait de drôles de choses.

Voilà la mort aveugle.


Vingt-Six de Descendres

[Une jusquiame noire séchée est coincée dans cette page.]

Dès l'aube, je suis allé à l'Auberge du Pont des Fées. Il y avait déjà un attroupement, avec des serpes et des fourches. Le vent en furie emportait les chapeaux mais même la pluie verglaçante les décidait pas à décamper. C'est l'Onquin Mouchotte qui menait la danse. 

"La Bernadette et sa nonne ont foutu le camp ! Je vous le dis, c'est une sorceleuse. Elle s’enduit de belladone, de saindoux et de foutre de bouc pour aller au sabbat. Elle fricote avec les Crevax !
- Enfoiré ! Tu dis ça parce que tu veux son restau !"

J'en reviens pas, c'est moi qui ai dit ça. Une pierre dégomma le vieil intrigant à l'occiput. Et c'est moi qui l'ai lancée.

J'ai fait ça sans réfléchir et quelque part, je m'en félicite. Mais j'ai aussitôt compris qu'il fallait détaler. Je me suis senti si léger qu'ils n'ont pas pu me rattrapper. Mon ventre et mes os étaient vide, et mes douleurs musculaires ne faisaient que me porter plus loin.

Il fallait que je les retrouve avant les paysans.

Je suis parti totalement à l'instinct, j'étais juste devenu une bête. Je les pistais à l'odeur.

J'ai dévalé à travers la brande hérissée de repousses, et puis je me suis empêtré dans la vasière. Les plaques de boue gelée éclataient parfois sous mon poids et je m'enfonçais jusqu'au genou. Je m'accrochais à des lianes qui semblaient ligneuses mais elle éclataient de pourriture sous ma traction.

J'entendis enfin le cri du bébé. J'appelai de toutes mes forces. C'est la Bernadette qui vint me sortir de là. 

Elle me tira contre elle, contre la Sœur Jacqueline et contre le nourrisson et je n'en étais pas rassasié, de leur chaleur.

La cuisinière me caressait les cheveux, elle me serrait à m'étouffer.

"Pardon, on t'a pas prévenu. On sentait bien qu'on serait associées à ce qui s'est passé, alors on a pris la fuite. 

J'ai eu peur de te perdre, Marie...

Je veux plus te perdre...

Marie...

Mon enfant..."


Lexique : 

Le lexique est maintenant centralisé dans un article mis à jour à chaque épisode.


Décompte de mots (pour le récit) : 
Pour cet épisode : 1214
Total : 95957


Système d'écriture

Retrouvez ici mon système d'écriture. Je le mets à jour au fur et à mesure.


Feuilles de personnages / Objectifs des PNJ :

Voir cet article
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Pikathulhu
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Message par Pikathulhu »

LE BLOB NUCLÉAIRE

Un aperçu de ce que peut donner une partie de Free Kriegsspiel Revival (à ma sauce) dans la forêt de Millevaux, entre horreur organique et sentiments ! Une partie enregistrée jouée avec Eric Nieudan, Nico le Vif et Merry !

(temps de lecture : 4 min, temps d'écoute : 2H10 de partie, 10 mn de briefing, 20 mn de débriefing)

Joué le 10/05/2021 en ligne

Le jeu : Umwald, un jeu de rôle choral et sans règles d’exploration, de danger, de quotidien et de drame dans les tréfonds de la forêt de Millevaux, inspiré du Free Kriegsspiel Revival.

Avertissement : contenu sensible (voir après l'image)

Image
Helen Ginger, cc-by-sa

Contenu sensible : excréments, prostitution

Par ailleurs, je précise que le personnage de Narcose peut sembler assez caricatural (une prostituée très concupiscente et vulgaire). C'est un peu la faute aux tables aléatoires (une photo d'une femme assez "cagole" et la proximité du Bois d'Amour dans un hexagone adjacent). Je crois aussi que si on veut représenter la diversité, il faut assumer toutes les diversités. Les féminités très libérées ou vulgaires ont leur place dans nos narrations. Par ailleurs, le hasard des tables aléatoires a aussi fait que le méchant de l'histoire était un africain. Je crois aussi que si on veut mettre de la diversité dans les rôles, ça paraît normal que de temps en temps, les personnes issues de la diversité soient dans le mauvais camp.
Cependant, je m'excuse si certaines sensibilités ont été choquées, je suis ouvert pour en discuter.


Partie enregistrée à écouter / télécharger :

Intégrale (2h41min)
Partie seule (2h09 min)
Briefing (9 min)
Débriefing (23 min)
Crédits Jingle : extraits de l'album Damp Chill of Life de None, licence cc-by-nc


La communauté des personnages :

LES PÈLERINES

Nous sommes en pèlerinage religieux à travers la forêt.

Face à une communauté, nous demandons le gîte et le couvert.

Face à un individu, nous offrons notre aide.

Des pèlerines pensent que la destination est proche et d’autres pensent que cette errance n’a plus aucun sens.

Les personnages :

ERRANCE (iel) (joué.e par Merry)
Je suis arrivé.e dans la communauté car mes pas m’y ont guidée et je pourrais bien la conduire vers un ailleurs.
Je pense y trouver une âme sœur mais peut-être aussi une personne dont je dois me venger.
Image
thomas hawk, cc-by-nc

MENTORE (elle) (jouée par Eric Nieudan)
Je conseille discrètement les membres de la communauté sur la meilleure façon de vivre et de faire des rituels.
Je rêve de faire un rituel avec une personne et je prévois de faire rater le rituel d’une autre personne
Image
theodora.lumi, cc-by-nc

GASTRE (il) (joué par Nico le Vif)
Je réchauffe les cœurs et les estomacs grâce à ma cuisine qui confine à la magie.
Je rêve de provoquer la satisfaction d’une personne et je m’apprête à utiliser mon talent pour faire du mal à une autre personne.
Image
thomas hawk, cc-by-nc & Giles Watson, cc-by-sa


Les Figurants de la communauté :

INSIDE
Je suis en infiltration dans la communauté. Mon but est de l’étudier.
Je veux tout savoir sur Mentore et Caducque va me donner envie d’intégrer la communauté pour de bon.
Image
061_PDQuesnell, cc-by-nc & Raphaël Maître, par courtoisie

CADUCQUE
L’âge et la maladie font de moi un fardeau pour la communauté, ou une chance, puisque ma dépendance entretient le sentiment de solidarité.
J’envisage de me sacrifier pour une personne et je tente de transmettre mon héritage à une autre personne.
Image
Vincente Alfonso

QUIDAME
Officiellement, je ne représente rien au sein de la communauté. Mais c’est moi qui la fait fonctionner en donnant tous les ordres dans l’ombre.
Je vais révéler mon secret à une personne et manipuler les autres pour nuire à une personne rivale.
Image
w david kubiak, cc-by-sa & static416, cc-by-nc

HARPAGNE 
Je ne manque de rien et j’exploite la communauté pour faire fructifier mon bien. On me dit avare, je pense surtout être prévoyant et on me remerciera plus tard.
En secret, je comble de bienfaits une personne ingrate et je suis responsable de la misère d’une autre personne que j’exploite.
Image
boladrotor, cc-by-nc


Ma préparation (tirée au hasard) :

Départ Hexagone 12' Fosse-Paria (zone sud blobbée)

Image

Ont-il fui qq chose de la surface ou ont-t-ils été attirés ? : Attirés par la prophétie, sont rentrés par le dépotoir de la ZAD irradiée

Le blog est-il dangereux ? : corrosif pour tout objet technologique
Colonise-t-il les êtres vivants ? : il consomme leur joie de vivre
Est-il un réseau de communication ? : oui, mais coûte de l'amitié
Constitue-t-il une ressource ? : Oui, c'est très précieux pour les sorciers ou les scientistes, mais on ne peut pas le transporter sans un être sentient pour lui servir de véhicule.


Premier quart :
crépuscule

Lieu : forêt de merde, arbres putréfiés, coprolithes

Climat : Amoncellement de poussière.

Saynète : Une personne à la fois très vieille et très jeune.
(s'est baignée dans la cuve radioactive, vient de là)
NARCOSE
J’analyse les rêves de la communauté pour deviner les éléments passés et à venir et les décisions à prendre.
Je vois toujours la même personne dans mes rêves positifs et une autre personne dans mes pires cauchemars. Je dois leur dire.
Image
bendus, cc-by-nc, sandra.dors1, domaine public

Deuxième quart :

presque-nuit
Climat : Contamination horla (pas d'event supplémentaire)


Lieux jonctions 11' 12' : Enclave envahie par la végétation.
13' 12' Le bois d'amour (TW : prostitution > Narcose s'y rend)

14'12' La forêt biscornue


Informations données par l'oracle en cours de jeu :

Personne de la communauté disparue :

ÉPLORE

Quand nous perdons l’une des nôtres, mon rôle est de me lamenter à la place des autres qui ont trop oublié pour être tristes. En échange, on me paie d’un souvenir.
Je rêve de voir les pleurs sincères d’une personne, et je cherche à punir l’hypocrisie d’une autre.
Image
rifqui dahlgren & _antoine pierre nobilet, par courtoisie

Souvenir d'Eplore contenu dans le flacon de parfum : un souvenir hypnotique

Caducque, atteint par le gaz, se transforme en horla : un merle moqueur aux railleries qui deviennent réalités
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Message par Pikathulhu »

55. LA RAFLE

Un acte grave coincé entre deux rêveries folles.

(temps de lecture :  7 minutes)

Joué / écrit le 14/05/2021

Le jeu principal utilisé : Bois-Saule, jeu de rôle solo pour vagabonder dans les ténèbres sauvages de Millevaux

N.B. : Les personnages et les faits sont fictifs.

Le projet : Dans le mufle des Vosges, un roman-feuilleton Millevaux et une expédition d’exorcisme dans le terroir de l’apocalypse.

Précision : ces feuilletons sont des premiers jets, donc beaucoup de coquilles demeurent. Merci pour votre compréhension.

Avertissement : contenu sensible (voir détail après l’image)

Image
Musée de la broderie de Fontenoy-le-Château, domaine public

Contenu sensible : rafle, mutilation


Passage précédent :

54. Que le grain meure
Quand la guerre entre humains et Corax connaît un grave tournant. Reprise du roman-feuilleton après une trop longue trêve ! On s'approche du dénouement ! (temps de lecture :  5 minutes)



L'histoire :

Image
We are falling, par By The Spirits, du dark folk à la fois désenchanté,  majestueux et presque martial, qui se perd dans les tréfonds de la forêt pour émettre le triste constat de la déchéance humaine.

Vingt-sept de Descendres

Réveillé en pleine noire-nuit par des revoyottes qui n'étaient pas les miennes.

Des revoyottes de Champo. Je me suis vu dans son corps, quand il était enfant, avec ce chien de berger qui me suivait partout, me protégeait et gardait les moutons pour ainsi dire à ma place.

J'ai ensuite assisté aux funérailles célestes de mes parents. J'ai vu leurs corps déchiquetés par les corbeaux, et j'ai gravi la montagne pour voir le lieu sacré où ils emportaient leurs âmes. C'est là, au milieu des empilements de pierres ornés de fanions, que j'ai rencontré le père de tous les corbeaux, une entité à tête de corbeaux avec un corps massif parcouru de milliers d’ailes, de becs, de serres et d’yeux. Et j’ai compris qu’il ne fallait pas essayer de communiquer avec cette chose, qu’il fallait fuir, tout de suite. Et mon patou s’est sacrifié pour couvrir ma fuite. Je ne l’ai jamais revu depuis.

Puis j'ai continué à grandir sous l'égide d'une sherpa qui m'a appris son métier. Ensemble, nous avons gravi le Hohneck, réputé invincible. Mais elle y a laissé sa vie et moi j’ai perdu sa mémoire.

Je me suis réveillé de plein fouet. Cette fois-ci, j'avais dormi dans les habits de Champo pour me préserver du froid. Je ne comprenais pas d'où me venaient ses visions mais j'étais reconnaissant de partager un peu de sa vie.

Le lendemain à presque-aube, j'étais au village, je voulais reprendre mes harangues auprès des paysans, quand bien même j'attendais peu d'écoute de leur part après l'incident d'hier. Les crampes d'estomac étaient de plus en plus violentes mais je n'avais pas toujours pas la tête à manger.

Dans la grand-rue, les lavandières qui allaient casser la glace pour laver le linge. Dans mon état de demi-conscience, j'étais pris de demi-visions. J'avais l'impression qu'elles lavaient des suaires d'enfants. Un prospecteur ambulant criait « Peaux-peaux-peaux de lapins ! ». Je n'arrivai même pas à me concentrer sur l'image mentale écœurante de ces êtres qu'on écorche comme on retrousse un gant, car un détail m'obnubilait. Il n'y avait pas d'hommes. 

Sauf cet acheteur de peaux de lapins, et le Sibylle Henriquet, qui se précipita vers moi : « Marie, Marie ! Ils ont trouvé où sont les Corax ! Ils sont tous partis là-bas ! Écoute, j'ai toujours pensé que t'étais de notre côté. Alors, si tu prends la défense des corbacs, je suis avec toi ! Il faut qu'on les rattrape ! »

Image
Fragment of Sirens, par Icos, du post-hardcore dans la plus grande tension entre lourdeur et mélodie, une âme en peine qui remonte de terre à n'en plus finir.

Je suis monté avec lui sur son cheval et nous sommes partis à toute vitesse vers Fontenoy !

Sibylle a cravaché au maximum de ce qu'il pouvait tirer de la bête sans mettre sa santé en danger, au travers des bois sans forme aux arbres brogneux, des décombres de ce qui fut jadis Bains-les-Bains, sur les dernières langues de goudron aux abords des flots grondants du Coney. 

Arrivés au Moulin Cotant, nous trouvâmes le tracteur du Nono Élie garé en travers de la route. 

« Vous avez rien à faire ici ! »

« Vas te faire voir ! », a répondu le menuisier. Et il a envoyé son cheval par-dessus le talus. Nous avons tracé au travers des fûts bombés de broussins. L'animal agita un moment la patte après avoir écrasé une épine, mais il surmonta sa douleur et ne perdit pas en vitesse.

Nous arrivâmes dans Fontenoy-le-Château par ce détour. Les chasseurs et les troupes de Moretti étaient en train de rafler les habitants. Ceux d'entre eux qui se transformaient en corbeau étaient abattus sur place dès leur envol, et retombaient au sol sous forme humaine, nus et brisés. Et ceux qui n'osaient pas se transformer étaient embarqués.

À voir ce spectacle, des fourmis se mirent à ramper devant mon regard. Je savais à peine quoi faire. Un frisson de fin de temps me parcourait de part en part. Je ne sentais plus l'écoulement du temps, c'est comme si tout ce monde était immobile, et pourtant j'étais incapable de profiter de ce saisissement pour me bouger et prendre l'avantage.

J'ai vu Augure courir dans les ruelles et je l'ai enjointe à monter avec nous. Ni elle ni moi ne pesions guère, et en effet le cheval put supporter nos poids. 

On n'a pu sauver qu'Augure. Elle m'a dit que d'autres s'étaient échappés, mais les voivrais avaient pris une bonne vingtaine d'entre eux, dont des vieillards et des enfants. Des femmes surprises en train de broder, les chasseurs piétinant leur ouvrage. Ils les avaient remportés au village dans des caisses pour qu'ils ne puissent pas s'enfuir sous forme de corbeaux.

J'avais échoué. J'avais totalement échoué.

Au retour aux Voivres, je n'ai pas pu faire grand-chose de plus que de réfugier Augure dans la yourte et de me blottir contre elle pour retrouver un peu de chaleur. 
Je savais qu'il faudrait retourner au village et se battre pour sauver ses frères et sœurs et je ne m'en sentais absolument pas les ressources.


Vingt-Huit de Descendres

Image
Origine(s) part 1, par Nors'Klh (ambient orchestral, lyrique et exotique pour la décadence des grandes civilisations)

C'était au cœur de la nuit brune. J'avais passé la journée à trouver une cachette pour Augure, dont je tairai ici l'emplacement. Je commence à penser que mon journal pourrait me trahir, pourtant je ne peux me résoudre ni à le détruire ni à l'arrêter, je ressens un besoin vital de le poursuivre. Mon identité s'effiloche et seule cette discipline permet de lui conservant un semblant de texture. Cependant, je le garde toujours sur moi, je n'ai pas envie que les soudards de Moretti le découvrent en fouillant la route. Si on me capture, on le trouvera donc aussi et il est possible qu'on me torture pour découvrir ce que le journal cache, mais je suis préparé mentalement à cette éventualité.

Si les nuits sont toujours longues par ici, en hiver, elles paraissent interminables, d'immenses tunnels de froid, de sauvage et d'incertitude où je me tourne et retourne tel une âme en peine.

Je suis à nouveau dans mon château intérieur. Je ne contrôle désormais plus rien de ces visites, ni quand j'y arrive, ni dans quelle demeure. Là, je suis dans les jardins, des pendeloques de glace dégoulinent des branches, et il gèle à fendre les os. Sans crier gare, le ciel vire aux ténèbres et un déluge de choses me tombent dessus. 

Des cloportes, des crapauds et des scolopendres. 

Je veux me réfugier à l'intérieur quand je vois la silhouette d'une religieuse sous un orme. Alors, la curiosité l'emporte sur le dégoût et je vais la voir.

Elle se retourne et son visage est proprement habité. Je reconnais aussitôt celui représenté par la gravure d'un ouvrage que j'ai longuement compulsé.

« Vous êtes... Sainte-Thérèse d'Avila ?

La pluie répugnante qui nous assaille couvre en grande partie ma question et sa réponse.

« Oui, ma Sœur.
- Que faites-vous là ?
- Tu es perdu, mon enfant, je suis venu te guider. Te guider dans ton château intérieur. »

Malgré la peur, l'épuisement, la rage, et par-dessus tout malgré l'acédie qui avait rongé ma foi morceau après morceau, j'ai ressenti un bien-être qui n'avait pas d'équivalent en intensité à part celui des douleurs corporelles que je connais jour après jour. Un bien-être qui se ressentait dans mon corps par une forme de soif inextinguible. La soif de sens, je suppose.

Je lui emboîtai le pas sans plus poser de questions, et nous arpentâmes les demeures de mon château en train de s'effriter, toutes couvertes de vermine et n'en ayant cure.

Nous écrasons des ampoules de sérum moisi sous nos pas. Des louves gravides émergent des fours délabrés et des trous dans les murs. Nous reculons dans le temps, je reviens à notre rencontre et je refuse de la suivre, finalement je la suis, où nous sommes dans un lointain futur, sur les corniches du château, un ange aux ailes de feuilles lance un dard de feu dans le cœur de la Sainte, elle entre en extase mystique.

[passage illisible, écrit en transe]

Nous sommes dans des antichambres, la pollution corrompt les murs. Le marécage nous arrive jusqu'à la ceinture, nous y rencontrons Jésus-Cuit dans sa marmite. Il multiplie les pains de moisissure. Sainte-Thérèse pose sa main sur mon épaule et je sens une sorte d'emprise

[illisible]

J'erre dans la cave à ses côtés. Des échos de l'âge d'or me transpercent les tympans, émissions de radio, crachotis, énumérations, publicités absconses. Des résidus gluants de mes souvenirs achèvent de crever, comme cette masse duveteuse de moisi qu'est devenu Raymond, mon petit frère mort de la rougeole.
La charpente dévore des insectes qui dévorent des plantes, qui mangeant la pierre, qui bouffe la bois, et chaque chose renaît d'une autre en excroissance, par une palingénésie morbide.

