
Sans mauvais jeu de mot, les jdr qui s’inspirent de la Rome Antique sont… légion.
Dans les suppléments pour systèmes génériques, on pourrait citer « Gurps Imperial Rome », mais aussi « Ancient Roma d20 » chez Green Ronin, ou encore « Rome : life and death of the republic » pour le BRP.
Pour les jeux historiques à système dédié, on ne présente plus « Praetoria Prima ».
Dans la rubrique transposition, on a aussi l’excellent « Etherne » : ça ressemble à Rome, mais ce n’est pas Rome.
Dans la catégorie extension déphasée dans le temps pour des jeux existants, on a aussi « Requiem for Rome » pour Vampire ou encore « Cthulhu Invictus » pour l’AdC.
Enfin, dans la catégorie uchronie, on a des jeux qui imaginent ce qu’aurait pu devenir l’empire romain s’il n’avait pas chuté aussi vite que dans l’Histoire réelle. Parmi ceux là, « Fvlminata » est sans doute le plus connu, avec ses tali (d8 bricolés pour simuler des osselets romains) et son idée de sauvetage de l’empire grâce à la découverte précoce de… la poudre à canon.
C’est pourtant d’une autre uchronie romaine que je vais vous parler aujourd’hui, avec le méconnu « Roma Imperious », jeu paru chez Hinterwelt en 2004.
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L’action de Roma Imperious nous projette sur notre terre en 1461 AUC, date ou l’empire romain ne devrait plus être qu’un souvenir, mais qui, bien au contraire, se trouve dans ce jeu au faîte de sa puissance.
En effet, les auteurs imaginent un scénario dans lequel les invasions barbares auraient été repoussées avec l’aide de la magie druidique, suite à une alliance opportune avec les Gaulois.
Certes, une fois l’orage passé, les druides ont soigneusement conservé le secret de leur magie et ont cessé de collaborer. Qu’à cela ne tienne : les romains ont alors développé leurs propres écoles de magie, fonctionnant selon des principes différents, et se sont ainsi assuré la garantie d’une « artillerie » magique qui leur a permis de durer… et de s’étendre.
Au moment où commence le jeu, l’empire, toujours uni sous l’égide d’un seul et même empereur, s’étend jusqu’à la chine à l’est, et jusqu’à la moitié de l’Afrique au sud.
Bien sûr, il y a quand même quelques soucis.
Au nord, l'Alaska, dirigée par un royaume de géants des neiges, est devenu l’ennemi héréditaire.
Non loin des géants se tiennent les terres des elfes (en Scandinavie) qui, noirs comme blancs, correspondent beaucoup plus aux mythes et légendes nordiques qu’au tolkienneries med-fan habituelles. Neutres et peu interventionnistes, ils pourraient devenir, à terme, de puissants alliés ou de redoutables ennemis.
Les nains ont dégénérés jusqu’à devenir de féroces créatures anthropophages dont on redoute les raids sanglants.
Dans les zones désertiques, des hordes d’insectes géants déferlent sur les provinces les moins défendues, sans qu’on sache pourquoi ni si quelqu’un les contrôle.
A l’est, l’empire de Jade a unifié tous les royaumes de l’Asie. Mystérieux et discret, il représente un adversaire trop puissant pour être envahi, et trop silencieux pour être totalement digne de confiance.
On se prend alors à imaginer cette version étrange de Rome, avec son ambassade elfique et son ambassade asiatique, son côté antic-fantasy ou les faunes remplacent les orques, son bestiaire tiré des récits d’Homère, des fables d’Esculape et augmenté des folklores nordiques et asiatiques…
Un monde qui n’aurait jamais connu le christianisme : quelques lignes dans la chronologie expliquent que Jésus n’y a pas été crucifié, mais tué lors de sa tentative d’arrestation, à cause de la résistance armée des disciples. Et sans le martyre le de la croix, sa doctrine n’a pas prospéré.
Reste à savoir quoi faire des PJ, qui n’occupent pas de place particulière dans ce grand bac à sable, qui peuvent être issus de tous les pays et de toutes les classes sociales, amsi sont tous des humains. Comme dans la plupart des jdr, le MJ devra donc s’efforcer un groupe cohérent avant de lui donner du grain à moudre.
Mais la bonne nouvelle, c’est que malgré la taille de l’empire, les PJ vont pouvoir s’y déplacer rapidement : les romains ont mis au point des portails magiques de téléportation qui évoquent les portes annelées de Stargate… à ceci prêt qu’elles servent qu’à se déplacer sur terre, et pas dans l’espace.
Roma Imperious repose, comme vous l’aurez compris, sur une vision très fantaisiste de Rome, mais qui, à la lecture, révèle une cohérence inattendue. Une large partie est consacrée aux us et coutumes de l’empire, ainsi qu’à la géopolitique des provinces, et aux complots qui se trament entre les maisons patriciennes, avides de pouvoir et mues par des vendettas ancestrales.
Et si on arrive à passer par-dessus du sentiment d’être face à un grand n’importe quoi, on a de bonnes chances d’être séduit par le parti pris audacieux des auteurs.
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Hélas, trois fois hélas, les choses se compliquent avec le système.
Les auteurs utilisent en effet le système maison de leur maison d’édition, baptisé « Core Iridium System », également présent dans leurs autres jeux, « Nebuleon » (SF) et « Tales of Galea » (med-fan). Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ce système est… euh… comment dire… étrange.
Dès le passage par la case « création de personnage », ça sent le sapin. Une feuille de perso sur 4 pages, plein d’attributs avec plein de modificateurs, des tableaux en rappel dans les bordures, des trucs à multiplier, à additionner ; à diviser pour obtenir des valeurs dérivées… on se dit « Tiens, un système old school, voyons ce que ça donne ».
Et puis, au détour d’explications confuses, on réalise que c’est un jeu à niveaux mais sans classe, avec une profession de départ qui fournit un template, lui-même customisé avec des points à répartir… sauf qu’une lecture des différentes professions dévoile très rapidement de gros déséquilibres de départ entre les professions disponibles.
Du coup, on pressent qu’il va falloir retravailler la création de perso… donc ça commence mal.
Ensuite il y a les compétences, notées de 1 à 15, mais qu’il faut convertir en pourcentage à l’aide d’un tableau avant de les utiliser, après avoir appliqué des bonus/malus. Si l’idée de départ est louable (dans les premiers niveaux on progresse vite en pourcentage et vers la fin très lentement, car il est plus facile de rester moyen que de devenir un maître), c’est quand même peu intuitif.
Puis vient le chapitre sur la baston, et là… On voit que ça mélange le d20 (pour l’attaque contre une valeur de défense) et le d100 (pour placer les coups au bon endroit ou parer), qu’il y a un système de localisation des blessures avec des dizaines de points dans chaque membre, et un sous-système d’armures qui s’abîment progressivement.
Euh… Tiens, on dirait Eleckäse ? Au secours, les combats vont durer trois plombes…
Reste le système de magie, classique mais bien pensé, avec ses points de magie à dépenser et ses tables de backlash, et des listes de sorts fonctionnelles, ses collèges de magie typés et variés.
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Au final, je reste sur une impression mitigée : quel dommage qu’un background aussi soigné soit totalement gâché par un système aussi pesant et alambiqué !
Bien sûr, on peut toujours l’adapter à son système favori, mais ça donne l’impression d’avoir acheté un demi-jeu.
Sans doute un peu conscient du problème quand même, ou juste pour élargir sa part de marché, Hinterwelt a sorti une version True20 de Roma Imperious. Mais parmi les clones du d20, le True20 est loin d’être le plus réussi ou le plus populaire… et pour l’utiliser, il faudrait posséder le livre de base du True20.
Du coup, ce jeu au background sympathique prend pour l’instant la poussière sur l’étagère, en attendant que je me décide à le transposer en BRP, par exemple, ce qui semble encore être le plus simple.