Pendragon Starter Set (version boite V.O)
Ça y est j’ai lu et fait jouer l’intégralité du Stater Set. Pour contextualiser mon retour, il faut savoir que je ne connais qu’assez superficiellement la geste Arthurienne même si j’ai lu les principaux textes il y’a longtemps. J’ai été frappé par la passion des auteurs pour l’univers Arthurien qu’ils mettent en lumière avec non seulement des informations et des détails narratifs mais aussi des explications qui replacent l’information dans son contexte. Les auteurs maîtrisent leur sujet et ils se sont parfaitement appropriés ce mythe pour ensuite venir entremêler subtilement à une certaine réalité historique. C’est un travail d’écriture de qualité.
Je connaissais Pendragon par sa réputation depuis très longtemps mais le jeu m'avait toujours paru difficile d’accès, je n’y avais donc jamais joué.
Il va y avoir beaucoup de spoiler soyez donc avertis…
Découvrir l’univers et le jeu Pendragon avec des règles simplifiées et une mini-campagne complète avec toutes les aides de Jeu
Une approche progressive
Le choix fait par les auteurs de ce Starter Set était de faire découvrir Pendragon pas à pas et ma foi c’est plutôt réussi.
Le starter est composé de trois livres, un livret avec un scénario solo qui fonctionne comme un livre dont vous êtes le héros, un livret de règles et un livret de campagne.
On commence en suivant les recommandations des auteurs par le solo qui nous amène dans la peau d’un jeune écuyer camarade du jeune Arthur quelques temps avant un grand tournoi ou Arthur accompagnera Kaï qui vient d’être fait chevalier. Le scénario permet de découvrir les règles d’actions et un peu de combat au travers d’un entraînement sur mannequin puis d’une chasse en forêt qui se transforme en aventure avec des rencontres inattendues.
Ce qui m’a frappé, c’est que dès cette introduction, on nous montre les possibilités offertes par le système est en particulier l’intérêt d’avoir des traits et leurs opposés qui parviennent à vraiment orienter le sens dans lequel on peut ou doit interpréter notre personnage. Ainsi pour le couple de traits Fier/Humble on comprend rapidement comment face à une situation mettant en jeu ses traits, la réussite d’un jet va conditionner la réaction du personnage. Or les traits de caractères sont judicieusement choisis pour être ceux qui sont sollicités dans un univers chevaleresque. On a ainsi un vrai moteur à créer du drama qui est programmé sur la feuille de PJ. On pense tout de suite aux errements de Lancelot et Guenièvre qui ont sans doute été poussés dans les bras l’un de l’autre par une suite de jets de traits implacables.
Le scénario illustre également comment le MJ peut aborder des situations suite à un échec du jet de trait. Échouer à un jet de Trait n’est pas un échec à Pendragon c’est juste un embranchement vers une autre histoire et dans mon premier run sur le scénario solo, les évènements les plus intéressants me sont arrivés suite à des échecs. Ca peut paraitre banal, mais j’ai trouvé ça bien que les auteurs insiste sur ce point dès la première initiation au système car ça aura une grande influence dans le jeu
Ensuite on s’attaque au Livret de règles
Les règles contiennent tout ce qu’il faut pour jouer la campagne, donc on a toutes les explications sur l'utilisation et le fonctionnement des Traits accompagné des conseils pour les utiliser à bon escient. J’ai beaucoup aimé le côté très ouvert de ces jets que les joueurs et joueuses peuvent solliciter librement afin d’avoir une orientation sur la façon dont leur personnage réagit à une situation. J’ai bien aimé également le principe de dépendance entre un Trait et son opposé. Par exemple, si mon Chevalier à le trait Fierté (12)/Humilité (8), selon la situation en cours le MJ peut demander un jet de l’un ou l’autre selon ce qui semble le plus intéressant ou dramatique sur la scène. Disons que le MJ estime qu’il serait plus dramatique que le PJ laisse parler sa fierté quitte à provoquer un incident diplomatique, le PJ fait d’abord son jet de Fierté, s’il le réussit, c’est la Fierté qui l’emporte. S’il le rate, alors il doit faire un jet d’Humilité, si ce dernier est réussi alors le chevalier saura rester humble. Et sinon, les deux jets ayant échoué, le joueur ou la joueuse choisit ce que bon lui semble.
La procédure appelle donc parfois deux jets, mais au final c’est plutôt une façon élégante de laisser parler la feuille de personnage tout en conservant une part d’agentivité.
On y trouve ensuite toute une partie sur l’utilisation des compétences qui ont un fonctionnement assez classique quant à elles mais celles-ci décrivent en creux ce qu’un chevalier Arthurien peut ou se doit de connaître et pratiquer.