[illisible]

La sainte tient mes deux mains. Le château s'effondre tout autour de nous, des racines adventives font éclater les parois et les meubles.
« Dites-moi où est cette corbelle que vous avez cachée...
- Vous n'êtes pas Thérèse d'Avila. »

Je lui déchire le visage à l'opinel.

Derrière la masse de chair en lambeaux, un nouveau visage. Celui de l'inquisiteur.

Et je vois qu'il me craint

[illisible]


Lexique : 

Le lexique est maintenant centralisé dans un article mis à jour à chaque épisode.


Décompte de mots (pour le récit) : 
Pour cet épisode : 1763
Total : 97720


Système d'écriture

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Feuilles de personnages / Objectifs des PNJ :

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Message par Pikathulhu »

LA NUIT D'ORÉE

Dans le jeu de rôle La Cour Corbelle, le MJ peut faire des interparties en solitaire, pour faire évoluer ses PNJ. En voici un exemple, ponctué par les affres existentielles d'une maîtresse de danse. De quoi jeter un œil à travers le rideau de cette cour si secrète.

(temps de lecture : 7 min)

Joué en solo le 19/05/2021

Le jeu : La Cour Corbelle, un jeu de rôle dans la forêt de Millevaux pour se mêler à la noblesse corbeau, jouer, aimer, rêver, apprendre et souffrir avant que sonne l’hallali.

Avertissement : contenu sensible (voir après l'image)

Image
Library of Congress, domaine public

Contenu sensible : nudité, prostitution

Contexte :

La Cour Corbelle prévoit que le MJ puisse jouer en solo entre deux parties, histoire de faire évoluer ses PNJ. J'avoue manquer de temps pour le faire avec assiduité dans le cadre de ma campagne-test, mais j'ai quand même voulu le faire une fois.
J'ai donc décidé d'interpréter le PNJ Orée en personnage principal. Tout a été joué en théâtre de l'esprit, aucune règle n'a été malmenée durant ce solo :) Le décor est amplement assez posé pour le permettre.
Les PJ de la campagne ne sont pas du tout sous les feux de la rampe dans ce solo. Airelle et Cénacle sont tout juste évoqués, et Dissoulde ne l'est pas. Cela me convient, dans l'idée que la vie des PNJ ne tourne pas autour des PJ.
L'exercice était très plaisant. J'avoue que j'ai d'abord joué un peu dans ma tête, puis j'ai développé les événements à l'écrit, ce qui m'a surtout permis de rajouter des détails, les grandes lignes étant déjà posées dans mon esprit.
Je fais de nombreux sous-entendus à des points abordés dans les parties précédentes ou dans le background des PNJ. Il est donc possible qu'un lectorat non informé ne comprenne pas grand-chose, mais je crois que le sel se trouve là justement, dans cette sensation de jeter un œil à travers le rideau.
Il y a peu de Millevaux dans ce solo, encore une fois on prend son temps et l'aspect drama / cour prend le dessus sur l'habituelle horreur organique, mais si vous y regardez plus près, les thèmes de l'animal et du végétal et de la body horror restent bien présents.


L'histoire :

Image
The Hunt, par Ulvesang, un dark folk tout de guitares sèches tendus, un voyage initiatique d’une grande majesté où dort une sombre menace.

C'est la noire nuit. Et je suis seule.

Cette journée ne m'a laissée qu'amertume. Elle s'est déversée dans un sillon déjà profond.

Si j'ai accompli ce que je devais faire aujourd'hui, en libérant Merle de ses apprentissages, et en accueillant Airelle et Cénacle, je n'en tire que de la détresse, de la colère et de la peur.

Je sèche pourtant mes larmes. Ma décision est prise. Je dois m'expliquer avec Airelle et lui donner les vraies raisons. Et le plus tôt sera le mieux.

Je retire mes chaussons de danse avec douleur.

Je me faufile hors de la salle de bal, un véritable repaire de fantômes à cette heure-ci, et je me dirige à tâtons à travers l'ambassade, ma chandelle ne m'éclairant qu'à peine.

Tous ces grands portraits aux murs... Ces statues en gloire... J'en remarque tout le factice et la vanité.

L'ombre qui émerge de derrière un bronze me fait sursauter. Je pense aussitôt à Fantasma et ma dague est déjà sortie de son fourreau.

C'est un visage hideux, dont les ténèbres se réfugient dans les crevasses à la lueur de ma bougie. Iel est en grand costume de chambellan, satin, or et dentelle.

« Geai !
- Je t'ai fait peur ?
- Non... Euh... Si ! Pourquoi erres-tu à cette heure-ci sans lumière ?
- Je fuis les miroirs...
- En... Entendu... Je dois y aller.
- Tu vas peut-être rejoindre un de tes nouveaux élèves ?
- Que... Qu'est-ce que tu vas insinuer ?
- Rien du tout. Tu es libre. Tu as repris ta liberté depuis... l'incident... »

Il lui suffit de mentionner à mots couverts ce qui s'est passé entre nous pour que je perde tous mes moyens. Cela lui accorde un grand pouvoir sur moi et je pense qu'il le sait.

Sa voix... Sa voix éraillée me fait mal.

Il a l'avantage. Il profite de ma tétanie pour relancer la conversation.

« Alors, comment avance-tu sur ton ballet ?
- C'est difficile. Comme tu le sais, j'en suis encore à recruter et former mes danseurs. Il faudra donc élaborer des danses à leur mesure. Et je veux remanier la dramaturgie en profondeur. 
- Je te fais confiance pour remanier les choses en profondeur.
- Je t'en supplie, Geai. Ne remue pas le couteau dans la plaie.
- Ce couteau, c'est toi qui l'a planté.
- Que... Que puis-je te faire ? Que puis-je te dire ? »

Un instant, j'ai senti que j'allais vider mon sac et lui dire tout ce que j'avais sur le cœur. Mais l'instant d'après, je me surprenais à courir comme pour échapper à un tueur.

J'ai ouvert une fenêtre et j'ai sauté au-dessus du labyrinthe végétal. Je me suis transformé en corbeau et j'ai vu ma robe tomber dans les méandres de la végétation. Tant pis.

Prendre les courants ascendants me fait du bien. Je passe devant la lune, au-dessus de la forêt, qui est à la fois cet enfer et notre muraille.

Je me décide à dénicher Merle dans son repère.

Même au milieu de la noire-nuit, de nombreuses lumières sont allumées dans les racines de l'Arbre-Monde qui constituent le village des domestiques.

Je crie à en déchirer le ciel puis je fonds en piqué vers une des fenêtres ouvertes. 

J'y trouve des moinelles occupées à repasser le linge pour le lendemain. Contraste de ces pauvrettes en blouse affairées sur des robes de grand prix. Je reprends forme humaine. Je suis nue devant elle mais je n'en ai cure. Nous autres Corax imposons notre mode de vie et la nudité en fait partie. Elles dérobent leur regard. Parfois, je me demande si les moinelles réfrènent des désirs.

J'explore ce monde où Merle se plaît souvent à rôder. Vapeurs des fers à repasser, cliquetis des métiers à tisser, sueur des travailleurs occupés jusque tard à satisfaire tous nos désirs. J'évalue un instant le plaisir canaille que mon ancien élève doit y éprouver.

« Voilà un ange tombé au milieu des vilains petits canards. »

Cette voix vient de nulle part et quand Merle se tient devant moi, je réalise qu'il a dû passer par un des nombreux passages secrets qu'il a fait installer dans cet entrelacs de demeures serviles.

Les moineaux et les mésanges, tous perclus de fatigue qu'ils sont, ne font pas attention à nous. J'ai même l'impression qu'ils se détendent après une dure journée, j'entends des plaisanteries entre eux, je les sens exister tout simplement, ce qu'ils ne s'autorisent normalement pas à faire en notre présence.

Merle me fixe avec ardeur comme à son habitude. Je n'aime pas son visage d'enfant farceur avec son maquillage morbide. J'espérais secrètement que dans son domaine et à la noire-nuit, il soit plus naturel. 

Il me tient la main. J'ai des éclairs de nos danses, devoir harmoniser mon corps à son corps d'enfant, composer avec sa légèreté, avec sa fougue. Je sens dans ses doigts la tension entre masculin et féminin qu'il se refuse à résoudre.

« J'ai à te parler, Merle. Je te dois des explications.
- Dans ce cas, faisons les choses comme il se doit. »

Il hèle des moineaux afin qu'ils m'habillent. Ce moment passé à l'écart de lui (à moins qu'il ne me surveille depuis une cache) me fait du bien. Je me laisse vêtir sans mot dire, je deviens cette sorte de poupée qui n'a plus besoin de se réfléchir et de me tourmenter.

Merle a choisi pour moi une robe bleue tout en volumes, avec des flots et des vagues aux bras et aux épaules. Alors que nous sommes attablés sous la lumière couvante des candélabres, son regard s'attarde un instant sur ma plaque sternale à nu, dont les ombres dessinent une maigreur que je sais parfaite. Il y a tout un festin de viandes et de vins, je ne toucherai à rien et il le sait, ça le fait sourire.

« Tu sais... Si je t'ai rendu ta liberté... Je ne t'ai pas dit toutes mes raisons. »

Il me fixe avec une intensité qui me fait peur. Pourtant, c'est lui qui devrait avoir peur de moi.

« Je... Je ne suis pas de bonne compagnie et tu le sais, Merle.
- Et alors ? Tu veux me protéger de toi, c'est ça !
- Écoute, Merle, tu n'es qu'un...
- Qu'un enfant, c'est ça ! Je ne suis pas un enfant, et tu le sais ! Je n'ai pas besoin de ta compassion...
- Tu veux faire tes preuves, mais tu les as déjà faites. Nous savons tous ce que tu vaux, et qui furent tes parents...
- Ce que je veux, c'est vivre ! Ce que je veux, c'est être pris au sérieux !
- Et crois-tu que tu le seras en jouant avec le feu !
- C'est ce que nous faisons tous. Jouer avec le feu. Moi aussi j'y ai droit.
- Tout... Tout cela n'a rien d'un jeu.
- Il faut bien que ça en soit un. Car sinon, cela n'aurait aucun sens.
- Merle. J'ai fait une erreur en venant te voir. Bonsoir. Prends soin de toi...
- Bonne nuit, Orée. Mais arrête de vouloir panser les ailes que tu as toi-même brisées. »

Mais quand je le quitte, je sens que c'est moi qui suis brisée. D'une certaine façon, il a gagné. Ce petit tyran ironique a réussi à devenir une victime. Encore une fois, c'est moi la méchante.

J'erre dans les coursives chaudes et les clairs-obscurs des demeures domestiques. Enfin, je croise une rouge-gorge, elle s'arrête sur mon passage. Elle n'est pas en tenue de courtisane, mais porte quand même des habits de charme. Sa gorge enfle et décroît avec sensualité. Voilà qu'elle roucoule :
« Vous avez l'air accablé, votre excellence. Je rêverais de faire quelque chose pour vous soulager. »
Son parfum, capiteux, évoque des nectars exotiques. Son œil est noir avec des feux rouges autour. Elle tourne la tête, on sent que ses plumes sont douces sans même avoir besoin de les toucher. Je ne peux détacher mon regard de son bec verni.

« Je suis lasse., me surprends-je à lui répondre.
- Alors je veux être votre nid de réconfort. », dit-elle.

Plus tard, je me réveille à ses côtés, dans un lit garni de pétales de rose. Je vois son corps nu, une boule de plumes rouges. Elle a l'air moins tendre, moins belle que hier soir. Je sens sur moi toutes les séquelles de cette nuit.

Je me lève. 

Sans m'habiller et sans dire au revoir, j'ouvre la fenêtre et je m'envole pour m'arracher à tout ça.
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LA CURÉE

Le dernier épisode du roman-feuilleton Millevaux ! L'équivalent de 400 pages ! Un immense merci d'avoir suivi cette épopée post-folklorique pendant tout ce temps ! Je serai ravi de connaître vos impressions sur ce premier jet !

(temps de lecture : 7 minutes)

Joué / écrit le 21/05/2021

Le jeu principal utilisé : Bois-Saule, jeu de rôle solo pour vagabonder dans les ténèbres sauvages de Millevaux

N.B. : Les personnages et les faits sont fictifs.

Le projet : Dans le mufle des Vosges, un roman-feuilleton Millevaux et une expédition d’exorcisme dans le terroir de l’apocalypse.

Précision : ces feuilletons sont des premiers jets, donc beaucoup de coquilles demeurent. Merci pour votre compréhension.

Avertissement : contenu sensible (voir détail après l’image)

Image
Paul Delaroche, domaine public

Contenu sensible : nudité, mutilation, tuerie


Passage précédent :

55. La rafle
Un acte grave coincé entre deux rêveries folles. (temps de lecture :  7 minutes)


L'histoire :

Vingt-Neuf de Descendres

Image
S/T, par Myrkur, du black métal avec un chant féminin cristallin et nordique, une élégie qui souffle le froid et la glace.

C'est avec dégoût que je découvre la vraie raison d'être de ce journal. Tout me conduisait à rendre compte du misérable rôle que j'allais jouer dans cette tragédie.

Tout le récit précédent n'était donc là que pour conduire les historiens aux lignes qui vont suivre, que j'ai temps de peine à coucher sur le papier, serrant mon calame à m'en faire saigner les paumes, conscient cependant qu'aucun stigmate ne viendra apaiser ou compenser l'horreur dont je fus complice.

Augure voulait se battre. Mais je l'en ai dissuadé. J'ai soupesé vingt fois l'opinel dans ma main, et j'ai jugé que nous n'étions pas de taille. Je lui ai dit de se cacher dans les ravines, la yourte n'était pas un bon refuge.

J'ai fait ce que j'ai cru bon de faire. J'ai repris ma robe de religieuse et je suis allé voir Moretti.

J'ai traversé le Moulin aux Bois alors que le hameau se couvrait d'un blanc pur. Il neigeait enfin. Quelle ironie !

J'ai trouvé l'inquisiteur à l'église. Comme je l'avais pressenti, il préparait le procès des Corax. Alors je me suis proposé comme avocat de la défense.

Cette parodie a duré jusqu'à la nuit-brune. Je m'attendais... A quoi m’attendais-je ? Je m'attendais à avoir mes chances. J'avais ma passion pour moi, je pouvais témoigner de l'aide qu'Euphrasie nous avait apporté, je pouvais témoigner que les corbeaux avaient vaincu la Mère Truie. Je pouvais témoigner qu'ils avaient une âme humaine.

Je m'attendais à ce que ma rage parle pour moi, parle pour eux.

C'est une épreuve que j'ai vécu à moitié absent, hanté par les réminiscences des rêves qui m'obsèdent depuis que j'ai connu la chiffonnière, ces fièvres nocturnes, les échos des horreurs dites sur moi, et la matin chaque réveil, fourbu, des plumes noires dans mon lit.

L'église empestait la fiente de pigeon, alors même que ceux-ci avaient été tués par les corbeaux depuis belle lurette, s'est-on bien empressé de me le rappeler. On entendait le merle redire la messe en bruit de fond. L'endroit n'appartenait déjà plus aux humains.

J'avais comme l'impression d'être prisonnier d'une boucle temporelle, les minutes du procès duraient des heures. 

Au fur et à mesure que je plaidais, sachant à peine ce que je disais, les lianes rampantes du trouble croissaient dans mon esprit. Je sentais dans mes propres tréfonds que tout ceci était un piège, et je m'échinais à en deviner la nature.

L'inquisiteur poursuivait sa procédure, sans se fatiguer ni perdre mon calme, et je sentais bien que je n'avais aucun sang-froid, et que ma colère ne convainquait personne.

Ils ont fait témoigner les vingt prisonniers, les hommes, les femmes, les enfants. 
« Est-il vrai qu'au jour de votre naissance, vous héritez de la mémoire de vos parents, et avec celle-ci, la mémoire des parents de vos parents, et ainsi de suite sur des générations ? », leur demanda Moretti.

Ils jouèrent la carte de la transparence, et racontèrent tout ce qu'ils avaient enregistré, l'arbre généalogique mémoriel qui peuplait leurs crânes, ils avaient des anecdotes très vives sur leurs arrières-grands-parents et arrière-arrière-grands-parents, en fait ils remontaient jusqu'au temps d'apparition de leur race, juste après la catastrophe qui sonna le triomphe de la forêt et la chute de la race humaine.

« Ainsi donc, vous avez volé la mémoire des humains ! », clama l'inquisiteur.

Mais je n'en arrivais pas à la même conclusion. Je tus mon désarroi, car il n'apporterait rien à mon camp. 

Toutes ces mémoires...

Elle se contredisaient.

Comme si le passé n'était que fiction. Même pour eux.

Le jury délibéra. Attendu que les prisonniers n'avaient pas participé à la destruction des germes, il retint l’acquittement.

En gage de bonne volonté, l'inquisiteur relâcha Sœur Robert. Elle se jeta dans mes bras. Elle était devenue toute sèche, mais son âme avait tenu bon. Nous sortîmes sous la neige, un frai d'étoiles dans les ténèbres.

J'ai cru m'en tirer à bon compte. J'ai même remercié le Vieux, Jésus-Cuit et l'Esprit-Chou

J'ai cru avoir fait le bon choix.

Quelle sottise !


Trente de Descendres

Image
Hyperion, par Krallice, un black metal spatial et instrumental, lumineux, intense et habité.

La faim est l'arme du malin

La nourriture est péché

Ne pas manger

Contempler dans le miroir

La maigreur de mon corps

Une victoire

Ce sont ses pensées qui me venaient à l'esprit alors que nu, dans la yourte, j'inspectais mon corps avec la glace qui servait à Champo pour se raser.

C'est ainsi que m'a surpris Augure, tapant à la porte sous forme corbelle, croassant de toutes ses forces. Je lui ai ouvert sans prendre la peine de me vêtir. Aussitôt, elle se transforma en humaine, brutale fleur de chair en éclosion accélérée. 

« Il faut que tu viennes au village ! Tout de suite ! »

Elle était nue. Elle était plus belle que je ne serai jamais. Elle m'a fixé avec une intensité qui m'a brisé l'âme. Puis elle s'est retransformé en corbelle et a fait volte à tire-d'aile.

En toute hâte, j'ai repris les habits de Champo, et un manteau pour Augure.

Dehors, la sente qui partait depuis les yourtes à travers la sylve jusqu'au Moulin aux Bois était immaculée, escompté les molles traces de mon retour aigre-doux de la veille, et les empreintes des serres de la chevêchette à la recherche des tunnels de campagnols sous la neige.

J'ai couru comme j'avais je ne l'ai fait, je tombais dans la neige, je me relevais, mes os étaient comme du verre et mon ventre était un gouffre brûlant.

Avant d'aller plus loin, je dois préciser une chose. Je voudrais reparler de la Bernadette. Il a dit à plusieurs reprises vouloir nous aider, mais hormis la confrontation avec le fils Soubise aux Feugnottes, elle n'en avait rien fait. Elle s'était juste vanté, elle avait prise de force mon amie la Sœur Jacqueline, et quoiqu'elle puisse dire de l'amour qu'il existait entre elles, et quelle bénédiction soit-elle que la (re)venue au monde de Raymond, je lui en voudrai toujours. 
Mais elle m'a quand même aidé. En me confiant la jusquiame.

