[CR] Millevaux et autres jeux Outsider

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Pikathulhu
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

POMPÉI

Vivre le dernier jour de Pompéi, à travers le temps, encore, toujours.

Jeu : Inflorenza minima, le jeu de rôle des contes cruels dans les forêts de Millevaux

Joué le 27/11/2015 chez l'habitant lors de la tournée Paris est Millevaux 2

Personnages : Rufius, Sura, Marcus

Image
crédits : kaveman743, lacylouwho, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com


Le théâtre :

On joue dans l'empire romain, transposé dans Millevaux : c'est l'empire romain à son apogée avant les invasions barbares, les révoltes des gladiateurs, des esclaves ou de la plèbe (ruines), alors que la forêt le menace de toute part, que la mémoire se fane (oubli), que la décadence corrompt les mœurs (emprise). Tous les cultes sont autorisés (égrégore) hormis celui des chrétiens car ils refusent l'autorité de César, mais les dieux ne répondent plus aux prières et aux sacrifices. Parmi les cultes autorisés, on voit émerger les cultes de démons infernaux et sauvages, les horlas, fruits de l'emprise et de l'égrégore.

Les personnages habitent à Pompéi. Ils se réveillent un matin, à la suite d'un rêve prémonitoire, avec la certitude qu'ils ne survivront pas jusqu'à l'aube prochaine. Dans ce théâtre, on joue donc le dernier jour de la catastrophe de Pompéi. Avec la certitude que les personnages des joueurs ne survivront pas jusqu'à la prochaine aube, mais sans savoir à l'avance dans quelles circonstances ils mourront. A quoi vont-ils consacrer le temps qui leur est imparti ?


Les personnages :

Rufius, sénateur
Objectif : sauver sa fille Camilla
Symboles : cité, apparat

Sura, scientifique
Objectif : sacrifier Camilla pour en extraire le sérum
Symboles : lois, mensonge

Marcus, scientifique
Objectif : sauver Camilla pour l'étudier et apprendre à produire le sérum
Symboles : Peur, technologie


L'histoire :

Le sénat de Pompéi tient une réunion extraordinaire dans un amphithéâtre blanc qui donne sur la mer et le ciel bleu. Il est caché de la ville et de sa plèbe par des grandes tentures pourpres. Au-dessus du Vésuve, le ciel est gris, comme un jour d'orage. L'objet de la réunion est de statuer sur le sort d'un quartier contaminé par l'emprise, une maladie mutagène. Aussi deux scientifiques, Sura et Marcus, chargés d'étudier ce mal, ont-ils été conviés en tant que conseillers.

Un vieillard fait irruption dans l'amphithéâtre. Il traite les sénateurs d'imposteurs et de spoliateurs, il clame que Pompéi est condamnée. Il touche une tenture pourpre, celle-ci pourrit instantanément et répand son mal aux autres tentures.

Les sénateurs ordonnent aux gardes de s'emparer du vieillard. Othon, un jeune sénateur, neveu de César à qui il doit sa place, grand et bel homme, musclé, statuaire, pur, au visage marmoréen, réclame qu'on crucifie ce sorcier. Sura et Marcus insistent pour qu'on leur permette d'étudier ce sorcier avant son supplice : peut-être sa façon d'utiliser l'emprise leur permettra d'apprendre comment la combattre. On vote et, sur la proposition de Rufius, les sénateurs décident de reporter la crucifixion au lendemain, et de confier le vieillard à l'étude des scientifiques entre temps : c'est tout le délai qu'il leur fallait. Les deux hommes se sont réveillés ce matin avec la prémonition qu'ils ne verraient pas la prochaine aube.

< <
C'était il y a quelques jours.
Othon vient voir les scientifiques, dans leur laboratoire situé dans le quartier contaminé. Il leur présente Siléas, son favori, un beau jeune homme aux cheveux blonds bouclés. Son cuir chevelu se détache comme un tapis, il est moisi : Siléas est atteint par l'emprise. Othon les couvrira d'or s'ils le guérissent. Sura et Marcus ne connaissent hélas aucun remède à l'emprise pour le moment. Tous leurs espoirs de recherche reposent une jeune femme parmi les esclaves à qui ils inoculent des ferments d'emprise : Camilla, qui n'a pas contracté la maladie. Elle est porteuse saine, et en l'étudiant, ils pourraient trouver un sérum pour guérir de l'emprise. Mais à l'heure où Othon vient les trouver, ils n'ont rien. Lysine, une autre scientifique du laboratoire, également prêtresse de Salus, la déesse de la guérison, leur propose une option. Elle peut "racler" les parties putréfiées grâce à la chirurgie. Cela lui accordera un sursis.

I I
Marcus a une vision du présent, dans l'amphithéâtre. Il aperçoit Siléas, au côté d'Othon, la tête grossie d'un épais bandage. Dans ce présent, Lysine a procédé à l'opération. On lui a coupé un de ses bras, parce que l'emprise avait progressé malgré tout.

I I
Il voit un autre présent, où ils ont avoué leur impuissance à Othon. Ils se retrouvent avec un puissant ennemi au Sénat, qui veut faire arrêter leurs expériences.

< <
Sura et Marcus laissent Siléas aux bons soins des couteaux de Lysine. Deux gardes d'Othon apportent de lourds sacs. Othon leur ordonne de se mettre à genoux. Ils les fait couvrir de pièces d'or.

< < Rufius, le sénateur, s'est réveillé ce matin avec la prémonition qu'il ne passerait pas l'aube. Il avait eu une concubine, par le passé, Annia, et quand elle était devenu un poids, il l'avait fait supprimer. Il avait fait en sorte que le fruit de leur union, Camilla, soit écarté de sa vue. Mais alors qu'il pressent la catastrophe de Pompéi et qu'il ne sait qu'il ne lui reste qu'un jour à vie, il veut sauver Camilla de la mort.

< <
Ce n'est pas une chose qu'il avait en tête quand il est venu visiter le laboratoire il y a quelques jours, pour rencontrer Sura et Marcus. Échappée de sa cage, Camilla se présente à lui. C'est une adolescente aux cheveux courts, au visage androgyne. Sa tunique cache ses formes. Elle a un cathéter à son bras, on lui prélève du sang régulièrement pour tenter de trouver un sérum. Elle supplie son père d'interdire que les scientifiques fassent d'elle une cobaye, et il lui dit qu'elle doit faire son devoir pour la cité. Marcus la raccompagne de force dans sa chambre, et sur le chemin, elle lui demande de la laisser s'enfuir.

> >
Dans un futur impossible, Marcus est dans un laboratoire roulant, aux côtés de Camilla. L'emprise a eu raison de l'empire romain. Le laboratoire erre par monts et par vaux, tâchant de se soustraire à la convoitise des pillards. Camilla a soixante ans, elle est alitée, câblée à des tuyaux qui lui pompent du sang. Ils arrivent à soigner quelques personnes en leur transfusant le sang de Camilla, comme Siléas, qui en reçoit depuis tout ce temps. Mais ils n'ont pas encore trouvé comment fabriquer le sérum en quantité. Camilla est restée leur cobaye car elle s'est résigné à son sort, elle a reconnu que c'était son devoir. Elle est en train de rendre son dernier soupir. Elle ricane : "Et vous n'avez jamais songé à me faire un enfant, alors que le remède contre l'emprise aurait exigé des générations de recherche !"

< <
Juste avant que Marcus emporte Camilla dans sa chambre, Rufius lui dit au revoir. Ils sont presque intimes. Rufius aurait-il déjà en tête la prémonition de mort qui lui va venir ? Il n'avait pas revu Camilla depuis sa plus tendre enfance et il la retrouve presque femme. Alors qu'ils se séparent, chacun agrippe le bras de l'autre.
"Vous ressemblez à votre mère.
- Et vous, vous ressemblez à un père."

I I
Retour au présent. Othon veut murer le quartier des contaminés pour que l'emprise ne s'étende pas au reste de la ville. Ses maçons sont prêts à agir dès que la décision sera votée. Marcus proteste, si le quartier est muré, il ne pourra pas sauver Camilla.

> >
Rufius se voit dans le futur. C'est la nuit, il embarque sur un bateau, avec son frère armateur. Des boules de feu pleuvent sur la ville. Un vent de tempête s'est levé. Son frère le regarde, et le vent lui frappe le visage. Le vent qui vient du quartier contaminé, qui n'a pas été muré, le mur aurait empêché le vent de colporter les miasmes. Son frère le regarde, et des tumeurs minérales lui poussent sur le visage.

> >
Un autre futur impossible, où Sura aurait survécu malgré la prémonition. Le lendemain de la catastrophe. Il est dans l'amphithéâtre, gris de cendres. Recroquevillés sur les marches, Othon et Siléas, statufiés dans une ultime étreinte. Lysine a fait dresser un bûcher. Elle dit à Sura qu'il est temps de sacrifier Camilla dans un holocauste à la gloire de Salus, c'est la bonne date comme l'a prédit l'astrologie. Camilla est ligotée, Sura n'a plus qu'à la traîner sur le bûcher.

I I
Le présent. Rufius va voir le bateau de son frère dont il sait qu'il sera le seul à pouvoir quitter Pompéi à temps. C'est un petit bateau amarré au quai le plus avancé. Rufius sait d'après sa vision que seules trois personnes pourront monter à bord, sans quoi le bateau ne sera pas assez rapide, il le voit déjà transpercé par une chute de pierre. Quand il arrive au bateau, il trouve son frère en discussion avec Othon, qui veut lui acheter le bateau, qui veut quitter la ville parce qu'il n'a pas réussi à faire murer le quartier contaminé. Il emmène Siléas, et aussi Lysine, qui porte avec elle sa trousse à couteaux : Othon l'a débauchée pour qu'elle se consacre aux "soins" de Siléas.

Rufius ne veut pas de ce futur possible dans lequel Othon, Siléas et Lysine seraient les seuls à s'échapper de Pompéi. Il les convainc de passer une dernière soirée dans la villa d'Othon, sur les flancs du volcan. Othon accepte à condition qu'il passe la soirée avec eux. Rufius sait que la villa est trop éloignée pour qu'il ait un quelconque espoir de gagner les quais à temps, mais il se sait condamné de toute façon. Le bateau, c'est pour Camilla. Alors il accepte de passer la soirée avec Othon et Siléas, dans la ville. "Je me chargerai du vin."

> >
Dans un futur où Camilla a été sacrifiée. Lysine et Sura sont à Rome, dans un immense sanatorium sous leur responsabilité. Ils sont riches. Ils passent leur temps à charcuter des malades. Sura confie à Lysine ses doutes éthiques. Lysine argue que la science progresse. Les incisions sont de plus en précises, les patients survivent de plus en plus longtemps. Un jour peut-être, on trouvera un remède. En attendant, ils sont tous les deux les personnes les plus influentes de Rome !

< <
Dans le passé. Annia a convié Rufius dans sa villa. Le lieu est envahi de fleurs aux senteurs musquées, et de végétation luxuriante. Annia est plus belle et sensuelle que jamais. C'est le moment où leur relation est à son apogée, avant que Rufius ne se lasse. Annia lui dit qu'elle a fait un rituel de fertilité en l'honneur de Bacchus, ce soir ils pourront faire un enfant. Rufius accepte et l'enlace. Pour autant, à la regarder, il se demande si elle n'est pas un horla.
Au dehors de la villa, on entend tac, tac, tac.
Le bruit des chutes de pierre ponce envahit même ses souvenirs.

> >
Dans un futur, aux dernières heures de Pompéi. Rufius court à travers la ville pour gagner les quais. Il voit autour de lui les premières personnes statufiées par la pluie de cendres. Il s'adresse devant l'une d'elle, stupéfait. C'est Annia, les bras tendus, plus belle que jamais.
C'est la statue qu'il avait faite ériger en son honneur, à l'époque de leur idylle.

< <
Dans le proche passé, pendant la réunion du sénat. Marcus évoque l'intérêt de Camilla pour leurs recherches. Othon pense qu'elle est un horla, il n'a aucune confiance en elle, et pense qu'elle est à l'origine de l'épidémie plus qu'elle n'en est que la solution. Il paraît évident qu'Othon ne laissera jamais Siléas se faire transfuser du sang de Camilla.

> >
Dans un futur impossible. Othon, Siléas et Sura sont dans le bateau au large de Pompéi, qui à l'horizon disparaît avec le Vésuve dans un immense nuage noir. Malgré son amputation d'un bras, l'emprise s'est développée dans l'autre bras de Siléas. Othon, le visage crispé à l'extrême, tend à Sura la trousse de couteaux de Lysine et lui ordonne d'opérer. Alors Sura s'exécute et ampute le deuxième bras de Siléas.

I I
Le présent. Othon, Siléas et Rufius sont réunis dans la villa. Rufius apporte des coupes de vin. Il a empoisonné celle d'Othon. Marcus fait irruption. Au dehors, les pluies de cendre font rage. Il est grand temps de partir.
Par l'intermédiaire de l'égrégore, Marcus, Rufius et Sura sont d'accord sur qui doit partir dans le bateau. Les deux seules personnes qui sont vraiment innocentes.

Dans le laboratoire, Lysine a fait monter un bûcher en toute hâte. Camilla est ligotée. Lysine se prépare pour le départ, elle range ses couteaux dans sa trousse. Lysine dit à Sura qu'il faut faire l'holocauste maintenant, il suffit de mentir au peuple quant à la date donnée par l'astrologie. Ce qui compte n'est pas l'efficacité intrinsèque du rituel, mais la confiance que le peuple va mettre dans le rituel, confiance qu'il va reporter dans le culte de Salus. C'est ce qui permettra au culte de Salus d'avoir le crédit nécessaire pour prendre en charge tous les malades de l'emprise.

Sura s'empare d'un des couteaux et frappe Lysine. Lysine se débat et le transperce à son tour. Ils s'écroulent tous les deux par terre, l'un contre l'autre, Lysine au dessus de Sura. Elle a le temps de lui dire ces derniers mots :
"J'avais... tellement de projets pour nous deux."

Rufius tend sa coupe de vin pour trinquer à la santé d'Othon. Marcus prend une coupe et se joint à eux. Il faut occuper Othon pour qu'il ne remarque pas que Siléas ne boit pas. Othon entrechoque sa coupe avec celles de Rufius et de Marcus, de telle sorte que les vins se mélangent. Il boit lentement, pour s'assurer que Rufius et Marcus boivent également.

Le lendemain.

Camilla et Siléas sont dans le bateau. À l'horizon, Pompéi et le Vésuve ne forment plus qu'un immense nuage noir.
Rufia, Sura et Marcus observent la scène. Ils sont dans la barque, mais ne sont plus que des fantômes.
Camilla rame puisque Siléas n'est pas en état de le faire. Elle fixe le ciel bleu en face. Puis elle se retourne vers les fantômes.

Et sourit.


Commentaires sur le jeu :

On a joué deux heures, en Inflorenza Minima, j'étais meneur.

Je crois qu'on était tous les quatre très satisfaits de l'aventure. Pour ma part, quand j'ai développé et maîtrisé Odysséa, j'ai appris pas mal de choses et je les ai réincorporées ici, notamment les voyages dans le temps pour approfondir le passif des personnages et leur faire explorer les conséquences de leurs acte. J'ai parfois fait jouer des futurs impossibles, où un des personnages avait survécu, ça a amplifié le vertige logique. Je retiens aussi la scène où dans un futur impossible, Marcus parle à Camilla qui a soixante ans, et les deux autres personnages, restés dans le passé ou Rufius rencontre Camilla, lui parlent depuis là. En pratique, c'était une discussion méta entre joueurs, mais ça donnait vraiment l'impression que les temporalités se mélangeaient, que les personnages se parlaient à travers le temps et les potentialités via l'égrégore. Tout ceci, avec la scène des pierres ponces qui tombent dans un souvenir de Rufius, relevait d'une esthétique au service du jeu moral.

Les joueurs ont été très bons dans le choix de leurs objectifs, ils ont mis en place une situation de départ très problématique. Mention au joueur de Sura, qui malgré le fait qu'il n'aime pas trop la compétition d'habitude, s'est dévoué pour écrire un objectif en nette opposition avec les deux autres. Les joueurs ont très bien su jouer l'évolution de leurs personnages. Nous avions fait le pari de savoir si l'on pouvait jouer une fois que l'enjeu de la survie du personnage était écarté, et je peux croire que ce pari a été relevé.


Retour du joueur de Sura après lecture du compte-rendu :

C’est la première fois que je jouais dans l’univers de Millevaux et à un jeu de Thomas Munier. Nous avions été mis au courant dans les semaines qui précèdent de la nature du scénario. J’appréhendais le coté mort annoncée et j’avais peur de ne pas savoir comment le jouer. J’ai trouvé que le fait de fixer son objectif au départ permettait d’une part de combler ce potentiel manque de ressort ludique, et d’autre part, pour quelqu’un qui n’a pas une grosse expérience rôliste, je trouve que ça donne des guidelines sur comment jouer son personnage.
Je tiens également à revenir sur la structure temporelle éclatée. Pour un lecteur du rapport de partie ça doit être perturbant, mais à jouer c’est extraordinaire ! On fait mention d’un fait nouveau qui prend racine dans le passé, bam ! on joue cet événement fondateur. Le joueur hésite sur un choix moral de son personnage ? Soupesons le pour et le contre en examinant concrètement ce qui se passe avec des futurs possible !
Tout cela réalisé avec fluidité et une main de maître par Thomas, cette partie est une de mes meilleurs expérience rôlistes.
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

RAPTOURS SUR LA CHNOUF

Des raptours, de la chnouf, des trucs limbiques, une bonne sœur, et des grognards empêtrés au propre comme au figuré dans une séance punitive, où l'équilibrage pose question.

Jeu : Empreintes & Horlas, derniers grognards des forêts maudites de Millevaux

Joué le 28/11/2015 chez l'habitant lors de la tournée Paris est Millevaux 2
Personnages : Pouce le forestier, Abraham le lazaréen, Charon le survivaliste, Glaiseux le maletrait, Blandine la nonne-voleuse, Frérot le horsain-spectre.

Image
crédits : Robin Hutton, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com


L'histoire :

Blackout.

Quand les grognards reprennent leurs esprits, ils sont à bord d'une nacelle de montgolfière. Le brûleur fonctionne encore mais l’aérostat s'est visiblement crashé dans les branches. La toile est dégonflée et déchirée, ils sont coincés à quelques mètres du sol. Pouce le forestier, un gars tout menu, est empêtré dans les cordages au-dessus de leurs têtes. Glaiseux le maletrait est accroché par un pied à un cordage qui pend de la nacelle, il pend comme ça la tête en bas, nu, couvert de boue.
Juste en dessous de lui, à jouer à saute-mouton pour l’attraper, il y a trois raptours écumants ! Ces trucs sont au sommet de la chaîne alimentaire !
Mais qu'est-ce qu'on fait les grognards pour se retrouver dans un tel merdier ?

Abraham avise un des quatre sacs de lest accrochés à la nacelle. Il croit que s'en débarrasser pourrait faire remonter la nacelle... En bas, au sol, au milieu des raptours et de leurs affaires disséminées, un gars se met à gueuler. Possiblement le pilote. "Balance pas ça, crétin ! Venez plutôt m'aider, je suis le seul qui peut vous sortir de là !". Abraham ignore l'avertissement, il balance le sac qui s'éventre en tombant, relarguant de la poudre blanche : de la came ! Glaiseux s'en prend plein les narines et les raptours dégustent aussi.

Glaiseux commence à voir les choses différemment. Il voit tout en négatif. Il comprend que la poudre est une drogue de perception astrale. Il voit dans l'arbre en face de lui une ouverture vers les forêts limbiques : planque ou échappatoire idéale, les raptours ne pourront pas l'y retrouver. Il se balance comme il peut et arrive à agripper l'ouverture dans l'arbre. L'un des raptours grimpe sur le tronc et le dézingue méchamment d'un coup de griffe. Cela dégage la glaise qu'il a sur la cuisse, et on s'aperçoit que sa peau est toute transparente. Trop dégueu !

Abraham le lazaréen se saisit du brûleur et le balance sur les raptours en contrebas. Cela déséquilibre la nacelle et Charon passe par-dessus bord et s'écrase au sol.

L'un des raptours lève son museau du cadavre du pilote qu'il vient de finir de boulotter. Il est crépi de sang et de tripailles et s'en prend maintenant à Charon. Charon trouve un flingue au sol, sûrement une de leurs affaires qui ont benné par dessus-bord lors du crash. Il enfonce le flingue dans la gueule du raptor et tire une praline. Avale celle-là ! ça déglingue un peu le raptours mais il faut plus pour les réduire au silence ces bestioles-là.
Charon ramasse ce qu'il reste de chnouf au sol et s'en envoie une bonne dose dans les narines, il trouve une ouverture dans un arbre vers les forêts limbiques mais choisit de rester en combat malgré cette porte de sortie. Au final, une baffe de l'ours va le sonner tellement que ça va le dégriser et il ne verra plus le passage limbique.

Pouce essaye de se dépêtrer des câbles. Mais est-ce parce qu'il y a un passage vers les forêts limbiques, où parce que la situation : meurtre, prédation, chnouf, dégage un max d'égrégore ? Le fantôme d'un de ses frères se matérialise dans son dos. Parce que oui, dans cette histoire, le Petit Poucet n'a pas réussi à sauver ses frangins de la forêt, et maintenant qu'il est adulte, les frangins le hantent pour se venger de son incurie. Le frérot étrangle Pouce avec les câbles : « Enculé ! » Pouce fait une expérience de mort imminente, il voit la lumière au bout du tunnel, il voit Jésus ! Puis il arrive à se dégager et tombe dans la nacelle.

Glaiseux voit un truc sortir du passage limbique. C'est une sorte d'oiseau planeur, mais avec un drôle de bec tout ouvert, qui aspire. Le piaf gobeur va jusqu'à Abraham et commence à lui sucer toute son égrégore de lazaréen. Abraham est obligé de se poudrer le nez pour voir d'où vient le danger.

Glaiseux se dégage juste à temps de l'emprise du raptours dans les arbres, et parvient à sauter à bord de la nacelle.

Tout à coup, ça frappe sous le plancher de la nacelle. Cela doit être un faux plancher, il y a quelqu'un ou quelque chose dessous. C'est plutôt quelqu'un parce que ça gueule : "Sortez-moi de là ou vous allez avoir de gros problèmes !". Glaiseux bloque le faux plancher avec ses pieds et crie au passager clandestin de fermer sa gueule. Mais là-dessous, ça insiste : "Sortez-moi de là au nom de Dieu !". Glaiseux ouvre le faux plancher et libère la personne prisonnière. En fait, c'est une bonne sœur, avec la tunique, la coiffe et tout le bataclan. "Je suis la fille du parrain à qui vous avez volé la chnouf, laissez-moi en discuter avec vous et ça peut encore se régler à l'amiable !". Il essaie de la balancer par-dessus bord en espérant qu'en la jetant en pâture aux raptours ça donnera un peu de répit à Charon. Pouce, qui est devenu un gros bigot depuis une minute, depuis qu'il a vu Jésus dans une ampoule, supporte pas qu'on fasse du mal à la bonne soeur. Il se dégage des cordages et vient défendre la nonne.

