Alucard le mordant a écrit :Comme Ange Gardien je suis un peu dubitatif envers le jeu à réserves. En fait pour être plus précis, j'adore le principe, je comprends tout à fait pourquoi on trouve ça cool, je trouve que ça apporte en théorie beaucoup aux parties. Mais en pratique ça prends toujours très difficilement à ma table (je pense à Dying Earth, Hellywood et au système Gumshoe).
Je ne peux certainement pas garantir que ça plaira à tous, c'est très clair.
Je partage du coup l'inquiétude de Ange Gardien sur l'arbitraire de la chose. Le problème étant pour moi que le MJ doit fixer la difficulté de son action à la fois en pensant à la difficulté "absolue" de celle-ci et à la narration.
Exemple:
Le PJ visite un musée avec une fille et essaye -dans une exercice de pédanterie futile- de lui donner la date de naissance de tous les peintres.
C'est très très difficile, mais ça n'a (à priori) qu'un intérêt mineur pour le scénario.
Du coup si je MJ fixe une difficulté élevée il risque de rendre le PJ fort dépourvu quand des actions importantes seront à accomplir.
C'est curieux comme c'est vraiment la préoccupation qui revient le plus souvent alors que, pour moi, la question ne se pose pas du tout.
Je vais vraiment y accorder plus d'attention dans les explications du système, parce que ça a l'air d'inquiéter le lectorat d'une manière que j'avais pas anticipée.
D'abord, on ne fait pas de jet pour tout et n'importe quoi, c'est la toute première règle du système : on n'investit de l'Énergie et on ne fait rouler les dés que pour des actions qui 1) ont un enjeu dans l'histoire et 2) présente une "incertitude" (c'est à dire ni "ça marche à tous les coups" ni "aucune chance").
Ensuite, une action est avant tout définie par son objectif et donc, dans le cas que tu exposes, il ne s'agit pas de l'effort intellectuel de se souvenir de détails d'histoire de l'art, mais de plaire à la fille.
Ca, oui, ça peut être un enjeu narratif sérieux, qui peut mériter qu'on s'y attarde, qu'on mise de l'Energie, qu'on jette les dés et qu'on en face une scénette : les deux jeunes gens qui se baladent dans l'expo, le mec qui se donne du mal pour plaire, pour avoir l'air cultivé et spirituel, la fille qui s'amuse à la fois de et avec lui...
Donc, oui, on fait un jet, qui sera donc d'avantage social que culturel, même si les éventuelles Capacités "histoire de l'art", "mémoire", etc. entreront également en jeu.
Donnes-tu aux joueurs la difficulté de l'action avant ou après qu'ils aient misé? Si tu ne le fais pas tu rends assez difficile aux joueurs la tache d'estimer le nombre de jetons à miser. J'ai toujours eu l'impression que ce point posait beaucoup de problème à mes joueurs.
Là encore, la question se résout un peu autrement...
Déjà, on n'annonce pas toujours la Diff', on ne le fait de manière plus ou moins précise qu'en fonction des Capacités du perso : si on s'y connait un peu, on a une évaluation "à la louche" ("On dirait bien que tu vas en chier..."); si on s'y connaît vraiment, on peut avoir la difficulté au point prés, et parfois même très en amont ("pour passer une clôture grillagée 3m en moins de 15 secondes le soir du casse, ça va titrer combien ?"); si on a jamais fait ça de sa vie ou que ça dépend de facteurs inconnus, il est très possible de n'avoir pas du tout d'indication.
Mais oui, quand on la donne (fût-ce "à peu prés"), c'est toujours avant la mise.
Par ailleurs, il y a évidemment un aspect "narratif" sans doute un peu "arbitraire" dans une Difficulté : est-ce qu'on veut qu'ils en chient, est-ce qu'on veut minimiser ou augmenter l'importance d'une tentative, est-ce qu'on veut produire du stress, est-ce que c'est important pour le perso, pour le joueur... ?
Dans tous les cas, j'insiste encore sur cette notion qui semble échapper à pas mal de gens,
les joueurs misent à la hauteur de leur investissement dans l'action : c'est eux qui décident s'ils ont très envie de réussir et qu'ils veulent influencer le hasard, s'ils ont besoin d'une grosse marge de réussite ou pas, s'il s'économisent pour la suite, s'ils se contentent de l'habituel rapport chance/investissement (soit Diff -6, avec 2d6 ça fait 58% de chances de réussite)...
Ensuite, il y a quand-même pas mal de moyens de récupérer son Énergie :
-on peut ne PAS agir pendant un moment, ça s'appelle "faire une pause", les vrais gens font ça très souvent
-on peut déclencher ses Réactions propres, que ce soit en pétant les plombs ou au contraire en utilisant de petits gimmicks récurrents (qui permettent de récupérer ses points 1 par 1 ou 2 par 2, mais souvent, quand-même)
-on peut déclencher des "réactions Universelles", c'est à dire mettre en scène une forme assez "spectaculaire" d'émotion, que ce soit par le roleplay ou une description, et donc placer une grande scène lyrique pour son personnage (ajout assez récent à la demande de joueurs assez "théâtraux" et qui, en play-test, s'est révélé une très bonne idée)
-on peut échanger sa Tension (les points d'Energie coincé en Réaction) contre de la Fatigue (qu'on pourra ensuite récupérer par du repos, donc)
-on peut agir dans le sens de son Énergie histoire de récupérer deux fois plus quand on réussi une action.
Franchement, les derniers play-test semblent montrer que pour se retrouver vraiment à cours d'Énergie, faut s'être dépenser de manière considérable pendant un bon moment sans possibilité de repos (ce qui arrive rarement hors des séquences d'action, dont on sort évidemment fatigué, mais ça c'est normal) ou avoir été sérieusement "affaibli" (blessé/drogué/effrayé/raide bourré).
Ou alors faut refuser soit le roleplay mais ça, normalement, les rôlistes ne le font pas (ou alors ils se privent de la moitié du jeu et, en tous cas, un système narratif ne leur conviendra clairement pas), soit vouloir exclure le hasard dans presque tout ce qu'on fait en misant tout le temps à fond (et ça, oui, c'est fatiguant).
Bref, si on "joue le jeu", normalement, y a pas de problèmes puisque la dépense comme la régénération de l'Énergie sont volontaires est maîtrisées par les joueurs.
Sinon les réserves posent aussi des problèmes pour les jets cachés (genre les jets de perceptions des PJs que le MJ fait derrière son écran). Mais c'est moins grave.
Comme expliqué plus tôt, on ne fait jamais de jet de "Perception" pour les joueurs : c'est eux qui placent éventuellement des points pour être attentifs. Ou pas. Auquel cas, si un méchant attaque alors qu'ils ne font absolument pas gaffe, ils se feront surprendre à tous les coups.
Comme Ange Gardien, il me semble quand même qu'il y a plein de trucs très intéressants. Perso j'aime beaucoup -beaucoup beaucoup même- l'idée des Réactions, qui me semble un moyen élégant de rendre jouables les défauts des personnages.
Et pas seulement leurs "défauts", donc, mais aussi leurs émotions fortes, leurs running-gags, leurs gimmicks, leurs manies, leurs vices, leurs contradictions...
Je pense aussi que le système de Duel règle l'un des problème majeur des jeux à réserves, à savoir le fait qu'il soit impossible de faire durer une scène (souvent d'action) sur laquelle on a envie de s'appesantir. Je pense à Gumshoe ici.
Ah tiens, oui c'est vrai. Ca n'avait pas tellement été conçu pour ça, mais en effet.
Sinon j'ai un dernier problème avec ce système : c'est un système avec plein de détails fun. Les jetons, le fait d'avoir des mises, des cases... le système semble marrant mais il est très visible en cours de partie. Ce n'est pas un défaut en soit, et ça peut même être très plaisant. Mais c'est pour moi une barrière avec des jeux gritty.
Pour moi jeu gritty= règles simples qui s'effacent aux yeux des joueurs.
Ah. Ben déjà, on a pas la même définition de "gritty".
En ce qui me concerne, je pense qu'un jeu "teigneux" doit au contraire "peser" de pleins de manières sur les perso : ils souffrent, ils ont peur, ils ont faim, ils sont épuisés, ils sont consumés par leurs passions, ils pètent les plombs... En ce sens, les systèmes de "Vermines" et "Dark Earth" sont très gritty, par exemple (ça tombe bien puisque les deux sont des univers sombres, quasi-horrifiques, où la survie est un enjeu constant).
Quand à l'application de "cinEtic" à de tels contextes, il me semblent que ça marche mais les joueurs seraient mieux placés pour en parler.
Disons au moins que voir la Mise qui fond en Duel ou l'Énergie disponible qui baisse à force de se prendre des gnons participe généralement assez bien au stress des joueurs, donc les jetons ne sont pas que "récréatifs".
Sous des abords très "pulp", le play-test de cet après-midi devrait d'ailleurs être assez méchant (les PJ vont devoir traverser la moitié de la France occupée poursuivi par des nazis très méchants et prêts à tout, et la scène d'intro est un massacre), alors on va bien voir, en tous cas.
Au passage, tu me fais réaliser que j'ai pas encore prévu de play-test "post-apo" ou "survival". S'il y a une septième partie, je ferai ça.
Il faudrait peut-être que j'en discute avec mes joueurs mais c'est vraiment une règle qui m'est instinctive pour les jeux gritty (quoique j'ai essayé le système de Hellywood qui entre dans la catégorie des systèmes fun, mais ce fut un semi-échec point de vue gestion système).
Du coup je suis assez curieux d'avoir tes impressions de ce système, spécifiquement dans tes parties de ta campagne Anti-gang (que je suis d'un regard distrait mais très impressionné sur le sden).
Ho.
C'est à dire qu'en bientôt deux ans avec trois équipes, ça fait beaucoup d'impressions très variées.
Concernant l'aspect "gritty", en tous cas tel que moi je l'entend, ça marche quand-même pas mal mais je saurais pas mesurer l'influence réelle du système par rapport au scénar et aux choix des joueurs :
-le poids de l'administratif chiant (et parfois con) pèse réellement sur la table de flics ; le système permet de gérer l'enquête, les interrogatoires (parfois vraiment laborieux), les analyses techniques etc. de manière relativement "réaliste" à mon goût
-les gangsters occupent une grande part de leur temps à résoudre des problèmes techniques difficiles, à assurer leur survie et leur liberté, à s'engueuler et à stresser
-une fois les facteurs de dommages réglés sur "saignant", tout le monde redoute les combats en général et les fusillades à l'arme automatique en particulier, ça génère une vraie tension à la table, de ça je suis très content
-de manière générale, l'intervention des Réactions produit souvent le côté noir (sordide, pessimiste, violent et parfois malsain) que nécessite à mon goût une campagne de polar moderne
-par ailleurs, la présence récurrente des Réactions incitent pas mal de joueurs à mettre d'avantage en scène les aspects psychologiques de leurs perso même quand c'est pas pour ramasser des points, et donc quand ça va "mal" pour les PJ, ça se ressent il me semble encore plus fort à ma table.
En tous cas, le play-test prévu pour vendredi prochain avec (notamment) Kobal et Loris devrait encore être assez "gritty" (je vais pas spoiler, non plus), ce sera donc une occasion de plus de tester cet aspect particulier.
Je verrais aussi si j'arrive à motiver certains de mes joueurs à venir donner leurs impressions ici.
PS: je me rends compte en écrivant ce message que mes problèmes avec les systèmes à réserves viennent peut-être de ma tendance à ne pas révéler les difficultés des actions à mes joueurs.
Il est peut être temps de me remettre en question de ce côté-là.
PPS: je suis vraiment très intéressé par le PDF de la version de démo. Je suis près à m'engager à le playtester au moins sur un univers pulp. Voir sur un truc gritty si tu parviens à m'expliquer comment ce genre de système "fun" peut fonctionner avec ce type de partie.
Hop, encore un inscrit ! Cool.