Quand je suis arrivée au pied de l'église, il faisait un vent à décorner les cocus, charriant la neige su bien qu'on n'y voyait qu'à peine. Et malgré cela, tous les villageois étaient réunis sur le parvis. Une estrade avait été montée pour que personne ne loupe une miette du spectacle. 

Enchaînés et encordés les uns aux autres, les prisonniers de Fontenoy. Le premier d'entre eux était monté sur l'estrade. Un soudard lui tenait les bras sur un billot. Et un autre, encagoulé, portait une hache de bûcheron. Les chasseurs, Nono Élie en tête, encadraient les condamnés. Au premier rang, l'Onquin Mouchotte savourait d'assister à la curée.

Le Sibylle Henriquet et la Mélie Tieutieu étaient parmi les curieux. L'horreur se lisait sur eux.

Cette merdre humaine de Moretti. Il avait trahi sa parole, et trahi les procédures mêmes du tribunal inquisitorial.

« Hommes-corbeaux ! Vous êtes accusés d'être l'engeance du Malin. Vous avez causé la ruine de ce village. Il est temps de recevoir votre juste châtiment ! »

J'avais avisé Augure derrière un hêtre, je lui ai donné le manteau, et elle a couru se mêler à la foule avec moi.

Le maire Fréchin a fendu la masse des badauds comme un sanglier force un barrage. « Arrêtez tout de suite ce carnage, au nom de la loi ! »
Mais ça n'a pas suffi. Les chasseurs l'ont accablé de coups de crosse, et celui qu'on croyait invincible s'est retrouvé à terre. Le Nono Élie jubilait. Il se voyait bien être le prochain maire.

« Qu'on leur coupe les ailes ! »

L'homme sur le billot hurla, implora grâce. C'était impossible d'y voir un corbeau. C'était juste un gars moustachu en chemise traditionnelle vosgienne. Tout au plus avait-il ce regard dur et ce nez aquilin qu'on pourrait attribuer à ceux de sa race.

Je me tournai vers Augure, et je n'entendis qu'un battement d'aile. Déjà, elle retombait, nue sur l'estrade, pour combattre auprès des siens.

La hache est tombée, tranchant net le bras du supplicié. Et déjà elle remontait. Le Nono Élie a braqué sa carabine sur Augure.

J'ai vu comment tout cela allait finir. Alors, foutu pour foutu...

J'ai sorti mon journal de ma besace. Je l'ai ouvert. J'ai pris la jusquiame séchée et je l'ai enfourné dans ma bouche. C'était la première fois que je mangeais autre chose que de l'hostie.

Ce qui s'est passé ensuite est indescriptible.

Je me rappelle juste de la douleur, la grêle de coups qu'on m'a porté. Mais ça finit toujours par partir. On finit toujours par s'y habituer.

Je me souviens avoir frappé, sans même savoir qui je visais, sans savoir faire la différence entre ma lame et mon poing, j'ai frappé à m'en briser chaque jointure.

Il y a eu un vol massif de corbeaux, à recouvrir le ciel.

Le clocher s'est écroulé.

Il me semble que j’ai survécu juste parce que mon histoire voulait être racontée.





C'est ainsi qu'ils sont morts.



Moretti.

Et ses soudards.

Le Nono Élie.

Et l'Onquin Mouchotte.


C'est ainsi qu'Augure a pu s'envoler avec les siens. 

Et moi de vivre avec le regret d'avoir le cœur trop sec pour l'avoir aimé.



Je suis resté aux Voivres.

Sœur Robert attend les enfants, c'est le jour de l'école.


Un homme avec un blouson élimé et une casquette de travers tient une corde à nœud pour guider les mômes soir et matin à travers la forêt. Son visage, buriné par le temps. Les yeux en amande et la barbe de trois jours. Il tire de sa lippe brûlée une dernière taffe de sa cigarette de foin.

C'est moi. C'est qui j'ai décidé de devenir.


Le monde ne s’effondre pas mais se rétrécit, toutes nos perspectives de fuite dans l’espace et dans le temps s’obstruent. Pourtant, l’espoir perce-neige


[L’histoire ne se termine pas. Ainsi finit le carnet mémographique de Sœur Marie-des-Eaux. Les dernières pages ont été arrachées.]


Lexique :

Le lexique est maintenant centralisé dans un article mis à jour à chaque épisode.


Décompte de mots (pour le récit) : 
Pour cet épisode : 1813
Total : 99533


Système d'écriture

Retrouvez ici mon système d'écriture. Je le mets à jour au fur et à mesure.


Feuilles de personnages / Objectifs des PNJ :

Voir cet article
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

SOLITUDES CROISÉES

Suite de la campagne Millevaux Mantra. Quand l’errance de vagabonds désespérés ne finit jamais par se rencontrer. Un récit et une partie enregistrée par Claude Féry

(temps de lecture : 3 min ; temps d'écoute : 2h53)

Session jouée le 31/08/19

Le jeu : La Stèle au cœur des plaines, un jeu de rôle d'errance post-soviétique par Côme Martin

Lire / télécharger partie 1 (1h40)
Lire / télécharger partie 2 (1h13)

Image
alex yosisof, cc-by-nc-sa

Les photos suivantes sont de Claude Féry, par courtoisie.


L'histoire :

La session proposée cet après-midi était comme trop souvent un peu trop ambitieuse.
J'envisageai une plongée dans Millevaux Mantra suivie d'une séquence de la Stèle au cœur des plaines.
La première partie de la session a consisté en la plongée dans un puits aux âmes pour échapper à une menace surgie dans leur Millevaux, vue successivement par chacun des personnages. 

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La seconde a consisté à envisager l'émergence dans un nouveau monde sous la teinte de Millevolodine.
Sur ce point nous avons plongé chacun dans nos turpitudes sans parvenir réellement à croiser nos préoccupations.
Les autres joueuses ont été très créatives.
Elles ressortent satisfaites de la session.
Merci Côme pour cet excellent jeu

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Réponse de Côme Martin :

Merci à toi d'y avoir fait jouer !

Claude :

Afin de livrer un commentaire un peu plus étoffé sur notre réception de ta création, Côme, je dois préciser que nous n'avons pas l'habitude, à ma table, de l'offre de partage d'autorité narrative que propose Inflorenza

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Aussi, après une première lecture par mes soins, et une relecture individuelle par chacune des joueuses des cartons d'instructions, nous avons commencé (après avoir toutefois convenu que nos personnages seraient ceux que jouions dans la session précédente, contaminés par une Russie fantasmées post atomique) à évoquer des errances parallèles quoique menées de concert. 
J'ai pris la première instance avec un figurant croisé auparavant, Anatole, devenu pour les besoins de la cause Anatoli Kameniev. 

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Et d'emblée, sur les suggestions des cartons d'instructions, le ton s'est affirmé sur un mode désespéré. 
Ma contribution, un peu longue a probablement plombé l'ambiance. Et chacune des instances suivantes avait une teinte de souffrance et d'espoir absent. 
Chacun est demeuré dans sa souffrance, sans que nous nous rencontrions, même si nous intégrions les apports des autres joueuses. 

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Cela tient également à l'intensité avec laquelle nous recevions, ce que nous pourrions qualifier comme confidences, de nos compagnes de voyage. 
De fait, notre cheminement aurait pu être Solitude auquel on adjoint le pluriel, Solitudes donc, pour reconnaître nos efforts de conjugaison. 

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Même si nous avons raté le coche, le ressenti autour de la table était très positif. 
Beaucoup d'émotions et de plaisir éprouvé à la découverte de ce cheminement dans les plaines. A cet égard, Gabrielle et Alexane ont souligné la force évocatrice des cartons de décor.

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Thomas :

Merci beaucoup pour ce retour ! J'ai quelques questions :
A. Y aura-t-il un enregistrement audio ?
B. Tu précises que votre table n'est pas habituée à la narration partagée d'Inflorenza. J'aimerais préciser deux choses : Inflorenza dispose aussi d'un mode avec MJ si besoin. Et La Stèle au Coeur des Plaines est un jeu à part, ce n'est pas un théâtre pour Inflorenza. Même si Inflorenza dispose désormais d'un théâtre, Millevolodine, à l'ambiance très proche et qui, il me semble, cite La Stèle au Coeur des Plaines dans ces inspirations. Mais je pense que tu sais cela puisque je n'ai pas l'impression que vous ayez utilisé les règles d'Inflorenza. Avez-vous utilisé les éléments du théâtre Millevolodine ?

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C. La Stèle au Coeur des Plaines propose de jouer les relations entre personnages, mais, à mon humble avis, n'est pas vraiment outillé pour (les cartes aidant surtout à décrire des décors et des rencontres avec des figurants). Partant de là, je ne suis pas étonné que vous ayez obtenu un récit de solitudes croisées. Je me demande ce que @Côme préfère comme résultat au final. Les solitudes croisées, ça peut être bien aussi.

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Claude :

A. Oui il y a un témoignage audio, mais j'hésite encore à le diffuser, à savoir est il pertinent au regard du jeu.
B. Je me référais à l'offre de jeu d'inflorenza, considérant, après la mise en jeu qu'il devrait y avoir un plus grand niveau d échange au sein de chaque instance
B. nous avons lu le théâtre après la mise en jeu

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Côme :

Oh moi tout me va, tant que les gens autour de la table sont contents ! J'ai tendance à penser que les relations entre personnages vont émerger naturellement, mais c'est vrai que ça demande peut-être un groupe rodé à ça. Cela dit, que ce soit par petites touches comme dans un film russe un peu lent c'est très bien !

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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LE TOMBEAU DES LIVRES

Aventures dans un théâtre poétique de Julien Pouard où la Bibliothèque Nationale de France est devenue une jungle littéraire.

(temps de lecture : 5 min)

Le jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 07/10/2017 à la convention Octogones, à Lyon

Personnages : L'Archiviste, Kobo l'enfant fanatique, Boucle, Dahlia, Le Désherbateur, Exuvie

Image
Mark Hauer, cc-by-nc, sur flickr


Le théâtre

Le tombeau des livres est un théâtre de Julien Pouard qui prend place dans les ruines de la bibliothèque nationale de France. L'égrégore et l'oubli ont plus ou moins donné corps aux livres, des horlas littéraires apparaissant. La végétation est devenue livresque : les feuilles des arbres sont des pages, des livres poussent sur les lianes, etc...


L'histoire :

Boucle, un homme d'une cinquantaine d'années,  porte des cicatrices de ronces sur les bras. Avec ses outils, il récolte des plantes. Il cherche sa fille qui s'est transformée en monstre alors qu'elle se promenait. Maintenant, elle s'appelle Dahlia, la fille végétale.

Le Désherbateur est un barbu qui porte un pulvérisateur corrosif dans le dos. Sa mission : éradiquer la forêt qui progresse autour de la bibliothèque nationale.

Exuvie est un homme. Pour lui, le lierre qui prend la bibliothèque d'assaut incarne l'avenir, il « mange » les livres que nous ne pourrons plus lire. Le lierre nous transmet le savoir. Il n'existe qu'une seule issue pour notre salut : la fusion du lierre et de l'homme.

L'Archiviste est maigre, pâle. Cet homme entre 40 et 50 ans vit avec Exuvie dans la bibliothèque et s'est donné pour mission de protéger les livres.

La bibliothèque est jalouse de son contenu, elle est devenue vivante, douée d'une sorte de volonté propre et elle n'accepte pas que le savoir la quitte : Kobo est un orphelin qui a quitté la ville pour se réfugier dans la Bibliothèque. Comme d'autres enfants, il a passé un pacte avec la Bibliothèque. En échange de la protection de celle-ci et du libre accès aux livres, Kobo s'engage à protéger la Bibliothèque et à empêcher le vol ou la destruction des livres. Kobo veut devenir celui qui récupère le plus de livres car à chaque fois qu'il montre à la Bibliothèque qu'il la protège, il renforce son lien avec elle et gagne des pouvoirs : il peut se dissimuler dans la végétation, il guérit plus vite de ses blessures...

Dans la bibliothèque, Exuvie rencontre Langage, une écolière. Sa présence est tolérée ici en tant que lectrice. En ce moment, elle lit « Le Petit Prince des Agneaux »

Exuvie écrit une prière à la Mère Bibliothèque :
« Notre Mère qui êtes la Source
Que ta connaissance prenne corps
Que tes savoirs se dispersent
A travers le lierre
Pardonne-nous nos errances
Accorde-nous tes lumières »

Alors que la forêt mène la charge contre la bibliothèque, tous vont s’entre-déchirer au cours de combats épiques, avec des enfants aux pouvoirs mentaux ou armés de shotguns, au service de la bibliothèque ou en rébellion contre elle. Comme de bien entendu, tout cela a fini dans le sang, la métamorphose et la destruction.


Feuilles de personnages :

Exuvie :
+ (barré) Je veux la connaissance du lierre pour l'homme
+ (barré) Je suis l'interprète des désirs de notre Mère, la Bibliothèque
+ (barré) Ma chair est lierre.
+ (barré) Les souffrances de la Bibliothèque sont miennes.

Le Désherbateur :
+ (barré) Je veux que par mes larmes fertiles tous les enfants disparus reviennent à leurs êtres chers
+ (barré) Je travaillais comme agent d'entretien à la BNF
+ (barré) La bête littéraire avance dans le parc.

Dahlia :
+ (barré) Je veux détruire la BNF avant que mon père me rattrape
+ (barré) Je peux utiliser mon pouvoir dévastateur en tirant mes fleurs

Boucle
+ (barré) Je veux retrouver une fille qui s'est transformée en monstre sous mes yeux.
+ Je me sens perdu face à la détresse du Désherbateur
+ (barré) J'espère que l'Archiviste rattrapera ma fille, quel qu’en soit le prix
+ Je suis en parfaite osmose avec la forêt.

Kobo
+ Thème : Amour / Jalousie. La bibliothèque est jalouse de son contenu, elle est devenue vivante, douée d'une sorte de volonté propre et elle n'accepte pas que le savoir la quitte : Kobo est un orphelin qui a quitté la ville pour se réfugier dans la Bibliothèque. Comme d'autres enfants, il a passé un pacte avec la Bibliothèque. En échange de la protection de celle-ci et du libre accès aux livres, Kobo s'engage à protéger la Bibliothèque et à empêcher le vol ou la destruction des livres. Kobo veut devenir celui qui récupère le plus de livres car à chaque fois qu'il montre à la Bibliothèque qu'il la protège, il renforce son lien avec elle et gagne des pouvoirs : il peut se dissimuler dans la végétation, il guérit plus vite de ses blessures...
+ Pouvoir : J'empoisonne quand je touche.
+ Souffrance : Je déteste les livres

L'Archiviste :
+ Je suis un ancien archiviste de la Bibliothèque, reconverti en chasseur-traqueur.
+ (barré) Je veux débusquer ce horla mi-humain mi-végétal qui rôde dans les ruines de la ville. Pour quoi faire, je ne sais pas encore, mais je suis convaincu que cette entité est importante (10-la ville)
+ (barré) J'ai compris que la terre pouvait être contaminée par le produit désherbant et que cela perturbe les capacités de Dahlia (8-profondeurs)


Commentaires :

Mise en jeu :
+ J'ai fait jouer en Carte Blanche avec des tours.
+ Il s'est passé beaucoup d'événements durant cette courte partie, mais la mémoire me fait hélas défaut ! Je me suis donc concentré sur l'essentiel. Les feuilles de personnages peuvent donner un aperçu.

Retours de l'équipe :

Joueur de l'Archiviste :
+ J'aime les phrases. 
+ Très sympa. C'était ma deuxième immersion dans l'univers de Millevaux car j'ai fait du Millevaux Sombre hier soir. L'ambiance était différente. Là, j'ai plus compris la notion d'égrégore. J'ai plus ressenti l'ambiance de Millevaux.
J'ai ressenti la même immersion que dans Ho'oponopono (Le joueur a également participé à ma démo d'Ho'oponopono intitulée Après le typhon)
A partir d'un thème qui me laissait perplexe, je suis rentré dans le truc très rapidement, avec le fait que l'histoire se mette en place.
+ J'aime beaucoup le tirage de thèmes qui relient beaucoup à l'univers et au scénario.
+ Je suis pas convaincu de l'intérêt de l'ordre contraint des tours. [Réponse de Thomas : on peut utiliser des jetons de tour]. [Réponse du joueur : ou une branche]

Joueuse de Boucle :
+ C'était vachement cool.
+ Rajouter des éléments d'univers en cours de partie, c'est génial.

Joueur de Dahlia :
+ On est pas dans le dialogue RP, on exprime davantage le ressenti des persos.

Joueur de Kobo :
+ On est allé à l'essentiel le plus souvent.
+ Le système est pas contraignant. C'est tellement vaste que ça en devient effrayant.
+ Le démarrage est un peu dur. Mais après t'es complètement dedans.
+ [en cœur avec le joueur de l'Archiviste] Par moments, on se sentait exclu en attendant le tour de notre personnage.
+ J'ai eu l'impression de regarder un film sans connaître le titre ou la bande-annonce et tu as le plaisir de tout découvrir. [Joueur de l'Archiviste : Mais ça converge.]

Joueur d'Exuvie :
+ Le fait qu'il y ait un MJ, ça a aidé.
+ Les contraintes permettaient d'avancer.
+ Vu qu'il faut beaucoup écouter, il ne faut pas jouer plus de 2H, 2H1/2.
+ Tout est possible, mais le MJ est là pour cadrer, comme quand tu as mis des adversaires pour pousser au cul.

Joueur du Désherbateur :
+ C'était ma première partie de Millevaux et de jeu de rôle alternatif. J'ai adoré
+ J'espère que j'ai pas trop parlé. [les autres le rassurent]
+ Le rajout d'éléments d'univers en cours de partie, ça oblige à écouter.
+ J'ai ressenti des émotions rares en jeu de rôle.
+ La création de liens entre les personnages, c'est bien.
+ Dès le départ, j'avais un objectif de joueur, réconcilier la nature et les livres, ça a dérapé mais ça ne m'a pas dérangé, l'histoire est plus riche que ce qui était prévu au départ.
 
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Message par Pikathulhu »

L'ENFANT DE LA BÊTE

Une micro-partie toute en animalité. Un récit par Nitz !

(temps de lecture : 1 min)

Joué le 25/10/19 sur Discord avec l'application forthedrama

Le jeu : Oriente, perdre ses repères en traversant la forêt de Millevaux

Image
philatz, cc-by-nc, sur flickr

Descriptif :

Une partie en 1h top chrono à 4 avec Saya Belfeuil Moklo et Nitz. 2 questions chacun.e et l'épilogue. C'est très ramassé, on va à l'essentiel. On aurait aimé développer certaines choses. Nous avons choisi le Cornu à la Lune Rouge parmi les portraits pour être notre Oriente. 

L'histoire :

Oriente nous a rejoint avec ses belles paroles et sa science. Il nous guide sur le chemin. Cela nous a orienté vers une histoire de grossesse au sein d'une société tribale, avec des frontières floues entre les humains et les bêtes. Quand la lune est grosse et rousse des animaux géants parcourent le monde et répandent leurs fluides sur les humains. La semence engrosse les femmes et la salive vole les souvenirs. Lors l'enfant naît il déchire les chairs avec ses cornes, et la grande louve le reconnaît. Nous chassons Oriente. L'enfant sera notre nouveau guide.
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Message par Pikathulhu »

ABÎME

La campagne officielle de Colonial Gothic jouée en speed run et en narratif pur ! Un concentré d'horreur végétale et de techniques de jeu diceless.