Le raptours qui était sur le tronc saute à son tour dans la nacelle, il défonce le faux plancher, et sous son poids, la nacelle descend dangereusement vers les raptours du bas.

Glaiseux s'empare d'un des sacs de chnouf. "Touche pas à la chnouf !", s'égosille la bonne sœur ! Glaiseux sent qu'il y a un sac spécial, qu'est autre chose que de la chnouf, quelque chose de plus précieux encore. Il teste son sac, c'est bien de la blanche, ça doit être un autre. Pouce choure à Glaiseux son sac de chnouf. En même temps, excité par toute cette affaire, il descendrait bien voir le mâle alpha. S'ils lui font sa fête, les deux autres raptours deviendront leurs dominés, ce serait bien cool plus tard, d'entrer dans une auberge et d'annoncer : "J'offre la tournée générale ! Et je paierai pas ! Et de montrer les deux raptours bras croisés à ses flancs au cas où y'en a qui voudraient discuter." Mais ça ne se fera pas parce que le raptours de la nacelle ventile Pouce façon puzzle.

Le troisième raptours, le mâle alpha, un grand raptours blanc dévasté de balafres, se dresse de toute sa hauteur et pousse un long hurlement reptilien. Il dégage le raptours ensanglanté pour s'en prendre à Charon : on ne lui dispute pas un repas impunément. Au final, Charon est pas de taille et se fait dévorer.

Deux autres oiseaux sortent du passage limbique. Un gobeur pélican albinos qui va se poser sur un autre sac, sûrement le truc vraiment précieux qui est pas de la chnouf ! Et y'a un autre piaf, un truc vraiment immense, qui ressemble à une raie manta, avec une bouche immense pour aspirer l'égrégore par pack de douze.

Abraham utilise son emprise pour fusionner avec le gobeur pélican albinos, ça devient carrément bizarre, Abraham a maintenant un bec, et des ailes limbiques. Il n'aura hélas pas le temps de profiter de ces nouvelles capacités car le raptours de la nacelle le déchire en deux.


Le Glaiseux va peut-être y aller plus vite que prévu au mâle alpha, parce que le poids du raptours fait descendre la nacelle dans un grand craquement de branches. Alors il décide qu'il en a assez vu et se barre dans les branches avec son sac de chnouf.

Le frérot spectral arrive à se sortir des câbles, et avec la nonne ils se barrent dans les forêts limbiques. Sans passeur pour les guider, ça va être coton, mais ce sera toujours plus sympa que de faire la causette aux raptours !


Feuilles de personnage :

Pouce, forestier
Limitation : hanté par les spectres de ses frères + dévot (acquis en cours de jeu)
CON 1, encaisser
DEX 2, esquive, manœuvre discrète
CLA 3, détection du caché, détecter une zone d'intérêt, déguisement
MOR 2, négociation, résistance à l'envoûtement
EMP 2, commandement aux animaux, dissimulation
EGR 0
Matériel lourd : sac de chnouf
Mission : sauver la bonne sœur

Le Glaiseux, maletrait
Limitation : incapable de tenir une promesse
FOR 2, épreuve de force
DEX 2, acrobaties, esquive
EMP 3, commandement aux animaux
MEM 0
Mission : défoncer le mâle alpha + me sauver avec la chnouf

Charon, survivaliste
Limitation : double personnalité
FOR 3, combat au corps à corps, combat à distance, combat à mains nues
CON 2, encaisser
DEX 2, acrobaties, esquive
CLA 1
MOR 1
EMP 1
EGR 0
MEM 2, création de mission, fouiller dans son passé
Mission : vengeance contre les raptours

Abraham, lazaréen
Limitation : main gauche faible
FOR 0
CON 1
DEX 2, lancer, esquive
CLA 2, détection du caché, détecter une zone d'intérêt
MOR 1
EMP 2, commandement aux animaux, symbiose horla
EGR 3, détection de l'invisible, symbiose spectrale
MEM 1
Mission : venger Pouce

Blandine, nonne-voleuse
Limitation : indécise + faim d'égrégore (acquis en cours de jeu)
MOR 0
EMP 3, symbiose horla, planque discrète
EGR 2
Mission : sauver les trois derniers sacs de chnouf

Frérot spectral, horsain
FOR 2, DEX 2, EMP 2, EGR 3
Matériel léger : intangible


L'agenda de l'arbitre :

+ Lest = drogue
+ Le pilote est au sol
+ La drogue permet de percevoir les forêts limbiques
+ Raptours
+ le reste, je ne l'ai pas noté...


Figurants :

Nacelle 2
Cordes 3
Raptours arborigène (descendu à 5)
Branches 3
Vide 3
Raptours ensanglanté 6 (descendu à 3)
Frérot 4
Gobeur 3
Raptours mâle alpha 6
Gobeur Albinos 3
Gobeur Manta 4
Sac Méduse 4

total PA = 45/48

Marelles :

Bâche - Branches - Branches - Branches
I
Câbles
I
Nacelle - Branches
I I
Câbles - Passage forêt limbique
I I
Détente - Tronc
des Raptours I
I I
Sol - Racines


Règles utilisées :

très peu de changement par rapport au dernier test. Les monstres ne sont plus définis par deux scores (puissance et PV), mais par un seul score, qui sert à la fois de puissance et de PV : quand on frappe un monstre, il faut choisir entre lui infliger un effet (égaler son score, ou viser une réussite intermédiaire) ou lui faire baisser ses PV. Quand les PV d'un monstre baisse, sa puissance baisse puisqu'il n'a qu'un score. C'est peu ou prou recopié sur Tunnels & Trolls.

Feuille de personnage utilisée


Retour des joueurs :

+ les obstacles pérennes et les obstacles qui ne servent qu'une fois coûtent le même nombre de PA : est-ce que c'est problématique ?
+ Le fait que les ressources soient limitées à un dé, est-ce que ça ne limite pas le player skill ? (on peut faire une super description ou une utilisation intelligente des décors, ça ne rapporte qu'un dé).
+ Le fait qu'on parle de points de vie alors qu'il est préférable de les dépenser plutôt que de baisser les carac, c'est dissonnant. Seul le dernier PV est intéressant à conserver, les autres sont des ressources à dépenser en priorité avant de faire baisser les carac. Ne faudrait-il pas les renommer des points de grognardise ? Ne devrait-on pas dire qu'un perso meurt s'il a tant de carac descendues à zéro ?
+ Permettre une création de perso à la volée, c'est important.
+ De ce que tu nous as expliqué du passage de niveau (les carac augmentent juste, mais le nombre de PA également), les personnages sont toujours aussi fragiles. Problème ?
+ Trois persos morts durant la partie. Or, le jeu se destine à la campagne. Comment le taux de mortalité est-il compatible avec le jeu en campagne ?
+ La liste des 20 classes de personnages est trop désordonnées : l'organiser en arbre de classes, pourquoi pas intitulées comme les classes originaires de D&D : guerrier, voleur, mage, prêtre
+ Faut-il faire cohabiter les classes classiques (guerrier, druide...) avec les classes spéficifiques à Millevaux (taroticien, gastromancien...), beaucoup plus exotiques, mais aussi plus dures à interpréter ?
+ Avoir un dé pour sa classe de perso, est-ce que ce n'est pas la porte ouverte à des joueurs qui tordraient la fiction pour obtenir des dés ? Est-ce que la classe ne correspond pas ici à ce qu'on appelle les métiers dans D&D ?
+ Trois actions par tour, c'est trop. Descendre à une action (qui nécessite un jet de dé) et une manoeuvre (pour préparer son action ou faire un truc en réaction de l'échec/réussite de l'action).
+ L'asymétrie PJ/figurants n'est-elle pas trop exacerbée ? Comme c'est le joueur qui fait le jet de défense, il se prend des dégats de fatigue en attaque comme en défense, ce qui fait qu'il baisse beaucoup.
+ Tu as dépensé tous tes PA sur une seule scène, ce qui explique la mortalité. Si tu le fais à chaque fois, est-ce que ça ne rend pas le jeu trop difficile ?
+ C'est bien plus rentable pour toi de dépenser tes PA en quantité sur quelques monstres (ici, trois raptours à 6). Est-ce qu'il faut limiter ça (par exemple, dire pas plus d'un monstre à 6, deux monstres à 5, trois monstres à 4...)


Retour personnel :

+ Dans le dernier sac, il y avait en fait une tête de gorgone ! Artefact puissant qui était bien plus précieux et dangereux que la chnouf...
+ A moi de voir si il y a un problème d'équilibrage dans la gestion des PA, ou pas. En fait, on se posait la question de savoir si c'était bien la peine de comptabiliser les PA, si on pouvait pas donner un niveau à la louche, puisqu'au final on est arrivé à un stade où j'aurais bien donné un niveau, et justement j'avais dépensé tous mes PA.
+ Je suis content d'être passé à un seul score pour définir un monstre. En revanche, des monstres à 6, c'est VRAIMENT gros bill. Après si on se dit qu'on joue en forget game balance, que les personnages doivent apprendre à fuir, ça peut le faire. Je m'interroge.
+ Je me demande si c'est si intéressant que ça d'imprimer les talents sur la feuille de perso. D'une parce que ça peut être antinomique avec le player skill, de deux parce que parfois les talents sont pas évident à comprendre ou pas adaptés aux situations. J'hésite entre deux alternatives : jouer sans talent, on gagne un dé pour l'argumentaire, ou jouer avec des talents freeform écrits par les joueurs. Plus élégant, encore, que ces talents freeform ne soient plus subordonnés à une carac, mais subordonnés à la classe. On commencerait avec 6 talents de classe, toujours à définir en cours de jeu, et on gagnerait un talent supplémentaire par niveau. Du coup, ça permettrait de vraiment mettre en valeur le concept de classe. A tester.

Feuille de personnage après ces réflexions
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Pikathulhu
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

ROUGE

Première séance à partir du scénario rédigé, pour une plongée étouffante et tendue au cœur des Morts-Plateaux.

Jeu : Millevaux Sombre, supplément post-apocalyptique, forestier et sludgecore pour le jeu de rôle Sombre.

Joué le 29/11/2015 chez l'habitant lors de la tournée Paris est Millevaux 2
Personnages : Prof, Veine

Image
(crédit image : De3P-Photographer. Licence Creative Commons / Attribution, Free for non commercial use.
Flickr.com)



Feuilles de personnage :

Veine
Veine se prétend sorcière, quoi que cela puisse signifier. Sauvage, animale, elle inspire la crainte des plus superstitieux. Elle est toujours à la recherche de nouveaux savoirs en magie noire.

Veine
Sorcière désinvolte
E 10 – C 12
Médium (usage unique, peut communiquer avec un mort si elle en mange une partie)
Possédée (enfant de la Vieille)

Prof
Prof est un cartésien dans un monde qui a perdu la raison. Il est persuadé de savoir tout sur tout et cherche une explication scientifique à tous les phénomènes qu’il rencontre. Il accompagne Veine car il est fasciné par son côté irrationnel. Veine le laisse faire car ses connaissances peuvent être utiles

Prof
Érudit arrogant
E 12 – C 12
Objet
Écervelé


L'histoire :

Noirmont­ferrant. Cathédrale en ruines. Murailles, garnisons, des paramilitaires qui contrôlent. Prof et Veine convoqués dans une maison à encorbellement au fond d'une impasse, gardée par deux mercenaires avec des mitraillettes ­ signe de l'opulence de leur employeur, le vieux et riche marchand Arenius. Ils le rencontrent dans une pièce aux ouvertures masquées, il est dans une baignoire remplie de sels et d'herbes de guérison, parle d'une voix faible. Il les paye pour retrouver Alceste, son fils disparu dans la forêt des Morts­Plateaux, il y a quatre ans. Arénius n’a aucune compassion pour son héritier, mais il est mourant, il tient à ce que son affaire commerciale demeure dans la famille et tous ses autres enfants sont morts de maladie. La forêt hantée des Morts-­Plateaux, au sud de Noirmont-­Ferrant, a très mauvaise réputation. Très peu s’y aventurent et personne n’en est revenu depuis longtemps. Le vieux grigou a cependant de quoi convaincre Prof et Veine. Il leur promet à leur retour suffisamment d’argent pour les mettre à l’abri du besoin un bon bout de temps.

Il confie à Veine une peinture représentant Alceste avant sa disparition. C’est un très beau jeune homme en habits de velours. Il porte à son cou un objet fétiche en métal. Prof reconnaît là un appareil photo numérique, mais il se garde de l'expliquer à Veine pour le moment.

Au bout d'une semaine de voyage, Prof et Veine sont au cœur des Morts­Plateaux. Arbres à l'écorce semblable à de la peau. Prof pense reconnaître un bras dans une branche, une jambe dans une racine. L'un des arbres a presque une ombre humaine. Il avise la forme d'une tête sous des branches qui lui paraissent une chevelure hirsute. Il tâte ce qu'il imagine comme un nez et des yeux avec son bâton. Puis il monte sur le tronc pour les toucher de ses mains.

"Je serais vous, j'éviterais de faire une chose pareille."

La personne qui les a interrompus est Rouge, belle jeune femme blonde en manteau rouge, qui ne laisse pas d'empreinte sur l'humus. Son manteau n'accroche jamais ni la boue ni les feuilles mortes. Sa peau a l'air froid et humide comme celle d'un crapaud. Prof lui demande l'hospitalité chrétienne : le pain et le sel. Rouge les leur offre. Ils lui montrent le portrait d'Alceste, elle le reconnaît, elle ne cache pas son amour pour lui. Elle leur dit que Mère-­Grand le détient (c'est un mensonge). Elle ne peut pas se rendre chez elle en personne, mais elle leur confie sa tarte qui appâtera Mère-­Grand et la paralyse. Cette tarte au fruit des bois, recouverte de lanières de pâtes dorées, est chaude et respire comme un être vivant. Prof demande à Rouge si elle a un autre artefact à leur confier pour les aider, elle leur donne une fiole de mixture qui permet un bref accès aux forêts limbiques.

Rouge les accompagne jusqu'aux limites du territoire de Mère­Grand. Bivouac, Rouge allume un feu. Prof et Veine partent chasser, et dénichent un faisan de belle taille. Quand ils reviennent au bivouac, Rouge a disparu (elle a aperçu le Loup et a dû faire diversion). Ils découvrent Gros Manu, obèse cradingue, et Gueule, un type entièrement nu, qui se laisse aller à l'état animal sans que Gros Manu le corrige, ce qui est un blasphème. Gros Manu flaire la tarte avec envie. Il exige qu'on lui donne à manger. Prof et Veine plument et vident le faisan, au grand dam de Gros Manu qui ne comprend pas un tel gaspillage, donnent les pattes, la tête et les entrailles à manger à Gueule. Ils se prennent une part et donnent tout le reste à Gros Manu, pensant que ça suffira. Mais ce n'est pas le cas, Gros Manu aurait voulu tout manger, tout le faisan, toutes leurs provisions, et la tarte ­ tarte que Prof et Veine ne veulent surtout pas lui lâcher ! Gros Manu et Gueule deviennent violents, Prof crie à Veine de s'enfuir dans la forêt. Il fait diversion en projetant des braises dans la figure de Gros Manu avec la pelle de jardinage qui traînait dans son sac. Ensuite, il se débat pour s’échapper et rejoindre Veine mais Gros Manu et Gueule ne le laissent pas partir. D'ailleurs, lorsqu’il vient juste de s’enfuir, il voit Veine renoncer à la fuite et revenir le chercher. Veine vient de réaliser que seule elle ne s’en sortira pas et que Prof ne peut pas échapper aux deux agresseurs. Ils se rejoignent alors et se partagent la mixture limbique. Ils ont eu le temps d'encaisser des coups, mais une fois la mixture avalée, Gros Manu et Gueule ne peuvent plus les voir ni les frapper. Tout est en négatif dans la forêt limbique. Gros Manu et Gueule sont flous et intangibles. Chaque mouvement se fait en accéléré. Ils pensent à la cabane de Mère­Grand et s'y retrouvent en quelques enjambées.

C'est une petite cabane aux fenêtres fumées, ou vacille la lumière d'un feu. La chouette clouée à la porte est sans doute ce qui empêche Rouge de venir par là.
Prof et Veine frappent à la porte, c'est une vieille rabougrie avec un œil valide et un orbite vide et desséché qui leur ouvre. Ils avisent l'intérieur de la cabane derrière elle, table, chaises, provisions pendues à sécher, et marmite où mijote un infâme brouet... une main en dépasse.

Mère Grand est heureuse de manger de la tarte, à condition qu'un d'eux se dévoue pour goûter son brouet. Veine le fait sans appréhension, même si en réalité un tel acte de cannibalisme affecte son mental en profondeur. En mangeant cette chair humaine, elle comprend qu'il ne s'agit pas là d'Alceste. Par son don de nécrophagie médiumnique, elle voit une chose qui s'est passé ici : dans la cave, Mère­Grand tenant Alceste en otage, sanglé à une chaise de torture, et cette infâme vieille lui découpant le visage au couteau, nez, bouche, oreilles, joues arrachés un à un... "Sale traître, voilà pour toi !".

Une fois que Veine s'est rempli l'estomac, Mère Grand concède à manger la tarte, et tombe aussi à terre, paralysée. Prof et Veine la massacrent du mieux qu'ils peuvent.
Prof coupe la tête de Mère Grand et la jette dans le feu avec la chouette. Il descend dans la cave et y découvre la chaise de torture couverte de sang caillé depuis des lustres : le supplice d'Alceste doit dater d'un bon moment. Sur la chaise, il trouve l'appareil photo numérique d'Alceste.
Il remonte et apprend à utiliser l'appareil. Prenant une photo de la cabane, il voit Rouge et Alceste en fuir.

Prof fouille le corps de Mère Grand et il trouve une potion étrange. Il se rappelle alors avoir vu la même potion, il y a longtemps sur l'étal d'un alchimiste au marché de Noirmont-Ferrant. C'est une potion de phéromones, si une femme en consomme, elle peut attirer l'homme de son choix, même à des lieues à la ronde.
Prof débite Mère Grand en morceaux et laisse les morceaux dehors.
Ils dorment dans la cabane en attendant l'arrivée de Rouge. Pendant la nuit, Veine entend une petite voix dans la marmite. C'est l'enfant qu'elle porte dans son ventre, l'enfant que lui a donné Mère-Grand par le passé, en échange de ses secrets de sorcière. L'enfant lui demande qui a tué Mère-Grand, il veut se venger contre l'assassin. Veine ne dit rien, alors l'enfant pense que c'est elle. Il saute de la marmite, il lui saute à la gueule !

Veine se réveille. Dans son ventre, une terrible douleur ! L'enfant maudit l'a blessée de l'intérieur.
Veine va mal.

Rouge arrive enfin. Elle ne peut réprimer un sourire triomphant à la vue des restes de Mère-Grand entassés dehors. En causant, Prof la prend en photo. Il voit une image du passé, Rouge fuyant nue de la cabane, Alceste encore beau tentant de fuir à sa suite, rattrapé par Mère Grand. Il comprend que l'appareil permet de voir dans le passé. Il tente le zoom à fond. Il voit alors un parking, des lampadaires, du bitume, des maisons, des arbres domestiqués, le ciel bleu. La beauté de l'Âge d'or le plonge dans une immense nostalgie. Mais à ce stade, Prof, qui avait toujours eu une grande confiance en lui, est au fond de la mégalomanie. Il est certain d'être l'homme qui pourra faire revenir cet Âge d'Or.

Prof et Veine lui expliquent qu'Alceste n'est plus ici depuis longtemps. Rouge le sait, elle les a manipulés pour qu'ils tuent Mère Grand, pour se venger de ce que son ancienne mentor en sorcellerie a fait à Alceste. Maintenant, elle veut les manipuler pour qu'ils tuent aussi Loup, son rival en sorcellerie. Alors elle dit qu'Alceste a sans doute pris la fuite dans le territoire du Loup.

Prof lui demande si elle n'a pas une astuce de plus pour les aider. Elle leur propose le rituel du Cœur­-Crapaud ; elle peut remplacer le cœur de l'un d'eux par un crapaud. Si cette personne est tuée, le crapaud va sortir d'elle et forcer une personne proche à l'embrasser pour lui voler son enveloppe corporelle. Mais le rituel est douloureux. Prof se porte volontaire, alors qu'il est aux portes de la mort depuis le combat avec Gros Manu. Rouge l'avertit que ça va le tuer, mais Prof insiste : il voit dans le rituel un moyen de voler l'envelopper corporelle de Rouge, et d'être ainsi débarrassé d'une si dangereuse alliée. Rouge plonge sa main dans le torse de Prof et lui arrache le cœur. Veine est horrifiée. Rouge embrasse le cœur palpitant à pleine bouche, elle régurgite un crapaud qui se loge dans l'aorte, et remet le cœur dans la cage thoracique de Prof, raide mort à ses pieds. Comme Prof est mort, le crapaud en ressort aussitôt, il fonce vers Rouge, mais Rouge l'enferme dans son panier.

Veine, ivre de rage, a vu et subi trop d'atrocités pour garder son calme, elle se jette sur Rouge avec son couteau en bois aiguisé. Mais Rouge est plus forte qu'elle, elle est une arme vivante, elle lui brise la nuque puis lui éclate le crâne contre l'âtre de la cheminée.

Rouge débusque Gueule dans la forêt et l'entraîne de force à la cabane de Mère Grand, elle l'enferme avec le panier au crapaud, et reste au dehors. Elle crie à Prof­-crapaud de sauter dans la bouche de Gueule avant qu'il ne l'écrase, alors Prof s'exécute. Gueule l'embrasse à pleins chicots, le crapaud lui rentre dans le corps, la peau de Gueule se déchire, et un nouveau Prof en ressort comme d'une vieille mue.

Rouge annonce à Prof qu'il faut partir pour la forêt du Loup, mais avant Prof insiste pour démonter la cabane. Il en fait un bûcher funéraire pour offrir à Veine un hommage digne de ce nom. Prof est vraiment sur le fil entre la raison ­ qu'il pense, à tort, exacerbée ­ et la folie pure.

Prof fait boire la potion de phéromones à Rouge, et lui demande de penser à Alceste. Ils attendent ici pendant que le bûcher se consume. À un moment, arrive un homme au regard hagard. Il n'a plus de nez, ni d'oreilles, ni de lèvres. Il tient un présentoir à cartes postales qui lui sert de bâton et d'armes. Pas de doute, c'est Alceste, après son supplice. Un coup d'appareil photo permet de s'en assurer. Rouge est toujours aussi amoureuse de lui, c'est une chose qu'elle ne sait pas cacher. Prof leur explique l'histoire d'héritage (jusqu'à présent, il avait été évasif, mais là, Rouge insiste vraiment pour qu'il explique toute sa mission), et Rouge a l'air motivée à accompagner Prof et Alceste à Noirmont­Ferrant (elle convoite la fortune familiale, qui lui sera forcément utile en tant que sorcière). Mais avant, elle dit qu'il faut se débarrasser de Loup. Prof lui demande si elle a une dernière astuce en réserve. Elle lui confie son chaperon, qui permet de prendre son apparence. Prof le garde en réserve. Il voit Rouge nue, tout son corps est humide et froid comme celui d'un crapaud.