En ce qui concerne le combat, à l’usage on s’est rendu compte petit à petit que le système était calibré pour obtenir quelque chose d’assez spécifique et propre au genre. Un chevalier un tant soi peu entraîné dans l’art du maniement des armes et équipé va pouvoir affronter la piétaille sans grande difficulté même à plusieurs contre lui. Le différentiel est significatif et l’armure est un véritable blindage. Par contre face à un chevalier de force et matériel équivalent le combat devient beaucoup plus tendu et lorsque ces derniers commencent à devenir des experts avec un niveau de compétences >16 et qu’ils sont poussés par leur Passion les combats deviennent carrément dangereux et expéditifs. Il y’a eu en fin de campagne au moins deux instances où mes PNJ, des chevaliers de haut rang, ont mis hors-combat un PJ en un seul round .
Les règles de combats restent quand même assez “crunchy”, avec plusieurs étapes pour gérer un round et plusieurs jets de dés, y compris pour voir si le personnage tombe à terre. Il est indéniable que le système est un peu lourd et on sent bien l’héritage de ce jeu qui date des années 1980 avec ses jets multiples et les tables à consulter pour déterminer les conséquences. Cependant, je veux pondérer cette impression avec le fait que les combats sont généralement rapides surtout une fois que tout le monde à compris qu’il ne faut pas hésiter à utiliser les manœuvres de combat pour rompre un statu quo entre deux adversaires égaux. Si l’ennemi est trop bon escrimeur ou trop bien protégé, il est souvent possible de le saisir à lutte ou de le désarmer afin d'amener le combat sur un autre terrain et ainsi renverser la situation. Je crois que de toute la campagne je n’ai eu aucun combat qui ait duré plus de 3 rounds une fois qu’on avait compris les mécanismes.
Fait notable Pendragon fait la part belle aux batailles et le starter set ne fait pas exception. Il y’a une annexe entièrement dédiée au combat de masse et qui est sans doute un des meilleurs compromis que j’ai vu en la matière afin de mettre en scène une bataille rangée. Les règles se positionnent assez astucieusement entre la bataille scriptée et le focus sur les actions individuelles des PJs qui peuvent s’ils sont un peu tactique et bons sur leurs jets d’influer sur le cours du combat global en capturant par exemple le leader adverse ou en libérant des otages, etc. Chaque bataille pouvant être personnalisée avec des événements qui découlent des choix des PJ. Ce système est d’autant bien pensé que l’on n’y combat pas jusqu’à la mort, de loin pas, en général les engagements sont brefs et violents et ensuite le flot de la bataille sépare les adversaires ou les emportent ailleurs ou ils se replient pour se reconstituer, y compris les PJ.
Autre détail sympathique, les PJ Chevaliers bénéficient des services d’un écuyer, ce dernier se manifeste sous la forme d’une compétence du même nom. Ainsi au cours d’une bataille, l’écuyer qui veille sur son chevalier peut ainsi lui prêter main forte pour lui retrouver un cheval, changer son arme voir même traîner son maître blessé hors de danger.
Il faut bien avouer qu’on a assez peu mis en scène les écuyers au cours de la campagne, mais j’imagine très bien des histoires où les écuyers pourraient être beaucoup plus présents.
Les règles contiennent aussi une version simplifiée des règles d’hivernage. A Pendragon on ne joue qu’un seul scénario par an et chaque scénario est donc entrecoupé de cette phase d’hivernage qui est une phase de gestion de son PJ, de ses possessions, son statut social, sa vie familiale et autres évènements. Dans le Starter Kit l’hivernage est réduit à sa plus simple expression et ne sert qu'à faire évoluer caractéristiques des PJ, même si rien n’empêche un MJ imaginatif d’y jeter quelques éléments narratif comme j’ai pu le faire avec une idylle naissante d’un des PJ, nous avons profité de l’hivernage pour faire évoluer la nature de leur relation et sa forme.
Le Starter set ne contient aucune règle de création de personnage, donc il faut faire avec les pré-tirés, mais ceci sont plutôt intéressants et offre diverses possibilités de jeu.
Tout au long de la campagne il n’y a qu'à de rares occasions où j’ai ressenti le besoin d’avoir un peu plus de détails soit pour gérer certains éléments mentionnés mais non décrits. Comme les titres et les possessions acquises ou encore certains aspects des pré-tirés comme Dame Tamura qui utilise principalement l’arc alors que c’est plutôt mal vu. Les règles ne précisent pas non plus jusqu’où l’écuyer peut intervenir dans la résolution, car après tout il s’agit juste d’une compétence et non d’un compagnon disposant de son propre stat-block, ce qui n’est pas plus mal soit-dit en passant.