Le jeu : Colonial Gothic, guerre, exploration et horreur dans la Nouvelle France du 18ème siècle. 

Joué le 07/10/17 à la Convention Octogones

(temps de lecture : 5 min)

Image


Le contexte :

A l'occasion de la convention Octogones, Batronoban m'a proposé un défi un peu fou : faire une démo de Colonial Gothic... sans les règles ! Je n'ai jamais trouvé l'occasion de savoir pourquoi exactement il voulait faire cette expérience, mais j'ai relevé le gant.

J'ai décidé de maîtriser la campagne Abîme, qui est la campagne officielle de l'édition francophone.  Rédigée par Trickytophe, cette campagne de 60 pages A4 propose de vivre à la fois la progression des guerres coloniales, et la montée de l'horreur dans la belle province, une horreur intimement liée à la forêt maudite des Mille-et-un-Vaux, autrement dit la transposition de Millevaux dans l'univers de Colonial Gothic.
La campagne de Trickytophe est très réussie dans son genre, très évocatrice, les figurants principaux sont vraiment intéressants, l'ambiance et les descriptions sont à couper le souffle. Elle est assez dirigiste, mais c'est ce qui lui permet d'installer une ambiance et il est ma foi possible de l'entrelarder avec des séances plus libres.

Comme les défis vont par deux, j'ai proposé de maîtriser les quatre actes de cette campagne... en une après-midi ! Là aussi le défi fut relevé (j'ai juste zappé la majeure partie de l'acte III, consacrée au siège de Québec).

Je ne vais pas vous relater la fiction, car ce serait allégrement spoiler la campagne de laquelle je me suis tenu très proche.

Je vais plutôt vous relater toutes les menues techniques employées pour jouer sans règles et faire tenir une campagne entière en une après-midi.

Tout d'abord la création de personnage :

Je l'ai réduite à sa plus simple expression. J'avais une équipe de 4, j'ai demandé à avoir deux colons et deux natifs (dont un métis), d'avoir deux personnages mentalement aguerris (ils ont vu des horreurs naturelles et surnaturelles, mais du coup il en faudra beaucoup pour être impressionnés, au risque de vraiment perdre les pédales en cas de nouveau traumatisme majeur) et des personnages psychologiquement naïfs (qui risquent de craquer au premier événement horrifique), ce qui m'a donné une façon binaire de gérer la santé mentale. J'ai demandé des professions variées, ce qui a donné :

+ Noriko Shaman montagnaise « J'ai déjà croisé les monstres qui hantent les forêts... »
typée inuit, petite, dans la trentaine, longues tresses noires
(pas forcément déconnant car il me semble que les inuits étaient également présents à Québec dès cette époque et que les Montagnais sont plus ou moins une tribu cousine des Inuits)

+ Stanacola, coureur des bois, français, bourru, « habitué » aux trucs bizarres. Son fils Billy est mort dans un accident de chasse
barbu, âgé, bourru, peu social

Il y avait aussi un prêtre tout juste arrivé de France (dont plutôt naïf, sa foi aura l'occasion d'être remise en question face aux horreurs des Mille-et-un-Vaux et à la façon dont les prêtres locaux ont géré ça), et un métis urbain, tiraillé entre ces deux appartenances.


La partie :

Pour m'assurer de jouer un maximum de la campagne, je me suis concentré sur ce qui importait le plus à mes yeux : les passages liés aux Mille-et-un-Vaux, et notamment ceux centrés sur les deux figurants principaux, Robert Campagne, le « boss » des personnages, et sa protégée, la jeune médium Diane. Concernant les événements moins liés aux Mille-et-un-Vaux (bien que les Vaux, par effet de l'égrégore, fassent écho à tout ce qui se passe dans la Province de Québec), je me suis concentré sur ce qui concernant un autre figurant important : le maréchal de Montcalm, qui me semble incarner un certain sens de l'honneur français qui sera terrassé par la perfidie anglaise (comprenons-nous bien, je tire mon analyse de la campagne et non pas des faits historiques, n'ayant allé rien vérifier, ou plutôt mes quelques vérifications tendant à me faire penser que l'extrême violence était dans tous les camps, français comme anglais, colons comme natifs).

La réussite de l'expérience a majoritairement tenu au fait que j'ai été transparent sur mes intentions avec l'équipe de jeu. Je leur ai dit que la campagne était dirigiste et que j'allais énormément accentuer ce dirigisme pour gagner du temps. Donc les personnages obéissaient aux consignes sans poser de questions, et l'équipe suivait également mes indications sans discuter. Je dois encore ici remercier tout le monde pour cet effort collectif !

Les textes d'Abîme sont très exhaustifs, très descriptifs, et j'en ai lu des passages entiers à voix haute en adaptant juste vite fait au langage parlé, ça m'a également permis d'aller plus vite. Les phases d'enquête ont été littéralement lues plutôt que jouées pour emmener directement l'équipe aux scènes intéressantes.

Maintenant expliquons comment j'ai pu me passer des dés et des feuilles de personnages.

J'ai employé plusieurs techniques sans hasard et sans prises de notes. 
J'ai considéré que les personnages n'avaient pour états physiques que : indemne, blessé, à l'agonie ou mort. Idem pour l'état mental : indemne, crise passagère, durablement perturbé, fou. On peut dire que les personnages naïf démarraient à « indemne » et les personnages vétérans démarraient à « durablement perturbé » mais qu'il leur en faudrait beaucoup pour passer à « fou ». Je ne l'avais pas formulé aussi clairement durant la partie, mais l'idée était là.

Le combat était basé sur les réflexes réels de l'équipe. Concrètement, quand un adversaire ou un monstre attaquait par surprise, je lançais des boulettes de papier sur les joueuses, une joueuse touchée impliquait que son personnage perdait un état physique. Une des joueuses m'a signalé qu'elle n'avait vraiment aucun réflexe, je crois que j'ai évité de concentrer mes attaques sur elle pour que ça ne soit pas trop injuste.

Pour toucher les adversaires, de mémoire je crois que je considérais que l'adversaire était touché si la joueuse avait esquivé ma boulette de papier, parfois les joueuses ont dû me lancer des boulettes (et je les ai pas toutes esquivées, loin s'en faut !), je m'en suis aussi beaucoup remis au texte de la campagne pour évaluer les capacités et la dangerosité des adversaires : ils sont rédigés en stat bloc, et donc l'interprétation directement en narratif est facilitée. In fine, je résolvais les combats selon le script : dans la campagne, il est écrit que certaines confrontations se terminent par la mort de l'adversaire, d'autres par l'échec des personnages. Quand il y avait des choix, je les laissais aux joueuses (par exemple, entre tuer, assommer ou faire prisonnier).

J'ai également fait jouer une scène de confrontation avec une créature abominable des Vaux, initialement prévue avec des jets de volonté, par un combat de regard : un à un, les joueuses devaient soutenir mon regard durant un temps minuté, sachant que je tentais de me mettre dans la peau de la créature en adoptant une expression faciale la plus haineuse possible, et en hurlant comme un damné au milieu de la confrontation :) L'équipe peut être fière d'elle, car tout le monde a enduré le duel de regards !

Pas mal de confrontations ont également été résolues selon un principe équivalent à ce que je pratique dans Inflorenza Minima (un choix à faire qui implique un prix à payer) ou dans Millevaux Choc en Retour (les réussites sont automatiques mais impliquent des conséquences désastreuses). Ainsi, sur le final, Noriko et le trappeur se sacrifient pour sauver les autres.

Bien que la partie ait été menée au pas de charge, je pense que l'ambiance était au rendez-vous et que l'équipe a pu avoir un bon aperçu, en condensé, de Colonial Gothic et de la campagne. L'un d'eux envisageait de maîtriser, je pense que ça lui a fait une bonne bande-annonce. C'était pour moi l'occasion de vivre les meilleurs moments d'une campagne que j'ai adoré relire en tant que consultant Millevaux, et de faire des expériences de maîtrise dans la droite lignée des MJ freeform/sans règles. J'espère aussi que ça a apporté des billes à Batronoban qui cherche des systèmes diceless souples et intéressants. J'avais par ailleurs déjà répondu à une de ses commandes de la sorte avec cet article : Jouer en narratif pur dont cette partie est en quelque sorte une mise en application, et qui aboutira in fine à la pratique du jeu en narratif pur telle qu'elle est orchestrée dans Les Sentes ou dans la campagne L'Ordre et le Sauvage (en développement).
 
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Message par Pikathulhu »

DRAGONFLY MANTRA

Suite de la campagne multivers, où un passage dans le Québec hanté de Colonial Gothic entraîne une suite hallucinée avec pour moteur le jeu onirique Dragonfly Motel. Un enregistrement et un récit par Claude Féry

(temps de lecture : 3 min, temps d'écoute : 32 min)

lire / télécharger le mp3

Joué le 21/09/2019

Le jeu : Dragonfly Motel, un jeu-mirage pour voyages imprudents

Image
Harry McGregor, cc-by-nc, sur flickr


Parties précédentes :

Solitudes Croisées
Suite de la campagne Millevaux Mantra avec le jeu La Stèle au Cœur des Plaines. Quand l’errance de vagabonds désespérés ne finit jamais par se rencontrer. Un récit par Claude Féry

[+ une session Colonial Gothic dont je n'ai pas de trace]


L'histoire :

Cet après-midi nous avons joué la suite de notre campagne.
Lors de la dernière session nous nous étions arrêté sur la découverte d'un iroquois gisant au pieds d'un arbre à viande noire aux côtés d'une jeune fille égarée dans les Mille-et-un vaux.
Nous n'étions que deux aussi avons nous choisi de jouer la suite sur le mode de Dragonfly Motel, version plume avec pour variation l'île à l'arbre à viande noire en guise de Dragonfly Motel.
Ce fut une très belle expérience tant pour Alexane que pour moi-même.

Image

Réponse de Thomas :

Je n'aurais jamais pensé à jouer l’épisode d'une campagne avec Dragonfly Motel mais c'est une super idée ! Je vais écouter ça avec attention ! Y a-t-il eu un enregistrement de la session précédente, avec la découverte de l'iroquois ?


Commentaires de Thomas après écoute :

A. Le format (Dragonfly Motel , jeu sans MJ, jeu à deux) vous oblige à alterner deux vies croisées de personnages, deux monologues qui se répondent, c’est très intéressant comme forme.
B. Les hésitations verbales d’Alexane coïncident bien avec l’amnésie de son personnage (elle a un super flow au demeurant)

Réponse de Claude :

A. Avant de débuter la session Alexane craignait que nous ne dialoguions pas, mais assez vite nos motifs sont entrés en résonance.
B. Elle s'est beaucoup investie. En retour elle était très émue et très heureuse de cette partie.
Elle m'a demandé à jouer sur le même mode lorsque nous jouerons en séance plénière

Thomas :
C. Comme je n'ai pas tout l'enregistrement, je voulais savoir : est-ce que toute la partie a été sur le même mode que le début (monologues croisés, personnages qui ne se rencontrent pas) ou est-ce qu'il y a eu plus d'échanges par la suite ?
D. Avez-vous eu le sentiment de jouer une partie typique de Dragonfly Motel  ?

Claude :

C. A la cinquième instance nous sommes croisés. Pierre Esprit doute de ses souvenirs et hésite à reconnaître en Marie sa jeune sœur tandis que celle ci considère     Pierre comme un fantôme. Tous deux rejoignent l'îlot et essuient les tirs des soldats françois qui les pourchassent.
C. Marie a interrogé son fantôme protecteur.

D. Oui et non. Ce qui a profondément émue Alexane, c'est qu'au travers de cette introspection elle est parvenue à éprouver la détresse émotionnelle qu'elle a prêté à son personnage. Oui encore dans la mesure où ce personnage s'exprimait pour l'essentiel au regard de ses sentiments plus que de ses actions. Oui toujours dans la mesure ou le ton est demeuré onirique.
Non dans la mesure où j'ai investi un figurant qui plus est historique extérieur au dispositif et qu'Alexane a questionné son personnage qui existait avant la session.
Oui enfin, car sans évoquer une romance, impossible où pas, écartée par les voiles déployés autour de la table, nous avons questionné ce que pourrait être la fraternité rongée par l'éloignement et le syndrome de l'oubli.



Image

DRAGONFLY MANTRA 2

Joué le 28/09/2019

Partie jouée avec Dragonfly Motel règles version plumes et deux papiers supplémentaires
Trois joueuses
Le Dragonfly Motel est la ville de Trois Rivières en Nouvelle France
Bande son Prière Gabriel Féry the final sound the cure Bader Cocoon Christophe Petchenatz l'inconfort Zaïre soundscape Nikongolo

Image

J'avais rédigé mes papiers avec Pierre Esprit en tête et je jouerai un donné

A l'issue de la partie Alexane et Xavier veulent jouer la suite de l'errance de leurs personnages, Samael et Marie, avec Sève, (demande de Xavier).

Ils regrettent tous les deux l'absence des deux grands mais sont très enthousiastes sur la partie jouée

Image


Réponse de Thomas :

A. Super ! Merci pour les photos qui permettent de se rendre compte de toute la richesse du dispositif.

B. Y a-t-il eu un enregistrement de la partie ?

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Message par Pikathulhu »

LE CLAN DE LA CIGOGNE ET LA CARAVANE DE L’ÉTRANGE

Marchebranche en mode japanimation. Du Miyazaki à tous les étages !

(temps de lecture : 5 min)

Le jeu : Marchebranche, aventures initiatiques dans un monde de forêts en clair-obscur. 

Joué le 08/10/17 à la Convention Octogones

Image
Suzuki Shin'ichi, domaine public


Le contexte :

Parmi les inspirations de Marchebranche, les dessins animés de Miyazaki père & fils figurent en bonne place (notamment Nausicaa, Les Contes de Terremer, Le Château dans le Ciel, Le Voyage de Chihiro) bien que décalés dans un contexte de fantasy à l'européenne. Dans le livre de base, je voulais consacrer un chapitre à la maîtrise de Marchebranche dans un contexte plus franchement japonisant/japanimation proche du jeu de rôle Ryutamaa. Cette partie est un playtest de ce postulat. 

Je ne vais pas m'étendre sur la fiction, mais revenir sur les points saillants. 

Tout d'abord la liste des donneurs de quête :

+ Pomono, un adulte qui rêve de partir à l'aventure. Louvetier, sa louve emporte les souvenirs.
Quête : capturer la louve Chimi (convoitée par la Sorcier.e)
En fait, c'est un gobelin-chouette (vole l'apparence des êtres du passé)
Forêt de Coraux pétrifiés, clan du Scarabée

+ Shiribi, une fillette (situation dramatique : Une personne en manipule d'autres pour qu'elles se sacrifient à sa cause), fausse marchebranche chevauche une laie. Se rebelle contre une autorité (le clan de la Cigogne). Une autre fillette qui sculpte la mémoire des arbres : Henoko (clan de la Cigogne)

+ Anima, femme handicapée aveugle avec un renard et un lapin
accompagner dans la forêt de l'emprise pour échapper aux horlas de ses mauvais souvenirs qui la pourchassent : un homme carpe muet, l'araignée du matin, arbre aux cent bras

La japanisation de Marchebranche a procédé de plusieurs sortes :
+ briefing ad hoc de l'équipe pour la création de personnages
+ japanisation des noms (un générateur de noms m'aurait été utile : au moins en ce qui me concerne, les noms japanisés étaient fantaisistes)
+ emprunts esthétiques au Japon médiéval et aux films de Miyazaki
+ importance des enfants (référence à la filmographie de Miyazaki)
+ emploi massif des mimiques physiques et verbales de la japanimation
+ jeu avec les formules de politesses (san, sama, seisei, kun...)
+ utilisation des bruitages de la japanimation (je raffole particulièrement du bruit associé au métal brillant des armures et des épées) que j'ai fait à la bouche, en bon amateur que je suis.

La fiction a été assez complexe, mais beaucoup de temps a été consacré à la mise en place du contexte et la présentation des donneurs de quête, ainsi de cette caravane de l'étrange de pagodes montées sur d'immenses créatures hippotatomoïdes à huit pattes où les marchebranches les plus fureteurs ont notamment aperçu, dans une caravane arabisante, un être voilé qui fumait du haschich jaune et s'est avéré leur opposant sur une quête (il me semble qu'il leur a fait des contre-propositions). Il y a eu des lieux étranges à visiter, comme la forêt de corail, des horlas à affronter, comme cet homme-carpe en kimono, désespérément muet, dans le palais au murs de papier de riz monté sur une des créatures géantes de la caravane, et surtout des donneurs de quête à la description et aux motivations complexes.

Le final a vu les marchebranches se confronter à un clan de samouraïs lancé dans une sorte de guerre sainte : le clan de la cigogne. Leur maître était une jeune fille, la sœur jumelle d'une des donneuses de quête, et elle menait ses samouraïs en armure blanche à la conquête des autres clans pour qu'ensuite il n'y ait plus jamais la guerre (je me suis inspiré ici de la légende du premier empereur de Chine). Je suis assez content d'une scène où on voit cette gamine en uniforme de samouraï noir commander à une troupe de samouraïs blancs qui avancent tous comme un seul homme dans une chorégraphie toute robotique. C'était un clan d’œil personnel à Star Wars, lui-même inspiré des films de Kurosawa. Je dois finalement dire que ce final était plus Kurosawa que Miyazaki, je me rappelle avoir beaucoup insisté sur les étendards et sur les emblèmes.


Feuilles de personnages :

+ Otori :
gamin réveil ruelle grande cité, vécu dans la misère, n'aime pas les injustices, courageux, impulsif
vigoureux
pas de manière, pas de parents, mange n'importe comment, bâton simple, rouge et poli
humain, enfant, masculin, force, voyage, vagabond

+ Koshiro & Kishori :
Créature cape rouge, masque porcelaine blanc et rouge sans trou, accompagnée par une autre créature avec des trous dans son masque qui lui servent d'yeux
Son corps a des éléments de bois et de métal
Froid, distant, s'estime supérieur, un être presque parfait.
canne ouvragée avec bout pointu en métal
humain, âge mystérieux, genre mystérieux, handicapé (aveugle), esprit, artisanat, marionnettiste

+ Orée Mouvante :
s'est réveillé dans une forêt
jambes végétales (le bois change selon les jours)
empathique
ne doit jamais rester longtemps au même endroit, sinon s'enracine
lien avec la nature
bâton est une partie de son corps, une branche qu'il peut décrocher de sa jambe ou laisser fixée, s'enracine à ses mains s'il la tient trop longtemps
humain-animal (interprété comme humain-végétal par le joueur)
adulte, genre mystérieux
handicap : enracinement
cœur, magie, druide

+ Hinata aux yeux rouges :
Adolescente, tenue de prêtresse miko avec des oreilles de loup et une queue touffue, bâton noir bouddhiste (un khakkhara) légèrement oxydé avec des anneaux qui cliquettent, des couteaux et des hachoirs qui pendant de ces anneaux. Gros sac à dos qui contient son barda, instruments de cuisine et mets variés
humaine-animale, adolescente, féminine, valide, force, magie, gastromancienne

+ Konoko les mains terreuses :
habillée de guenilles
toute petite fille, a besoin de bricoler la terre, fabrique des perles et des pots énigmatiques. Bâton = branche de châtaignier avec un chapelet de perles et de pots miniatures. Aucun souvenir de son passé.

+ Firtobo le courbe-roseau : 
vieil homme, torse nu, porte un pantalon thaï noir, courbe, démarche pesante, poils d'ours sur le dos (il en perd beaucoup), de nombreuses cicatrices, très sympathique, ouvert à la discussion. Bâton imposant en bois de bambou intemporel avec des griffes et dents d'animaux sauvages au sommet, et recouvert d'un vieux cuir noir très tanné. Connaît Fuzi-mi, un oiseau sentient. Il est sage mais il est toujours de mauvais augure. Possède une boîte à musique avec un portrait de femme à l'intérieur. Son seul souvenir : lui rampant dans un tuyau métallique.
humain-animal, vieux, masculin, valide, cœur, artisanat, devin


Retours de l'équipe :

Joueur d'Hinata :
+ C'était très intéressant.

Joueur de Koshiro :
+ J'étais pas passionné par le jeu (ça a manqué de rythme) mais j'aime bien le setting japonais, le système de qualité / vocation s'y prête bien.
+ Au niveau de la créa de perso, on est libres, c'est didactique. Mais à partir de qualité / vocation, tu n'as pas expliqué, on a pris au pif. [réponse Thomas : les qualités / vocation / prédilection, c'est à toi de juger ce qu'elles permettent.]
+ 6 joueurs en convention, c'est trop.
+ On aurait pu zapper la rencontre avec le donneur de quête [réponse de Thomas : ça a en effet déjà été testé, cf compte-rendu Les thermes des animaux]

Joueur de Konoko :
+ A six, c'est compliqué de pouvoir parler. Au tour par tour, ça aurait été mieux.


Retour personnel :

+ La partie m'a permis de voir ce que je voulais, autrement dit qu'il était possible de « japanimer » Marchebranche tout en conservant l'esprit initial du jeu. En revanche, il fallait clairement voir ça comme une partie-démo que comme une partie ludiquement intéressante. En cela, les critiques des joueurs de Koshiro et de Konko sont fondées. J'ai notamment tiré beaucoup trop de contraintes créatives pour mes donneurs de quête, ce qui a produit des quêtes complexes et surtout très longues à expliquer : ces longs temps d'exposition ont privé l'équipe d'un temps pour jouer, roleplayer, agir, faire des choix. Rechercher une esthétique forte implique forcément un temps de description et d'explication de paradigmes accru, mais un juste milieu aurait pu être trouvé. En cela, cette partie est très représentative de ma philosophie « Je veux que mes parties soient meilleures que les miennes » : il faut voir mes parties comme des démos ou des tests, pas comme le parangon de ce qu'on pourrait espérer d'une partie de Marchebranche dans des conditions plus clémentes. 
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LE PEUPLE DU MONOLITHE

Retour dans la cité américaine de Sturkeyville dans les années 20 pour un épisode lovecraftien où la menace de la contagion par Millevaux se fait de plus en plus pressante ! Récit d’une partie solo par Damien Lagauzère.

(temps de lecture : 34 min)

Cette partie fait suite à Sturkeyville 2

Ce solo a été joué avec Black Stars Rise, Arkham Noir, Muses & Oracles, Imagia, le jeu de cartes des Folies de l'Appel de Chtulhu, le Solo Investigator Handbook, Lovecraftesque, Bois-Saule,
les Vertiges Logiques et 1000 Years Old Vampire. 

Joué le 27/04/2019

Image
N_Yoder, cc-by-nc-nd, sur flickr


L’histoire:

Damon Haze, 40 ans, est reporter pour la gazette locale. Lewis Hatecroft, 44 ans, travaille à la bibliothèque. Le 1er est connu pour ses papiers à la plume parfois assassine. Le 2nd, personne ne le sait, collectionne les ouvrages rares sur les sujets les plus variés et le plus ésotériques. Haze a déjà dû faire face aux conséquences de ses actes littéraires. Aussi, par précaution, il laisse toujours une copie de ses notes à Dick Hive, un détective privé. Il a aussi mené une enquête sur Hatecroft et, ayant découvert son secret, a finalement choisi de ne rien en dire. Ils sont même devenu amis et passent de longs moments à discuter littérature, occulte ou non. Hatecroft a d'autres amis, plus étranges. Ainsi, Angel Corso, qu'il n'a jamais rencontré et ne rencontrera peut-être jamais, lui a fait don de son exemplaire du Peuple du Monolithe.

Sturkeyville, 23 juillet 1937. un vieil homme est mort, personne ne sait comment. C'était une figure du coin, même si on le ne voyait plus beaucoup. Il vivait seul dans le manoir au sommet de la colline. La rumeur dit qu'il possédait une collection de créatures étranges conservées dans des bocaux. Il n'en faut pas plus de ces deux mystères pour éveiller la curiosité de Haze et Hatecroft.
En effet, Lewis reconnaît être des plus intéressés par cette histoire de monstre en bocal. Et Damon est très curieux de savoir pourquoi le cabinet d'architecte de Daniel Upton tient tant à acquérir le manoir. On parla peu de littérature cet après-midi. On tenta plutôt d'échafauder un plan pour s'introduire dans le manoir du vieux Fieldfire.

Le vieux vivait seul. Il n'y a donc à priori personne au manoir. Cela ne devrait donc pas être un problème de s'introduire à l'intérieur, surtout s'il fait nuit. En plus, le manoir est isolé. Damon et Lewis sont donc plutôt confiants dans leur entreprise et curieux de ce qu'ils vont bien pouvoir découvrir. Haze rêve déjà d'un article à sensations, Hatecroft d'une nouvelle pièce à sa collection.

C'est donc dans la nuit du 28 juillet que les deux amis décident de se rendre au sommet de la colline. Les nuages cachent la lune et ils n'y voient pas grand chose. Mais pour autant, il fait plutôt bon cette nuit. Ni l'un ni l'autre ne sont des professionnels de la cambriole, mais Haze parvient à forcer la serrure sans trop de difficultés.
Toutefois, à peine après avoir mis un pied dans le couloir, ils se figent. Il y a du bruit à l'étage. Des voix ! Quelqu'un est déjà là. Lewis reconnaît la voix de... Randolf Carter ! L'écrivain est connu pour passer parfois ses vacances à Sturkeyville. Il y a aussi écrit certains des ses ouvrages. Mais que fait-il ici ? Et à qui parle-t-il ? Damon fait signe à Lewis de se taire et de ne pas bouger. Il commence à grimper les premières marches de l'escalier mais celles-ci se mettent à grincer. Les voix s'arrêtent aussitôt. Que faire ? Rester là et faire face à une situation gênante, voire dangereuse, ou s'enfuir aussi vite que possible ?
N'écoutant que son courage... et la prudence (ils ne sont pas armés) Damon dévale les escaliers et entraîne Lewis avec lui à l'extérieur. Ils courent sans s'arrêter jusqu'au véhicule de Damon, garé un peu plus à l'abri des regards. Lewis est très déçu de la tournure des événements mais comprend la réaction de Damon. En effet, qu'auraient-ils pu faire si Carter et son camarade avaient été armés ? Toutefois, Damon voit le côté positif de la chose. Ils auront au moins appris qu'il n'y a pas qu'Upton qui s'intéresse au Manoir, Carter aussi. Et si eux l'ont reconnu, lui par contre n'a normalement aucune idée de leur identité, ce qui est un avantage non négligeable.

29 juillet :

Pas la peine d'attendre. Haze n'a dormi que quelques heures mais il se sent bien. Que faisait Randolf Carter dans ce vieux manoir en pleine nuit ? Et avec qui parlait-il ? C'est cela qu'il veut découvrir. Carter est un écrivain. Aussi, nul doute qu'il a dû coucher par écrit tout ou partie de ses projet concernant le manoir. C'est une personnalité à Sturkeyville. Tout le monde respecte sa tranquillité mais tout le monde le connaît et sait où il loge quand il vient dans cette petite ville. Et Haze le sait aussi. C'est pourquoi, il a tout simplement décidé de se mettre en planque et d'attendre le bon moment pour s'introduire chez l'écrivain.
Haze prend ses positions en fin de matinée. Il espère que Carter sortira déjeuner au restaurant, bénéficiant ainsi d'une heure et demie à deux heures pour trouver quelque chose d'intéressant. Pas de chance, il déjeune chez lui. Mais, il sort pour une promenade digestive en début d'après-midi. Haze espère juste qu'il ne rentrera pas trop tôt.
Dans la rue, la vie suit son cours sans que personne ne lui prête spécialement attention. Une fois devant la porte ; la serrure s'avère plus difficile à forcer que celle du manoir. Toutefois, il parvient quand même à faire les choses proprement. Carter ne devrait se rendre compte de rien.
À l'intérieur, il n'y a pas un bruit. Haze cherche le bureau de l'écrivain mais quelque chose attire son attention dans le salon. Il y a là des bougies disposées à divers endroits le long d'un cercle tracé au sol. Les diverses lignes à l'intérieur du cercle forment un labyrinthe compliqué auquel semble répondre une peinture au plafond représentant un ciel étoilé. Quelque chose ne va pas dans cette représentation du ciel. Haze n'est pas astronome mais il a passé assez de temps à observer les étoiles pour savoir qu'elles ne sont pas placées au bon endroit. Il y a des constellations qu'il ne reconnaît pas. Et, soudain, une tristesse aussi infinie et insondable que l'espace s'empare de lui. Il se sent attiré par le centre de ce cercle mais quelque chose le retient et le fait finalement fuir cette pièce. Mais, avant de littéralement s'enfuir, il remarque un vieux carnet. L'espace d'un instant, il envisage de le voler mais préfère se limiter à en lire quelques passages.

« On m'appelle désormais le Boucher. Je ne sais déjà plus qui j'étais avant. Avant ? Avant quoi ? Avant que ce Horla ne fasse de moi sa proie, puis son fils. Il m'a à moitié dévoré mais ne m'a pas tué. À la place, il m'a fait ce qu'il estime être un cadeau mais qui est une malédiction. Maintenant, moi aussi je dois tuer pour me nourrir. Et - est-ce à cause de cette nouvelle nature qui est la mienne ? - j'ai l'impression que mes souvenirs filent plus vite que le vent. Quel incroyable paradoxe alors même que je suis maintenant quasiment immortel.
Plus que jamais, je veux me rappeler. Je veux me souvenir, ne pas oublier. C'est pour ça que je commence à écrire. Ce carnet et ceux qui le suivront seront ma mémoire. Ils seront ma tête quand je la perdrai. Mais je peux échapper à l'oubli. Pour cela, il suffit d'échapper à Millevaux. Plus facile à dire qu'à faire. Comment quitter cette forêt maudite ? Comment fausser compagnie à Shub-Niggurath ? C'est un rêve insensé ! Aussi, c'est par le rêve que je m’enfuirai. J'ai fait la connaissance d'un serviteur de Shub-Niggurath. Il s'appelle NoAnde et est un ancien shaman du clan des Arbres. Il connaît les chemins secrets du rêve qui relient les mondes. Il a accepté de m'aider. Il a ses propres buts, il ne fait pas ça pour m'aider mais peu importe. Grâce à lui, je suis entré en contact avec un rêveur d'un autre monde. Il s'appelle Randolf Carter et il va faire ce que je lui dis pour me permettre de quitter Millevaux et le rejoindre dans son monde.
Je sais maintenant pourquoi NoAnde a accepté de m'aider. Il voit dans ma fuite le moyen d'ouvrir un passage vers un autre monde à offrir à Shub-Niggurath. Il se servait de moi encore plus que je ne l'imaginais. Mais je ne laisserai pas cette forêt me rattraper. Aussi, quand est venue la faim, c'est NoAnde qui l'a apaisée. Maintenant, son sang coule dans mes veines. Je fuirai Millevaux mais la forêt ne me suivra pas. Elle n'infectera pas le monde de Randolf Carter. »


Haze n'en revient pas de ce qu'il vient de lire. Il hésite à en lire plus, à dérober le carnet mais le temps passe et il ne veut pas que Carter se doute de quoi que ce soit. Aussi, il le repose soigneusement là où il l'a pris en se promettant de revenir dès que possible. Mais en attendant, il doit filer avant que l'écrivain ne rentre et le surprenne. Il doit aussi raconter tout ça à Hatecroft. Que va en penser le bibliothécaire ? Est-ce que le vieux possédait quelque chose dont Carter aurait besoin pour aider cette créature d'un autre monde à rejoindre le nôtre ? Est-ce que toute cette installation dans le salon doit servir de passage ?

29 juillet, en fin d'après-midi :

Lewis Hatecroft écoutait avec attention le récit de Haze et n'en revenait pas que son ami ne l'ait pas appelé pour cette aventure. Il aurait voulu voir tout ça de ses propres yeux. D'autant plus que certaines des choses mentionnées lui rappelaient ses lectures occultes. Il allait devoir passer du temps dans sa bibliothèque, une bonne partie de la nuit, voire un peu plus.
Il remercia Haze pour toutes ses informations et il le remercia également d'être passé mais il avait présentement du travail et il lui promis de le tenir informé dès qu'il aurait du nouveau. Sitôt Haze dehors, il s'empara du Peuple du Monolithe. Effectivement, certains poèmes parlaient bien de Millevaux, nommée aussi le Titan-Millevaux ou encore la Forêt Verticale. Il s'agissait là d'une création autant que du domaine ou même d'un avatar de Shub-Niggurath, une divinité du fond des âges et du cosmos que l'on pourrait assimiler à l'élément-Terre. Mais était-il possible d'en apprendre un peu plus ? Et surtout, quel dangers planent désormais sur eux, sur Sturkeyville, voire sur le monde ? En effet, que cette créature, ce Horla, ait ou non tué ce NoAnde, il n'empêche que toute ouverture de passage entre les deux mondes permettra à Millevaux de s'introduire dans le nôtre. Et cela, il faut à tout prix l'empêcher.
Ce Horla, le Boucher comme on semble l'appeler, est en contact avec Carter et a besoin de lui pour ouvrir ce passage. Aussi, peut-être qu'il suffirait de réussir à convaincre Carter de renoncer à son projet. Mais se laissera-t-il convaincre ? Acceptera-t-il seulement d'écouter la voix de la raison ? Que lui a promis ce Horla en échange de son aide ? Comment a-t-il pu faire confiance à une chose vue dans un rêve et qui se fait appeler le Boucher ?
Hatecroft continuait à lire, à chercher des informations sur Millevaux, les Horlas et Shub-Niggurath quand l'horloge sonna minuit. Il sentait la fatigue s'abattre sur ses épaules mais ne voulait pas aller se coucher avant d'avoir trouvé quelque chose de vraiment significatif à rapporter à Haze. Et pourtant, il dut s'assoupir car il sentit entre ses mains Le Peuple du Monolithe, le livre, palpiter au rythme d'un cœur qui bat. L'espace d'un instant, il eut l'impression que le livre était vivant et cela le terrifia. Ses membres étaient figés. Impossible de lâcher le livre. Les larmes coulaient abondamment sans qu'il ne puisse les arrêter ni même sans vraiment savoir pourquoi il pleurait. Et le livre était animé de pulsations aux rythmes desquelles les mots semblaient s'animer tels d'horribles vers noirs. Il voulait jeter l'ouvrage au loin, s'en débarrasser, le brûler mais ne pouvait bouger. Et le visage de Carter lui apparut, flou à cause des larmes. Malgré sa peur, malgré le dégoût inspiré par le livre, il se sentait irrésistiblement attiré par l'écrivain, par le rêveur. Et il l'entendit clairement s'exprimer ainsi :

« Ne résistes pas, soumets-toi, répares l’injustice que tu as commises, la colère du Morning Man provoquera des dégâts... »

Puis le visage de Carter disparut. Et tout disparut. Le livre, la bibliothèque... Tout ! Hatecroft se tenait maintenant au milieu d'une forêt de sacs plastiques. Tout était immobile. Les sacs étaient figés. Pourtant, on voyait bien qu'ils étaient agités par le vent mais Hatecroft ne sentait pas ce vent et tout autour de lui était figé. Oui, il y avait du vent. Et même un vent fort car les sacs étaient quasiment à l'horizontal. Ils n'auraient pu se retrouver ainsi sans le vent. Et pourtant, il ne sentait rien. Le soleil se couchait. Ou plutôt, il n'en finissait pas de se coucher. Ce n'était pas ces sacs en plastique qui étaient figés, c'était le temps. Et lui, Hatecroft, pouvait-il bouger ? Oui, mais au prix d'un effort et d'une douleur considérable. Aussi, après avoir seulement tenté de lever le bras, il renonça. Pire, il haletait car il avait senti son os se briser. Et son cœur s'emballait... au rythme des battements de cœur du Peuple du Monolithe ? Et il ressentit alors une faim de loup. Simple conséquence de sa blessure ? Non, c'était autre chose. Une autre faim. Une faim de quoi ? Pas seulement de nourriture. Il ne pouvait tourner la tête sans risquer de se briser le cou mais il parvint à faire rouler ses yeux et voir ses mains se recouvrir d'écorces d'arbres. Il sentait son cœur battre. Et il sentait aussi que, dans ses veines, son sang cédait la place à autre chose. De la sève. Et il vit quelque chose bouger à la périphérie de son champ de vision. Une silhouette approchait. Et il sut qu'il s'agissait du Boucher. Son visage était horrible, à cause des profondes cicatrices qui le défiguraient. Mais ce n'étaient pas de simples cicatrices. C'était des symboles. Il reconnut certains des signes qu'il avait vu reproduits dans les ouvrages de sa collection. Le Boucher était marqué du Signe des Anciens. Mais aussi des symboles typiques des adorateurs de Shub-Niggurath et du Dieu-Insecte. D'autres formaient des entrelacs dont il supposait qu'il s'agissait de pentacles rituels, des sortilèges peut-être. Et il se pencha pour lui chuchoter à l'oreille.

« Le Non-Sens Électronique... Comment la retrouver ? »

Puis Hatecroft se retrouva de nouveau chez lui.

Et la pièce fut envahie par une nuée d'insectes.

À son grand soulagement, tout cela n'avait été qu'une sorte de rêve éveillé mais, son bras était bel et bien brisé.

31 juillet :

Haze était très fier du papier qu'il a écrit à propos de Carter. L'écrivain est une figure appréciée à Sturkeyville et il s'est fait fort de d'égratigner son image de marque en racontant avoir appris d'une « source sûre » et tenant à rester anonyme que Carter s'était rendu de nuit dans le manoir sur la colline. L'article mentionnait également ses relations avec la « pègre ». Ainsi, faisait-il allusion au « Boucher ».
C'était donc le sourire aux lèvres qu'il se rendit chez Hatecroft, convaincu que suite à l'article qui était paru le matin même, Carter allait forcément être obligé de réagir et de se dévoiler. Mais son sourire s'effaça devant la mine du bibliothécaire. Ce dernier avait le bras en écharpe et les traits plus que tirés. Il lui offrit néanmoins d'entrer. Il avait des choses à lui dire.
Et Haze tomba des nues en apprenant ce qui s'était passé. Cette forêt maudite existait donc. Et ce Boucher aussi. Et on en avait maintenant une description. Et tous ces délires mystiques prenaient une dimension beaucoup plus concrète dès lors qu'on voyait l'état du bras d'Hatecroft. Haze était un esprit rationnel mais il avait aussi toute confiance en son ami. Celui-ci ne lui mentirait pas. Il ne lui raconterait pas de telles histoires s'il n'en était pas convaincu.

