Vue générale sur le livre de règles
Je tire mon chapeau ici à tous ceux parmi vous qui sont parvenus à mener à ce jeu avec la première édition sans y perdre une partie de leur chevelure. L'édition révisée
(illustration au-dessus pour ceux qui ne feraient pas la différence entre les couvertures) est infiniment mieux agencée, et comporte de nombreuses modifications ou corrections qui débuguent
(en partie) la précédente
(1).
Ceci dit, les deux éditions sont agréables à lire, à feuilleter, que ce soit grâce aux textes, aux illustrations, à la maquette, à la qualité du papier, et à la présence d'un index
(Oh miracle !). Les problèmes se posent en jouant, et si au début j'utilisais les deux tomes à ma table, j'ai fini par bannir le premier tant le mélange des informations le rendait agaçant.
Pour ceux qui voudraient attaquer la campagne à partir du triptyque en utilisant d'autres règles, on peut éventuellement se passer du livre au-dessus. Sachez cependant qu'il contient malgré tout de nombreux passages intéressants sur les Peuples Libres du Nord et la mentalité de chacun d'entre eux, un bestiaire succin mais pas inintéressant, ainsi qu'un chapitre dédié à La Campagne, décrivant sur un peu plus de trente pages le cadre, le passé de la région
(très utile), une vue générale sur la campagne TFN, différents éléments de contexte
(notamment les descriptions précises de Beorn et de Radagast qu'on ne trouve nulle part ailleurs, alors que ce sont deux personnages emblématiques de la campagne), ainsi qu'une présentation générale de Dale et du Mont Solitaire qu'on ne trouve pas dans le triptyque. Pour ces deux derniers éléments, on leur préférera tout de même le supplément
Erebor dont la VF est annoncé pour très bientôt chez Edge.
Et si vous voulez accéder à ces quelques chapitres pour pas cher, j'imagine que les livres de la première édition doivent se trouver facilement en occasion depuis la sortie de l'édition révisée...
La création d'un Héros
La conception d'un PJ dans LAU est rigide et ne laisse pratiquement aucune place à la créativité du joueur comme je le précisais au début de ce fil. On choisit une
culture parmi six, un
background parmi six
(spécifiques à la première), une
vocation parmi cinq, une
série d'armes parmi deux séries
(spécifiques à la culture), quelques petits détails mineurs pour donner de la couleur, un objet merveilleux ou une capacité rare
(c'est sans doute le choix le plus concret et intéressant que l'on a à faire), et c'est parti.
Ce qui est paradoxal, c'est que le système est à la fois rigide, lourd au vu de ce qu'il génère
(il est vivement conseillé de vous équiper d'une aide de jeu amateur fournie sur le site de Edge), et que les choix n'en sont pratiquement pas.
Prenons un premier exemple : les trois
attributs (Corps, Coeur, Esprit) n'ont aucun impact dans le jeu, en dehors des moments où vous vous dépassez en sacrifiant de l'Espoir, ou pour déterminer les scores passifs
(Endurance, Espoir, Parade) pour deux d'entre eux. Jusque là, même si on a l'habitude de caractéristiques plus présentes, pourquoi pas : ici, l'expérience d'un individu prime largement sur ses capacités innées. Là où le bât blesse, c'est qu'à la création du personnage, votre background vous impose trois scores, puis qu'on vous demande de dispatcher 1, 2 et 3 points entre les trois attributs. Ces derniers points n'auront aucun impact, ni sur vos scores passifs, ni sur 80% des moments où vous vous dépasserez
(puisqu'ils ne concernent que 20% de vos compétences)...
Sachant que l'on se dépasse moins d'une fois sur quatre tests, je vous laisse faire le calcul.
Il y a des idées intéressantes, mais leur mise en pratique au cours du jeu est maladroite et manque d'élégance. Leur utilité finale est mal amenée, et peut provoquer des incohérences ou des déséquilibres flagrants.