Aussi en termes de règles au global le Starter Set est plutôt complet et permet de mener à bien cette mini-campagne sans difficulté. D’ailleurs il est même suffisant pour aller plus loin, puisque la campagne du Chevalier Gris est également jouable entièrement avec les règles et les pré-tirés du Starter Set. Il faut toutefois accepter que la partie de développement des PJ sera restreinte au strict minimum ainsi que les éléments de background de ces derniers.
Néanmoins Pendragon est visiblement un jeu assez touffu et si on se projette sur la version complète des règles, à ce stade je ne sais pas s’il manque beaucoup de choses dans les règles du Starter par rapport au cœur des règles de la V6? Il faudra probablement également y rajouter des règles périphériques comme la gestion du matériel, celle des différentes montures utilisées, la gestion du domaine etc…car on voit sur la feuille de personnage que ceux-ci aussi sont suivis.
Livret de campagne
La campagne débute dans Londinium alors que la cité est encore un mélange étrange d’architecture romaine avec des bâtiments majestueux comme un colisée, des temples à colonnes et autres bâtiments massifs au milieux desquels de petites maisons de pierres au toitures de chaumes se sont installés se fondant dans les ruines de l’empire défunt. (à ce sujet le recommande fortement d’aller vous promener dans une Londinium de cette époque grâce au jeu vidéo Assassin’s Creed: Valhalla qui est une excellente source d’inspiration pour l’ambiance de ce début de campagne.)
Scénario 1
Cette première phase est plutôt agréable et permet de faire découvrir Londinium et ses alentours. Afin d’enrichir cette partie, j’ai également repris des éléments du scénario solo du Livre 1. Ce fut notre premier contact avec cet univers et j’ai essayé de faire ressortir ce mélange de cultures saxonne et romaine dans la plus grande cité du royaume.
C’est aussi l’occasion de rencontrer des PNJs divers et de nouer des liens en particulier avec le sympathique roi Leodegrance qui sera un support pour les PJ tout au long de la campagne
Le tournoi est géré avec les règles du combat de masse donc on rentre tout de suite dans le dur et il faut avouer que ça à été un peu poussif de notre côté.Beaucoup de jets de dés, des tableaux à consulter, encore des jets de dés. Heureusement ça n’a pas duré pas trop longtemps car un rebondissement relance l’histoire dans une autre direction.
La seconde partie du scénario offre l'opportunité aux PJ de rentrer dans la légende d’Arthur en le côtoyant brièvement et en l’aidant. Certaines scènes sont très épiques et se prêtent très bien à des descriptions fastueuses. C’est à ce moment-là qu'on sent la patte “Pendragon” pour la première fois et c’est sans doute ce qui nous a accroché dès le début, malgré une certaine lourdeur du système.
Il faut tout de même noter que le scénario et toute la campagne sont basés sur l’hypothèse que les PJ sont des chevaliers loyaux et qu’ils vont prendre le parti d’Arthur. S’ils ne le font pas, la suite va être très compliquée à justifier et gérer narrativement tout en restant dans un esprit de jeu romantique et chevaleresque.
Cette fin de scénario est aussi l’occasion de faire le premier combat individuel, et malgré la technicité de la gestion, le système nous a permis d’obtenir une scène très vivante, avec quelques actions spectaculaires et cinématographique grâce à l’utilisation des Passions qui permettent de vraiment rendre les personnages surhumains. Cette scène nous a également permis de réaliser à quel point il était important de penser à varier ses manœuvres de combat lorsqu’un affrontement semble tourner au duel de jets de dés sans arriver à obtenir un avantage net d’un côté ou de l’autre. Les manœuvres peuvent retourner une situation qui paraît bloquée.
La fin du scénario met en scène une grande bataille où toutes les règles de combat de masse et de combat sont appliquées. C’est un gros morceau qui nous a pris quelques heures, mais qui nous a permis d’acquérir pas mal d’automatisme et sur la fin ça commençait à être plus fluide.
Scénario 2
Le second scénario démarre l’année suivante, puisque à Pendragon on joue un scénario par an. C’est donc l’occasion de faire une saison d’hivernage qui est limitée au strict minimum dans le Starter set, à savoir faire évoluer les personnages. Dans le jeu complet, cette phase prend sans doute beaucoup plus d’importance.
Les PJ sont envoyés en mission diplomatique par Arthur et Merlin, le roi Lot, bien que battu l’année dernière ne renonce pas et la guerre continue. Arthur a donc besoin de savoir quels sont les seigneurs sur lesquels il peut compter. Les PJ sont donc ces émissaires afin de tenter de convaincre trois d’entre eux de se joindre à Arthur.