Avant de partir d'ici, Prof reprend une photo des cendres. Sur l'appareil, il se voit installant Veine sur le bûcher funéraire.
Ils entrent dans la forêt du Loup. Les arbres sont lacérés par ses griffes, couverts de son sang et de sa merde. Inscriptions en langue putride que Prof ne saurait déchiffrer.
Ils arrivent devant la grotte du Loup. Prof fait un feu de broussailles pour forcer Loup à sortir, et ils lui tombent à trois dessus. Loup a beau être un prédateur redoutable, il a beau les mordre et blesser Rouge et Prof gravement, il ne fait pas le poids à un contre trois, et s'écroule.

Prof, Rouge et Alceste rentrent à Noirmont­Ferrant. Avec l'appareil photo numérique qui remonte dans le temps, Prof n'a aucune peine à prouver l'identité d'Alceste.

Prof sait déjà ce qu'il va faire avec son riche salaire. Rester à Noirmont-­Ferrant, utiliser ses accointances avec Rouge pour monter une affaire. Retaper les maisons. Défricher, remettre en place des cultures. Réparer des machines. Peu à peu, reconstituer la vision qu'il a eu de l'Âge d'Or.

Ils sont chez un de ces notaires qui ne travaille que pour les riches, les seuls chez qui les bouts de papier ont encore un sens. Prof voit Alceste signer des papiers aux côtés de son père à l'agonie.

Rouge lui tourne le dos, elle se penche sur les papiers.

Puis elle se retourne, regarde Prof.

Sur son visage, un sourire machiavélique.


Commentaires sur le jeu :

+ La partie a duré 3h1/2. Au final, ce fut un certain challenge de faire durer la partie aussi longtemps avec seulement deux joueurs : les choses avancent plus vite et le scénario est plus létal. Je pense l'avoir relevé en prenant mon temps dans les développements, en laissant les personnages élaborer une tactique, en basant autant l'attrition sur l'Esprit que sur le Corps. On a du jouer 60 % des situations possibles en jeu. Il y a certaines choses que j'ai joué de travers (ainsi Rouge est censé confier son chaperon et sa galette aux PJ pour aller chez Mère Grand), sans que ça casse vraiment le jeu (c'était finalement intéressant que le chaperon revienne en jeu plus tard), et des choses que j'ai interprétées différemment (Rouge n'est pas censé avoir la peau humide et froide comme celle d'un crapaud dans le scénario écrit). J'aime voir ces transformations que la mémoire et l'imagination font subir à un scénario.

+ Je n'ai pas expliqué les règles en début de jeu, c'est une chose que je considère un peu comme un pensum à présent, je leur ai laissé le mémento Sombre et j'ai expliqué les combats quand çà s'est présenté, lors de la rencontre avec Gros Manu. Cela a engendré une légère confusion lors du premier round, et après ça a roulé.

+ C'était la première fois que je maîtrisais Rouge avec le scénario rédigé sous les yeux. J'ai relu le scénar une fois avant de me lancer, deux jours avant. En jeu, et comme j'avais respecté la structure classique de scénario imposée par Johan Scipion, je retrouvais les infos très facilement en feuilletant, puisque tous les scénarios sont rédigés comme ça. C'était très agréable, et comme toutes les descriptions et les cas de figures étaient écrits, j'ai eu la sensation de proposer une séance plus détaillée que lors des cinq playtests précédents.

+ N'ayant que deux joueurs, j'ai dégonflé l'adversité, en retirant 3 PNJ : Griffes, Ventre et Odorat.
Sinon, j'avais un gros risque de total player kill au moment de la rencontre avec Gros Manu, ce qui aurait écourté la session de jeu à 1h 1/2 alors qu'on avait 3h 1/2.

+ J'ai fait un oubli qui a considérablement changé l'équilibre du scénario en faveur des joueurs : normalement, l'appareil photo numérique est au cou de Gros Manu et la batterie au cou de Gueule. Quand j'y ai repensé, on était déjà chez Mère­-Grand, alors j'ai inventé une cave dans sa cabane et y ai placé la chaise de torture et l'appareil photo.

+ En théorie, celui qui bénéficie d'un crapaud­-cœur devient un PNJ lorsqu'il ressuscite, c'est en ça que Rouge ment quand elle explique le fonctionnement du Crapaud­Cœur aux PJ. Le truc, c'est que j'avais un total player kill au bout de 2h1/2 de jeu. J'ai donc estimé que le joueur de Prof pourrait garder le contrôle de son PJ une fois ressuscité. Il l'aurait fait de toute façon, mais sous forme de PNJ, il aurait été un pion complet de Rouge. J'ai préféré le laisser gérer son PJ comme il l'entendait, vu qu'il restait une heure à jouer.

+ La joueuse et le joueur étaient très tactiques, ils usaient toutes leurs options et ça a grandement prolongé leur espérance de vie ! Mais ils n'en ont pas pour autant omis de roleplayer leur personnalité, Prof arrogant / orgueilleux / mégalomane, persuadé que son plan était sans faille ; et Veine désinvolte / sauvage / bestiale, qui finit par attaquer Rouge au moment où c'était le moins avantageux pour elle, et le paye de sa vie.

+ Le joueur de Prof est entraîné à calculer en jeu de rôle, et il voyait très vite les issues potentielles des combats. C'était intéressant, parce qu'il a eu le réflexe d'organiser une fuite bien plus vite que la moyenne des joueurs débutants à Sombre, qui s'entêtent souvent à combattre comme dans les jeux de rôles axés aventure. Cela a sauvé la vie de leurs persos !

+ J'ai eu le sentiment qu'à ne choisir que deux PJ, le duo Prof / Veine était le plus optimisé pour ce scénario. Les joueurs ont fait le bon choix ! Prof, que je trouvais un peu faible dans les playtests, est un vrai tueur maintenant que j'ai augmenté le rôle de l'appareil photo numérique en jeu, qu'il est le seul à savoir identifier sans peine.

+ A plusieurs moments, le joueur de Prof a envisagé un repli en ville, mais l'a ignoré au prétexte que Prof étant descendu à la personnalité Mégalomane, il ne pouvait douter de sa capacité à s'en sortir vivant. Cela m'a arrangé d'une certaine façon, mais d'une autre, si les PJ avaient tenté un repli, je leur aurais mis Loup dans les pattes.

+ J'ai oublié de jouer le Désavantage Écervelé de Prof, qui m'aurait permis de lui faire commettre une erreur fatale. Trop de choses à penser. Pas grave.

+ Comme prévu dans leur scénario, j'ai demandé aux joueurs d'imaginer ce que leur personnage ferait avec l'argent de la récompense. J'ai eu droit à la fin du jeu d'un bon discours de la part du joueur de Prof sur ce qu'il faisait de son argent, je me suis rappelé plus tard que ça devait être dû à la question que je lui avais posé en début de jeu. C'est bien, ça potentialise le jeu, les joueurs se projettent, ça évite qu'ils tentent de fuir les Morts­Plateaux trop vite. Cela complique peut­être le jeu en campagne si les personnages deviennent riche, mais à la rigueur c'est un défi intéressant pour le MJ.
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Message par Pikathulhu »

LA MÉMOIRE ET LA PEAU

Test d'un théâtre centré sur l'oubli et les tatouages, avec souvenirs dynamiques et taureaux mécaniques.

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 04/12/15 sur google hangout
Personnages : Guy, Samuel, Franck, l'anonyme, l'alchimiste

(l'enregistrement de la partie démarre seulement à la quarantième minute suite à une avarie technique, aussi j'omets de mentionner le lien vers cet enregistrement).

Image
crédits : man under stress, michael flick, sheenyie, thomas fisher rare book library, licence cc-by-nc & Thor, Wikipedia commons


Théâtre :

La mémoire et la peau.
Les prémisses : Les personnages errent à la surface de Paris en ruines, à la recherche de leurs souvenirs perdus.
Pour combler le vide, ou pour comprendre comment achever une quête qu'ils ont en cours.
Ils ont beaucoup de questions, et la réponse réside... dans les tatouages.


L'histoire :

Une rue de Montmartre en pente raide. Au bout, on voit la forme Sacré-Cœur à travers les branchages. L'édifice est envahi par les arbres, on ne voit presque plus le blanc des façades d'origine. Un grand vol d'oiseaux s'élance de la coupole crevée, effrayé par une quelconque menace hors-champ.

Ils sont arrivés à la destination. Une boutique de tatoueurs. Vitres brisées et poussiéreuses, photos de tatouages bleuis par la lumière du jour. Ils sont tous plus ou moins là à cause de Franck. Franck perd la mémoire, comme tout le monde, mais en pire. Il ne se rappelle que des épisodes de sa vie où son frère Samuel était présent. Alors, Samuel l'accompagne partout, pour le protéger avec son fusil et aussi pour lui rappeler avec ses histoires. Ils ont pris contact avec Guy, un détective, qui aide les gens à retrouver tout un tas de choses perdues, dont des souvenirs. C'est Samuel qui l'a rencontré parce que Guy est entré en possession de deux objets qui lui appartiennent : deux doigts qu'il a perdus dans le passé, qui portent des tatouages en cyrillique. Ils ont commencé à en discuter, mais Franck a orienté la discussion sur ses propres problèmes de mémoire. Guy leur a conseillé d'aller voir l'alchimiste, un tatoueur qui a le pouvoir de rendre la mémoire par ses tatouages. Franck veut que Samuel se fasse tatouer par l'alchimiste, ainsi il retrouvera des souvenirs perdus, qu'il pourra lui raconter à loisir. Guy est là, parce qu'il les a conduit à l'échoppe de l'alchimiste. Il a ses propres problèmes de mémoire, mais il le cache. C'est son ami Hutte qui l'a aidé à monter son affaire de détective. Mais Hutte vient de partir, et avant de se faire la malle, il a déconseillé à Guy d'enquêter sur son propre passé. Le problème, c'est que Guy, comme tout le monde, a perdu toute sa vie. Il ne se souvient que de ces trois dernières années, passées en compagnie de Hutte dans les ruines de Paris, à faire le détective pour les autres. Il serait tenté de savoir tout ce qui a pu lui arriver avant, ce qui l'a conduit là. En plus, Guy se rend compte que plus il oublie, plus une sorte de ténèbre végétale s'empare de lui. Une quatrième personne les a accompagnées, qui aurait bien besoin des tatouages remémorants de l'alchimiste, car elle est en phase terminale d'oubli et d'enténébration. Elle a oublié jusqu'à son nom, on l'appelle l'anonyme. C'est un enfant avec un visage tout ridé et des yeux qui sont des puits de noirceur.

Dans la boutique de l'alchimiste, il fait très sombre, la seule lumière provient de son creuset. L'alchimiste approche sa tête du creuset. C'est une femme, elle a les cheveux noirs avec une mèche bleue, des piercings, un Arbre des Sephiroth tatoué sur le visage. Elle travaille avec une aiguille à tatouer reliée à un groupe électrogène, elle est en train de tatouer une peau de chèvre. Est-ce un entraînement où un rituel nécessaire à sa pratique de l'alchimie ?
A la lueur du creuset quelques objets apparaissent dans le labo. Des fioles avec des contenus étranges. Des grimoires. Un athanor.

L'alchimiste demande à être payée pour tatouer Samuel. Elle demande cher. Un souvenir. Et pas un souvenir anodin. Quelque chose de très heureux, ou de très négatif. Et il ne suffira pas de le raconter comme on le fait dans une taverne pour avoir une bière. Le souvenir sera définitivement perdu. Il appartiendra à l'alchimiste. Comme c'est Franck qui est à l'origine de la commande, il se dévoue. Il se dit que de toute façon, Samuel, Franck et l'anonyme seront témoins de son histoire, ils pourront lui raconter ce qu'il a perdu.

C'était la nuit. Franck et Samuel bivouaquaient dans la forêt. Un homme barbu s'est présenté à eux. Franck a sorti son couteau et a tué l'inconnu.
Tous ceux qui sont là voient le souvenir comme s'ils y étaient. Ils visitent le souvenir. L'anonyme reconnaît l'inconnu. C'était son père. Il était à sa recherche, pour l'aider à ne pas oublier, à ne pas sombrer dans les ténèbres. L'inconnu avait toute son histoire tatouée sur la peau. Il recherchait son enfant pour lui raconter son histoire, pour que l'enfant s'en rappelle. Et il est mort bêtement.
Samuel est sous le choc. Il voit que le petit frère qu'il a toujours pris sous son aile a perdu son innocence.
Quand il a vu que sa victime avait toute sa vie tatouée sur le corps, Franck a voulu préserver ça. Peut-être par respect, peut-être aussi parce qu'à Millevaux un souvenir est plus précieux qu'une vie, on ne sait jamais, tout souvenir est utile, les siens, ceux des autres.
Alors Franck dit qu'il a traîné le corps de l'inconnu dans la forêt, jusqu'à un lac gelé, il l'a jeté dans le lac pour qu'il soit conservé.
L'anonyme le supplie de lui indiquer où se trouve le lac. Il pourrait le suivre le sentier qui mène au lac, mais Franck refuse de se rappeler de cette partie-là. Est-ce qu'il a vu ou fait des choses pas nettes au lac, où est-ce que c'est trop douloureux de se rappeler de jeter un corps au lac, toujours est-il que Franck refuse d'aller plus loin.
L'alchimiste est parmi eux, dans le souvenir. Elle observe chaque détail, le feu, le coup de poignard, Franck, Samuel, elle les regarde partir avec le corps de l'inconnu dans le sentier. Elle n'en perd pas une miette, de ce souvenir qui maintenant lui appartient.
Samuel s'en veut terriblement car l'inconnu s'est présenté au bivouac à cause de lui. Il lui avait fixé rendez-vous. Il devait lui rendre ses deux doigts.
Guy regarde aussi les tatouages. Si les deux doigts sont maintenant en sa possession, cela veut dire qu'il a été en contact avec l'inconnu. Il réalise que l'inconnu a un rapport avec son propre passé, et donc ses tatouages ont un rapport avec son propre passé. S'il avait plus le temps de les regarder, il en apprendrait sans doute sur qui il est vraiment...

Franck revient à lui. Alors que le souvenir se dissipe dans sa tête, il annonce que les tatouages du père sont encore là, quelque part sous sa propre peau, en gestation. Son esprit les a oubliés, mais son corps s'en souvient.

C'est trop pour l'anonyme. Ces tatouages, il les lui faut. Alors il se précipite sur Franck, il veut lui arracher la peau, toute sa peau ! Guy s'interpose, il ne les a pas conduit pour ça, tout ce qu'il veut avec son travail de détective mémoriel, c'est rendre service, pas provoquer de tels accès de violence ! Il se concentre, et les ténèbres qu'il recèle à force d'oublier prennent possession du laboratoire de l'alchimiste. La lumière du creuset s'éteint. Mais ça ne suffit pas pour stopper l'enfant sans nom ! Et puis Guy ne peut pas s'en approcher d'assez près pour le ceinturer. Les ténèbres de l'enfant lui font mal.

L'alchimiste allume une ampoule, elle farfouille dans ses affaires, elle sort un pistolet, un colt à la crosse gravée de symboles cabalistiques dans le style graphique des tatouages, elle tire vers ses clients forcenés, mais n'atteint personne.

Déjà, le temps que Samuel réagisse et épaule son fusil, l'anonyme plante ses mains sur la peau de Franck. Samuel peut pas tirer. Mais c'est Franck qui se charge de tuer l'enfant.

Ils se tournent vers l'alchimiste. Mais elle ne peut plus tatouer Samuel après ce qui s'est passé. Si quelqu'un meurt dans son entourage plus ou moins à cause d'elle, elle perd ses pouvoirs d'alchimiste. Dans cet état, elle est incapable d'exécuter un tatouage mémoriel.

Guy a une idée de qui pourrait savoir comment restaurer les pouvoirs de l'alchimiste. L'alchimiste et les deux frères le suivent jusqu'au marché de la mémoire, sur les quais de Seine.

La Seine est devenue une mangrove couverte de palétuviers. Le ciel brille d'une lueur spectrale au-dessus de la couche de nuages. Sur le quai, des dizaines de boutiques avec des toits en tôle ondulée et des portières de voiture en guise de porte. On peut manger des madeleines de Proust et des gâteaux d'anniversaire. Un bijoutier en boubou étale des alliances sur un tapis, il vent aussi des robes de mariées, des bouquets de mariées. Il y a un peu de foule. Un grand-mère pousse un caddie dont le contenu est masqué par une toile de jute.
Il y a des vieilles horloges, des vieux portraits. Un gars est posté devant des platanes avec des cœurs et des noms gravés, il vent des graines de ces arbres.
Un enfant vend ses premières dents dans des boîtes en porcelaine en forme de cœur.
Guy leur présente son contact boutiquier. Il s'appelle Sona Jitsé, c'est un Gnome bossu qui prétend avoir toute sa mémoire, il porte des mitaines et une loupe de bijoutier sur l’œil. Il frappe l'épaule de Guy : "Mon ami !".
Sona Jitsé veut bien expliquer à Guy comment guérir la tatoueuse, mais il veut les doigts de Samuel en échange, parce qu'ils ont une histoire, c'est un objet de pouvoir qui peut l'intéresser pour sa boutique. Guy les a donnés à Samuel. Samuel pose les doigts sur le comptoir, il les cache avec ses mains, on voit que tous ses doigts sont tatoués en cyrillique. Ils négocient, Sona Jitsé va avoir les doigts, mais en échange il doit leur traduire ce qui est écrit sur les doigts. Sona examine les doigts, ils les renifle comme pour sentir l'égrégore qui s'en dégage. Puis il raconte ce que disent les doigts.

Samuel est dans un hammam. Il est nu, avec d'autres hommes. Des mafieux russes. Tous les hommes sont tatoués, des étoiles sur les genoux pour signifier qu'ils ne sont jamais mis à genoux, des étoiles sur les épaules pour signifier leur rang, des icônes, des inscriptions en cyrillique, des clochers, une par année passée en taule, des aigles sur un bras pour l'attaque et la conquête, des lions sur un autre pour la défense, la famille, toute leur vie est sur le corps. Ceux qui ont manqué à certains idéaux se sont fait retirer le tatouage qui correspond. Avec la peau.
Le Pakhan, le parrain, le plus haut gradé, demande à Samuel d'aller voir l'alchimiste récupérer les souvenirs qu'elle aura volés à ses clients pour leur compte. La mafia a mis en place un juteux trafic de souvenirs, ils forcent les tatoueurs à voler les souvenirs plutôt qu'à les rendre pour payer leur "protection". La tatoueuse doit de temps en temps arnaquer un de ses clients, le laisser repartir complètement amnésique plutôt que régénéré, quand ils demandaient ce qu'ils faisaient là, la peau encore rouge du tatouage voleur de mémoire, l'alchimiste leur disait : "Je ne sais pas, vous vous êtes trompé d'adresse."
Samuel dit : "Je t'avais dit que je faisais plus ce boulot.". Le parrain prend un drôle d'air, il embrasse Samuel sur la bouche.
Sona Jitsé dit : "C'est là que s'arrête l'histoire des doigts."

Alors Samuel le laisse lire la suite, qui est inscrite sur ses autres doigts. Samuel ramasse une des pierres chaudes qui alimente la température du hammam, il en prend une qui s'est refroidie, et il essaye d'écraser la tête du Pakhan, il veut le tuer parce que sinon c'est lui qui va y passer.
L'alchimiste se concentre pour causer la fin de Samuel, parce que confusément elle ne veut pas le tatouer, elle en a assez de tatouer les gens, de se laisser intimider et dicter des travaux.
Franck est présent dans le souvenir, il est dans le hammam avec eux. Mais à cette époque, il est lâche, il se recroqueville, il n'ose rien faire pour venir en aide à son frère.
Guy se concentre pour aider Samuel, il plaque un voile de ténèbres sur les yeux du Pakhan.
Un garde du corps attrape Franck, le lance sur Samuel, Samuel repousse Franck, l'envoie valdinguer pour ne pas être gêné dans son combat, un autre mafieux attrape Franck et le tabasse.
Samuel est sous le choc, il sent qu'il revit le moment où son frère a perdu son innocence, a appris en réagir en tueur, et quelque part c'est lui son grand-frère qui lui a montré le mauvais exemple.
Samuel bloque un bras du Pakhan, il lui saisit le visage de l'autre main, alors le Pakhan la mort à pleine dents et lui arrache ses deux doigts.
Au terme de cette baston dégueulasse, Samuel réussit à tuer le Pakhan et ses hommes. Sona Jitsé s'exclame : "ça c'est de la baston ! Franck, t'as rien fait pour aider ton frère ! T'es un gros lâche !".

A bout de nerfs, Franck sort son couteau et essaye de planter le gnome. Sona Jitsé prend la fuite dans la foule, il renverse le caddie de la grand-mère et son contenu, qui est en fait un souvenir de la grand-mère, c'est juste une grosse tumeur de souvenirs honteux et dégueulasses, que la grand-mère gardait avec elle, car quand même c'était mieux que le vide.
Franck poursuit Sona Jitsé avec les autres à leurs trousses, ils piétinent les montres étalées au sol, sous les protestations des boutiquiers. Ils arrivent à ceinturer Franck et l'empêchent de suriner Sona Jitsé.

Sona Jitsé, une fois sauvé, dit à Guy qu'il ne devrait pas écouter ce que lui a dit Hutte, qu'il avait de bonnes raisons pour lui interdire de fouiller dans son passé, qu'il l'a embobiné, et ce n'est pas la première fois. Guy lui dit qu'il a tort, mais finalement il en doute. Alors Sona lui dit : "Si tu veux en savoir plus long, on va aller te faire tatouer."

Alors, comme promis, le gnome s'acquitte de sa part du marché, il les conduit à l'endroit où on peut rendre à l'alchimiste ses pouvoirs mémoriels. C'est une maison de retraite abandonnée, parmi les gravas traînent des déambulateurs rouillés, des portraits de personnes âges que venaient visiter des enfants des écoles. Dans un couloir, des dizaines de pièces de scrabble éparpillés. Il leur présentent un enfant qui réside ici, habillé en sari orange, et qui disposent d'une aiguille à tatouer alimentée à un groupe électrogène.

L'alchimiste a trop de remords pour vouloir récupérer son pouvoir de bonne grâce, mais les autres l'intimident, Franck la menace avec son couteau, et Samuel essaye plutôt de la convaincre, les souvenirs qu'il a avec son frère, ce sont les choses qui le convainquent qu'il n'est pas uniquement une brute. Et puis elle a une dette envers les deux frères, alors elle accepte finalement que l'enfant lui retatoue son pouvoir.

Ensuite, ils étalent Samuel sur un lit et l'alchimiste commence à lui tatouer tout le corps. Franck lui décrit les tatouages de l'inconnu sur sa peau, il insiste pour que l'alchimiste les tatoue aussi sur Samuel, tout souvenir est bon à prendre.

Guy pourrait se faire tatouer les tatouages de l'inconnu à son tour, qui sont liés à son propre passé, il saurait alors ce qui s'est passé il y a trois ans. Mais quand ils se retournent pour lui demander son avis, il n'est plus là. On voit juste une silhouette, qui est happée dans le noir, puis disparaît.

L'alchimiste est en train de finir de tatouer Samuel, elle se promet que c'est la der des ders.

Samuel est submergé par la douleur de ce tatouage intégral, lui sur la table froide, et il sent que cette douleur de chaleur se transforme en une autre douleur, une douleur de froid intense.

Il est là.

Prisonnier sous la glace du lac.


Feuilles de personnage (de tête, je n'ai pas eu accès aux phrases exactes) :

Guy
+ Je voudrais résister à ma curiosité sur mon passé mais autour de moi un vent de putréfaction végétale fait tout s'obscurcir.
+ Les tatouages du père ont un rapport avec mon passé.
+ Ébahi par les ténèbres de l'enfant. Quand je m'approche de lui, j'ai mal.
+ Est-ce que les gens souffrent à cause de moi ?

Samuel
+ (barré) Je veux comprendre comment j'ai perdu mes doigts.
+ (barré) Franck a perdu son innocence.
+ J'avais donné rendez-vous au père de Samuel.
+ (barré) Samuel est une brute.
+ (barré) Je suis une brute.

Franck
+ (barré) Je veux trouver l'alchimiste.
+ (barré) J'ai tué l'inconnu.
+ Tatouages du père en gestation.
+ (barré) Je règle les conflits par la violence.

L'anonyme (mort)
+ Je veux sortir des ténèbres.
+ La perte de mon père, c'est la perte de mon avenir.
+ J'ai trahi la confiance de Guy.

L'alchimiste
+ Je veux m'emparer des souvenirs des autres en faisant un pacte avec le diable.
+ J'ai le souvenir d'un homme qu'on a assassiné à coups de couteau.
+ J'ai une dette envers Samuel.
+ La mort me fait perdre mes pouvoirs.
+ Je ne me laisse plus intimider.
+ J'ai arnaqué des clients en leur prenant leurs souvenirs pour le compte de la mafia.
+ Je suis las d'être importante.
+ Je me suis encore laissé intimider.
+ J'ai honoré ma parole.


Règles utilisées :

J'avais envie de jouer en confort, alors j'ai proposé du Inflorenza classique, en mode Carte Blanche. Seule petite variante, j'ai proposé aux joueurs, s'ils préféraient que j'interprète moi-même les thèmes tirés, s'ils pensaient avoir besoin de cadre. Au début du jeu, j'interprétais donc les thèmes pour le joueur de Guy, de Franck et de l'anonyme. En cours de jeu, les joueurs ont fini par interpréter les thèmes eux-mêmes, puis à les ignorer.


Temps de jeu :

1h1/4 de briefing / création de personnage (j'ai été copieux, sur le coup...)
2h40 de jeu
1/2 h de debriefing


Retour des joueurs :

+ Joueur de l'anonyme / l'alchimiste :

J'ai été déstabilisé car j'ai besoin d'une vision globale pour pouvoir construire, avec cet univers fluctuant, j'étais largué. J'ai eu des difficultés au début de la partie. Quand j'ai compris comment ça marchait, j'ai mieux perçu les potentialités du jeu.
Je me suis senti limité par le système au début. Tu m'as trop pris en charge dans un premier temps en interprétant toi-même mes symboles ou en introduisant des intrigues liées à mon perso (quand tu as dit que Franck a tué mon père, que les tatouages de mon père contenaient mon passé).
Et après, on s'est calé différemment, vous m'avez plutôt posé des questions plutôt que de décréter des choses sur mon personnage, ça m'a aidé. Au final, j'ai trouvé ça intéressant.
Le système incite à mettre en place des conflits intéressants, c'est par là que j'ai construit mon jeu.

+ Joueur de Franck :

C'était assez cool pour ma première partie de jeu de rôle. C'était vraiment sympa. Quand on crée les phrases, les thèmes, j'ai trouvé çà interessant.

+ Joueur de Samuel :

J'ai apprécié la richesse de l'univers. Le mode de jeu était très ouvert, très peu cadré. C'était un bordel créatif libérateur. Cela m'a donné envie d'utiliser le même cadre avec un système de jeu plus cadré. Au final, j'étais très content.

+ Joueur de Guy :

Mon petit bémol, c'est que du point de vue de la narration, c'était pas fluide. Le fait d'aller créer ses phrases, on perd en fluidité, ça sort de la narration. Le mécanique devrait être en sous-main, presque invisible. Les battles, c'était pas possible pour moi, ça cassait trop la fluidité de la narration, je préférais quand les joueurs balançaient d'un coup toutes les phrases qu'ils avaient à balancer. J'aurais préféré si on avait utilisé nos phrases sans l'énoncer, juste en l'intégrant dans le roleplay. Le joueur fait son roleplay, et il annonce au final combien de dés ça lui fait. Puisqu'en tant que meneur de jeu, tu nous faisais confiance sur le résultat des dés, tu pouvais aussi nous faire confiance pour comptabiliser nos dés.
[réponse de Thomas : dans cette partie, j'ai eu quelques problèmes à gérer. Le jeu sur hangout qui me frustre car je perds le langage corporel. Des ambitions sur le scénario, sur l'ambiance, donner à voir l'univers, tester quelques acrobaties narratives comme les souvenirs dynamiques. Puis savoir comment permettre au joueur de Franck, dont c'était la première partie, de se mettre dans le bain. Puis voir comment permettre au joueur de l'anonyme / l'alchimiste de construire son jeu. Le résultat, c'est que j'ai eu des doutes sur ma capacité à faire comprendre les règles. Je m'en moque de la triche, on est sur un jeu d'ambiance. je craignais juste que les joueurs ne retiennent pas les règles. Alors j'ai eu tendance à verbaliser à chaque fois les mécaniques, c'est vrai que je redemandais bien à chaque joueur quelle phrase il mettait... Et c'est vrai que ça nuisait à la fluidité. Quand on est entre joueurs confirmés, c'est beaucoup plus comme tu dis, chacun roleplaye, chacun sait s'il utilise ses phrases ou pas, et chacun dit au final combien il a de dés à lancer. C'est vraiment plus fluide. Si je pouvais refaire notre partie, j'aurais détourné mon effort d'animation de l'utilisation des phrases, comme c'est l'aspect le plus simple des règles. En laissant les joueurs gérer leurs phrases en autonomie, on aurait gagné en fluidité et j'aurais pu me concentrer sur autre chose.]

Retour du joueur de l'anonyme / l'alchimiste après lecture du compte-rendu :

OK pour moi. Je ne sais pas si tu es souvent confronté à des joueurs comme moi qui bloquent méchamment en début de partie ; je te propose si c'est le cas quelques solutions :
- Expliquer sommairement l'ensemble des règles dès le début de partie. Comme j'étais largué, le rajout de règles au fur et à mesure me donnait l'impression que rien n'était stable, même pas les règles.
- Introduire une scène de départ où tous les joueurs ont déjà une place. C'est-à-dire, demander aux joueurs de se positionner dans la scène de départ.
- Faire attention à ne pas construire à la place des joueurs, ou les inciter à construire eux-mêmes (par exemple, décrire tous leur personnage en début de partie), de manière à leur donner prise sur l'univers et l'histoire.
- Esquiver certaines richesses de ton univers pour une première partie. Ton univers est très riche, avec beaucoup de concepts étranges (et sympathiques) auxquels il faut s'habituer (égrégore, horlas...). Par exemple, la perméabilité temporelle est selon moi à réserver pour une seconde partie. Vouloir tout montrer dès le début, c'est "dangereux" sauf si tu connais déjà bien tes joueurs.

A mon avis, avec ces 4 solutions tu t'évites de perdre des joueurs comme moi. Je pense que c'est vraiment une conjonction de facteurs qui m'a largué, à chaque fois que je voulais reprendre pied un nouveau coup du hasard me remettait la tête sous l'eau.

Par ailleurs, et pour atténuer l'aspect négatif qui peut ressortir de mon message, j'ai apprécié la partie, vraiment. J'étais très frustré au début, sur la défensive, pas à l'aise du tout. Par contre, dès que j'ai pu me remettre le pied à l'étrier j'ai passé un moment très agréable. J'ai également apprécié l'histoire, la narration que tu créais, les idées des autres joueurs et la richesse des conflits entre personnages. Le bilan est positif, indéniablement.

J'espère avoir l'occasion de refaire une autre partie car à mon avis, je ne serai plus en bute à ce genre de blocage maintenant que je connais mieux le jeu.

Merci encore à tous les joueurs et à toi-même, Thomas, pour m'avoir permis de découvrir ce jeu et ses mécaniques si particulières.
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Pikathulhu
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Message par Pikathulhu »

LA FONTAINE ET LE SEPTIÈME FILS

Gérer une épidémie de lèpre, protéger un enfant de la convoitise de sorciers et sauver un pépé kidnappé : les marchebranches de Remungol ont fort à faire ! Et moi des problèmes d'accessibilité et de noirceur à gérer !

Jeu : Marchebranche, aventures initiatiques dans un monde de forêts en clair-obscur.

Joué le 05/12/2015 à la Médiathèque de Remungol.

Personnages : Edgar le mage, le Voyageur, Râizus le voyageur, Rholeb-Kan l'artisan, Janus Arkamme le mage, Le fantastique saltimbanque

Image
crédits : XIIIfromTokyo, licence cc paternité, partage identique, galerie sur wikimedia commons


Le contexte :

Cette partie fait suite à Astra Julitta, qui inaugurait une campagne en table ouverte à la mairie de Remungol. Edgar le Mage et Râizus le voyageur (qui s'appellait Bobcasse la dernière fois, il a changé de nom) remettent le couvert, accompagnés de quatre nouveaux marchebranches.


L'histoire :

Les rues de Remungol. Demeures en ruines. Tempête de sable blanc. Tout le monde s'est abrité au Refuge, le bar-restaurant. C'est là qu'on vient chercher de la chaleur, boire et manger, se raconter des histoires. Comme les marchebranches y sont rassemblés, on vient les chercher avec des lames de tarot pour leur proposer des missions. Le médecin de Remungol, blouse noire et clystère au poing, a un problème urgent à leur confier : les gens du village sont atteints par la lèpre, et il est débordé, il ne trouve pas de remède. Un des malades est déjà décédé, celui-là même qui avait demandé aux marchebranches de le guérir la dernière fois, les marchebranches n'avaient pas eu le temps de s'occuper de lui. Une dame vient les voir. Son problème est beaucoup plus urgent ! Elle dort très mal la nuit, quand elle se réveille le matin elle est fourbue et courbaturée comme si elle avait fait les quatre cents coups, elle ne se rappelle que de rêves étranges. Elle a déjà demandé au médecin de s'occuper de son cas, mais il était trop débordé pour s'en intéresser vraiment, il l'a traitée de folle. Une troisième personne se présente aux marchebranches. Son problème est beaucoup plus urgent ! C'est un enfant, il est le septième fils du septième fils, et à cause de cet bizarrerie généalogique, il est pourchassé par des sorciers qui le considèrent comme un objet de pouvoir et veulent le découper en morceaux pour leurs potions.

Les marchebranches prennent l'enfant sous leur protection, ils disent au médecin qu'ils vont gérer la question de l'épidémie et en échange lui demandent de veiller sur la dame insomniaque. Belle gestion de l'urgence !

Ils vont d'abord voir les malades, qui sont dans la chapelle du Bâtiment, reconvertie en maladrerie. C'est une chapelle blanche, à l'intérieur les lépreux sont installés dans des brancards séparés entre eux par des voiles blancs. Les marchebranches se couvrent le visage avec un linge pour rentrer. Un assistant du médecin soigne les lépreux, mais ça se limite à changer leurs pansements et les nourrir, puisqu'ils ne connaissent pas de remède. Les marchebranches interrogent un lépreux couvert de bandages, ils apprennent qu'ils vont chercher l'eau à Moréac depuis que le puits de Remungol s'est tari, et c'est à peu près à ce moment là qu'ils ont commencé à attrapper la lèpre.
Les marchebranches se rendent à Locminé pour récupérer de l'eau de mer qu'ils pensent filtrer. Sur le chemin de forêt qui mène de Remungol à Locminé, ils se font attaquer par des boules de glu jaunes qui tombent des arbres, et passent cet obstacle sans s'attarder.

A Locminé, Rholeb-Kan l'artisan fabrique un filtre à sel avec les moyens du bord. Janus Arkamme et le Fantastique fouillent l'église de Locminé, ils trouvent un alambic clandestin dans le presbytère, avec des bouteilles et des tonneaux. Edgar, le voyageur et Raîzus éloignent les sirènes qui rôdent sur le rivage, en implorant leur clémence : ils sont là pour sauver les gens de Remungol de la lèpre. Les sirènes essayent bien de les croquer au passage, mais le Voyageur protège ses amis, et finalement elles prennent pitié et s'éloignent.
Les marchebranches reviennent à Remungol avec des bouteilles et des tonneaux d'eau de mer filtrée. Cela permettra de limiter les nouveaux cas de lèpre, l'épidémie venant sans doute de l'eau de Moréac. Mais il faut encore trouver comment guérir ceux qui sont déjà malades.

Les marchebranches s'intéressent à l'histoire du puits tari. Rholeb-Kan fabrique une nacelle, Edgar et Raîzus s'en servent pour descendre au fond du puits, ils s'éclairent avec le bâton d'Edgar que Janus a rendu lumineux par magie. Ils tombent sur une rivière souterraine et le remontent en aval. Ils arrivent sous la fontaine, qui est murée avec du mortier. En parallèle, Janus a appris que les lépreux ont utilisé le puits pour la dernière fois quand ils ont puisé son eau pour fabriquer du mortier, afin de condamner l'église et la fontaine Sainte-Julite, pour protéger leurs enfants (l'église menaçait de s'effondrer et ils craignaient que des enfants tombent dans la fontaine).
Edgar et Janus constatent qu'en bouchant la fontaine, ils ont bouché la rivière souterraine qui alimentaient le puits !
Janus cherche à rentrer dans l'église, il trouve un passage secret (quelques moellons descellés) et à l'intérieur, y trouve une mémé qui donne à manger aux nombreux pigeons et mouettes qui viennent par le toit éventré.

Les marchebranches descellent le mortier, et le puits peut alors couler à nouveau. Avec l'aide de la mémé et du sourcier de Bieuzy-les-Eaux, ils resacralisent l'église et la fontaine, et alors les lépreux qui boivent l'eau de la fontaine commencent à guérir.
Le voyageur reçoit une lame de tarot : le jugement, tiré à l'endroit. Il se rappelle qu'il a été témoin d'une scène de loi du talion : quelqu'un a puni un criminel en lui infligeant le même tort. Il apprend aussi à attirer la pitié et développe ses qualités de cœur.

Une femme vient voir les marchebranches. Son pépé a disparu ! Il était allé au moulin, et n'est pas revenu. Elle est très inquiète et peut leur offrir une lame de tarot pour les retrouver. L'aubergiste du Refuge, qui a une moustache énorme vient aussi les trouver pour leur annoncer qu'un de ses ivrognes, euh, un de ses clients fidèles, Lulu, est reparti de chez lui tard le soir, soûl, euh, fatigué, et il a été retrouvé mort poignardé à l'entrée de sa maison ! L'aubergiste Moustache n'a pas de lame de tarot à leur offrir, mais il promet une tournée de chouchen pour tout le monde s'ils arrêtent l'assassin.

Janus pressent que tout ceci est lié au septième fils. Il essaie de le sonder pour voir s'il détient tant de pouvoir que ça, et c'est bien le cas. Janus est même tenté de s'emparer de l'enfant, mais il détourne ce sentiment vers sa bouteille d'eau de mer filtrée, dont le contenu devient alors tout noir.

Raîzus retourne dans la jungle d'Ewen chercher le Troll, et parvient l'amadouer. Tant qu'il le nourrira, le troll le suivra dans ses aventures. Les marchebranches se rendent au moulin et suivent une piste dans la forêt. Janus apprivoise une marmotte et Edgar une loutre. La piste mène jusqu'à un cercle noir de pierres levées au cœur de la forêt. Les mages pressentent que les sorciers s'y cachent avec le pépé, mais ils ne seront visibles que la nuit. Les marchebranches se placent en embuscade. L'un des sorciers sort du cercle. Il a une barbe et des sourcils très noirs et broussailleux et porte un arc avec une flèche où est enroulé un message. Ils le capturent. Le message est une demande de rançon : ils veulent le septième fils en échange du pépé. Rholeb-Kan rase le sorcier en guise de punition, puis à la nuit tombée, ils retournent au cercle de pierres levées, et là ils voient trois autres sorciers, qui détiennent le pépé, et le pépé se rend à peine compte qu'il a été kidnappé, il les bassine avec des anecdotes de sa vie autour de la pêche et de l'agriculture. Le voyageur se met en protection, Raîzus lâche le troll sur les sorciers, Rholeb-Kan balance une grenade de salpêtre qu'il a fabriquée, et ils arrivent à leur reprendre le pépé. Ils envisagent un temps de tuer les sorciers, mais tout le monde n'est pas d'accord, et cela leur rapporterait des noirceurs, or ils en ont déjà récolté durant le combat. Alors ils disent aux sorciers de partir et de ne jamais revenir. Les quatre sorciers s'en vont avec leurs pierres levées, mais ils pourraient bien se venger un jour...

Les marchebranches ont résolu deux missions d'un coup ! Quand ils reviennent en ville, le médecin leur dit que la dame insomniaque est en fait somnambule. Cette nuit, elle est sorti de sa maison par la fenêtre...
La fille du pépé donne une carte à Rholeb-Kan, la Maison-Dieu, tirée à l'envers. Rholeb-Kan se rappelle qu'il est porteur sain de la maladie du somnambulisme. Il est sur les routes, car il se faisait chasser des communautés, à cause du somnambulisme de nombreux incidents violents survenaient. La dame insomniaque est peut-être sa première "victime" à Remungol ? Rholeb-Kan persévère dans sa carrière d'artisan, il gagne en force et apprend à reconnaître les plantes. Il choisit le pépé comme compagnon, et apprend que ce dernier s'appelle Léonard, c'est peut-être un vieux génie qui pourrait l'aider dans ses expériences ?
Le septième fils donne la carte des amoureux à l'endroit à Janus. Janus se rappelle d'une femme et de son mari. La femme voulait se débarrasser de son mari, alors elle a pris un amant et a poussé l'amant à tuer le mari. Puis la femme a un enfant avec l'amant. Cet enfant, c'est Janus. Depuis, Janus est sur les routes, il cherche à faire le bien pour racheter les fautes de ses parents meurtriers. Il persévère dans sa carrière de mage, gagne en pouvoir et apprend à rechercher et identifier les sources de magie.


Feuilles de personnages en fin de partie :

Le fantastique, saltimbanque
expérience 0
équipement : masque

Edgar, mage
Expérience 1
Atout : pouvoir
Spécialité : provoquer une émotion
Équipements :
masque
fruit (noirceur : carnivore)
tonneau de vin (noirceur : le fin fait vieillir)
pioche
marteau
Compagnons :
loutre
Souvenirs :
quête de l'arbre soleil

Le voyageur, voyageur
Expérience 1
Atouts : cœur
Spécialité : attirer la pitié
Équipement : masque
Compagnons : le médecin
Souvenirs : quelqu'un a vengé un crime par le crime

Râîzus, voyageur
Expérience 1
Atout : cœur
Spécialité : comprendre la langue des horlas
Équipements :
toge blanche
marteau
lutte (noirceur : musique mortellement dépressive)
masque
sac de sel
pioche
Compagnons : troll
Souvenirs : ma famille a été déchirée par une guerre intestine.

Rholeb-Kan, artisan
Expérience 1
Atout : force
Spécialités : reconnaissance des plantes
Équipements : masque, planche de bois, flèche, arc
Compagnon : le vieux pépé, "Léonard"
Souvenirs : porteur sain du somnambulisme

Janus Arkamme, Mage
Expérience 1
Atout : Pouvoir
Spécialité : recherche de magie
Équipements : bouteille d'eau filtrée (noirceur : est devenue toute noire)
Compagnons : marmotte
Souvenirs : je suis l'enfant d'un couple adultère et meurtrier, je fais le bien pour racheter la conduite de mon père qui a tué le mari de ma mère.


Règles utilisées :

Pas d'évolution, j'ai juste étoffé ma liste des 216 situations dramatiques. J'en ai 108. Plus que 108 à rédiger !


Commentaires sur le jeu :

Je suis content de la rapidité de jeu, trois missions accomplies en deux heures, c'est bien. Pour y parvenir, j'ai plusieurs fois concédé des réussites sans jets de dés, notamment sur les nombreux bricolages de l'artisan Rholeb-Kan.

Les joueurs du Fantastique et du Voyageur sont des jeunes, je pense qu'ils sont au collège ou en primaire. Le plus jeune m'a eu l'air perdu, et j'ai eu du mal à le maintenir dans le jeu, il a arrêté au bout d'une heure. Le joueur du Voyageur a persévéré, mais il avait quand même du mal à savoir quoi faire. Dès qu'il y a eu un passage d'expérience à faire, on l'a fait passer en expérience en premier pour qu'il ait plus de possibilités, ça allait mieux mais j'ai encore eu du mal à le faire participer. J'ai eu beaucoup plus de facilité avec les jeunes en maîtrisant Minidonjon, parce qu'il y avait beaucoup de situations où la chose la plus simple à faire, c'était d'attaquer des monstres, ça vient naturellement aux jeunes joueurs de dire, j'attaque, ils lancent le dé, et roule. ici le jeu portait sur beaucoup de choses qui n'étaient pas du combat, c'était aussi assez player skill (on valorise la compétence du joueur plus que la compétence du personnage) et aussi le fait d'avoir plusieurs dés à lancer ça peut bloquer, parce que le nombre de dés dépend de quelle action tu fais et comment tu la décris. Donc tu es beaucoup plus dépendant du meneur de jeu tant que tu n'as pas parfaitement compris les règles. On est sur un problème d'accessibilité = les règles ne sont pas intuitives, et ça freine la volonté d'action des joueurs les plus débutants. À moi de voir si c'est un coût d'entrée incontournable, ou si je peux contourner ce problème, par exemple en donnant un dé de base pour chaque action, et en rajoutant des dés bonus en fonction de comment l'action est décrite, sans allers et retours fastidieux entre meneur et joueur.

Autrement, je n'ai pas eu le temps de résoudre mon problème de noirceur. Tant qu'on peut dévier les noirceurs sur l'équipement à volonté, les noirceurs ne font peur à personne. La solution serait simple : n'autoriser qu'un équipement noirci par niveau d'expérience du personnage. Mais je voudrais trouver une façon de le figurer sur la feuille de personnage qui soit intuitive. Peut-être en divisant la feuille en 6 parties, une par niveau.
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Pikathulhu
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

À L'INTERIEUR DE LA NUIT

La découverte douloureuse de la condition vampirique au cours d'une nuit sans fin.

Jeu : Arbre, clochards magnifiques dans les forêts hantées de Millevaux

Joué le 12/12/2015 sur google hangout

Personnages : Agathe, Mala, Gautier

Retrouvez l'enregistrement de la partie sur ma chaîne youtube

Image
photomontage par Simon Li Angeldust cc by-nc-nd
crédits images : Zajcsik, vetonethemi, Thomas_G, CC0, galeries sur pixabay



Contexte :

La Morinie, au nord, sous la pluie. Marais, forêts, villages, ports. Vous êtes des maudits, vous portez l'empreinte des vampires, des buveurs de sang. Et cette condition n'a rien de l'idéal romantique que vous auriez pu imaginer. Tiraillé par une faim surnaturelle, soumis à la putréfaction, terrorisés par la lumière, vous êtes des parias parmi les parias. Les acteurs d'une pièce de théâtre en décomposition où le décor ne vous survivra pas. Et l'espoir ?

Situation initiale :
Les clochards sont à Calais, dans un bidonville de réfugiés qui fuient un fléau et veulent prendre la mer pour se rendre en Angleterre. Ils viennent de se faire mordre par un vampire. Alors que le vampire s'acharnait particulièrement sur un de leurs proches, les clochards ont pris la fuite. Ils se transforment à leur tour en vampires sans personne pour leur expliquer les affres de leur nouvelle conditions.


L'histoire :

Le bidonville, à Calais. Il y a eu toutes ces attaques de horlas dans le continent. Ils sont sortis des forêts et s'en sont pris aux communautés humaines. Puis des humains se sont transformés à leur tour en horlas. D'autres sont morts. L'invasion horla a pris tant d'ampleur que des milliers de réfugiés se sont massés à Calais, dans l'espoir de passer en Angleterre. Les autorités de Calais, débordées, les ont parqués sans limite de temps dans un quartier insalubre de la ville, qui s'est rapidement transformé en bidonville : la jungle de Calais.

Ils sont cinq à avoir survécu à l'attaque de l'étranger dans la nuit, dans cette zone isolée du bidonville. Ils courent à perdre haleine vers le quartier arménien. On en voit déjà les cabanes de bric et de broc aux entrées drapées de toiles, et les braseros alimentés par les insomniaques, comme de petits phares dans la nuit.
Parmi ces cinq rescapés, Agathe, belle, des taches de rousseur sur le visage, des dreads et des tresses blondes dans tous les sens, des yeux bleus comme des lacs. Elle mesure un mètre cinquante, tellement maigre que ça se voit même sous ses épaisseurs de vêtements, couverte de colifichets clinquants, des médailles, des pins, des clous, des perles, des colliers, des bracelets : elle aime toutes les choses qui brillent. Elle veut passer en Angleterre, pour y retrouver sa fille, que son père lui aurait enlevée. Mais elle cache un crâne de fillette dans son sac. Elle court avec Yui, son gigantesque Berger des Pyrénées dont les poils hirsute forment aussi des dreads. Mala, jeune et sans âge à la fois, la peau foncée, de longs cheveux noirs voilés, toujours l'air fragile, vulnérable, qu'on veut protéger. Elle a des vêtements rapiécés, rien de clinquant, elle parle une langue bizarre en plus du franquois. Elle traînait tout le temps avec Juan, qu'elle disait être son frère, un jeune, mince, barbu avec un chapeau feutre noir, un débardeur de cuir, pas mal de bijoux fantaisie et une paire d'alliances glissées dans une lanière portée en sautoir autour du cou. Mala usait beaucoup de son air vulnérable pour que Juan la protège au péril de sa propre vie. Mais Juan n'est pas là. C'est lui sur lequel leur assaillant s'est acharné pendant qu'ils prenaient la fuite.

Image

(artwork (c) by equine_luva69)


Il y a Gautier, un mètre quatre vingt, de longs cheveux filasses, en baskets-joggings, un K-way jaune. Il lui manque l'annuaire et l'auriculaire de la main gauche. Il a la gueule en sang, probablement depuis l'attaque. Dans sa poche, un calepin où il note tout son passé, parce que Gautier il oublie tout très vite. Glissée dans ce carnet, une photo de femme. Gautier est flanqué d'Aurèle, un ado en basket-joggings lui aussi. Aurèle n'a pas les mêmes problèmes de mémoire que Gautier, et il est là pour lui rappeler toutes les choses utiles.

En ce moment, justement, Gautier est en plein black-out, et Aurèle lui réexplique tout, il lui rappelle qu'il est son pote, qu'ils sont tous à fuir les horlas et Attila, l'attaque par les étrangers, qui les a tous mordus, puis s'est acharné sur Juan, alors ils ont pris la fuite. Aurèle ne s'est pas fait attaquer, il avait pris du retard sur le groupe pour ramasser un truc brillant dans un fossé et quand il les a rattrapés, il a vu l'attaque, il s'est planqué, et quand ils ont fui, il les a rejoints.

Ces cinq vagabonds ne fuient pas que les horlas ou l'étranger. Ils ont aussi volé trois objets importants à la bande de pillards du féroce nain Attila : un collier, un carnet, un album photo : des objets chargés de mémoire. Et comme la mémoire est une monnaie, il y a de quoi leur payer le passeur vers l'Angleterre. Mais Attila ne se laisse pas voler impunément : il vaut mieux pour eux qu'ils ne retombent jamais entre ses mains, car la mort serait plus douce que ce qui les attendrait alors. En plus, Attila convoite Agathe : qu'il veuille se venger d'elle en particulier ou qu'il la désire, ou les deux, ce n'est pas bon pour Agathe.

Yui, le Berger des Pyrénées d'Agathe est drôlement bizarre. Il est couvert de sang, il grogne, comme quand il a très faim. Agathe lui donne à manger, mais le chien dédaigne la nourriture, il pisse même dessus. Agathe essaye elle-même de manger des provisions, mais elle n'en sent plus le goût, juste la texture, et c'est comme si son œsophage se fermait, refuser d'absorber la nourriture. Elle est obligée de la régurgiter. Agathe voit un objet brillant dépasser de la poche ventrale du sweat d'Aurèle : sans doute ce qu'il avait ramassé dans le fossé pendant qu'ils se faisaient attaquer. Comme elle convoite tout ce qui brille, elle lui dérobe discrètement. C'est un morceau de miroir. Elle se voit dedans, mais ce n'est pas son vrai reflet. Ou plutôt, c'est comme si c'était le reflet de ce qu'elle était vraiment. Alors que les autres voient une Agathe qui garde le contrôle, Agathe voit dans le miroir un reflet d'elle-même en pleine panique.

Maintenant qu'ils ont repris leurs esprits, les rescapés décident de retourner sur les lieux de l'attaque. Il est peut-être encore temps de sauver Juan et de faire sa fête à leur assaillant.

Là-bas, à l'orée du bois qui a poussé dans le bidonville sur les déchets et les charniers, l'assaillant a disparu, et Juan gît dans la boue, exsangue. Mala le serre dans ses bras. Elle ressent envers lui une sensation de proximité, qu'elle n'a jamais ressenti de la sorte. Revient alors à son esprit un souvenir où Juan avait rempli son rôle de protecteur. C'était quand ils fuyaient la menace horla sur les sentiers de forêt. Ils étaient juste avec Agathe, Yui, Gautier et Aurèle, ils n'avaient pas encore rejoints une colonne de réfugiés. Un étranger s'était présenté à eux, il disait s'appeler Nuit. Ses cheveux noirs lui recouvraient les yeux et son corps était recouvert d'un lourd manteau de cuir. Il leur a demandé s'il pouvait cheminer avec eux, car seul il était à la merci des prédateurs, des horlas ou des pillards. Juan le sentait pas, il a d'abord refusé, il a dit qu'on ne savait pas si on pouvait lui faire confiance, il s'est interposé entre Nuit et Agathe. Gautier a demandé à Nuit de montrer ce qu'il cachait sous son manteau de cuir, Nuit a d'abord protesté, mais comme Gautier insistait, il a ouvert son manteau. Dessous, il était nu. Il avait la peau très pâle et portait des nécroses à divers endroits du corps. Des insectes grouillaient sur son pubis. Finalement, ils l'ont pris en pitié et il a rejoint leur groupe.

Une fois que Mala repose le corps de Juan, Agathe lui arrache les alliances qu'il portait autour du cou, parce qu'elle convoite tout ce qui brille. Quand elle s'en empare, elle accède à une partie de leur contenu mémoriel. Elle voit les parents de Mala lui parler, comme si elle était Mala. Ils lui disent qu'avec le chaos ambiant, avec l'invasion horla, ils ne sont pas sûrs d'être toujours là pour l'aider. Ils lui disent qu'elle sait paraître vulnérable, et qu'elle doit en jouer pour que Juan la protège coûte que coûte, quitte à le manipuler.
Mala exige qu'Agathe lui rende les alliances, qui sont les alliances de ses parents, mais Mala refuse, et Agathe cède pour ce coup.

Les empreintes montrent que leur assaillant a dû partir dans le bois. Cet endroit a l'air d'une bouche de noirceur au cœur du bidonville, ses arbres sont comme des crocs, les ténèbres à l'intérieur semblent épaisses comme de la glu. Gautier a peur d'y rentrer, mais tous les autres veulent poursuivre l'assaillant, alors après quelques protestations, il se résigne à les suivre.

L'humus du bois est profond comme si la forêt avait mille ans, il grouille d'asticots. Gautier en ramasse un et le mastique, par curiosité. Il ne sent aucun goût, juste la texture, et lui aussi échoue à l'ingurgiter.

Au terme d'une marche assez loin à l'intérieur de la nuit, ils entendent une voix aigre dans les branches. C'est une chauve-souris qui leur parlent. Ses ailes membraneuses pendent, d'une longueur anormale. Ses oreilles sont immenses et son visage hideux. "En vous mordant, je vous ai fait un cadeau. Je vous ai récompensés pour m'avoir donné l'asile. Je vais vous donner un nouvel indice pour vous aider à gérer ce cadeau. Sachez que vous allez devoir vous nourrir de sang humain chaque nuit, sinon vous allez vous rigidifier comme des cadavres, et si le jour vous trouve ainsi, gare à vous."
Gautier monte aux branches, il s'approche de la chauve-souris, qui est sans doute Nuit. Elle lui crache au visage : "Ne porte pas la main sur moi. Car vous avez besoin de mon aide pour gérer votre nouvelle condition. Vous avez beaucoup à apprendre. Comme les métamorphoses, par exemple. Je reviendrai la nuit prochaine vous donner un nouvel indice."

Agathe lui demande en quoi c'est un cadeau. La chauve-souris devient arrogante. "C'est moi qui décide quand je donne les informations. Ne me manquez pas de respect. Juan voulait m'exclure. Je lui ai fait ce qu'il méritait.". La chauve-souris est tellement sûre de son emprise sur eux qu'elle ne se méfie pas. Gautier la fait tomber des branches. Mala se saisit de son couteau et s'acharne sur le cœur de la bête. Sous ses coups, la chauve-souris se retransforme en homme, c'est bien Nuit, Mala continue de lui frapper le cœur, encore et encore, jusqu'à ce que ce que sa cage thoracique ne soit plus que de la bouillie. Nuit se raidit comme un vieux cadavre. Mala enlève alors le couteau. Nuit se réanime alors, il se retransforme en chauve-souris et prend la fuite d'une aile malhabile.

Les rescapés ont à la fois réduit à néant leur chance d'avoir l'aide de Nuit, et ont manqué l'occasion de le tuer. Ils essayent de sortir de la forêt, mais elle est beaucoup plus grande à l'intérieur qu'à l'extérieur. Ils sont perdus.

Ils trouvent le corps de Juan. Il a été traîné ici, sans doute par Nuit, pendant qu'ils se perdaient. Il est étendu sur l'humus grouillant d'asticots, les bras en croix, les poings serrés. Ses yeux ont été arrachés. Sous le choc, Mala se penche sur son corps. Elle trouve les yeux de Juan cachés dans ses poings.

Ils ont besoin de comprendre mieux les choses pour trouver la sortie. Agathe pense que la réponse réside dans les alliances, puisque c'est un artefact mémoriel. Mais pour accéder au souvenir caché dans les alliances, elle doit sacrifier un de ses souvenirs. Elle décide de sacrifier le souvenir de sa rencontrer avec les autres rescapés. C'était à un moment où ils zonaient tous dans les campements des pillards d'Attila, vaguement comme aides de camp, vaguement comme piques-assiettes, vaguement comme aspirants pillards. C'est à ce moment, en pleine nuit, qu'Agathe a volé les trois précieux objets de mémoire d'Attila, son butin. Ils brillaient tellement. Attila l'a poursuivie seule, jusqu'aux abords du camp. Ce nain, incarnation même de la colère, l'a rattrapée juste quand elle arrivait là où campaient Mala, Agathe, Gautier et Aurèle. Il lui a saisi la main d'une poigne de fer : "Je te faire tellement morfler, sale traînée !". Et les autres n'ont pas réfléchi, ils ont sauté sur Attila, ils l'ont tabassé, ils l'ont assommé, et ils ont pris la poudre d'escampette avec Agathe et les trois objets de mémoire. C'est comme ça qu'ils sont devenus solidaires dans la fuite, mais maintenant Agathe ne s'en rappelle plus.

Agathe est maintenant dans le souvenir des alliances. C'est le moment du mariage des parents. Des caravanes s'avancent dans la forêt, au zénith de cette belle journée, sous le bruit des flonflons, les chants tziganes et les pluies des cotillons. Agathe est dans le chariot des invités d'honneur, elle voit Juan au jour de sa vie où il est le plus beau, et Mala est à ses côtés. Agathe et Mala parlent à Juan. Juan s'excuse auprès de Mala, il n'a pas su la protéger jusqu'au bout, pourtant Mala se rappelle au moment de l'attaque, Nuit s'est acharné sur Juan parce que Juan s'est débattu, parce qu'il leur a crié de s'enfuir. Juan s'excuse encore parce que si Mala veut sortir de la forêt, elle va devoir lui manger les yeux.
Mala lui ferme les yeux.

Retour à la dure réalité. Dans sa tête, le goupil de Mala insiste pour qu'elle mange les yeux. Alors elle s'exécute. Elle ne sent pas le goût, mais bien la texture, d'abord molle puis dure quand on atteint l'espèce d'os qu'il y a au milieu. Et cette fois-ci, elle arrive à les ingurgiter.

Ils voient alors le passé, à rebours. Ils voient Nuit monter sa macabre mise en scène avec le corps de Juan, à rebours, lui enlever les yeux de ses poings, lui ouvrir les mains, lui remettre les bras le long du corps, lui remettre les yeux dans les orbites, il a un sourire carnassier comme s'il savait que les rescapés le regardaient. Il prend les bras de Juan dans les siens et le tire vers la sortie de la forêt, à rebours, et les rescapés le suivent pour retrouver leur chemin, ils le suivent au cœur de la nuit, dans cette mascarade hallucinée.

A la sortie de la forêt, la faim se fait vraiment pressante. Gautier dit à Aurèle de les fuir, car sinon tôt ou tard, ils seront tentés de se nourrir sur lui. Aurèle proteste : "Mec, tu peux pas dire ça ! On est des frères ! Depuis le temps ! On va trouver une solution ! Vous allez vous nourrir sur d'autres mecs ! T'as besoin que je reste avec toi pour te rappeler les choses !". Mais Gautier insiste, alors Aurèle recule et leur tourne le dos. Il leur jette un dernier regard, et il s'enfuit dans la nuit en courant.

Les rescapés hésitent sur l'endroit où se rendre pour se nourrir. Il leur faut des proies isolées. Aller vers le quartier italien, où rôdent des dealers et des toxicos ? Ou retourner au quartier arménien ? On sait qu'il y a souvent des disparitions là-bas. On peut trouver des parents qui font des rondes à la recherche de leurs enfants, et peut-être qu'on peut aussi trouver les enfants.
Agathe voit Yui qui s'agite et qui a flairé une piste, alors ils décident de lui lâcher la bride et de le suivre.

Yui les conduit dans une décharge à ciel ouvert, et c'est là qu'ils trouvent deux proies, planquées derrière une tôle, au milieu des sacs poubelles. C'est deux adolescents, un garçon et une fille, ils sont nus et ils se sont cachés là pour faire l'amour à l'insu de leurs parents. Et la fille, blonde, atteint son summum, et la faim des vampires culmine à ce point.

Agathe laisse son chien attaquer le garçon. Gautier tombe en état de choc, il fait un nouveau black-out, il ne sait plus qui il est, ce qu'il est, ce qu'il fait là, et cette fois-ci, plus d'Aurèle pour lui refaire un topo.

Agathe se précipite sur la fille, elle lui mord la gorge avec avidité, et quand elle boit son sang, c'est la seule chose qui a du goût et qu'elle peut ingurgiter, c'est chaud, ferreux, dégueulasse et en même temps ça contient l'orgasme de la fille, et sa jeunesse. Et aussi sa dette, dette qu'Agathe doit absorber avec le sang. La fille est unie au garçon contre l'avis de la famille du garçon. Et elle s'est promis que s'il arrivait malheur au garçon, elle se mettrait au service de cette famille pour compenser. Et c'est une famille dégueulasse, qui fait tout ce qu'on peut faire avec du trafic d'humains.

Mala veut aller se nourrir sur le garçon, mais boire deux fois à la même coupe, ça tue la proie, alors Agathe veut l'en empêcher, car si le garçon meurt, elle devra se mettre au service de sa famille. Mala ne l'écoute pas. Elle s'est déjà couchée pour les alliances, elle ne cédera pas une deuxième fois devant Agathe. Elle commence à boire à la coupe du garçon. Si elle boit toute sa coupe, elle absorbera un souvenir d'un garçon, qu'elle prendra pour son propre souvenir, et là, elle en a juste un aperçu.

Elle est dans un barque qui traverse la Manche en pleine nuit, direction l'Angleterre. Elle est dans le corps du garçon. En face d'elle, un passeur qui travaille pour sa famille, elle en voit le visage. Elle voit aussi les deux passagers, un homme et sa fille. L'homme dit qu'il doit faire passer sa fille en Angleterre, pour la protéger de sa mère. Agathe se doute bien qu'il s'agit de la fille d'Agathe. Si elle absorbe le souvenir, elle connaîtra le visage du passeur, elle fera tout le voyage, elle connaîtra le nom du port anglais où ils auront accosté.

La fille la regarde. Elle est en pleurs. Nue, sanglante, en frissons. Elle la supplie d'épargner le garçon. Alors Mala lui prend la main. La fille se laisse faire. Elle sait que si elle la vide, elle héritera de l'amour que la fille porte pour ce garçon, elle en sera désespérément, irrémédiablement, amoureuse. Mais elle s'y résout. Elle a déjà été obliger de tuer par le passé, elle peut le refaire. Elle lui prend la gorge, c'est une sensation paroxystique, et alors que la fille rend son dernier soupir dans ses bras, cela lui rappelle la première fois qu'elle a tué.

C'est ce type qui avait voulu lui faire... du mal. Juan n'était pas dans les parages. Alors, elle s'est défendue toute seule, elle lui a enfoncé son couteau dans le ventre.

Juan accourt, mais c'est trop tard, le type était déjà raide. Juan prend Agathe dans ses bras. Il s'excuse de ne pas avoir été là pour la protéger. Cela ne se reproduira plus. Plus jamais.

Mala se détache de ses bras et le regarde.

Et lui ferme les yeux.

Et sous les paupières de Juan

coulent des larmes de sang


Feuilles de personnage :

Agathe :

Image

artwork (C) (je n'ai pas retrouvé l'auteur)


Mala  

Image

artwork (c) by Makis Siderakis, galerie sur flickr.com

un as de pique

Mémoire
chaleur du foyer familiale
une berceuse 
langue tzigane
dispute violente
Crâne
yeux rieurs
Longs cheveux noirs
masque sourire
Têtue comme une mule
Entrailles
maladie hémophile
Cœur
Juan mon frère
poids de la culpabilité
se nourrit des secrets
Amour adolescent pour Jules.
Viande
Morsure dans le cou
peau brune
Matériel
Journal intime volé
bracelet gravé
un morceau de tissu 
Couteau genre opinel 
Champignons séchés
Microcosme
Attila - ennemi

Gautier :

Mémoire :
BLACKOUT
Crâne :
Abandon : Je suis un Horlas?
Survie: Fuir c’est survivre
virtuose harmonica
Ici c’est l’enfer
Entrailles :
Pulsion de sang
bas instincts
Voleur
j’aime me battre
lubies morales
Cœur :
-
Viande :
Cheveux longs filasse
regard noir hagard
gravure sur l’avant bras : « “un Pj” nous fera tous tuer? »
annulaire et auriculaire manquant sur main gauche
tout en nerfs.
Matériel :
album photo
Mon carnet de notes !
Harmonica
jogging
K-way jaune
basket
planche à clou
Microcosme :
Aurèle (petit frere)


Commentaires sur le contexte :

J'ai un peu modifié la situation initiale. Lors du précédent test, le vampire étreignait uniquement les personnages avant de les abandonner à leur sort. Dans ce test, le vampire étreint les personnages puis boit le sang d'un de leurs proches, c'est alors que les personnages prennent la fuite, hagards.
Dans mon idée, le proche était forcément mort, mais je vais entériner par la suite qu'il peut aussi bien avoir survécu, voire avoir été transformé lui aussi en vampire.


Temps de jeu :

3/4 h de briefing / création du groupe et des personnages, 2h 1/4 de jeu.


Retour de la joueuse de Mala :

« Et donc mon principal retour, comme je te l'ai dit, j'ai trouvé ça fun de jouer la découverte de la nature vampirique, ça colle bien à l'univers. De plus, ça fonctionne particulièrement bien avec la mécanique du Goupil qui joue véritablement "la soif" et la perte d'"humanité". Mais du coup, comme cela prend beaucoup de place dans le jeu, j'ai été un peu frustrée qu'on ne joue d'avantage à effeuiller son personnage comme on avait pu le faire dans la partie précédente. Ceci dit, c'est toujours un plaisir de jouer avec toi. »


Ma réponse :

C'est tout à fait vrai, c'est une campagne à part, puisqu'ici les clochards deviennent des vampires et l'ensemble de choses à savoir sur la condition vampirique crée un jeu dans le jeu. Même si les clochards découvrent les règles au fur et à mesure, il est certain que ça va prendre de la place, et ça se superpose aux post-it, puisqu'à la création, les personnages sont de simples clochards, tout ce qui relève de la condition vampirique va s'ajouter en jeu. Donc, oui, on passe du temps à jouer le vampirisme, et donc moins de temps sur les post-it ou sur le goupil. Je pense cependant que c'est justement le propos de cette campagne, proposer cette chose en plus, et je peux concevoir que ça n'intéresse qu'une partie des joueur.se.s d'Arbre. Je pense aussi qu'il y a un biais d'observation : nous n'avons joué que deux heures, je pense que sur toute une campagne, il y avait la place de jouer les post-it et les goupils, qui ont d'ailleurs eu quelques utilités, notamment les post-it relatifs aux compagnons des clochards (Aurèle, Juan, Yui), et le goupil dans certaines situations critiques (manger les yeux). Pour ma part, je suis satisfait de ce test, même si en effet Vampires de Morinie est presque un jeu de rôle à part d'Arbre, un jeu-campagne. J'ai écrit des règles sur le vampirisme qui rendent le vampirisme gritty comme je le voulais et qui créent du jeu, et le fait de les jouer dans le cadre d'Arbre me permet de jouer des vampires qui tiennent le coup sur une campagne, à ma façon j'essaye de faire perdurer le rêve de campagne Millevaux vampire qu'avaient formés d'abord Badury (qui justement voulaient faire jouer des vampires dans le Millevaux du Nord, dans la Morinie), et ensuite Arjuna Khan qui a essayé de faire joueur des vampires à Arbre, mais sans le succès escompté car il avait la version playtest d'Arbre, dont le système est trop lâche, et qu'on avait assez peu discuté des règles vampiriques, se contentant de brosser des ambiances là où des procédures (absorption de dettes, mémoires) couplées au principe de prix à payer apportent la robustesse nécessaire.
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

ÉCHAFAUDAGES

Quand la réalité s'écroule, souffrances et vérités se libèrent. Test enthousiasmant d'une prise de parole plus fluide.

Jeu : Dragonfly Motel, quête surréaliste pour voyageurs imprudents
http://outsider.rolepod.net/catalogue/dragonfly-motel/

Joué le 13/12/2015
Personnages : Léa, Charlie, la petite fille, le mari

Image
crédits : National Museum of the U.S. Navy, domaine public


L'histoire :

Un motel en perpétuels travaux. Façades couvertes d'échafaudages. Ouvriers casqués. Bruit du marteau piqueur. La piscine n'est encore qu'un trou dans la vase environné de bâches.

Le réceptionniste a l'air très fatigué. Ses cernes sont noirs. Le dallage de l'entrée est un carrelage noir et blanc translucide. Dessous, on aperçoit une surface liquide. On n'en discerne pas la couleur, juste que c'est fluide, en mouvement.

La seule chose finie du motel, c'est l'enseigne Dragonfly Motel, avec ses lettres et sa libellule de néons.

Une petite fille capricieuse avec une robe et des cheveux blonds bouclés insiste auprès du réceptionniste pour aller à la piscine, mais celui-ci lui explique qu'elle est encore en phase en creusement. Un homme avec un chapeau haut-de-forme et des vêtements bariolés s'approche de la petite fille et lui dit qu'il sait où on peut trouver une piscine et qu'il peut l'y conduire. L'homme a un ours en peluche vivant greffé à sa poitrine droite et un chat greffé à sa poitrine gauche. Il les présente à la petite fille : l'ours s'appelle Bubba et le chat Théo. "J'avais aussi un chat qui s'appelait Théo", précise la petite fille.

Léa a dix-huit ans. Elle travaille au room service. C'est un travail pénible, mais ça lui paye ses études. Elle rencontre un jeune homme qui erre dans les couloirs, il a juste une valise en carton comme s'il était parti à la hâte en rassemblant le strict minimum. Il lui dit qu'il ne trouve pas sa chambre, alors elle l'y conduit. Chambre 453. Ils sont dans sa chambre. Le motel a beau être en construction, la chambre est vieillotte. Il lui dit qu'elle doit absolument conserver la discrétion sur son numéro de chambre. Il dit qu'il va lui montrer quelque chose qui lui convaincra de la nécessité d'être discrète. Il déboutonne sa chemise. Sur son torse, il y a des traces de brûlure de cigarette et l'empreinte d'un fer à repasser. Sa cicatrice de l'opération de l'appendicite semble s'être rouverte récemment. "Je me suis enfui parce que ma femme me bat. Elle est à ma recherche.".
Léa promet qu'elle ne dira à personne dans quelle chambre il se trouve. Elle ira trouver le réceptionniste pour s'assurer de sa discrétion également.

La petite fille sort de la salle de bains. Elle appelle le mari : "Papa". Elle demande à Léa comment elle s'appelle. Comme Léa répond, la petite fille dit que sa poupée s'appelle pareil. Elle demande à Léa si elle veut être sa maman, Léa refuse. Vexée, la petite fille change le nom de sa poupée.
Léa s'en va trouver le réceptionniste. Quand le mari referme la porte de la chambre, le numéro de la chambre a changé. C'est maintenant écrit 354.

La petite fille est dans le couloir. Elle voit le chat Théo, qui monte les escaliers. Elle le suit. Ils traversent un grenier encombré de matelas défoncés et de meubles bâchés. Le chat passe par une porte, et sort au dehors. Il y a des échafaudages partout, des grues, des bâches, des structures de béton en face, un chantier colossal. Théo s'avance sur une poutrelle suspendue au-dessus du vide par dessus une grue. Un vide de cinquante étages. Le bruit des marteaux-piqueurs. Théo qui miaule. La petite fille n'ose pas s'avancer sur la poutrelle pour récupérer le chat.

Au bord de la piscine en travaux, trou dans la vase qui semble sans fond, il y a une femme allongée sur un transat. Elle est en maillot de bain, elle a un chapeau à larges bords et des lunettes de soleil qui lui couvrent tout le visage. Elle fume une cigarette. Puis l'écrase sur l'accoudoir du transat, comme on écraserait une cigarette sur le bras d'un homme. Tschhhh...

Tschhhh...

Le bruit du fer à repasser

qu'on appuie

sur une chemise.

La même femme, dans sa maison, en train de repasser le linge. Elle n'est pas son chapeau, mais toujours ses lunettes de soleil. Elle fume tout en repassant. Elle est en jupe et tailleur, noir et blanc, grande classe. La petite fille joue à ses pieds. La femme lui dit qu'elle a encore laissé sortir le chat. Elle lui dit de regarder par la fenêtre pour voir ce qui est arrivé au chat.
Par la fenêtre, on voit un tonneau qui recueille les eaux de la gouttière. A la surface, il y a le chat Théo qui flotte, inanimé. La femme dit à la petite fille qu'elle va punir son père pour ce qu'elle a fait.

La petite fille court dehors. Elle trouve l'homme au chapeau près du tonneau. Il lui dit : "Ne t'inquiète pas, ton chat est bien vivant.". Elle le sort du tonneau, et en effet, il est trempé, mais en forme. Elle demande à l'homme au chapeau comment il s'appelle. Il répond : "Je m'appelle Charlie, petite fille."

Par la fenêtre, la petite fille voit l'intérieur de la maison, comme irradiant de lumière. Le mari rentre du travail. Elle voit tout mais n'entend rien. Elle voit que la femme dispute le mari. Elle lui donne un ordre. Le mari déboutonne sa chemise et lui présente son torse. La femme empoigne son fer à repasser.

La nuit. Il pleut à verse. Il vente, c'est la tempête. La femme reste allongée sur son transat au bord de la piscine, impassible, alors que la piscine se remplit à gros bouillons. Charlie se promène autour du motel. Il est complètement sec.
Le mari sait que la femme est tout près. Il dit à Léa qu'il doit fuir. Il se poste à la porte, il regarde Léa une dernière fois, avec un sourire. Ses yeux sont vairons : il a un œil bleu, un œil noir. Puis il court dans la nuit, sous la pluie et le vent. La petite fille veut le suivre. Charlie lui offre son chapeau pour qu'elle ne soit pas mouillée. Le chapeau est trop grand pour elle, elle est obligée de le tenir à deux mains pour qu'il ne recouvre pas ses yeux. Léa offre un parapluie à Charlie, mais il n'en a pas besoin.
La petite fille court dehors, sous les échafaudages, pour retrouver le mari. Mais le chapeau est trop grand, il finit par lui tomber dessus et la recouvrir tout à fait, et la petite fille disparaît.

Le mari et Léa sont sur le toit du motel, penchés au-dessus des échafaudages. Le mari demande à Léa de la protéger.
Charlie arrive, et leur propose des sucreries pour apaiser leurs peines.
Le mari pousse Charlie dans le vide. Charlie est dangereux ! Sous l'effort, la cicatrice de l'appendicite s'est rouvert. La chemise du mari est bientôt trempée de sang.

Le mari est alité. Léa le soigne. La petite fille lui tient la main. Il meurt. Son oeil bleu devient noir à son tour.

Le réceptionniste a convié Léa dans l'arrière-boutique pour fin un point à l'heure de la fin de son contrat. C'est un petit local avec une table et des étagères où sont entassés des draps qui sentent la vapeur. Le réceptionniste se sert un whisky. On dirait du caramel. Il en propose à Léa, qui décline. Le réceptionniste a l'air très fatigué, ses cernes sont toujours aussi noirs. Il dit à Léa qu'on a besoin d'une personne comme elle ici à temps plein, pour s'occuper des clients. Léa décline, c'était juste un job d'été pour elle, elle veut suivre des études de physique, pour avoir un jour le Prix Nobel. Elle dit qu'ils vont s'en sortir sans elle, ce sera plus simple quand ce ne sera plus en construction. Le réceptionniste : "Ce sera toujours en construction. C'est parce que le motel est à l'image des clients. Et les clients sont en construction. Ils ont besoin de toi, ils ont besoin que tu prennes soin d'eux."
La petite fille est dans le local. Elle dit au réceptionniste : "Mais papa, pour que ça aille mieux, il te suffit de prendre des sucreries."
Le réceptionniste se transforme, c'est le mari maintenant. Il répond : "Les sucreries sont néfastes. Charlie veut te faire croire qu'elles sont bonnes, mais elles te masquent la réalité, et je vais te montrer comment."

La petite fille et Léa sont devant un stand de barbe à papa. C'est dans une grande fête foraine, tout en travaux. La grande roue est bardée d'échafaudages. Le béton est coloré en noir et blanc, comme un damier. Le mari montre une trappe près du stand à barbe à papa. Ensemble, ils descendent un escalier. Ils arrivent à une rivière de caramel. Charlie est là pour les accueillir, ici c'est son domaine. Charlie offre des sucreries à Léa et à la petite fille. Le mari tombe dans la rivière de caramel, il est emporté par le courant, mais les filles n'y prêtent pas attention, trop occupées à dévorer des sucreries.

La petite fille est devenue une marchande de glaces, c'était son rêve. Elle a un stand ambulant, au bord de la piscine du motel, toujours en creusement. La femme se présente à son stand. Elle lui dit qu'il est temps qu'elle oublie les sucreries et goûte au monde des adultes. Elle lui tend une cigarette. La petite fille refuse. Alors la femme veut la frapper avec un fer à repasser, le fer est relié par un gros câble à un des groupes électrogènes du chantier. La petite fille la pousse dans la piscine, la femme tombe comme si de rien n'était, elle s'allume une cigarette avant de s'écraser dans l'eau noire au fond du précipice. La petite fille jette le fer à repasser et le gros câble électrique au fond de la piscine, l'électrocution tue la femme, immense arc électrique, les échafaudages s'effondrent dans l'abîme, puis les façades du motel, comme siphonnées, s'écroulent aussi dans l'abîme, dans un vaste tremblement.

Le mari est alité. Léa et la petite fille sont à son chevet. Sur la petite commode, il y a une seringue. Le mari dit qu'il souffre trop. Il demande à Léa de faire chauffer de la poudre dans une cuillère jusqu'à ce que ça devienne comme du caramel, et de lui injecter dans les veines.
Léa refuse d'abord, mais le mari a tellement l'air de souffrir, alors elle se résigne à lui faire l'injection. Le mari crie : "La lumière ! Pourquoi toute cette lumière ?"

Clac. Clac. Clac !

Toutes les ampoules s'éteignent. D'abord celles de la chambre, puis en chaîne, toutes celles du motel, et toutes les lumières du chantier.

Le mari est la petite fille sont sur le toit du motel. En face d'eux, toutes les lumières du chantier brillent dans la nuit. Il lui tient la main, il lui sourit.
Ensemble, ils sautent.

Ils tombent, tombent, dans la nuit, au milieu des échafaudages, d'étage en étage en étage. Le mari regarde la petite fille. Il lui tient les mains et lui demande : "Pourquoi vivre ?"

Charlie tombe à leur niveau. Le mari continue à tomber, Charlie prend les mains de la petite fille et lui dit : "Pour toi, il est temps de remonter.". Et ensemble, ils tombent à rebours, ils remontent sur le toit du motel.

Le mari tient Léa par la main. Ensemble, ils sortent du motel. Le mari se retourne, il regarde la petite fille restée à l'accueil. Il a ce regard fascinant, un œil bleu, un œil noir.

Il lui sourit

et lui dit :

"Survis !"


Playlist :

Microfilm : Stéréodrama (post-rock avec des samples de films de Hitchcock et de la Nouvelle Vague)
Kreng : L'autopsie phénoménale de Dieu (dark ambient orchestral aussi beau que flippant)
Mogwai : Ten Rapid (post-rock radieux)
Anathema : Alternative 4 (doom rock magnifique)
et d'autres pistes que le joueur de Charlie a lancé sur son ordinateur, dont j'ai omis de noter les artistes.


Règles utilisées :

J'ai utilisé une règle de la Variante Khelren :

C'est-à-dire qu'avant de commencer à jouer, chacun a rédigé ses six papiers, et on les a distribué aux autres à l'avance.

En cours de jeu, pour prendre la parole, il n'y avait plus besoin d'offrir un papier (comme dans une de mes variantes). Pour signaler dans quelle posture en était, il y avait un code gestuel :
- Enfoncé dans le canapé : en touche
- Le corps en avant : dans le personnage
- Si on fait un "O" avec une main : décor ordinaire
- Si on fait un "E" avec une main : décor étrange

En procédant de la sorte, le jeu était beaucoup plus fluide. On a dû jouer 1h1/2 après la création de personnage. Il y a eu quelques remarques meta au début, j'ai rappelé qu'on devait rester dans le roleplay au maximum, et ça s'est vite calmé. C'était la partie la plus fluide de ce jeu que j'ai jamais faite. Notamment parce que la prise de parole était moins codifiée. Le joueur de la petite fille jouait ici sa toute première jeu de rôle, et il a été très à l'aise, je pense que ça aurait été moins facile pour lui si on avait joué avec l'obligation de demander la parole à l'avance. Je vais sortir prochainement Dragonfly Motel en version libre, et à cette occasion je changerai la règle pour qu'on joue comme dans cette partie. En revanche, je laisserai le choix entre écrire tous les papiers à l'avance (variante Khelren) ou le faire au fur et à mesure.
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

MERCENAIRES !

Rejouer un scénario classique avec prétirés dans Inflorenza : une révélation jouissive.

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 18/12/2015 à l'association La Ligue des Vannetais Ludiques, à Vannes

Personnages : Grégoire de Morteburne, Bushi, Robin, Jeannerette, Canopée

Image
crédits : (c) Chaos Spider Team, cc-by-nc Pulpolux !!!


Théâtre :

Mercenaires ! est un scénario que j'ai créé pour Millevaux Sombre, avec 7 personnages prétirés. L'adapter à Inflorenza est une expérimentation, la première du genre, puisque j'ai toujours fait jouer des théâtres conçus exprès pour le jeu, et jamais avec des prétirés ou une succession d'évènements prévus à l'avance.

Un one-shot sanglant pour Millevaux. Pour 4 à 7 joueurs.
Les joueur.se.s joueront des personnages pré-tirés au parcours trouble, des mercenaires engagés par un village agricole pour le protéger d'impitoyables pillards !

Darfour, petit village agricole au sud de Métro est sous la menace d'une troupe d'écorcheurs mené par l'Artificier, un pillard de sombre réputation.
Les villageois engagent 7 mercenaires pour les défendre dans la perspective d'un siège qui sera sans pitié.
Ce scénario est inspiré du classique Les 7 Samouraïs d'Akira Kurosawa, mais aussi de son remake, Les 7 Mercenaires, de John Sturges.
Les thèmes de ces films (un combat inégal, la loyauté des samouraïs contre la veulerie des paysans, l'inhumanité des pillards, le western crépusculaire) sont recyclés dans ce scénario en y apposant les couleurs brutales et désespérées de l'univers de Millevaux. Les mercenaires sont certes des personnages hors-normes dans l'univers de Millevaux, « bigger than life », mais ils sont plus sombres que les héros des 7 Samouraïs.

Le décor de ce western tragique sera le village de Darfour, bâti sur une ancienne zone commerciale, et subira la menace de la Bande de l'Artificier.


L'histoire :

C'est par un des derniers après-midis d'été que la bande de mercenaires arrive au village de Darfour. Leur marquant le chemin, Chignole le rémouleur pleutre et Mortier le maçon bien bâti, dont Jeannerette la femme-enfant sanguinaire s'est déjà entichée. Ils traversent les champs du village. Une vieille monte sur son dos un boisseau de blé qui pèse plus lourd qu'elle. Les récoltes touchent à leur terme et l'ambiance est lourde : les villageois savent que les mercenaires attaqueront bientôt, une fois que les récoltes seront vendues.

Le village est juste cerné d'une maigre palissade sans intérêt défensif. C'était une ancienne zone commerciale, on en voit des vestiges ça et là, notamment les enseignes Darty et Carrefour effondrées l'une sur l'autre, et qui en fusionnant ont donné la bannière du village : Darfour.

Arrivés sur la place du village, les mercenaires constatent les préparatifs de la fête des moissons. Au centre trône un mât de misaine graissé au saindoux. A son sommet, une roue où pendent divers trophées : des fanions, un jambon, des jouets, un bouquet de fleurs.

Grégoire de Morteburne, le preux chevalier au visage maigre, veut impressionner Canopée, l'archère qui œuvre en secret pour la Caste des Veilleurs. Il tente l'escalade du mât pour lui décrocher le bouquet de fleurs, mais échoue lamentablement.

Des cris résonnent. On attaque le village !
Un brigand en motochenille, harnaché et casqué, dérape jusqu'à la place du village, armé d'un flingue fumant. Jeannerette comprend qu'il s'agit de Tréclaude, ce jeune villageois passé à l'ennemi, avec qui elle connaît un début d'histoire d'amour. Elle est censée être mercenaire et protéger le village, c'est d'ailleurs Tréclaude qui lui a demandé de s'engager pour espionner à son compte. Elle veut épargner son amant, mais là, elle veut donner le change. Elle avise Hadjo, le boucher alcoolique qui lui a sauvé la vie à Metro et la suit partout désormais. Il a un faible pour elle, c'est certain. Jeannerette en profite, sans savoir si elle aussi a des sentiments pour lui. En attendant, elle l'utilise autant qu'elle peut. Elle lui demande de l'aider à tendre une corde pour faire tomber Tréclaude de la motochenille et le faire prisonnier dans l'espoir de permettre plus tard son évasion.

Mais Canopée, l'impitoyable chasseresse, la prend de vitesse. Elle tire une flèche qui vient briser la visière du casque de Tréclaude et se ficher dans son crâne. Dans le village, c'est la stupéfaction quand on reconnaît Tréclaude. Jeannerette cache sa peine. Elle vient de perdre le premier des hommes de sa vie.

Robin le vengeur masqué, Bushi le ronin pétri d'honneur, et Grégoire de Morteburne, sont retournés à l'entrée du village. Ils voient un cavalier, engoncé dans une armure de boîtes de conserves, rentrer dans le village. Il poursuit la vieille au boisseau de blé. Avec son coupe-chou, il lui fait sauter la tête comme un bouchon en ricanant.

Il y a aussi des enfants par ici, qui courent un grand danger ! Parmi eux, Robin reconnaît Philémon, son plus jeune fils. Robin habitait dans ce village par le passé, il a dû fuir après qu'Homère, le chef du village, l'ait affronté et laissé pour mort dans la forêt. Maintenant, il revient pour se venger d'Homère et reprendre sa femme et ses enfants. Mais ça fait longtemps qu'il est parti. S'il se rappelle de tout, les villageois se rappellent-ils encore de lui ?

Pour sauver Philémon, Robin doit agir vite. Il abat la monture du brigand d'un coup de pistolet. Le cavalier vide les étriers. Déjà, Bushi est sur lui et lui tranche les deux bras à coups de katana !

Ils le capturent et lui retirent son armure de fortune. Ils réalisent alors que c'est un homme avec une trisomie. Difficile d'envisager qu'il ait choisi la vie de pillard de son plein gré. Ils le capturent quand même.

Robin rattrape Philémon. Mais l'enfant ne le reconnaît pas. Cependant, les villageois font de lui un héros, et le portent en triomphe.

Une femme court pleurer sur le corps de la vieille au boisseau. C'est une belle femme, même si son corps a forci au terme de nombreuses grossesses. Elle explique à Grégoire et Bushi que cette vieille femme était une sainte, qu'elle portait de lourds boisseaux et de lourds fagots parce qu'elle voulait rester utile jusqu'au bout. Elle leur demande de tout faire pour venger sa mort. Leur honneur chevaleresque est en jeu.

Les mercenaires mettent le cavalier trisomique au frais, puis vont voir le chef du village, Homère. Sa hutte ronde donne sur la place du village. Ils passent un rideau de perles et ils sont à l'intérieur. Homère est un solide gaillard, au visage noir comme l'ébène coupé par un bonnet de laine. Il embrasse une icône de la Vierge qu'il porte autour du cou. Les représentations de la Vierge, il y en a dans toute la hutte. Icônes, tableaux, bougies, partout.

Aux côtés d'Homère, le chamane du village, vêtu d'un costume de paille et d'un chapeau de paille. Il cache son visage sous un masque de foire, le masque de Darth Maul, un des méchants de Star Wars. Il donne régulièrement une mixture noire à boire à Homère. Les mercenaires comprennent qu'il se trament quelque chose de pas net.

Homère ne reconnaît pas Robin, et ce dernier se retient de s'identifier. Quand on lui parle de Tréclaude, Homère donne une explication à son passage à l'ennemi. Il s'est révolté contre Homère et ce dernier a demandé à ses hommes de lui casser les genoux. Tréclaude voulait certainement se venger.

Robin, Hadjo et Jeannerette s'isolent avec le cavalier trisomique pour l'interroger. Hadjo le torture avec son arme préférée : la chaîne de vélo. Au terme de plusieurs strangulations, le cavalier leur dit tout ce qu'il sait. Les pillards sont au nombre de quarante, leur chef c'est l'Artificier, un dingue de la pyrotechnie, il a un lance-flammes et la troupe disposes de grenades incendiaires et de produits accélérant le feu. Et surtout, ils ont trois redoutables raptors laineux ! Ils sont retranchés dans un campement au fond de la forêt. Pour le retrouver, il suffit de suivre certains symboles gravés dans l'écorce des arbres, utilisés par les pillards pour retrouver leur chemin.

A l'issue de cet interrogatoire musclé, le cavalier est dans un triste état. Amputé des deux bras, à peine bandé, tuméfié. Jeannerette en conçoit de la pitié et de l'affection pour lui. Hadjo commence à se sentir mal.

Les mercenaires sont tous invités à manger chez Chignole le rémouleur, dans sa maison de bois sur pilotis. Chignole leur apporte du gruau et du gnac dont il sert juste un fond de verre, dans une opération de pauvreté ostentatoire. Alors que Canopée insiste pour être bien payée de ses services (en réalité, elle joue un rôle, elle ne vient ici ni pour la prime ni pour le village, mais pour éliminer Darth Maul, que ses maîtres les Veilleurs lui ont désigné comme un dangereux sorcier), Chignole arrive à comprendre que Grégoire, Bushi, Jeannerette et Robin seraient prêts à les protéger pour rien, et il s'en réjouit.

Il appelle sa femme et ses enfants à se joindre à eux pour la suite du repas. Son épouse sort de la cuisine... Et ce n'est autre que la femme qui pleurait tout à l'heure la mort de la vieille au boisseau. Mais surtout, Robin reconnaît... Cloveline, son ancienne épouse, du temps qu'il était bûcheron au village ! Ainsi donc, elle a épousé ce rebut de Chignole ! Quelle déchéance !
Et ils ont eu des enfants !
Philémon laisse entendre dire que la nuit, ils font de drôles de bruits dans la chambre. Pour Robin, c'en est trop.

Cloveline gronde son mari parce qu'il ne sert pas assez de gnac aux héros du jour et Hadjo en profite pour se soûler la gueule. Le repas touche à sa fin. Chignole leur indique le chemin de la grange abandonnée où ils pourront dormir. Bushi et Canopée ont remarqué une chose : Veine a évité de participer au repas.

Leur logis est une grange pleine de fumier, il ne reste que deux murs, et ils devront se serrer avec un locataire déjà présent : un âne qui va braire toute la nuit. Hadjo confie ses états d'âme à Jeannerette avant de s'écrouler sur sa paillasse : il est fatigué de tuer. Jeannerette s'éclipse dans la nuit, elle va préparer des collets qu'elle a empruntés à Chignole, elle les étire pour qu'ils soient à taille humaine et les pose à l'orée de la forêt. Elle installe aussi le cavalier trisomique à l'entrée du village, dans une guitoune, et campe une ribambelle de casseroles censées donner l'alerte si une troupe en franchit le seuil. Elle dit au cavalier que si ses amis pillards arrivent, il doit leur dire qu'ils peuvent entrer sans danger.

Canopée non plus ne va pas dormir. Elle se campe devant la hutte du chef, attend que le chamane en sorte et le suit à la trace. Le chamane rentre chez lui. Il passe sous un dolmen et rentre dans sa grande hutte de paille circulaire aux ouvertures obturées par de la bâche plastique.

Canopée comprend que ce dolmen marque le passage vers un autre monde, et elle se résout à le franchir à son tour. C'est comme si elle passait d'une masse d'air froid à une masse d'air très chaud. De l'autre côté, l'égrégore distend la réalité. Elle s'infiltre dans la hutte à la suite du chamane, et le voit gagner sa couche à l'autre bout. Dans la hutte, il y a des bols et des bocaux qui contiennent toutes sortes de choses impies, et des animaux empaillés et des poupées vaudou. Sur une table, un cœur de bœuf est cloué, avec sur le clou une icône de la Vierge. Signe que le chamane envoûte le chef du village.

Mais surtout, sous la charpente de la hutte, accrochée à la rencontre des poutres maîtresses, il y a cette énorme cage avec dedans cette femme, enfin cette chose-femme, la Grosse Mère, une masse de bourrelets et de cheveux noirs, et cette toison pubienne infestée de mouches qui pend jusqu'au sol !

La Grosse Mère s'adresse à Canopée : "Soumets-toi..."

Canopée, révulsée, a juste la présence d'esprit d'encocher une flèche et de clouer le chamane dans son sommeil, puis elle prend ses jambes à son cou et refranchit le dolmen avant que la Grosse Mère ait le temps de tenter quelque chose contre elle.

Bushi ne dort pas non plus, il part à la recherche de Veine, son absence de repas l'a intrigué. Il la retrouve en bordure de village. Veine est la plus inquiétante des mercenaires. Sauvageonne qu'on dit sorcière, a demi-nue, avec son tomahawk en bois, son crâne de bouc sur la tête, des yeux exorbités, du sang caillé sur le visage en guise de peinture de guerre. Veine prétend qu'elle faisait une ronde. Elle lui sourit et l'invite à aller explorer la forêt avec elle. Grégoire les prend en filature.

Veine et Bushi repèrent les traces d'un animal monstrueux de la forêt : le sangleros. Sur l'injonction de Veine, ils le suivent jusqu'à un point d'eau. Caché dans les buissons, du haut du talus, ils observent la bête qui s'abreuve. Un énorme rhinocéros laineux avec deux cornes sur le museau et des défenses de sanglier qui dépassent de la mâchoire. Il pousse un long brame qui effraie les oiseaux de nuit. Veine dit à Bushi que cela ferait une chasse magnifique. Bushi veut qu'elle bénisse sa lame avant d'aller au combat. Veine lui fait un large sourire. Elle lèche son katana jusqu'à se couper la langue et couvrir la lame de son sang. "Magie du sang. Ta bravoure passera dans ta lame, maintenant, si tu combats en pensant à moi." Puis elle dévale le talus un hurlant un cri de guerre. Bushi se rue vers la bête, et Grégoire à leur suite en poussant des "Montjoie Saint-Denis !" à tue-tête.

Quand Canopée revient à la grange abandonnée, elle y trouve un bouquet de fleurs disposé à son intention. Ce fou de Grégoire a finalement réussi à escalader le mât et à lui décrocher le bouquet. Le cœur dur de Canopée s'ouvre enfin. Elle n'était pas venue pour ça, elle avait une mission... Mais malgré tout, elle tombe amoureuse de Grégoire.

Le lendemain, Mortier vient lui conter fleurette, mais Canopée l'éconduit sans ménagement. Quand Jeannerette lui demande d'aller renforcer les défenses du village, il prétexte qu'il a plus urgent à faire : la fabrication d'un four à pain l'attend... Jeannerette vient de perdre le deuxième homme de sa vie.

Bushi, Veine et Grégoire apporteront la tête du sangleros au village. On les considère définitivement comme des héros. Des villageois montent sur le mât. Ils décrochent des jambons et des trophées pour fêter les chasseurs.

Canopée vient voir le chef, elle le trouve en train de brûler ses icônes de la Vierge dans sa cheminée : apparemment, avec la mort du chamane, l'envoûtement est levé. Homère lui raconte que les derniers mois, il y avait de fréquentes disparitions, et le chamane usait de son emprise sur lui pour qu'il fasse interrompre toute recherche.

Robin demande de l'aide à Canopée. Ils vont voir Cloveline dans la maison de Chignole. Robin enlève le foulard qui lui masque le visage, mais sa bien-aimée n'affiche pas de réaction. Canopée, à qui ses maîtres Veilleurs ont enseigné la science des points vitaux, touche Cloveline au cou, et enfin elle se rappelle de Robin, son époux tant aimé. Elle lui demande pardon pour avoir épousé Chignole : elle le croyait mort, et si elle restait fille-mère, les villageois l'auraient mise au ban. Pour garantir la survie de ses enfants en restant au village, elle s'est résignée à se laisser courtiser par ceux qui se contenteraient d'une fille marquée par l'opprobre, et c'est ainsi qu'elle devint l'épouse de Chignole alors qu'elle le méprise.

Chignole paraît dans sa maison ; alors Robin le moleste. Le rémouleur implore sa pitié ! Il peut le payer pour sa vie ! Il désosse certaines lattes du plancher et lui dévoile une cache qui contient une armure, de l'or, des coupes. Cloveline enrage : "Chignole ! Tu m'avais promis que tu n'avais pas pris part à ce répugnant commerce ! Ils achèvent les soldats blessés sur les champs de bataille et leurs volent leurs possessions !"

Robin enferme Chignole dans sa cache, et il confie l'armure à Grégoire, qui aura enfin un équipement digne de ce nom.

Un bruit de casseroles à l'entrée du village. Et le cavalier trisomique qui crie : "Les amis ! Vous pouvez rentrer !"

Un parti de trois brigands cavaliers fait irruption dans le village, dont un sur raptor laineux ! Ils ont des torches enflammées couvertes d'un produit accélérant. Grégoire, Bushi et Robin s'en chargent. Bushi saute sur le cavalier du raptor pour lui voler sa monture, et la fureur des mercenaires fait le reste.

Hadjo a ignoré le combat, qui pourtant promettait du sang et de la violence. Il dit à Jeannerette : "Je t'ai toujours aimé, petiote. Partons tous les deux sur les routes, oublions les meurtres, recommençons à zéro !
- Hadjo, je veux bien de toi, mais je vais devenir une grande mercenaire ! Le sang, la gloire, la reconnaissance du peuple !
- Cela ne m’intéresse plus. Partons tous les deux sur les routes. Si tu restes, je pars.
- Je dois réfléchir...
- Ne traîne pas trop..."

Robin réunit tous les villageois devant la hutte du chef. Il met à jour la duplicité et la lâcheté d'Homère, il met en avant sa propre gloire et celle des mercenaires, les villageois finissent par l'acclamer comme nouveau chef.

Jeannerette pousse un cri.
Hadjo est monté au sommet du mât de misaine. Il a accroché sa chaîne de vélo à la roue, et s'est attaché l'autre extrémité en nœud coulant autour du cou.

Il regarde Jeannerette.

Et saute !

Il est temps d'en finir. Robin, Bushi, Grégoire, Jeannerette et Canopée vont devant le dolmen. Veine se dresse sur leur passage. "Canopée, espèce de salope ! Le chamane allait m'apprendre tout ce qu'il savait. J'allais enfin connaître de grands secrets de sorcellerie." Canopée comprend que le chamane capturait des villageois pour nourrir la Grosse Mère. Peut-être que la Grosse Mère protégeait le village en échange. Qu'à cela ne tienne, la Grosse Mère est un horla, de la pire espèce. C'est pour éliminer cette engeance de la surface de la Terre que les Veilleurs l'ont entraînée si durement. La Grosse Mère doit mourir.

Veine brandit son tomahawk. Canopée lui plante une flèche en pleine poitrine.
Veine était une bonne camarade de lutte pour Robin, la seule mercenaire pour qui il avait de l'affection. Il l'achève d'une balle en pleine tête, pour écourter l'épreuve.

Puis les cinq mercenaires passent le dolmen, ils entrent dans la hutte. La Grosse Mère leur ordonne à nouveau de se soumettre, mais ils font parler les armes. Une scène rapide et sanglante, bourrelets tranchés, hurlements, poches de pus percées, et enfin, quand Canopée porte le coup fatal, comme un summum, s'impose à elle une image du passé qu'elle aurait préféré laisser dans les limbes de l'oubli, sa souillure originelle, celle à cause de quoi les Veilleurs l'ont recueillie, soignée, punie, éduquée...

Un visage noir et poilu, garni de crocs, écumant de bave !

Enfin les mercenaires ont rameuté tous les villageois qu'ils pouvaient, femmes et hommes, ils les ont équipés avec des fourches et des épieux, et ensemble, menés par Bushi sur son raptor, ils ont traversé la forêt vers le campement des pillards.

Alors les pillards ont préféré l'attaque à la défense. Ils sortent du campement comme une déferlante harnachée de cuir et d'acier, avec à leur tête les deux raptors laineux et les cavaliers armés de grenades incendiaires, et, raide comme la justice sur son cheval noir, l'Artificier avec son tablier et son masque de soudeur, son réservoir d'essence dans le dos et son lance-flammes !

Et c'est l'assaut final !


Feuilles de personnage :

Bushi

(barré) Se battre avec honneur toujours
Je veux trouver un clan
Chercher de nouvelles techniques
(barré) une cicatrice sur le torse (très viril)
(barré) trop bon, trop con
Soutien important (?)
Autorité sur raptor
Solitude, cherche l'illumination

Robin

Je veux me venger d'une trahison
Je suis toujours amoureux de ma femme et des mes enfants
Je cache mes véritables intentions aux autres mercenaires
(barré) J'enrage de ne pas avoir été reconnu par mon fils
Le village est reconnaissant du sauvetage de mon fils
Je me suis endurci après la torture d'un trisomique
(barré) Je suis devenu insensible
(barré) Je suis rongé par le désespoir
Je suis devenu le chef du village
J'ai été trahi par Canopée et Grégoire

Grégoire de Morteburne

Vouloir faire de bravoure en toute circonstance
(barré) J'ai subi une lobotomie
Je veux impressionner Dame Canopée
(barré) J'ai l'air ridicule
Je veux aider le chef du village
Jalousie obsessionnelle envers Mortier
Mauvais diplomate

Jeannerette

Je ferai tout pour aider mon amour
Je veux devenir la plus grande mercenaire
J'ai une vigilance à toute épreuve
Mutilation et contrôle du sang (pouvoir)
Connaissance des pillards
(barré) Empathie pour les handicapés
Protectrice des braves

Canopée

Je veux remplir la mission donnée par les anciens
Je maîtrise le combat à distance et suis équipée d'un arc, et de couteaux de lancer
(barré) Je suis sociopathe
Le chef est lié au chamane, ou manipulé
(barré) Pouvoir : Maîtrise des points sensibles
Je ressens de plus en plus de sentiments envers Grégoire car il a pris l'initiative de soutenir le chef.


Règles utilisées :

Nous avons joué en Inflorenza classique, en Carte Blanche, avec la règle des pouvoirs.
Grande première, on a joué un scénario écrit pour un autre jeu, en l'occurrence, Mercenaires ! est un scénario pour Millevaux Sombre. Cela induisait un lieu de jeu (le village et ses alentours) assez détaillé, une série de révélations et de "coups" des antagonistes prévus à l'avance, et surtout, des personnages prétirés assez détaillés, avec historique, feuille de matériel et feuille de mémoire.
J'ai demandé aux joueur.se.s de lire leur historique et leur feuille de matériel et ensuite de remplir une feuille de personnage avec trois phrases (dont une phrase d'objectif) qui résumaient les choses les plus importantes à savoir sur le personnage.


Commentaires sur le jeu :

Les joueur.se.s n'ont jamais utilisé le tableau des symboles, en revanche, les joueurs de Jeannerette et de Canopée ont utilisé la liste des pouvoirs pour choisir leur pouvoir. Canopée a d'ailleurs fait une utilisation très sympa de son pouvoir "Maîtrise des points sensibles", puisqu'elle a redonné la mémoire à Cloveline en lui touchant un point sensible !

Un point sur la façon de gérer les conflits à Inflorenza. La première fois que Grégoire veut monter au mât de misaine, j'aurais pu faire un conflit avec pour objectif : "décrocher le bouquet de fleurs", mais c'était un peu faible. J'ai plutôt dit à la joueuse de Grégoire de décider elle-même si elle réussissait ou échouer, et de décrire comment. La joueuse a décidé que c'était bien dans le style de Grégoire d'échouer à escalader le mât.
Plus tard dans la nuit, Grégoire veut retenter le mât. On discute de ce que Grégoire veut atteindre. Ce qui intéresse la joueuse, ce n'est pas tant de récupérer le bouquet de fleurs, mais que ce bouquet permette à Grégoire de gagner l'amour de Canopée. On a discuté avec le joueur de Canopée, et lui s'en fichait que Grégoire réussisse ou non à récupérer le bouquet. Ce qu'il voulait, c'était éviter que Canopée tombe amoureuse de Grégoire. Donc cette fois-ci, j'ai établi que Grégoire arrivait à récupérer le bouquet, sans jet de dés, et on a fait un conflit duel entre Grégoire et Canopée pour savoir si le bouquet rendrait Canopée amoureuse ou non.
Cet exemple montre un subtil décrochage par rapport à un jeu carac-compétences, où on aurait d'abord fait un jet pour escalader le mât, alors que là ce n'était pas nécessaire, vu que l'intérêt dramatique était ailleurs.

Pareil, lors du combat contre Tréclaude, on a discuté des objectifs de chaque personnage impliqué, et finalement on a joué un conflit duel entre le camp qui voulait capturer Tréclaude et le camp qui voulait le tuer. Dans les deux cas, on savait que Tréclaude perdait le combat sans avoir lancé les dés, puisque l'intérêt dramatique était ailleurs : si Tréclaude allait y survivre ou pas.

Comme le jeu met l'accent sur le drama, j'ai eu plus de latitude et de plaisir à incarner les mercenaires figurants, Veine, et Hadjo, à développer leur personnalité.

L'expérience était très sympa. En tant que Confident, j'étais en confort, car si j'avais passé un peu de temps à repotasser le scénario (une heure et demie au total, entre relecture des textes et impression des aides de jeu manquantes), pendant le jeu j'avais moins de travail d'improvisation que d'habitude. Cela m'a permis d'incarner Hadjo et Veine en figurants alors qu'ils sont en général enlevés du cast quand je maîtrise le scénario à Millevaux Sombre.

Mercenaires ! est un scénario un peu limite pour Millevaux Sombre dans le sens où il propose d'incarner des persos assez badass, et que les bastons deviennent assez tactiques vu la taille et la complexité du terrain, et les moyens que peuvent mobiliser personnages comme antagonistes.
A Inflorenza, le jeu se prête tout à fait à incarner des badass, et les bastons les plus complexes peuvent se gérer en un seul jet de dé. Pour la petite histoire, sur l'affiche que j'avais réalisée pour la convention Éclipse 2012, ce scénario portait la mention : "7 Héros. 7 Salopards. 7 Martyrs". Précurseur.
Pour autant, je pense que cela va rester un scénario pour Millevaux Sombre, dans le sens où le système de Sombre donne aux antagonistes la dangerosité qu'ils méritent, alors que là, les persos ont défoncé la Grosse Mère en un seul jet de dé, les enjeux étaient ailleurs, plus sur le drama et l'évolution des personnages. Ou alors, il faudrait que je dote mes figurants les plus coriaces d'une feuille de personnage, avec entre 3 à 6 phrases, pour qu'ils représentent une vraie adversité.

En revanche, la leçon que je tire de cette partie est que c'est tout à fait intéressant de rejouer avec Inflorenza un scénario et des prétirés prévus pour un autre jeu, et ainsi en offrir une relecture tout à fait savoureuse. Je ferai ensuite l'expérience avec un autre scénario pour Millevaux Sombre : Cuisine aux Orgones, lui aussi assez enlevé.


Commentaires sur le scénario :

L'arrivée de Tréclaude, le brigand-félon, amant de Jeannerette, en introduction de scénario est faible, parce que je grille tout de suite cette cartouche-là. Ce serait mieux si Tréclaude rendait au moins une fois visite à Jeannerette pour avoir des informations.

Le personnage de Bushi reste aussi le maillon faible en terme d'agenda. Je pourrais peut-être rajouter une rivalité avec le chef Homère, qui verrait en lui un possible rempart contre son autorité.
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Pikathulhu
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Message par Pikathulhu »

L'ÉDEN

Troisième session de la Lande, de la jungle, du râpeux, du manimal, du mindfuck, pour le dernier test officiel du jeu avant sa finalisation !

Jeu : Arbre, clochards magnifiques dans les forêts hantées de Millevaux

Joué le 13/12/2015 à Lorient chez l'association id2gni

Personnages : Phylis, L'Ours, Vitalis, Rouge-XIII, Marquis, Raymond

Image
gravure de Gustave Doré, domaine public


Contexte :

Nous jouons la suite de la partie Retour au Laboratoire, qui fait lui-même suite à la partie Cobayes en Cavale, dans le cadre de la campagne jouée avec la forêt La Lande. Seul le personnage de Rouge-XIII est issu de la première séance. Marquis est issu de la deuxième séance. Les quatre autres personnages sont des nouveaux.


L'histoire :

Les douves du Palais des Papes. Une violente tempête a éclaté, qui ploie les palmiers et les fougères arborescentes comme des fétus. Rester dans la jungle des douves est dangereux.

Quand la tempête a éclaté, le groupe de cobayes formé autour de Louve paralysée s'est disloqué, et parmi eux, Marquis a fui de son côté. Il s'est fait un épieu avec une branche, et s'en sert comme arme principale.
Rouge-XIII, le renard rouge, avait laissé les cobayes retourner au Labo avec Bleu, il ne les avait pas suivis car il déteste Bleu. Mais il est à la recherche de l’Éden forestier, alors quand Bleu a dit que cet Éden se trouvait au Palais des Papes, au-dessus du Labo, il s'y est rendu de son côté, et c'est comme ça qu'il s'est retrouvé dans les douves en pleine tempête, et qu'il a rejoint Marquis.
En courant dans la jungle des douves, ils rencontrent un autre groupe de cobayes en fuite. Il y a un gars, Raymond qu'il s'appelle, un clochard barbu avec un bonnet, qui tire sur un truc coincé dans les buissons et demande de l'aide. Ce qui est coincé dans les buissons, c'est un caddie avec des bricoles que Raymond se trimbale.
Il y a l'Ours, qui est, ben..., un ours. Avec une armure en cuir de vache, un chapeau, et perché sur un tricycle. Tout est normal.
Qui l'accompagne, il y a Vitalis, un humain, mais l'Ours et lui sont persuadés d'être frères. Vitalis porte un foulard féminin qu'il ne lâche pas, et il cache sous ses vêtements ce qui ressemble à une poignée, il pense que c'est un blaster alors que c'est juste une clef.
Enfin, il y a Phylis, une fille impressionnante avec plein de tatouages qui dépassent de son manteau, et qui se promène avec une batte de baseball.

L'Ours a vu une grotte pas loin et il les emmène. La grotte est creusée dans les remparts du Palais des Papes, à l'intérieur ça sent le fauve, et c'est normal parce qu'ils y rencontrent... une ourse. C'est aussi visiblement une cobaye, elle est très maigre, une de ses pattes avant a été remplacée par un bras mécanique, et sa mâchoire inférieure aussi est mécanique. L'Ours avait entendu dire qu'il y avait une femme ourse parmi les cobayes, en voilà la confirmation. L'ourse ne veut les accepter dans sa caverne que s'ils lui procurent à manger, elle a très faim car elle n'ose pas manger ce qui pousse dans la jungle. Les cobayes n'ont pas de provisions à lui céder, et d'ailleurs ils ont tous aussi faim qu'elle. L'Ours, comme les autres cobayes est infesté de puces, mais il les mange régulièrement, et il laisse l'ourse lui manger sur le dos toutes les puces qu'il lui reste. L'ourse dit que les puces ont un goût bizarre.
Rouge-XIII repère un terrier au fond de la caverne, qui doit passer sous les remparts. Il n'est pas assez grand pour faire passer l'Ours et il faudrait l'étayer pour prévenir tout risque d'effondrement. Rouge-XIII laisse ça de côté pour l'instant, il est tard et tout le monde veut dormir.

Marquis et Raymond prennent le premier tour de garde. La tempête fait toujours rage au dehors. Un corbeau se présente à l'entrée, il reste en vol stationnaire sous le vent et leur parle. C'est Coraline, l'infirmière Corax qui a accompagné les cobayes pendant leur retour au Labo, et qui avait été récupérée ensuite par les Savants Corax. Elle leur dit qu'elle est innocente des crimes que les Savants ont commis, elle ignorait l'ampleur exacte de leurs recherches quand elle s'est engagée chez eux comme infirmière, et maintenant elle veut les punir, et donc elle vient pour s'allier aux cobayes. Raymond se montre très conciliant, parce qu'il est tombé amoureux de Coraline pendant qu'ils étaient au Labo. Marquis n'a pas vraiment confiance, par contre, l'attitude de Coraline pendant leur retour au Labo était trop suspecte. En gage de bonne fois, Coraline leur révèle l'emplacement de deux endroits stratégiques : la tour où se cache Viktor, le savant qui a ordonné qu'on utilise les cobayes malades comme nourriture à la cantine (et qui donc est à l'origine du fait que la femme de Marquis a fini dans le saloir de la cantine), et un petit bunker dans la jungle, où se trouvent un produit pour tuer les puces. Elle explique que les puces dont ils sont infestés leur injectent du poison dans le sang à fréquence régulière : c'est en dispositif mis en place par les Savants pour que les cobayes aient une durée de vie limitée.
Raymond demande à Coraline ce qu'est devenu son frère, lui aussi cobaye, qu'il a perdu de vue. Coraline répond qu'il est parti dans le Palais des Papes avec une bande rivale de cobayes, assez dangereux.
Coraline leur dit qu'ils peuvent aller vérifier les deux emplacements pour s'assurer de sa bonne foi. Elle leur donne deux implants pour rester en communication télépathique avec elle, il faut se les poser sur le crâne, l'implant se greffe alors tout seul. Raymond se greffe un des implants, Marquis, dont la confiance n'est pas acquise, greffe l'autre implant sur le crâne de Vitalis dans son sommeil.

Le fantôme de Renard Bleu parle à Rouge-XIII dans son sommeil.
"Tu dois être bien content que je sois mort.
- J'aurais préféré te tuer moi-même, mais c'est déjà pas si mal.
- T'es vraiment un beau salaud. Et tu sais pourquoi.
- Toi aussi tu sais pourquoi.
- Après tout ce que tu m'as fait ! Mais j'aimerais l'entendre de ta voix.
- Ma femme s'est barrée avec toi. Alors je l'ai tuée.
- Enfoiré ! Elle m'avait choisi, c'est tout. Tu n'avais aucun droit sur elle.
- C'était moi le chef, c'était mon droit !
- Comme si les renards pouvaient avoir un chef ! Dégénéré ! Mais maintenant, je vais être à tes côtés, jusqu'à la fin de ta vie. Et je vais bien te pourrir..."

C'est au tour de l'Ours et de Vitalis de monter la garde. L'ourse grogne dans son sommeil. L'Ours pique le manteau de Raymond et le pose sur l'ourse en guise de drap. Mais par rapport au rêve qu'elle est en train de faire, ça doit la perturber, elle s'agite dans tous les sens, elle manque de griffer l'Ours. Elle se réveille, l'Ours essaye de la rassurer. Elle lui murmure qu'il ne devrait pas faire confiance à des humains, ce sont des monstres, ils sont hideux, hypocrites, meurtriers.
Vitalis a une vision. Il se voit dans une des salles du château d'Axe-en-Vengeance. Il voit le Marquis d'Axe-en-Vengeance, un gros homme à la barbe rousse, avec un chapeau à plume, entouré de ses hommes. Tout est flou, mais Vitalis a l'impression d'être là, attablés avec eux. Ce qu'il comprend à peine, c'est qu'il est déjà allé dans cet endroit, peut-être en se téléportant, et qu'il a le don d'entendre des conversations qui sont dans des lieux qu'il a déjà visités. Le Marquis voit avec ses chasseurs dans quelles contrées inexplorées dénicher de nouveaux monstres pour sa collection. Coraline apparaît aux côtés de Vitalis (c'est l'effet de l'implant télépathique), elle essaye de lui expliquer que le Marquis et ses chasseurs/collectionneurs de horlas seraient les seuls antagonistes crédibles face aux Savants, il faut les contacter pour les inciter à se rendre en force au Palais des Papes.

C'est au tour de Phylis et de Rouge de monter la garde. Rouge montre le tunnel à Phylis et elle s'y aventure. Il y a des traces de griffures et d'excréments, c'est un gros animal qui a creusé ce tunnel. Elle débouche dans une crypte du Palais des Papes. Là, elle entend dans sa tête la voix aigrelette qui lui parle depuis quelque temps, qui lui dit qu'elle l'a choisie pour lever une Armée Sainte. Au milieu de la crypte, il y a la tombe en pierre d'un pape, avec la statue du pape sur le gisant, avec sa tiare. La voix lui explique qu'elle doit trouver la tiare du Pape actuel, et ensuite elle pourra commander à l'Armée Sainte. Phylis demande à la voix qui elle est. La voix s'apprête à répondre, mais à ce moment les dalles de la crypte se mettent à trembler, et Phylis préfère prendre la fuite dans le tunnel. Elle est y poursuivie par une grosse bête qui grogne !
Phylis ressort de l'autre côté. L'Ours plonge son corps dans le tunnel au risque de rester coincé, et il arrive à attraper l'assaillant de Phylis. Les autres tirent l'Ours et il retombe dans la caverne avec sa capture : un blaireau revêtu d'une armure sur mesure ! Le blaireau prétend être le général de l'Armée Sainte, il dit qu'ils auront des ennuis s'il le touche. On lui demande où est son armée, il répond qu'elle est en constitution, il veut rassembler tous les cobayes. La voix dit dans la tête de Phylis que l'Ours ferait un meilleur général, et que s'il saillait l'ourse, cela engendrerait une lignée de guerriers. Phylis a besoin de temporiser. Elle obtient qu'on laisse le blaireau en armure tranquille, et qu'ils les accompagne, ce que le blaireau accepte, pensant que les autres se mettent sous ses ordres.

Ils traversent la jungle à la recherche du bunker que leur a indiqué Coraline. Vitalis monte dans un arbre à la recherche de fruits. Un fruit-insecte, rouge, énorme, avec une tête-sphincter, lui monte dessus. Vitalis s'en débarrasse et cueille un autre fruit, une grosse calebasse jaune. Il descend avec la calebasse. Comme il est persuadé d'avoir des dons télékinétiques, il pense que la calebasse descend en lévitation avec lui.

L'Ours ouvre la calebasse. A l'intérieur, il n'y a pas de la pulpe, mais de la viande ! Raymond en mange, et ses dents deviennent du bois ! Vitalis lui fait manger une pierre, pensant que ça résoudra le problème, et maintenant Raymond a les dents en sang.

Comprenant qu'il y a de gros problèmes avec la flore de cette jungle, personne d'autre n'ose rien manger et ils cheminent vers le bunker. L'Ours défonce la porte de fer.
A l'intérieur, il y a de la viande, six morceaux crus, et six seringues, remplies de sang. Comme Raymond est alcoolique, il récupère parmi le menu matériel de labo qui se trouve là, une bouteille d'éther et une bouteille d'alcool. Rouge et l'Ours identifient la viande comme de la viande humaine. Raymond interroge Coraline à ce sujet et elle lui répond... qu'il s'agit de son frère !
Raymond a trop faim. Il n'a aucun plaisir à manger de la viande humaine, mais il s'y résout quand la nécessité l'y pousse. Il commence à goûter, et ça lui rappelle la dernière fois où il a dû manger de la viande humaine.
Il est dans le saloir de la cantine du Labo, il est face au Lynx qui tient la cantine. Il y a le cadavre d'une femme pendue au saloir. La femme de Marquis. Lynx dit à Raymond qu'ils pourraient se battre comme il est sur son territoire, mais il préfère éviter toute blessure inutile. S'il a faim, il lui propose de manger de la femme, puis de partir. Alors Raymond mange la femme de Marquis.

Tout le monde a l'air de vouloir manger de la viande qui est dans le bunker. Mais l'ourse grogne. Elle ne veut pas que les humains mauvais ou ce renard méprisables aient leur part, elle a trop faim. Elle autorise seulement l'Ours à en manger avec elle. Sur l'insistance de l'Ours, elle accepte aussi que Vitalis en mange, puisque l'Ours croit que c'est son frère, et que Raymond en mange, par cruauté. Pendant qu'ils palabrent, Rouge attrape un morceau et le gobe à pleines dents. Il vient de se faire une ennemie de l'ourse. Qu'à cela ne tienne.

Avec dégoût, Raymond mange la chair de son frère, pour se nourrir. Il a alors accès à la mémoire contenue dans cette chair. Il se retrouve dans la peau de son frère. Il est dans le Labo, il est en train de faire l'amour avec Coraline ! Coraline a un grand sourire et quand elle atteint son paroxysme, elle s'empare d'un scalpel et elle lui tranche la gorge ! Raymond demande à Coraline pourquoi elle l'a trahi, et pourquoi elle a tué son frère. Coraline dit : "Comprends-tu, ils était aux portes de la mort à cause des expériences qu'il a subi, il souffrait tellement ! Tout cela, je l'ai fait à sa demande. Je lui ai offert mon réconfort, et j'ai abrégé ses souffrances."

Pendant cette confusion, Marquis attrape une seringue et l'enfonce dans la cuisse de Rouge, pour savoir quel effet ça fait exactement.
Alors Rouge grossit et se transforme, il perd tous ses poils, et sa peau éclate, révélant un nouveau corps. Phylis se hâte de ramasser une autre seringue. Rouge vient d'attendre la forme ultime. C'est la même que la forme ultime de Bleu, un humain avec des jambes désarticulées et six longs bras comme une araignée, si grand qu'il remplit tout le bunker ! Ceux qui sont implantés voient Coraline exulter. "Je le savais ! Les puces n'injectaient pas du poison ! Ce sont des nano-machines qui vous manipulent pour que vous atteignez l'état de changeforme. La seringue contient un accélérant, je peux enfin voir le processus ! Rouge a atteint l'ultime forme !"

Comme Rouge a démesurément augmenté de volume, tout le matériel du bunker a été renversé, des seringues se sont brisées. Il ne reste qu'une seringue intacte, et tout le monde la veut. Baston générale ! Rouge, immense, Vitalis, agile, l'Ours une force de la nature, Marquis avec son épieu, Phylis avec sa batte.

Raymond sort un Lüger de ses frusques. Il lui reste juste une balle. Il explose la dernière seringue ! Vitalis veut sortir son blaster, mais il réalise que ce n'est pas un blaster, mais juste une clé ! L'ourse prend la fuite, apeurée par la violence de l'Ours et de ses compagnons. Marquis sort la seringue hypodermique qu'il avait récupérée au labo, il la plante dans le bras de Raymond. Phylis assomme Marquis à coups de batte.
Alors qu'il sombre dans l'inconscience, Marquis revit les derniers moments passés avec sa femme. Ils sont massés tous les deux avec d'autres cobayes fraîchement capturés. Viktor entre dans la salle, Savant au visage strict et creusé. Coraline le suit avec un chariot d'infirmerie. Viktor demande d'une voix ferme qui se sent malade et souffrant. Personne ne moufte. Quand on voit le sourire carnassier de Coraline, tout le monde comprend qu'on ne va pas soigner les malades. Ils vont finir dans le saloir. Viktor insiste. Il faut absolument qu'au moins une personne malade se signale. Marquis est mal en point, il est dans un état de dénutrition avancé, si Viktor s'avance dans les rangs, il va le voir. Sa femme s'avance. Elle dit : "Monsieur, je me sens malade." Marquis réagit alors : "Non, elle va bien. Moi, je suis malade."

Viktor regarde Marquis, avec un sourire sauvage. "Nous allons prendre madame, elle s'est signalée en premier."

Piqué par la seringue hypodermique, Raymond sombre aussi dans l'inconscience, et lui aussi se rappelle. Il est dans l'infirmerie. Coraline s'occupe de lui, elle le soigne. Puis elle lui rase sa barbe, avec un coupe-chou aiguisé, elle est postée derrière lui, sa poitrine contre son dos, et elle le rase. Une fois que Raymond est glabre, elle lui dit : "En fait, vous êtes beau." Elle a des yeux bleus, clairs comme la mer. Elle prend son visage dans ses mains, elle se penche sur lui, elle va l'embrasser...

Et Raymond est arraché de ce souvenir ! Schlourkkk ! Rouge-homme vient de lui arracher l'implant du crâne pour se le greffer à lui-même. Il parle avec Coraline. Il lui demande de lui indiquer le bunker où sont réfugiés les Savants, et s'ils peuvent lui permettre de maîtriser son nouvel état, de reprendre sa forme de renard. Elle lui répond que oui, ils le feront sans problème, leur but était de créer une nouvelle race de changeformes, donc ils l'accompagneront.

Vitalis est dans la vision, puisqu'il est lui aussi implanté. Il prend la batte de Phylis et frappe Coraline à l'arrière du crâne. Il la frappe encore et encore jusqu'à lui faire éclater le crâne, il se prend des projections de cervelle sur le visage, et à cause de ça il est plongé dans un souvenir de Coraline.

Enfin, dans un souvenir de la mère de Coraline. Les Corax vivent dix ans, et à leur naissance, ils héritent de la mémoire de leurs parents, sur des générations et des générations. Pas étonnant qu'ils soient dingues.
A travers les yeux de la mère de Coraline, il se voit dans une salle de clinique. La mère de Coraline est en blouse, en train d'assister la mise-bas d'une ourse. Elle tire le premier né, c'est un ourson. C'est l'Ours. Elle tire le deuxième né, relié au premier par le cordon. C'est un bébé humain. C'est Vitalis ! La mère de Coraline exulte. L'expérience a réussi !

Rouge veut savoir si Coraline lui dit toute la vérité. Alors qu'il est en train de lui parler, elle avec son visage impassible alors que Vitalis est en train de lui exploser le crâne par derrière, il se concentre pour atteindre le blast, le moment où l'on perçoit la vérité du monde. Il réalise qu'entre Coraline et lui, il y a une grande membrane, translucide, pulsante et veinée, comme un placenta, et il la déchire, il déchire la membrane du mensonge, et derrière, il retrouve Coraline, avec Vitalis qui la frappe sans s'arrêter, les esquilles de crâne qui volent et les projections de cervelle, et Coraline dit la vérité : "En effet, on t'aidera à changer de forme, mais tous tes compagnons, sauf s'ils acceptent de se prêter eux aussi au changement de forme, on les torturera et on les tuera."

Phylis entend à nouveau la voix aigrelette dans sa tête. La voix la projette dans une salle du Palais des Papes. Elle voit le Pape, gros et vieux sur son trône, il est comme poussiéreux, craquelé. Sur son crâne, la tiare. La petite voix lui dit : "Bientôt tu vas arriver dans cette salle, et tu pourras arracher la tiare sur la tête de cette homme qui est trop fatigué pour me servir encore. Tu seras le nouveau Pape, tu mèneras l'Armée Sainte de cobayes animaux et humains tout harnachés de métal, à la conquête du monde, tu seras mon général et mon prophète, et tu agiras en mon nom, le nom de Dieu."


Playlist :

Image
Snailking, par Ufomammut, du stoner doom metal, psychédélique, électro et bruitiste, une spirale de décantation dans les bras graisseux de l'infini Roi Ver.

Image
Under the Jaguar Sun, par Nadja, drone mélodique et désertique.

Image
Aldebaran, par Inade (dark ambient spatial)


Feuille de forêt :

N rajouté en cours de jeu ou lors de la création des personnages
F fusion
E exploité

HOMMES

L'Ermite (ambigu)
L'expédition des cartographes (menée par une femme)
Brandan le Mauresque, chasseur de Horlas
Le Banni (aventurier loser)

BÊTES
Le Scolopendre
Scorpion Cauchemar
N il y avait une ourse dans le labo

HORLAS
E La Voix de Dieu F N une voix parle à Phylis pour lui dire de lever une armée sainte
l’Évêque des Vers
le Diable Vauvert
Saturne, le Grand Appetit
N Raymond est amoureux d'une infirmière Corax : Coraline

NATURE
Le Vent
La Fleur de Cactacée
Lichen Gris tendus sur les immeubles

OUTILS
Le Charnier F N Vitalis était chargé de stocker les cobayes morts dans une salle-charnier
Avignon
E Axe en Vengeance F Vitalis peut entendre des conversations dans des lieux où il est déjà allé F N Marquis pense être le maître d'Axe en Vengeance
Cannebière
Presqu'île Corse

EMPRISE
E La faim

ÉGRÉGORE
L'Armée Sainte F Phylis
L'Or Noir
N Rouge hanté par le fantôme de Bleu


Feuilles de personnages :

N rajouté en cours de jeu
Branche en commun : Viande (tous des anciens cobayes aux stigmates visibles, tous infestés de puces)

Image
crédits : tous droits réservés, Patrice (tête de Raymonde) et Anna Le Vigouroux (arbre)

PHYLIS

Viande : -

Crâne :
cerveau fou et manipulateur
change d'objectif facilement
quand je parle, tout le monde m'écoute car je suis impressionnante
j'aime me déguiser en personne connue et couper les cheveux des gens dans leur sommeil

Matériel :
Batte de baseball cachée dans le manteau

Cœur :
Phylis
objectif de vendre à un marchand d'esclaves un de ses coéquipiers

Entrailles : branche morte

Mémoire :
N une voix me parle pour me dire de lever une armée sainte
N la voix me dit : "L'Ours sera le général de ton armée"
N la voix me dit : "Deux ours, ça peut faire une lignée de guerriers"
Maître d'un village brûlé mais il y a des survivants

Monde :
nombreux tatouages qu'elle a fait seule, tels son signe astrologique (verseau ?)

L'OURS

Viande :
Armure cuirasse (en cuir de vache)
Méga super fort
tatouages sous la patte du code de la porte

Crâne :
Chapeau
Rugissement trop puissant
aucun sens de l'orientation

Matériel : branche morte

Cœur :
il y avait une ourse dans le labo
L'amitié de Vitalis
Amitié pour Vitalis

Entrailles :
Ventre d'acier
fidélité aux amis
tient bien l'alcool
puces (perdues en cours de jeu)
mange ses puces (devenu obsolète)

Mémoire :
L'Ours
Je pense que Vitalis est mon frère
Souvenirs du cirque

Monde :
Tricycle
Grotte sous le palais des papes

VITALIS

Viande :
Gourmand
très bon en escalade
rapide
très adroit

Crâne :
entend des voix de certains lieux où il s'est téléporté
capable de se téléporter dans un lien qu'il s'imagine, mais il ne le sait pas
Pense que l'Ours est son frère
bavard
Télékinésie

Matériel :
foulard féminin qu'il ne lâche pas
pense avoir un blaster alors que c'est une clef

Cœur :
il pense que c'est son petit
pense qu'il s'appelle Vitalis
l'amitié de l'Ours
N tout le monde sont mes cousins

Entrailles :
possède un parasite qui lui fait perdre la mémoire
épéiste

Mémoire : branche morte

Monde :
J'étais chargé de stocker les cobayes morts dans une salle-charnier

ROUGE XIII

Mémoire :
N retrouver ma forme
tuer tous les renards bleus
rumeur : un eden forestier
objectif de survie : rejoindre l'eden

Crâne :
N hanté par le fantôme de Bleu
Ruse
nyctalope
Sommeil léger
Rouge XIII

Entrailles :
Griffes acérées
Canines en titane
Canines proéminentes
rapide
a tué sa famille

Cœur : branche morte

Viande :
Puces
habitué au jeune
pelage magnifique
Vrai nom : Murmure
discret

Microcosme :
cicatrice
As de pique

MARQUIS :

Viande :
Numéro de série
Tatouages d'entrelacs et de spirales
fort
ver solitaire

Crâne :
N pense être le maître d'Axe en Vengeance
crochetage
complètement détaché sauf envers les animaux
édenté
toujours camé
N problème de mémoire

Matériel :
N épieu
outils de survie
long manteau
masque à gaz
chapeau
seringue hypodermique (vidée en cours de jeu)

Cœur : branche morte

Entrailles :
puces
résistant aux maladies
Tu as la phobie des Renards (dépôt de Rouge ?)

Mémoire :
unique survivant de mon groupe
une meute de renards a dû manger mon fils
Marquis

Monde :
Ma femme a été enlevée en même temps que moi

RAYMOND

Viande :
Alcoolique
Cannibale

Crâne :
voleur
facile à manipuler

Matériel :
un chariot de supermarché
veste militaire, une rango, une sandale
N bouteille d'éther + bouteille d'alcool
Un pistolet Luger (N : il n'y a plus de balles)

Cœur :
N Je suis amoureux d'une infirmière Corax : Coraline
As de pique

Entrailles :
Lâche

Mémoire :
Raymond
A la recherche de son frère

Monde : branche morte


Goupils :

Joueur de / Goupil de
L'Ours / Phyliss
Phyliss / Raymond
Raymond / Marquis
Marquis / Rouge-13
Rouge-13 / Vitalis
Vitalis / L'Ours


Commentaires sur le jeu :

On a dû passer trois quart d'heures sur le briefing et la création de personnages, et deux heures et quart sur le jeu.

Tout le monde était assez content de la partie, et moi de même. Je pense qu'à ce stade, les règles d'Arbre sont rodées. Je clôture la campagne de test. Il ne me reste plus qu'à mettre tout ça au propre.
J'ai été ravi que Rouge utilise son as de pique pour atteindre le blast, une perception momentanée de la vérité vraie : c'était la première fois que quelqu'un le testait, et c'était un grand moment. Ne serait-ce que parce que du coup, ça remet en cause la véracité de tout ce qui a pu se passer par ailleurs.

J'ai eu quand même un bug en cours de jeu : quand cinq personnages se sont battus pour avoir la dernière seringue. Mes règles de conflit ne permettent pas de gérer ça. J'ai vu que Raymond voulait les empêcher de se battre quand il a sorti son Lüger, alors je lui ai suggéré de tirer sur la seringue, comme ça le débat était clos.
Comme on jouait en "+", j'ai permis des agressions entre personnages, et décrit pour chacun une conséquence plus ou moins agréable de la baston.
Ce serait à refaire, j'aurais demandé qui avait un as de pique en réserve et j'aurais géré le conflit entre les un ou deux qui avaient un as de pique à claquer.
Je cogiterai à l'avenir pour voir comment régler une confrontation entre plus de deux personnages sur un même objectif, quand on a autant de voix dans chaque camp.
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Pikathulhu
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

CUISINE AUX ORGONES / GREEN VOID / LE CHÂTEAU DES POSSIBLES

Glisser entre les paradigmes : une seule aventure décomposée en trois réalités.

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 08/01/2016 en cercle privé dans le Morbihan

Personnages : Yawiqo, Mask, