S22
Journal de Madison Baker, Brasov, 19 mars 2012
Lorsque je ferme les yeux avant de m'endormir, c'est son visage que j’imagine, je vois encore son regard brûlant, je perçois presque son parfum entêtant comme la promesse d’une découverte à la fois terrible et magnifique. Erzsebet Bathory qu’avez-vous fais de moi pour qu’ainsi je me languisse de la créature que vous êtes ? J’ai l’impression de n’être plus qu’une marionnette d’émotions avec laquelle les vampires s’amusent. C’est horrible et terriblement enivrant. Je lutte à présent contre des sentiments et des pensées contradictoires qui ne cessent de m’assaillir, heureusement que Ionut et Oliver sont là, ça m’aide à me raccrocher à la réalité et ne pas sombrer définitivement dans l’aliénation…. Oh, Erzsebet que m’as-tu fait ? Ou bien peut-être est-ce moi ?
Après mon entrevue avec la comtesse, nous avons repris le voyage vers la Roumanie, vers notre destin et celui de Dracula. Nous avons choisi de faire un crochet par Cluj-Napoca, anciennement Klausenburg, après tout cette ville est citée à plusieurs reprises dans le dossier. Mais ce fut un coup dans l’eau, il n’y a rien d'intéressant là-bas. Par contre, notre retour en Roumanie n’est pas passé inaperçu, c’est comme dans le roman, Dracula n’ignore rien de ce qu’il se passe sur ses terres apparemment. Ionut qui assurait ma couverture à Cluj a repéré un homme qui nous filait, ce dernier s’est avéré être nul autre que son père Dominic Dragos! Fidèle à lui-même Ionut a réagi au quart de tour et l’a interpellé. J’imagine que les retrouvailles n’ont pas dû être très chaleureuses, surtout après ce que que Ionut a fait à son oncle en Angleterre. Je ne sais pas de quoi un père et un fils divisés par leurs loyautés opposées ont bien pu parler. Toutefois Ionut a fait preuve cette fois d’une certaine subtilité qui ne lui ressemble pas et même d’une bonne dose de sournoiserie en rentrant dans le jeu de son géniteur et premier serviteur du comte.
Il ressort de cette discussion que nos actions ont dû déstabiliser le comte Dracula, au point qu’il nous fait des offres de conciliations. On dirait presque une conciliation moyenâgeuse, une proposition honorable d’un seigneur à ses vassaux en rébellion qu’il préférerait se rallier plutôt que de devoir les affronter.
La proposition principale m’a laissée pantoise, car elle me concerne directement. Dracula, cet immonde adversaire qui a détruit ma vie, celle de Jonah et de tellement d’autres semble avoir développé une certaine attirance envers moi et veut faire de moi une de ses épouses. Lorsque j’ai entendu cela, j’ai été révulsée rien qu’à l’idée mais malgré cette répulsion instinctive je n’ai pu m’empêcher d’en être malgré tout troublée, comme si une part de moi le savait déjà. Etrangement c’est le souvenir de mon contact avec la comtesse Báthory qui m’a permis de garder la tête froide face à cette proposition et de l’envisager comme ce qu’elle est, une opportunité inespérée d’approcher Dracula et de découvrir la chapelle cachée.
Dominic Dragos est allé plus loin dans sa négociation, il a proposé à Ionut de prendre sa relève au service de Dracula et quant à Oliver il se propose de le dédommager grassement pour les dommages qui lui ont été causés au grand regret du comte. Un vrai gentleman ! Quelle parfaite duplicité !
Est-ce que cela cache une ultime tromperie ? Dracula se sent-il suffisamment acculé pour concéder quelque chose ? ou est-ce simplement de la vanité ? Difficile à dire.
Après un bref conciliabule, nous optons pour suivre le plan de Ionut et rentrer dans la négociation. Dracula veut également récupérer la dague et le Dragon Noir. En gage de bonne foi nous proposons de rendre le Dragon Noir dont nous disposons d’une copie numérique et conservons la dague comme une sécurité. Même si au vu de la tournure des évènements cette dague semble finalement de moins en moins utile, elle nous permet de donner le change. Dominic Dragos nous fait savoir que le comte serait honoré de recevoir le livre de mes mains, là encore les battements de mon cœur s'accélèrent un bref instant, je souffle et je me recompose. Ionut accepte de réfléchir à la proposition de son père et Oliver négocie un accès au connaissances occultes du comte, ce qui nous permet de sceller l’accord. J’esquisse un sourire à l’adresse de Dragos en acceptant la proposition.
Je vais devoir réaliser l’infiltration la plus dangereuse de ma vie et y jouer mon âme, mais au fond de moi j’exulte un peu car il y’a peut-être, contre toute attente, une lumière au bout de cette nuit cauchemardesque.
En attendant le moment de la rencontre avec le comte, Ionut part à Bistrita à la recherche de sa sœur, mais cela a dû échouer parce qu’il ne nous a rien communiquer à ce sujet pendant qu’Oliver et moi nous rendions à Brasov pour retrouver Collins, la géologue américaine qui a travaillé sur les phénomènes sismiques en Roumanie et qui est mentionnée dans le dossier. Elle nous permet d’identifier le Parc Naturel de Calimani comme étant l’épicentre d’une série de secousses ayant des caractéristiques anormales. Ce parc est situé non loin de Bistrita, s’agit-il de l'endroit où se trouve la fameuse chapelle souterraine ? C’est possible. Nous informons Ionut qui se trouve non loin afin qu’il aille y faire un tour pendant que nous conduisons pour le rejoindre au cœur du domaine de la Bête.
Oliver a commencé à faire de l’hypnose sur moi dans l’espoir de pouvoir me protéger contre les intrusions mentales de Dracula, je ne sais pas si cela suffira, mais le jeu en vaut la chandelle. En éliminant Dracula peut-être que nous parviendrons à nous sauver, Oliver, Ionut et moi. Les vampires sont partout et bien plus nombreux que tout ce qu’on pouvait penser, mais une idée folle prend forme peu à peu dans mon esprit et je dois encore y réfléchir avant d’en parler aux autres. Me suivront-ils ? Je l’espère, surtout toi Oliver, je crois que je ne supporterai pas de te perdre. Toi le meilleur ami dont je puisse rêver, le compagnon de lutte le plus fidèle et inébranlable. Je dois réussir à nous sauver ! Après tout comme le répète inlassablement Ionut, nous sommes une famille maintenant.