Ce scénario fait la part-belle aux occasions de roleplay car la diplomatie est au cœur du sujet et les chevaliers vont découvrir qu’il n’est pas toujours facile de respecter ses devoirs et l'étiquette mais pourtant lorsqu’on est au service du roi il faut s’y plier.
Ce scénario est également l’occasion d’une première rencontre claire avec des éléments fantastiques de l’univers
A l’issue de la mission diplomatique, l’année se termine sur le dernier affrontement contre les troupes du roi Lot. La bataille est grande envergure comparée au précédent et il s’y passe beaucoup de choses, donnant un souffle épique incontestable. Au cours de notre partie les PJ ont pu influer sur le déroulé des événements facilitant ainsi la défaite de Lot qui parvient toutefois à s’échapper à nouveau.
Cette bataille a aussi été l’occasion de constater la dangerosité du combat lorsque deux chevaliers s’affrontent. Voulant exploiter une opportunité qu’ils s’étaient créés, les PJ ont attaqué le roi Lot et son escorte pour tenter de le capturer. Mais un des PJ s’est littéralement fait one-shot par un des chevaliers de l’escorte ce qui a fait avorter la tentative. Les PJ n’étaient pas de taille à pouvoir les affronter dans ces conditions.
Cette bataille nous a occupé une bonne partie de la soirée, mais à ce stade nous maîtrisions plutôt bien les mécanismes et on s’était réparti les tâches, donc la gestion des jets de dés successifs et la lecture des résultats a été plutôt fluide, ce qui nous a permis de mettre un peu plus de narratif dans les descriptions et les choix.
Scénario 3
Le dernier scénario est plus court que les autres mais il vient couronner la petite campagne en guise de final et nous fait entrer de plein pied dans la légende Arthurienne. Et l’histoire commence très fort…puisque Arthur a disparu!
Le scénario nous fait vivre une variante d’une des nombreuses du mythe arthurien et j’ai apprécié la façon dont le mythe est utilisé, transformé puis redonné aux PJ pour que ça deviennent leur mythe. Ce point est d’ailleurs présent tout au long des trois scénarios, où Histoire et Légende sont allègrement mixés et réappropriés afin que les joueurs et joueuses se sentent au cœur de l’aventure tout en ayant vraiment l’impression que c’est “comme ça que ça c’est passé en réalité”.
Conclusion
J’ai acheté ce Starter Set pour me donner une chance de découvrir Pendragon un jeu de l’ère fossile mais qui a toujours fait parler de lui et que je n’avais jamais eu l'occasion de tester en tant que PJ et jamais oser en tant que MJ car entre la complexité des règles et le manque de connaissances sur le mythe, j’ai toujours senti le truc casse-gueule pour moi.
Et bien ce kit fait très bien le job. Il m’a permis de jouer pendant probablement un peu plus d’une vingtaine d’heure et de comprendre l'approche “Pendragon” de l’aventure et le talent des auteurs de ce starter y est pour beaucoup. Je ne le répéterai pas assez, mais la qualité d’écriture de cette boîte est probablement au cœur de cette réussite.
Ca m’a permis aussi de découvrir les règles de la V6, ou en partie, je pense que le starter set contient les 75% de ce qu’il y a à savoir, le reste étant probablement les règles d’hivernage, lignage etc. Je savais que j’allais tomber sur un système plus crunchy que ce qu’il y a habituellement dans ma zone de confort…et je n’ai pas été déçu, ce jeu est crunchy. Cependant le Starter Set donne tous les outils pour que l’appropriation se fasse de façon très progressive et en ce sens le volume 1 avec l’aventure en solo est vraiment utile. Évidemment sur les premières parties j’ai régulièrement fait des erreurs et des oublis, mais petit à petit les choses se sont mises en place et mes joueurs s’appropriant également le fonctionnement sont devenus des appuis pour fluidifier également la gestion. Alors on peut s’interroger sur la nécessité de faire l’effort d’utiliser un tel système, pourquoi ne pas le hacker??!! La réponse m’est apparue en jouant, une fois que le système tourne on crée une dynamique qui est vraiment propre à Pendragon et qui va générer du jeu, des événements et au bout du compte de la narration qui sont dans l’esprit romanesque et chevaleresque de cet univers. Le système a été ciselé pour fournir ce résultat et ça marche!
Après ce Starter Set, je me sens apte à affronter la version complète de la V6 et j’ai même hâte de la lire pour enfin découvrir comment on gère les héritages, les histoires de fesses, les luttes pour les possessions, etc. Je suis également curieux de voir ce qui sortira comme campagnes pour cette V6 car quand on y réfléchit un peu il n’y a qu’une seule campagne qu’on a envie de faire…la Grande Campagne, celle qui couvre toute l’épopée du cycle d’Arthur et des chevaliers du Graal.