Shub-Niggurath, Millevaux, le Dieu-Insecte et le Boucher... Et Carter qui semble travailler à ouvrir un passage entre nos deux mondes... Et le vieux dans tout ça ? Qu'est-ce qu'il avait dont Carter a besoin pour son projet ? Ça, ils vont peut-être bientôt le savoir. En effet, Haze sait par expérience que ses articles sont pris au sérieux par la police. Aussi, même si Carter est une personnalité, il sera forcément convoqué au commissariat pour répondre à quelques questions. Il faudra donc en profiter pour se rendre de nouveau chez lui. Et Haze a placé un indicateur devant chez l'écrivain pour être informé du moment où il se rendra à ladite convocation qui ne manquera pas de tomber. En attendant cela, Hatecroft reprend du poil de la bête.

En sortant de chez Hatecroft, Haze se hâta de rejoindre son indicateur qui lui affirma que Carter était sorti de chez lui précipitamment. Il ajouta même que ce dernier avait l'air inquiet. Haze le remercia et fit le tour de la maison pour forcer la porte de derrière.
L'intérieur baignait dans la lumière agréable de l'été. Pour un peu, Haze se serait servi un verre. Mais il avait d'autres projets en tête. Il retourna dans le salon et chercha le vieux journal. Mais celui-ci n'était plus là. Carter avait dû le ranger quelque part, mais où ? Il y avait un placard dont la porte était fermée à clé. C'était idiot. Il y avait de grandes chances que ce soit là, dans cette pièce qui devait servir de rituel afin de communiquer avec le Boucher, que se trouve le journal. Pour autant, cela n'aurait pas été très prudent ni très malin de forcer cette porte. Mais après tout, n'avait-il pas déjà forcé la porte de derrière ?
Cette serrure ne présentait pas beaucoup plus de difficultés que l'autre mais Haze fut interrompu par une voix à l'accent bizarre. Il se retourna et se retrouva face à un homme d'une maigreur extrême. Il avait les yeux d'un noir profond. Il était quasiment nu et ne portait qu'une sorte de pagne. Tout le reste de son corps était recouvert d'une sorte de peinture verte. L'homme riait. Il parlait mais Haze ne comprenait pas la plupart des mots. Mais il en reconnut certains malgré tout. Millevaux et Shub-Niggurath revenaient plusieurs fois.
L'homme était là, riant et délirant dans cette langue inconnue. Il ne bougeait pas et Haze en arriva même à se demander s'il le voyait vraiment. Puis, au delà-de cette maigreur, de ces yeux noirs et de cette peinture verte, il reconnut Joe Mazurewicz, le voisin de Carter. Mais que lui était-il arrivé ? Était-ce Carter qui avait fait de lui cette épave ? Comment et pourquoi ? Était-ce lui qui était avec Carter l'autre nuit au manoir ? Mazurewicz était-il seulement en capacité de communiquer ? Haze tenta le coup.
Et Mazurewicz reprit sa voix normale. Et il expliqua qu'il n'était pas avec Carter cette nuit là. Oui, il avait bien conscience que Carter lui avait fait quelque chose. Mais il n'était pas capable de dire quoi. Il souffrait de cet état mais ne cherchait pas à fuir l'influence de Carter car quelque chose, quelque part, l'enjoignait à poursuivre ce qui lui apparaissait comme une quête dont il ne saisissait ni les tenants ni les aboutissants. Oui, il allait se passer quelque chose. Il se passait déjà quelque chose. Mais quoi ? Joe Mazurewicz savait mais... il lui était impossible de le dire autrement qu'en utilisant les mots de la Langue Putride. Or, ces mots étaient maudits. Et si Haze les entendait, il serait maudit lui aussi.
Haze profita de ce que Mazurewicz semblait avoir retrouver son calme et sa raison pour s'esquiver. Il lui fit promettre de ne rien dire de sa « visite » mais se doutait qu'il ne pourrait rien cacher très longtemps à Carter. Plus que jamais, le temps lui était compté.

31 juillet, chez Hatecroft

Après le départ de son ami, Hatecroft ressentit le besoin de se reposer. Il s'installa dans son fauteuil et chercha le sommeil. Il ne trouva que des sombres pensées qui s'agitaient et cherchaient, finalement, à s'assembler comme les pièces d'un puzzle qui prendrait enfin sens. Il repensa à ce que lui avait dit cette chose scarifiée dans son « Rêve ».

« Le Non-Sens Électronique... Comment la retrouver ? »

Le monstre aurait dû dire « Comment LE retrouver ? » Mais comment trouver du non-sens ? Qu'est-ce d'ailleurs que le non-sens ? Est-ce l'absence de sens ? Est-ce l'opposé d'un « oui-sens » ? Hatecroft en était à se dire que le véritable non-sens n'était pas l'absence de sens mais un sens que l'on ne comprenait pas, soit parce qu'il nous manquait des éléments à cette fin, soit parce que l'être humain n'était tout simplement pas conçu pour accéder à la compréhension de tel ou tel phénomène.
Alors, ce monstre, ce Horla ?, avait semblait-il des problèmes de mémoire. Était-ce sa mémoire qu'il cherchait ? Pensait-il que retrouver ses souvenirs lui permettrait de mieux comprendre sa situation, de faire sens ?
Hatecroft tournait et retournait cette phrase dans sa tête. Elle l'obsédait. Le Non-Sens Électronique... l’Électronique Non-Sens... l'E. No-Sense... l'Innocence ! Était-ce possible que cela soit ça ? L'innocence ! Il chercherait à retrouver son innocence ? Sa nature d'être humain ? Peut-être pensait-il qu'il ne laissera pas que cette forêt derrière lui mais également la malédiction qui le frappe. Mais comment en avoir le cœur net ? En retournant dans cette forêt, dans ce cauchemar.
Hatecroft se dirigea vers un des rayonnages de sa bibliothèque ésotérique. Il chercha et finit par trouver le grimoire dont il avait besoin. Là, il y avait un sort permettant de voyager entre les mondes par le biais du rêve. Il voulait se reposer, il allait rêver.

Il lut et relut attentivement le texte du rituel. Il se mit en condition et exécuta les mots en langues anciennes. Il fit aussi les gestes, autant que son bras le lui permettait. Les bougies étaient allumées, l'encens brûlait. Les symboles étaient tracés au sol et sur les murs. Alors, il se rassit dans son fauteuil et attendit le sommeil et le rêve.
Mais autre chose se passa. Il ne dormit pas. Au contraire, il était totalement éveillé quand de la terre émergea entre les lames du parquet. Il vit des racines courir le long des plinthes et du lierre grimper le long des murs. Par la fenêtre, il voyait les rues de Sturkeyville. Mais, quand il regardait ses murs, il voyait une forêt s'étendre. Et concrètement, elle s'étendait. Elle gagnait en expansion. Hatecroft voyait son horizon défiler, se construire en quelque sorte sous ses yeux. Il ne bougeait pas de son fauteuil. Il avait l'impression que toute tentative pour se mouvoir ne lui briserait pas les membres comme la dernière mais... il avait peur.
Et il avait tellement peur qu'il glissa malgré tout de son fauteuil. Il était maintenant recroquevillé sur lui-même et ne pouvait retenir ses larmes. Et on posa une main sur son épaule. Hatecroft tourna péniblement la tête et ne reconnut pas l'être qu'il avait déjà vu. Juste au-dessus de lui se tenait une espèce d'ombre à l'allure seulement vaguement humaine. La chose n'avait pas de visage, seulement des ténèbres. Une main noire était posée sur son épaule mais Hatecroft voyait distinctement s'agiter des grappes de tentacules dans le dos de cette ombre. La lumière était plus faible autour d'elle, comme si elle l'aspirait. Et elle aspirait le bruit aussi. Elle retira sa main et changea de forme pour devenir une espèce de ver ou plutôt de mille-pattes, mais de la taille d'un lion. Le silence régnait mais un bourdonnement se fit entendre quand la chose « parla ». Elle ne parlait pas réellement mais Hatecroft comprenait pourtant.

« Je suis l'Assiminihilateur. Je détruis en assimilant. Ce que je détruis devient une partie de moi. La matière, la lumière, le son, je me nourris. Les sentiments, la raison, la peur, la joie, je m'en nourris. L'Innocence, je m'en nourris. »

Cette horreur était-elle celle qui avait maudit l'homme scarifié ? Hatecroft réussit à balbutier sa question.

« Oui, mais... le débarrasser de son innocence a provoqué un événement inédit. Cela n'était pas arrivé avant. Veux-tu que j'essaye encore ? »

Ce monstre lui proposait-il de lui infliger la même chose ? Avec le risque de tout simplement mourir ?

Ce qu'il voulait un cri se révéla un geignement.

« Non... »

Et le ver changea de nouveau de forme et prit celle d'un énorme chien sombre qui... détala ! Et, à mesure que le chien, cet Assiminihilateur, s'éloignait, la forêt cédait la place à un intérieur. Mais pas celui d'Hatecroft. En réalité, il était maintenant allongé en bas d'un escalier. Parvenant à se relever, il monta et se retrouva dans une mansarde dont les coins au niveau des murs, du toit et du plancher formaient des angles étranges.
Il n'y avait là personne et Hatecroft n'avait aucune idée de là où il était. Il n'y avait là aucune fenêtre. Il aurait pu redescendre mais quelque chose l'en empêchait. Et si cette maison n'était pas vide ? Si on l'agressait encore ? Si ce qu'il pouvait trouver ici disparaissait le temps qu'il revienne ? Non, il devait comprendre le mystère de cette mansarde. Ensuite, seulement, il se déciderait à quitter les lieux.
Il examinait soigneusement la pièce, explorait chacun de ces angles étranges, y cherchant une signification, un point commun avec quelque chose qu'il aurait lu ou vu ailleurs. Rien ! Puis, il entendit quelqu'un chanter. C'était une voix aiguë dans une langue inconnue. Cela venait d'en bas. Alors, il descendit.

Au rez-de-chaussé, il reconnut la maison sur la colline, celle du vieux. Il suivit le chant jusqu'à la salle de jeu. Il ouvrit la porte et se retrouva face à un homme à demi-nu et recouvert de peinture verte. Il était d'une extrême maigreur et s'arrêta de chanter quand il vit Hatecroft. Il avait l'air fâché et, spontanément, Hatecroft s'excusa de son intrusion involontaire. L'homme ne se présenta pas mais prétendit parler au nom des Baleines Verticales.
Verticales ? Hatecroft pensa aussitôt à cet autre nom de Millevaux, la Forêt Verticale. Qu'est-ce que cela voulait dire ? Et qu'est-ce que ces Baleines avaient à lui dire, à lui ?

« Une traversée victorieuse se paie du prix du sang. Alors, le voyageur trouvera sa place à la table du festin. »

Hatecroft tentait de comprendre. Carter était en communication avec un être d'un autre monde. Ce dernier, maudit par un monstre, un Horla, cet Assiminihilateur, voulait fuir son monde. Il espérait, peut-être, que rejoindre notre monde lui permettrait de mettre un terme à cette malédiction qui l'affligeait. Aussi, il avait besoin de l'aide de Carter et ce dernier semblait disposé à l'aider. Mais pourquoi ? L'écrivain avait visiblement tenté d'ouvrir un portail chez lui mais il y avait chez le vieux quelque chose dont il avait manifestement besoin. Était-ce dans cette mansarde ? Était-ce cette mansarde elle-même d'ailleurs ? Mais, ouvrir un portail supposait le risque que la malédiction de Millevaux et de Shub-Niggurath se répande dans le notre. Aussi, il fallait absolument stopper Carter. Et maintenant, cet homme étrange lui parlait de Baleines Verticales.
Le voyageur, s'agissait-il de cet être qui voulait gagner notre monde ? Le prix du sang ? Pour qui cette traversée serait la plus dangereuse ? Pour lui-même ou pour nous ?

« Carter a-t-il conscience des risques qu'il nous fait courir ? »

Hatecroft cria cette question qui resta sans réponse. En effet, l'homme peint en vert recula et sa silhouette devint floue pour finalement disparaître. Et Hatecroft ne put contenir un long hurlement.

Il resta un long moment à hurler dans cette salle de jeu. Puis, son cri mourut mais il resta encore un long moment figé dans ce cri silencieux. Puis, au matin, alors que s'annonçait une canicule, il sortit et rentra chez lui. C'est en se débarrassant de sa veste qu'il trouva dans sa poche des billets pour le ferry en direction de l'Ancien Monde. Il y avait là tout le nécessaire afin d'effectuer un trajet jusqu'au détroit de Béring, là où s'élève ce site qu'on appelle l'Allée des Baleines.

Deux billets, cela incluait Haze évidemment.
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Pikathulhu
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

1er août,

Haze ne comprenait pas vraiment comment Hatecroft était entré en possession de ces billets pour le détroit de Béring. Toutefois, le temps pressait. Le départ était proche et il n'était pas du tout prêt à quitter Sturkeyville, surtout pour une destination aussi lointaine. Pourtant, il allait partir. Il ne comprenait pas les motivations de Mazurewiecz mais l'homme en vert avait réussi à semer le doute dans son esprit. Il n'était plus vraiment sûr qu'il soit si mal-intentionné que ça. L'homme n'était pas clair, cela était certain. Mais il n'était peut-être pas leur ennemi. En fait, et Hatecroft partageait ce point de vue, il se demandait s'il n'était pas « habité » par un esprit venant de Millevaux.
Avant de partir, Haze aurait voulu se confronter avec Carter. Mais il n'avait plus vraiment le temps et il ne voulait pas prévenir un véritable ennemi potentiel de ses intentions. Aussi, il choisit finalement de se rendre chez Mazurewiecz. Mais il ne fut pas reçu par un homme a moitié nu et peint en vert. L'homme était habillé et ne montrait aucune trace de peinture. Et sans le trouver d'une très bonne constitution, il avait quand même l'impression qu'il était moins maigre que la dernière fois où il l'avait vu. Il se présenta et eut l'impression que Mazurewiecz ne le reconnaissait pas. Haze le sonda du regard mais ne discerna rien tendant à montrer qu'on cherchait à lui cacher quelque chose. L'homme le fit poliment entrer et lui offrit du thé.
Haze était décontenancé et ne savait pas par où commencer. Aussi, il aborda timidement la question de Carter afin de savoir ce que cela supposait de vivre à côté d'une personnalité. Mazurewiecz se montrait aussi sympathique et serviable que possible. La question de Haze le fit rire car il avoua n'être pas du tout lecteur des romans de Carter. Aussi, il était un peu gêné quand il le croisait. Il ajouta aussi qu'il préférerait être damné que de devoir reconnaître devant l'auteur qu'il ne l'avait jamais lu. Haze se demandait ce qu'il faisait là. Quand une ombre sur le mur capta son regard. Il n'écoutait plus Mazurewiecz que d'une oreille distraite.
Cette ombre était étrange. Elle bougeait... toute seule ? En tous les cas, ce n'était pas naturelle. Sur le mur, derrière Mazurewiecz qui ne semblait se rendre compte de rien, il se dessinait une île. Des formes bougeaient. Des arrêtes s'érigeaient. Par quelle magie ? Haze se sentait de plus en plus mal. Il n'aurait pu le prouver mais il était convaincu qu'il s'agissait là de cette fameuse Allée des Baleines ? S'agissait-il là d'un indice ou au contraire cherchait-on à l'effrayer et le dissuader de s'y rendre ? Puis l'ombre prit la forme d'un masque qui éclata en une multitude d'insectes sombres rampant dans tous les sens.
Haze tomba de son fauteuil et se roula en boule.

4 août,

Remis de sa crise, Haze fut incapable d'expliquer comment il avait quitté le salon de Mazurewiecz. Hatecroft tenta de rencontrer Mazurewiecz, en vain. L'homme avait disparu. Et comme la date du départ approchait à grands pas, il n'a pas insisté. Il a également renoncé à rencontrer Carter. Que celui-ci tente de mener son projet à terme. Eux, tenteraient de l'en empêcher. C'était maintenant une course contre la montre.
L'avion aurait certainement été plus rapide, mais c'était deux billets pour le ferry en partance de Los Angeles qu'Hatecroft avait trouvé dans son manteau. Aussi, le trajet allait prendre plusieurs jours. Cela laisserait le temps à son bras de se consolider et à Haze de se remettre de ses émotions.
La première journée, ils parlèrent peu de tout cela et encore moins de ce qu'ils allaient faire une fois arrivés. En fait, ils étaient tous deux convaincus que Mazurewiecz était « habité » par un esprit venant de Millevaux mais ils n'auraient su dire s'il s'agissait de ce Horla soucieux de traverser les mondes ou ce fameux NoAnde qui avait disparu. Était-il possible qu'il s'agisse d'encore quelqu'un d'autre ?

Hatecroft se coucha tôt. Il fût réveillé par une étrange chaleur. Mais la température ne cessait de changer à un rythme très rapide et avec des écarts importants. En nage et glacé, il se résolut à se lever. Il fit quelque pas dans sa cabine mais se sentait mal, en danger. Il était en proie à un inexplicable sentiment d'insécurité. Pourtant, il était seul. Il regardait autour de lui et se surprit à chercher du regard ses livres, ses précieux ouvrages. Loin d'eux, il se sentait mal, en danger. C'étaient ses livres qui le protégeaient. Ici, en pleine mer, sans ses livres, il se sentait horriblement vulnérable. Les encyclopédies auraient pu expliquer cet étrange phénomène de chaud et froid. Et ses livres occultes lui auraient fourni un moyen de combattre toute influence surnaturelle. Il connaissait bien quelques rituels mais était-ce bien prudent d'en user ? Non ! Non ! Il devait se raisonner, rester calme. Il arrêta alors de faire les cents pas. Il ferma les yeux et se contraint à respirer lentement. Une fois apaisé, il ouvrit les yeux et vit... une caverne. Il n'aurait su dire pourquoi mais il eut le sentiment profond qu'il s'agissait d'une métaphore, d'un symbole. Cette caverne était sans nul doute la mémoire que ce Horla voulait explorer, sa mémoire qu'il voulait retrouver. Était-ce le but de leur voyage ?
Un crissement le tira de ses pensées. Dans un coin de la pièce, il vit un rat courir le long du mur et se fondre dans les ombres. Il s'approcha du trou d'où était sorti l'animal et regarda. Il ressentit alors une vive douleur au sommet de la tête et, tentant de se relever, il perdit l'équilibre. La dernière chose qu'il vit fut un marteau s'abattre sur son crane.

5 août,

Inquiet de ne pas voir son ami pour le petit-déjeuner, Haze se rendit alors dans la cabine d'Hatecroft. Il frappa mais n'entendit aucune réponse. Après l'avoir cherché une peu partout et interrogé les membres de l'équipage et les autres passagers, il obtint du capitaine qu'on ouvre sa cabine à l'aide d'un passe. Là, il découvrit le corps d'Hatecroft, étendu à terre, le crane et le visage fracassé, recouvert de sang. Une pièce d'or recouvrait chacun de ses yeux. Il se mit d'accord avec le capitaine pour garder le secret. Officiellement, Hatecroft était souffrant et devait garder le lit.

13 août,

Haze arriva enfin à cette fameuse Allée des Baleines et se demanda ce qu'il faisait là. Finalement, il ne savait plus vraiment ce qu'il était venu y chercher. Hatecroft décédé, tout ceci avait-il encore une finalité quelconque ? Il se convainquit que oui et arpenta ce site ancien et majestueux à la recherche d'un détail significatif.
Qui étaient ces gens ? Qui étaient ceux qui ont bâti cet endroit à partir d'ossements de baleines ? Quelque chose recouvrait-il ces cages thoraciques plantées dans le sol ou bien tout était-il déjà comme ça ? Haze errait dans cette forêt de côtes et de plaques osseuses. En réalité, il ne ressentait rien de particulier. La peine et le choc consécutifs à la mort d'Hatecroft s’effaçaient lentement. Son humeur se stabilisait, à l'inverse de la météo. Un vent froid se levait. Heureusement, il y avait quelque endroit où se mettre à l'abri. Ainsi, Haze se retrouva accroupi derrière une plaque d'os, une ancienne omoplate peut-être, et soufflait dans ses mains pour se réchauffer quand un mouvement furtif attira son attention. Une silhouette s'approchait en rampant. De loin, impossible de dire s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme. Et puis, quelle étrange façon de se présenter à lui ! Il se leva pour aller à la rencontre de celui ou celle qui rampait ainsi et découvrit un cadavre (de femme ? C'était difficile à dire vu son état de putréfaction avancé.) se tortiller péniblement dans sa direction.
Haze ne parvenait pas à s'émouvoir de cette chose. Et comme elle se déplaçait lentement, il prit tout son temps pour choisir une pierre suffisamment lourde qu'il laissa tomber sur le crâne de la morte. Il reprit ensuite sa place à l'abri du vent et souffla de nouveau dans ses mains.

14 août,

Après une nuit agitée par de sombres cauchemars, Haze revint sur les lieux. Il se sentait mal. Il était fatigué et nerveux. Pour autant, il n'avait pas de souvenir précis des mauvais rêves qui avaient troublé son repos. Il ne se rappelait que de sorciers et de chiens menaçant. Il y eut aussi dans ses cauchemars, la menace d'un combat et la sensation d'être ballotté par le hasard, de ne rien contrôler.
Haze gardait en tête que ce lieu quasi désertique était lié à cette forêt de Millevaux. En effet, il s'agissait d'empêcher Randolf Carter de réussir à ouvrir un portail qui non seulement permettrait à un Horla de fuir la forêt maudite, faisant ainsi entrer une sorte de vampire dans notre monde, mais surtout à la forêt elle-même de se répandre et contaminer notre réalité. Carter avait tenté d'ouvrir un tel portail chez lui. Il en avait vu le pentacle tracé au sol. Mais cela n'avait pas dû fonctionner. C'était sans doute pour cela que, sous l'influence peut-être de l'être qui avait un temps possédé Mazurewiecz, il s'était rendu dans l'étrange mansarde du manoir du vieux, au sommet de la colline. Les angles peu conventionnels de ce grenier lui permettraient-ils de réaliser son projet ? Quoiqu'il en soit, c'était peut-être ce même être qui avait remis à Hatecroft deux billets pour venir ici. Aussi, d'une façon ou d'une autre, cet endroit était lié à Millevaux. Et Haze se demanda alors si l'Allée des Baleines n'était pas un ancien lieu de culte et de rituel. Et si, ici même, en des temps anciens, on avait tenté d'ouvrir ou de fermer des portails vers d'autres monde ? Et qu'attendait vraiment celui qui avait remis ces billets à Hatecroft ? Ce lieu était-il assez puissant pour contrer le rituel de Carter ou, au contraire, allait-il lui conférer encore plus de pouvoir ? Et, l'espace d'un instant, Haze se surprit à penser que ceux qui avaient bâti ce site avaient peut-être emprunté un de ces portails. Peut-être s'étaient-ils rendu dans cette forêt de Millevaux ?
NoAnde, le shaman qui avait enseigné son art au Horla, semblait animé de ses propres buts. Il semblait vouloir contaminer les autres mondes et répandre la forêt, un avatar de Shub-Niggurath à en croire certains ouvrages de la collection d'Hatecroft. Si c'était bien lui qui avait remis ces billets à Hatecroft, ils n'auraient pas dû venir ici et Hatecroft serait encore vivant. Mais, s'il s'agissait d'un autre esprit, il y avait donc là le moyen de contrer Carter. Haze errait entre les ossements dressés vers le ciel et réfléchissait à ce qu'il devrait faire quand il trouverait, enfin, un quelconque indice. En fait, il auscultait les ossements à la recherche de glyphes, de gravures qui lui évoqueraient quelque chose.
Puis, Haze eut la subite intuition qu'il était finalement au meilleur endroit non pas tant pour ouvrir un portail que pour en trouver un qui serait déjà ouvert. Alors, ne devait-il pas le traverser et se rendre dans cette forêt pour régler définitivement le problème ? Il se rappela cet aspect de son cauchemar et se sentit de nouveau l'objet de forces qui se servaient de lui comme, peut-être, elles s'étaient servies de Mazurewiecz. Mais était-il venu jusqu'ici pour faire demi-tour ? Non, quelles qu'en soient maintenant les conséquences, il devait aller jusqu'au bout. Il devait trouver ce passage. Et il se demanda alors si ce n'était pas précisément ce passage qu'avait emprunté le cadavre mort-vivant dont il avait fracassé le crâne la veille.
Haze rentra précipitamment à son hôtel. Là, il mit par écrit l'ensemble de ses récentes réflexions. Il ajouta à ses notes l'exposé de ses buts, sa tentative à venir de trouver un portail vers Millevaux afin de s'y rendre, combattre ce Horla et, si possible, revenir vivant afin de fermer définitivement ce portail. Ensuite, il envoya tout ça son ami le détective Dick Hive. Il ne laissait aucune consigne particulière au détective. Il ne lui demandait pas de prendre la suite de son combat si toutefois il devait ne pas revenir. Il ne lui demandait pas de rendre ces notes publiques. Il se doutait qu'on le prendrait pour un fou, ce qu'il était peut-être effectivement devenu. Non, il voulait seulement laisser une trace, pour que quelqu'un se souvienne. Ensuite, il se coucha.

Haze ne s'endormit pas. Il était sur le point de s'endormir quand il ressentit un frisson étrange, comme si un voile d'électricité le recouvrait. Il se redressa et fut assailli par une vision des plus étranges. Tout autour de lui semblait s’abîmer, se détériorer à vitesse accélérée. Ses draps se tachaient d'humidité et se trouaient, devenaient lambeaux et disparaissaient. Les murs se lézardaient, se parcouraient de lierre qui fleurissaient, pour se racornir et fleurir à nouveau. Le plancher se crevaient de racines noueuses. Les murs finissaient par s'écrouler et leur ruines se couvraient de mousses, cédaient la place à des arbres qui grandissaient eux aussi à vitesse accélérée. Il vit des créatures se déplacer à une vitesse vertigineuse. Il en vit naître et mourir. Il vit de nouvelles espèces apparaître et disparaître. Il vit des hommes et des femmes, des monstres au visage recouvert de plaques d'os. D'autres avaient des bois de cerfs sur la tête. Au loin, l'espace d'un instant, il crut voir Hatecroft. Puis tout s'arrêta.

???,

Où ? Millevaux sans doute. La forêt maudite, l'avatar et le domaine de Shub-Niggurath.
Quand ? Aucune idée...

Haze errait au milieu d'un ossuaire envahi par la végétation. En réalité, il reconnaissait clairement l'Allée des Baleines telle qu'il l'avait déjà visitée. Mais les terres froides et désolées du détroit de Béring étaient maintenant recouvertes par la forêt de Millevaux. Il faisait nuit noire mais sa vue s'était finalement rapidement adaptée à l'obscurité. De plus, il connaissait les lieux.
Soudain, le vent se mit à souffler. Une véritable tempête le contraignit à chercher un endroit où se protéger. Pourtant, tiraillé par la soif, il offrit sa bouche grande ouverte à la pluie dont les grosses gouttes lui martelaient le visage. Puis, il ferma prestement la bouche quand il se rappela être sur le territoire d'une ancienne divinité maléfique. Tout ici était maudit. L'air et la pluie également. Était-ce sage de boire ainsi cette eau de pluie ? Quelle impureté allait maintenant souiller son organisme ?
Il entraperçut une forme courir à la périphérie de son champ de vision. Il eut peur car il reconnut la silhouette d'un sanglier. L'animal ralentit et s'approcha de lui. Lorsqu'il fut à quelques mètres, il se redressa sur ses pattes arrières et fit craquer ses doigts, des doigts... humains ! Le sanglier bipède, dans un anglais parfaitement maîtrisé et clair malgré la configuration de sa mâchoire se présenta comme étant NoAnde, ancien shaman du Clan des Arbres et serviteur de Shub-Niggurath. Haze vit sa dernière heure arriver.
Quelque chose se brisa en Haze. Il se raidit, se contracta et poussa un long hurlement. Puis, il se mit à crier des mots dans une langue qu'il ne connaissait pas mais qu'il savait maudite. Les mots sortaient de sa bouche en un flot violent et incontrôlable, impur et putride. La Langue Putride. Ces trois mots seuls avaient du sens pour lui en cet instant. Il parlait la Langue Putride mais ne savait pas ce qu'il disait ni quelles pouvaient être les conséquences de ces paroles dont il craignaient qu'il ne s'agisse là d'horribles rituels en l'honneur de la Chèvre Noire.
Toujours figé et incapable de contrôler les mots qui sortaient de bouche, il croisa le regard de l'homme à tête de sanglier. Ce dernier avait l'air calme, à l'aise, joyeux. Tout semblait se passer exactement comme il le désirait. C'était là une horrible sensation. Haze ne voulait plus prononcer un mot mais il lui était impossible d'endiguer ce flot. Alors, il souhaita seulement ne plus l'entendre. Et, le son de la tempête fut remplacé par celui de la 5ème de Beethoven... C'était impossible, et pourtant... Il n'entendait plus rien à part cette musique. Il ferma les yeux en espérant se réveiller de ce qui ne pouvait qu'être qu'un cauchemar. Et cela était nécessairement un cauchemar, qu'il dorme ou non.
Les yeux fermement clos, Haze sentit la mousse et le lichen grimper le long de ses jambes et s'insinuer sous ses vêtements. La musique se faisait toujours entendre. Il sentait les muscles de sa mâchoire continuer de bouger. La mousse remontait le long de ses jambes et recouvrait son abdomen, sa poitrine, ses bras puis son visage. Elle s'infiltrait dans sa bouche et envahissait sa trachée et son œsophage. Elle courait jusque dans ses poumons et son estomac. Quand ce cauchemar cesserait-il ?
Haze tenta alors de reprendre le contrôle de son corps. Il ouvrit les yeux et vit NoAnde qui s'était rapproché de lui. Il lui glissait des mots à l'oreille. Il ne les entendait pas à cause de la musique mais en comprenait pourtant le sens. Il avait l'horrible sentiment que sa dernière heure était proche. Pire, qu'elle était là, qu'il était à la porte de la mort. Il voulut alors se rappeler les bons moments de sa vie, tentant de s'y raccrocher. Il acceptait de quitter ce monde mais il voulait partir avec de belles images en tête. Il se rappela ces derniers jours avec Hatecroft. Une menace planait mais c'était stimulant, intéressant. Ils avaient partagé des choses importantes tous les deux. Il était un véritable ami. Et lui ?
Il se revit alors sur le bateau, dans la cabine d'Hatecroft alors que ce dernier, à quatre pattes examinait un trou dans le mur. Haze ne savait pas ce qu'il faisait là. Il ne savait pas où il avait trouvé ce marteau qu'il tenait fermement dans la main. Il ne savait pas non plus où il avait trouvé ces pièces d'or qu'il déposa sur les yeux de son ami après qu'il lui eut fracassé le crane !
Comment ? Pourquoi ?
Puis, par dessus le son de la musique, par dessus le bruit de la tempête, il entendit et comprit les mots de NoAnde pourtant prononcé dans la Langue Putride :

« Fais pire, au nom des Abysses. »

Haze se réveilla en même temps que le soleil se levait. Il était dans son lit, dans cette chambre d'hôtel qui était de nouveau tout à fait normale. Étrangement, il se sentait tout à fait bien. Il prononça quelques mots à hautes voix et eut le plaisir de voir qu'il parlait en anglais mais ses propres paroles lui semblaient quelque peu lointaine, recouvertes qu'elles étaient par la 5ème de Beethoven.
Il regarda ses mains. Il avait du sang et de la terre sous ses ongles.

Et maintenant, allait-il faire pire... au nom des Abysses ?



Réponse de Thomas :

A. A quoi ça correspond Black Stars Rise / Mansion of the Hill ? C'est un jeu ou un supplément cthulhien ?

B. Quand j'ai lu la mention au Peuple du Monolithe, je me suis rappelé que j'avais particulièrement tripé sur cette histoire de Peuple du Monolithe, mentionnée d'abord par Lovecraft puis par Bloch, et situé en Hongrie. L'idée d'une préhistoire mégalithique maléfique en Europe me parlait beaucoup. Cette idée de mégalithes noirs me hante. Il y a des mégalithes comme ça, à Monteneuf, dans le Morbihan. Je rêverais d'y jouer au GN Les Sentes [Note du 07/07/2021 : Depuis, j’y ai effectivement joué et c’était d’enfer]. J'ai repris cette idée de mégalithes maléfiques dans le scénario Cromlech, pour Millevaux Sombre Zéro, ils sont aussi un peu évoqués dans l'Atlas.

C. Sturkeyville est-elle une ville de ton invention ou vient-elle d'un supplément cthulhien ?

D. « Je sais maintenant pourquoi NoAnde a accepté de m'aider. Il voit dans ma fuite le moyen d'ouvrir un passage vers un autre monde à offrir à Shub-Niggurath. Il se servait de moi encore plus que je ne l'imaginais. Mais je ne laisserai pas cette forêt me rattraper. Aussi, quand est venue la faim, c'est NoAnde qui l'a apaisée. Maintenant, son sang coule dans mes veines. Je fuirai Millevaux mais la forêt ne me suivra pas. Elle n'infectera pas le monde de Randolf Carter. »
J'ignore si manger une créature corrompue jusqu'à la moelle par Shub-Niggurath est la meilleure façon de préserver le monde où on se rend de la contamination par Millevaux.

E. Ce solo concrétise les menaces de contamination des mondes par Millevaux, déjà envisagées dans les parties précédentes.

F.«  Et pourtant, il dut s'assoupir car il sentit entre ses mains Le Peuple du Monolithe, le livre, palpiter au rythme d'un cœur qui bat. L'espace d'un instant, il eut l'impression que le livre était vivant et cela le terrifia. Ses membres étaient figés. Impossible de lâcher le livre. Les larmes coulaient abondamment sans qu'il ne puisse les arrêter ni même sans vraiment savoir pourquoi il pleurait. Et le livre était animé de pulsations aux rythmes desquelles les mots semblaient s'animer tels d'horribles vers noirs. Il voulait jeter l'ouvrage au loin, s'en débarrasser, le brûler mais ne pouvait bouger. »
Très cool usage d'un ouvrage du Mythe !

G. Hatecroft arrive dans Millevaux mais dans un temps suspendu. Et quand il fait des mouvements, il risque de se briser les os. Très chouette épisode de vertige logique ! Le fait que son bras est bel et bien brisé dans la réalité acte l'interaction entre les deux réalités, donc c'est vraiment du vertige logique au sens où personnellement je l'entends.

H. Note que pour un américain des années 20-30, ni les sacs plastiques ni le terme « électronique » ne doivent avoir grand sens :)

I. « L'homme était là, riant et délirant dans cette langue inconnue. Il ne bougeait pas et Haze en arriva même à se demander s'il le voyait vraiment. Puis, au delà-de cette maigreur, de ces yeux noirs et de cette peinture verte, il reconnut Joe Mazurewicz, le voisin de Carter. [...] il lui était impossible de le dire autrement qu'en utilisant les mots de la Langue Putride. Or, ces mots étaient maudits. Et si Haze les entendait, il serait maudit lui aussi. »

De là à insinuer que le polonais est la Langue Putride, il n'y a qu'un pas !

J. « Hatecroft tournait et retournait cette phrase dans sa tête. Elle l'obsédait. Le Non-Sens Électronique... l’Électronique Non-Sens... l'E. No-Sense... l'Innocence ! »
Jeu de mot impossible à faire en anglais, mais c'est pas grave, c'est du roleplay, pas de la littérature :)

K. « Mais autre chose se passa. Il ne dormit pas. Au contraire, il était totalement éveillé quand de la terre émergea entre les lames du parquet. Il vit des racines courir le long des plinthes et du lierre grimper le long des murs. Par la fenêtre, il voyait les rues de Sturkeyville. Mais, quand il regardait ses murs, il voyait une forêt s'étendre. Et concrètement, elle s'étendait. Elle gagnait en expansion. » Cool cool cool

L. « Il ne comprenait pas les motivations de Mazurewiecz mais l'homme en vert avait réussi à semer le doute dans son esprit. Il n'était plus vraiment sûr qu'il soit si mal-intentionné que ça. L'homme n'était pas clair, cela était certain. Mais il n'était peut-être pas leur ennemi. En fait, et Hatecroft partageait ce point de vue, il se demandait s'il n'était pas « habité » par un esprit venant de Millevaux. »
A Millevaux, il existe une société secrète, la Caste des Veilleurs, chargée de traquer les horlas et, en but ultime, de trouver un remède contre Millevaux. On peut supposer l'existence, dans les autres mondes, de membres de la Caste des Veilleur qui ont sont chargés d'empêcher la contamination de leurs mondes respectifs par Millevaux.

M. « Cette caverne était sans nul doute la mémoire que ce Horla voulait explorer, sa mémoire qu'il voulait retrouver. Était-ce le but de leur voyage ?  »
L'idée que certains souvenirs soient cristallisés dans des lieux mémoriels est vraiment cool !

N. « Haze errait dans cette forêt de côtes et de plaques osseuses. En réalité, il ne ressentait rien de particulier.  » : je suppose que l'emploi du terme « forêt » n'est pas innocent.

O. « Puis, Haze eut la subite intuition qu'il était finalement au meilleur endroit non pas tant pour ouvrir un portail que pour en trouver un qui serait déjà ouvert. Alors, ne devait-il pas le traverser et se rendre dans cette forêt pour régler définitivement le problème ? » Trop bonne idée...

P. « Il était sur le point de s'endormir quand il ressentit un frisson étrange, comme si un voile d'électricité le recouvrait. Il se redressa et fut assailli par une vision des plus étranges. Tout autour de lui semblait s’abîmer, se détériorer à vitesse accélérée. Ses draps se tachaient d'humidité et se trouaient, devenaient lambeaux et disparaissaient. Les murs se lézardaient, se parcouraient de lierre qui fleurissaient, pour se racornir et fleurir à nouveau.  »
Super transition vers Millevaux en mode vertige logique !

Q. J'ai le sentiment que dans tes jdr solo, il y a un recours fréquent au deus ex machina. Je m'explique : quand le PJ est dans une impasse, soit il se met à réfléchir et au terme de son monologue intérieur fait d'associations d'idées pour le moins audacieuses, il trouve la solution (dans ce RP, le non-sens électronique qui donne l'innocence par exemple, et encore les décisions qui suivent sont encore plus capillotractées), ou alors les choses lui tombent dessus sans qu'il fait rien de spécial (ainsi Haze recherche un portail dans l'Allée des Baleines, en vain, et quand il rentre se coucher le portail vers Millevaux s'ouvre sous son lit). Je tenais à faire cette observation qui n'est en rien une critique, puisqu'après tout l'important est que ta façon de jouer te convienne, que c'est un mastic bien pratique pour coller un ensemble fait d'impro et de systèmes disparates, et qu'on ne saurait après tout exiger d'un rôliste solo (ou multi) des qualités scénaristiques (ce n'est pas forcément le but). En revanche, si toi ou une partie du lectorat identifie ce recours comme une faiblesse, je suppose qu'on peut envisager des recours différents, telles que : une discussion avec un PNJ pour remplacer le monologue interne (discussion qui peut se résumer à une simple phrase innocente que sort le PNJ et qui débloque le PJ car il la replace dans son contexte interne : procédé fréquent dans les séries basées sur l'intuition, telles que Dr House par exemple). Ou pour l'histoire du portail, faire qu'un personnage ne reparte jamais tout à fait bredouille d'un lieu, et qu'il ait des indications sur la marche à suivre. Ainsi, dans l'Allée des Baleines, il aurait pu recueillir une fleur à l'aspect frappant, qu'on lui ait ensuite dit que c'était une tisane de rêve, qu'il en ait volontairement bu une infusion qui l'ait conduit dans Millevaux...

R. « Tout ici était maudit. L'air et la pluie également. Était-ce sage de boire ainsi cette eau de pluie ? Quelle impureté allait maintenant souiller son organisme ? »
On retrouve ici la crainte totale de l'exposition à l'emprise.

S. Est-ce que quand Haze tue lui même son ami Hatecroft dans un souvenir, c'est un « fais pire au nom de l'Abysse » ou est-ce que c'est son souvenir originel qui était occulté par l'amnésie ?


Réponse de Damien :

A. alors, avant d'oublier ^^ Black Star Rise est un PBTA cthulhien plutôt bien foutu je trouve et Mansion of the Hill est le contexte du scenar proposé.

B-dire que j'ai tiré ce titre au D dans la 4è éd de l'Appel de Cthulhu. va falloir que je visite le Morbihan maintenant 😳

C-Sturkeyville est une ville de l'invention d'un écrivain américain auteur de plusieurs nouvelles d'inspi lovecraftienne qu'il a situé dans cette petite ville. il y a eu un crowfunding pour une trad en français. j'ai backé bien sûr et j'attends de recevoir mon bouquin. et attendant de le lire, j'ai joué de dans.

D-très sincèrement, cette créature n'est pas très nette et ne jouit pas nécessairement de toutes ses facultés^^ et puis toutes les contorsions mentales et morales sont bonnes pour justifier ses actes ^^

E-yes! et ça va me servir pour la Crasse/Millevaux

F-et là, je suis en train de me demander si ce n'est pas entre l'effet d'un break de BSR justement^^

G-j'avoue avoir été emmerdé quand je suis tombé sur cette carte XD je ne savais pas du tout comment la jouer et.. cette idée est venue. j'ai trouvé ça... logique et pas trop mal

H-j'en conviens ^^ dans la perspective d'une nouvelle, c'est clair que j'aurais retravaillé tout ça. pour un jeu... bah vala quoi ^^ mais Scipion dit bien que lui aussi pour Sombre s'autorise des incohérences, des anachronismes par moment. Game must on ^^

I-je n'y avais pensé 😳 en plus, j'ai une certaine affection pour la Pologne où j'ai été pour le boulot il y a quelques années. j'y retournerais bien car on y mange plutôt bien XD et ils ont des forêts bizarres aussi... et une langue bizarre aussi... m'auraient on fait quelque chose là-bas? 😳

J-oui voila... comme plus haut hein ^^ mais je l'aime bien ce jeu de mot

K-une autre carte des vertiges logiques ^^

L-peut-être... c'est vrai qu'en jouant, cet homme s'est révélé plus ambigu qu'il en avait l'air. si j'avais joué en campagne, ça aurait chouette de pouvoir le développer.

M-et je suis en train de me demander si cette idée ne m'est pas venue de Fight Club 😳

N-E-No Sense ^^

O-bah là, j'étais un peu coincé donc... après réflexion, cette idée s'est imposée mais... j'aurais pu ne rien trouver du tout et devoir au contraire trouver un moyen d'ouvrir un portail moi-même

P-oui, ces cartes sont vraiment chouettes et ça introduit un challenge narratif en plus pour moi car je dois réfléchir à comment les mettre en scène.

Q-et bien quand je suis coincé, le perso se met effectivement à réfléchir. J'en déduis des hypothèses que je vais ensuite tester par des jets de compétences du perso et/ou des jets ou tirages de cartes pour simuler le MJ et après... bah ça passe ou pas. des fois, un tirage sur une table d’événements aléatoires relance la machine. C'est vrai que je ne recours pas assez aux PNJs. Pourtant, Muses & Oracles explique très bien comment faire et ça n'a rien de compliqué. C'est juste que même dans le solo je suis solo quoi ^^

R-yep 🙂

S-c'est un souvenir qu'il avait occulté. Le « Fais pire... » est une sorte d'ouverture. La question est maintenant de savoir comment/pourquoi il a tué Hatecroft ? Quelle force s'est alors emparé de lui et que va-t-il devenir maintenant ?

T- ah ouais, sinon quand même, le souvenir de Haze tuant Hatecroft emprunte aussi à la mécanique de Strings ^^


Réponse de Thomas :

B. Figure-toi que j’ai justement une occasion qui vient de se présenter de jouer aux Sentes sur ce site :)

G. Ah c’est cool que tu utilises le jeu de cartes du vertige logique. Cette aide de jeu a été ajoutée au dernier moment mais je crois que c’est ce qui fallait pour donner envie au lectorat de passer à l’acte :)

I. A la frontière de la Pologne et de la Biélorussie s’étend la forêt de Bialowieza, la dernière forêt primale d’Europe… J’avais joué une partie dans ce contexte, voir le CR La Forêt-Galerie
:
Il y a aussi un setting polonais dans l’Atlas, que j’ai notamment exploité dans cette partie : L’œil de la Baba-Yaga

L. Il fera peut-être partie de tes PJ/PNJ récurrents :)

P. Cela marche bien, car ça produit des effets que j’aurais pas spontanément décrits :)

Q. Ceci dit, ce truc du personnage solitaire qui rumine, c’est aussi très présent dans Bois-Saule, notamment avec les phases d’introspection et d’exploration.


Réponse de Damien :

en vérité, les cartes c'est quand même pratique^^ et c'est sympa aussi, ça change de tableaux aléatoires et j'aime vraiment l'idée de me creuser la tête pour savoir comment le mettre en scène. tu vois, sans déc, ça fait un pti moment que j'envisage de retourner en Pologne justement. je voudrais visiter les mines de sel près de Cracovie et ptete passer plus de temps à Varsovie… bon bah y a visiblement une forêt en plus ^^ pour l'homme peint en vert, je n'en ai aucune idée mais vu comment mon scenar actuel se profile, il n'est pas exclu en tout cas qu'il y ait des liens avec ce scenar…
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

CAUCHEMARS EN DOUBLE

Le premier test de Cœlacanthes : en double table avec Batronoban ! Parce qu'on n'est jamais assez punk ! Témoignage d'une foutue descente aux enfers.

(temps de lecture : 4 min)

Le jeu : Cœlacanthes, l'abomination forestière

Joué le 08/10/2017 à la Convention Octogones

Image
(C) Mysko


Juste pour enjailler, une suggestion d'écoute musicale pour lire ce compte-rendu :
Image
The Singer, par Diamanda Galas : quand la plus grande sorcière gothique des années 90 se met à chanter du blues, ça vous écorche jusqu'à la moelle.

Je ne vais pas m'étendre sur la fiction, car ce serait soit vous spoiler le jeu, soit livrer des éléments de la vie privée des joueuses (puisque nous avons décidé de nous jouer nous-même), je vais en revanche tâcher de vous restituer les différentes techniques utilisées lors de cette partie qui a précédé la rédaction finale du jeu.

La chasse aux noix dans Octogones a été assez cocasse, ça m'a rappelé à juste titre notre double-table de L'Enfant Dissocié, qui je le rappelle a inspiré Cœlacanthes. Je suis pas sûr que toutes les noix aient été retrouvées, certaines avaient été planquées loin (sur nos stands...) En cours de jeu, un joueur a mangé quelques noix, que j'ai considérées comme défalquées des points de vie du groupe.

Dans le playtest, on avait censuré la pédophilie (parmi les thèmes proposés) et la mort d'un proche (parmi les tabous rajoutés par une joueuse), et c'est tout. Concernant la mort d'un proche, j'avoue j'ai triché sur ce dernier point car en temps que MJ j'ai décrit le cadavre d'un de mes proches, cependant sans le préciser aux joueuses. La censure de la pédophilie a fait qu'on n'a pas joué la Maison Carogne [J'ai par la suite ajouté dans le livre une méthode pour le jouer sans mentionner la pédophilie], mais c'est pour ainsi dire le seul impact qu'il y a eu. Aucune extraction durant le jeu. Donc c'était plutôt du 10% de sécurité.

Ce que mettaient les joueuses dans leurs descriptions d'elles-même :
+ le fait qu'elles étaient rôlistes :)
+ leur métier
+ leurs savoir-faire
+ leur caractère
+ leurs défauts, leurs faiblesses
+ leur physique
+ leur personnalité
+ J'ai aussi appris qui était titulaire d'un permis B et qui avait un frère jumeau

C'était hyper intéressant d'entendre les joueuses décrire leur version d'elle-même clochardisée. Le genre qui te met les poils parce que tu vois une intention forte du jeu se mettre en œuvre.

Le moment le plus difficile pour moi, ça a été, en tant que MJ/Magicienne, de me décrire nu. J'ai essayé de ne pas m'épargner, de livrer des détails, parce que je voulais être aussi impliqué que les joueuses (ce pourquoi d'ailleurs j'ai désobéi à la censure de la mort d'un proche).

La censure de la pédophilie a donné lieu à une scène assez marrante. Une joueuse se retrouve dans la même zone qu'un joueur retombé en enfance. Elle lui dit : « C'est dommage que la pédophilie a été censurée car je suis hypersexuelle alors j'aurais sauté sur l'occasion... »

Pour procéder au double-table, nous sommes partis du principe que les deux groupes faisaient la même campagne dans un univers parallèle. Tout le monde jouait l'acte I (les deux groupes séparément), et on a joué deux actes charnières en regroupant les deux tables : l'acte VII (Le double maléfique, le supplice et la conception) et l'acte final (Vaincre les Abysses).

Pour l'acte VII, on a bougé à l'autre bout de la convention pour trouver un espace avant un minimum de surface au sol dégagé. On a positionné des feuilles par terre pour symboliser les zones et on a joué debout, les joueuses se plaçant physiquement sur les feuilles pour matérialiser leur emplacement. Durant ce trajet, on a essayé de faire une queue leu leu mais on a perdu un joueur en marche, et quand on est revenu à la table de jeu, il n'y était pas non plus, mais nous avait laissé un message :
« C'était drôle ; mais la prochaine fois ; ÉVITEZ DE PERDRE VOS PUTAINS DE PJ !!! SAYONARA ; et à la revoyure (mais elles sont vachement bonnes vos noix) »

Effet des cut-up rigolos : une joueuse qui arrive à ma table avec une tête de vache sur chaque épaule.
cet autre joueur qui se retrouve en habit de médecin avec une boîte aux lettres à la place du sternum, un autre avec des ailes de mouche

Durant la partie, j'étais constamment en flippe de choquer mes joueuses, mais en cours de route j'ai fait la confession à Batro que toutes les pilules avaient l'air de passer crème. Il m'a répondu : « L'humour aide beaucoup... ». Parole d'expert ! Et en effet, le cocktail humour / trash s'est avéré tout à fait bien dosé !

Mon regret personnel est que la censure m'a empêché de jouer la Maison Carogne. Il me semble que c'est Batro qui devait jouer Sous la coupe des horlacanthes, l'autre cauchemar très intense, mais je ne suis plus sûr qu'il l'ait fait, en tout cas j'aurais voulu le faire moi-même. J'aurai heureusement l'occasion de le faire lors de notre deuxième double table, à Au-Delà du Dragon. Je n'ai encore pas eu l'occasion de maîtriser La Maison Carogne à ce jour.

C'est un jeu tactique et un jeu social, donc c'est fait pour donner une sensation d'achievement et pour qu'on se rapproche les uns les autres. A la fin du test, on a été applaudis par les joueuses, donc je pense que leur expérience était globalement positive.

Les conditions de jeu étaient pourtant assez abominables (mais c'est peut-être ça qui a justifié les applaudissements) : Cœlacanthes est un jeu qui nécessite pas mal de matos et de préparation, et on a fait ça dans une convention bondée dans un temps limité... Il y a eu des malentendus et des pertes de temps avec par exemple une table d'un autre jeu qu'on a obligé de changer de place deux fois... A nouveau, si vous voulez faire du Millevaux dans de bonnes conditions, jouez sans moi ! Mais malgré ces conditions, j'ai pu percevoir l'intensité et la folie du jeu. Nous remettrons une nouvelle fois le tapis en double table avec Batronoban sur la convention Au-delà du Dragon, dans de meilleures conditions.
Il me reste à tester le jeu en mono-table et sur un temps plus long... Chose que j'ai toujours repoussé. De quoi ai-je donc peur ? Sûrement de nous-mêmes.
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LE ROI DE L'ÎLE

Fuyant la communauté des robes noires de Trois Rivières, les enfants expérimentent la tentation de l’ensauvagement. Un récit de partie par Claude Féry.

(temps de lecture : 4 min)

Joué le 05/10/2019

Le jeu : Girl Underground par Lauren McManamon and Jesse Ross., une petite fille appelée à se transformer dans un monde magique

Lire / télécharger le récit illustré au format PDF
Lire / télécharger les principes de la communauté

Durée : une heure

Image
Rachel.Adams, cc-by-nc-nd

Les photos suivantes sont de Claude Féry, par courtoisie


Fiction :

Horace s'emploie à faucher des fougères pour former une litière tandis que Samael dresse un rempart autour de l'arbre creux qui a retenu leur attention sur l'îlot.
Puisque les deux se chamaillent, Marie surmonte alors sa crainte de l'inconnu et s'éloigne jusqu'à ne plus entendre les deux garçons.
Elle chasse avec Gédéon, son chien sans nom, souvenir d'un temps brumeux ou elle avait des parents.
C'est Horace qui l'a baptisé.
Sa première découverte est un champignon bleuté très appétissant.
Puis elle avise un monticule de champignons crèmes d'où émerge une martre surprenante. Elle devient son amie en lui cédant de la viande séchée. C'est Louis le roi de l’île qui les prend pour sujets jusqu'à la prochaine lune à la condition de le nourrir, parce qu'il a mangé tout ses sujets.
Horace ne l'aime pas, pas plus que Gédéon.
Le lendemain, au matin, la main de Samael est toute poilue et la blessure occasionnée par le serment d'allégeance au roi Louis s'est envenimée.
Marie, elle, a été éveillée à presque-aube par la faim et le froid. Elle part en chasse avec Gédéon.
Vite, elle débusque un écureuil blessé à la patte, qui sollicite sa protection, Sganarelle. Samael dans un premier temps l'accepte et le panse, puis s'en détourne.
Survient Louis qui exige de dévorer Sganarelle.
Marie refuse.
Samael défie le roi et après une brève lutte, le roi déchu s'éloigne en clopinant.
Le temps passe. L'hiver approche.
Horace mange des vers pour digérer les feuilles des arbres et passer l'hiver. Marie, hésite, dégoûtée, puis l'imite.
Samael mange de tout, des écureuils aussi.
Il effraie ses amis qui ne savent plus si c'est un garçon ou un loup.
Horace le somme de renoncer à la viande et le menace de le perdre dans le bois. Piqué au vif, Samael veut s'emparer de son fusil pour prouver sa condition.
Il renonce à devenir loup.

Image


Bilan :

Mon idée était de reprendre le livret de la fugueuse de Girl Underground pour interroger les personnages et considérer la communauté des gamins comme The Girl.
Xavier s'est très vite immergé dans son personnage rebelle et ivre de liberté et Alexane a
pleinement joué l'ensauvagement effrayé de Marie. Effrayée par son audace et vite convaincue d'abandonner les bondieuseries stériles pour adopter une solidarité pragmatique avec ses compagnons.
J'aurais du poursuivre et intensifier l'expérience, mais une bonne migraine m'a conduit à nous interrompre sur la renaissance de Samael.

Alexane et Xavier ont beaucoup apprécié le ton, l'atmosphère et le récit en l'état leur convient.

Nous avons convenu de revenir sur une atmosphère début vingtième siècle pour la prochaine session.

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Commentaires :

Yakaab sur le Discord Millevaux :
Je reste toujours béatement admiratif de ta qualité de préparation et de jeu de toi, Claude, et de ta table.

Thomas :
C'est clair que ça fait beaucoup de préparation pour une heure de jeu. J'ai l'impression que la rêverie préliminaire a beaucoup d'importance pour toi, Claude.
Je suis sensible au traitement qui est fait durant la partie de la consommation de viande, évidemment puisque tu connais mes convictions, Claude.

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Réponse de Claude :
La préparation était destinée à plusieurs sessions de 2 heures.
Dans mon idée autant que de principes, puisque la demande de Xavier lors de la session précédente était une campagne.
C'est un fort mal de crâne qui m'a conduit à écourter la phase de fiction. Nous avions convenu des principes et défini les attaches des personnages en 20 minutes et avions prévu 2h30 de jeu (Alexane a une plage horaire fixe de disponibilité).
Cela dit tu as tout à fait raison en considérant que la rêverie préalable revêt une grande importance pour moi. Je commence cela dès la soirée qui suit celle du compte rendu...

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la Viande est l'un des thèmes majeurs de cette série.
L'arbre sur l'île, trois sessions auparavant est un arbre à viande noire, un nœud vers les milles et un vaux qu'ils ont franchi en quittant l'île aux courges (bagne d'Indochine).
L'idée poursuivie c'est d'explorer le temps et les hommes entrés en contact avec cette viande noire.
L'idée c'est que pour le voyage en Nouvelle France, chaque session interroge une des croyances des pères jésuites pour lui substituer soit un paradigme de Millevaux soit une croyance affirmée en jeu par les joueuses.
Le traitement de cette errance était prévu initialement dans la tonalité conte macabre, motorisée, à la demande de Xavier avec Sève.
Je pense que la prochaine session sera motorisée par Inflorenza minima avec en creux mes principes et croyances.

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Lorsque j'ai interrogé Xavier sur le rêve dont se souvenait Samael au matin du premier jour de bivouac, Xavier m'a décrit des fleurs aux pétales violacées et aux tiges jaunes veinées de rouge sang.
L'une d'elle repose devant lui au matin.
Il l'a place sur sa tête hirsute et précise qu'elle s'enracine en lui.

Thomas :
Je serai très curieux de la session Inflorenza Minima ! J'apprécie la réponse de Xavier et l'aisance avec laquelle il s'accapare la narration :)

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