Les
Vocations par exemple, ont pour utilité d'orienter la lente corruption de chaque PJ en imposant des défauts particuliers. Si l'idée est bonne en théorie, en pratique on se retrouve avec des PJ à qui on va devoir imposer des défauts qui n'ont rien avoir avec ceux improvisés par les joueurs au fil des séances
(le joueur n'a pas accès à cette liste prédéterminée et les découvre au fur et à mesure). Non seulement il n'y a aucune influence de la Vocation en amont
(en dehors de la création), mais le jour où débute la longue descente aux enfers, on peut se voir imposer un défaut complètement WTF, comme quand on vous refile une phobie improbable à l'Appel de Cthulhu suite à un jet de dés malheureux. Et encore, car avec ce dernier, le MJ peut tenter de choisir un élément adéquat dans une longue liste, là où LAU
impose une série de défauts suite à un choix que le joueur a fait en aveugle au départ.
Autre exemple générant des situations incohérentes ou des déséquilibres flagrants cette fois : les
Traits. Les mécanismes les gérant
sont intéressants à première vue, puisqu'ils permettent de fluidifier le jeu en évitant de lancer les dés, ou fournissent de l'expérience aux personnages qui veulent bien consentir à prendre des risques, voir permettent d'effectuer un jet de dés malgré des conditions qui l'interdiraient normalement.
A la création, on choisit en se basant sur le bon sens, sans forcément se rendre compte qu'on se retrouve à choisir entre des traits apportant uniquement de la couleur, et d'autres qui frôlent le
grobillisme... Si, si.
En cours de jeu, on se retrouve donc avec des Traits sympas, comme
Forge ou
Ouïe Fine par exemple qui ne nécessitent pas de jet de dés. Ca semble logique qu'un forgeron professionnel ou qu'une aventurière à l'acuité auditive surdéveloppée n'aient pas à lancer de dés pour obtenir un résultat moyen. Mais est-ce logique face à n'importe quelle difficulté ? Vous me direz, pourquoi pas, après tout la tentation d'obtenir des PP
(les points de progression qui permettent de faire évoluer les compétences communes) va pousser le joueur ou la joueuse à lancer les dés malgré tout
(Artisanat pour lui, Vigilance pour elle). Admettons.
Mais pourquoi l'aventurière à l'Ouïe Fine qui décide de lancer les dés a autant de chances d'obtenir un résultat supérieur ou extraordinaire qu'un personnage qui a autant de Vigilance qu'elle mais pas le trait ? Là, ça ne tient clairement pas debout, et ça m'emmerde, alors qu'il serait si simple de palier à ça...
De plus, on se retrouve avec un système de progression où plus on a des rangs élevés dans les compétences, et plus on peut
"prendre des risques" (hem, hem), et donc plus on peut progresser vite, de plus en plus vite... Si la logique est discutable
(ode aux traders ?), l'aspect ludique lui est bancal.
Là où les traits deviennent carrément un problème à en grincer des dents, c'est sur certains types de tests.
Prenons
Résistance ("Vous pouvez travailler ou voyager pendant des heures sans vous reposer ou malgré des conditions extrêmes"). Grâce à lui vous n'avez plus à effectuer de tests de
Fatigue.
Jamais. Biens plus badass que certaines
Vertues, pourtant bien plus difficiles à acquérir. Sur un des tests les plus communs du jeu, et sur une des sous-systèmes les plus emblématiques, c'est hallucinant qu'aucun playtest n'ait décelé ce bug.
On pourra toujours me répondre que la tentation des PP est toujours là. Bon, j'ai du mal, mais admettons.
Passons alors à
Endurci utilisable contre les tests de
Corruption ("L'Ombre moi ? Jamais !") ou bien
Courageux ou
Téméraire contre les tests de
Peur. Dans ces deux cas, pas de tentation de PP
(la Sagesse et la Vaillance ne sont pas concernées). Et rebelote le déséquilibre flagrant entre PJ
(puisque oui, c'est le seul qui me pose jamais vraiment problème, tous jeux confondus).
Nous avons tenu dix séances avec ça. La tentation des vetos ou de la mise en place de cas particuliers fut grande pendant tout ce temps.
La solution est pourtant bien plus élégante :
simplifier sans hésiter, tout bonnement.
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- pour ceux qui voudraient profiter du débugage sans remettre la main au portefeuille, il existe un document référençant les corrections... mais ça ne corrige pas l'agencement et il vous faudra accepter de transférer les textes à la main ou de faire du collage.