Sur le fil "Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)",
@vermer nous a présenté le roman
"L'homme qui assassina" de Claude Farrère, paru en 1906.
Or, par coïncidence, je suis en train de lire le livre de Frédéric Hitzel intitulé
Le dernier siècle de l'Empire Ottoman de la collection des Guide belles lettres des Civilisations.
Sur ce forum, j'ai déjà eu à maintes reprises l’occasion de dire tout le bien que je pense de cette superbe collection. Aujourd'hui, je continue, persiste et signe. L’auteur semble s'être fait une spécialité de ce thème, car il est également auteur d'un livre sur l'Empire ottoman du 15e au 18e siècle, et d'un autre sur la Turquie au 20e siècle, tous deux dans la même collection que le présent ouvrage.
Disons-le clairement, ce livre de 315 pages avec les annexes et comme d'habitude dans cette collection une petite merveille. Il est articulé en 2 grandes parties. Première intitulée
L'Empire ottoman qui traite de l'histoire récente de l'Empire ottoman entre l'année 1839 avec la mise en place des dernières grandes réformes de l’empire et l'année 1923 de sa disparition. Cette partie rappelle l'histoire entre 1789 et 1923, la 2e, présente l'empire et sa capitale, Constantinople, la 3e porte sur l'organisation politique et sociale de l'empire et la 4e porta sur la vie économique. La 2e partie du livre s'intitule
l'homme ottoman. Elle traite du rapport au temps (très différents de celui des siècles passés), de la vie religieuse, de la littérature et de la presse, des sports et loisirs et enfin de la vie privée.
C’est complet, très synthétique et donne vraiment une idée de ce qu'était la vie quotidienne dans l'empire ottoman, au moins dans la capitale Constantinople et dans les villes principales de l'empire, loin des clichés orientalistes généralement véhiculés à ce sujet.
Pour faire court, l’empire ottoman et l'homme ottoman à cette époque sont dans une phase de transition assez rapide. Dans les villes, l'occidentalisation est extrêmement importante, la société change, l’habillement change, les habitudes changent, la politique change, les habitudes quotidiennes et le rapport au temps changent. On ne s'habille plus avec des babouches, on porte des costumes à l'occidentale, on consulte sa montre fabriquée en Suisse ou en Angleterre ou en Allemagne, le harem et la polygamie disparaissent peu à peu et, quoi que l'on en dise, l'Empire ottoman n'a jamais été une théocratie musulmane. On s'étonne souvent de la facilité avec laquelle la République turque post-1923 avait réussi à séculariser le peuple. En réalité ce mouvement était lancé depuis trois décennies au moins…
S'il est une critique que je peux émettre au sujet de ce guide, c'est qu'il présente l'empire ottoman d'une façon peut-être un peu trop optimiste. On ne parle pas de la profonde corruption des élites, du sous-développement et de la misère des campagnes et des régions les plus éloignées de l'empire, ni de la montée des nationalismes, et d'abord du nationalisme turc qui mènera aux grands massacres du 20e siècle et au premier génocide moderne que fut celui des Arméniens en 1915. Par contre, ce guide présente très bien la situation de cette mosaïque de peuples que fut l'Empire ottoman, de toutes ces communautés qui vivent côte à côte, sans se mélanger, et qui ne tiennent ensemble que par la seule présence d'un système impérial qui était devenu relativement égalitaire et débonnaire, mais qui volera en éclats en 1908-1909 avec la révolution des Jeunes-Turcs, laquelle suscitera par réaction la monté des nationalistes arabes, avec les résultats que l’on sait…
Le dernier siècle de l'Empire ottoman est contemporain du cadre de nombreux jeux de rôles se passant soit à l'ère victorienne, soit à la belle époque. Citons notamment l'appel de Cthulhu 1890, Maléfices, Crimes ou encore Castle Falkenstein, dans un registre plus exotique et fantastique. Pourtant, il n'existe aucun supplément pour aucun de ces jeux de rôle présentant l'Empire ottoman qui est pourtant à l'époque une puissance majeure sur la scène internationale, au même titre que les défunts empires tsariste ou austro-hongrois (à noter qu'il y a eu un supplément Gurps Castle Falkenstein, dédié à l'Empire ottoman).
Si c'est ce que vous cherchez, alors vous avez trouvé. Ce guide des belles lettres des civilisations pourrait tout aussi bien s'appeler le Manuel du meneur de jeu de l'Empire ottoman. Celui-ci y trouvera en effet tout ce dont il a besoin pour mettre en scène une aventure se situant au moins à Constantinople et, dans une moindre mesure, un peu plus loin dans les confins de l'empire.
Un quasi supplément de Jeu de rôle pour 19 euros. Moi je serais vous je m'intéresserais à la question...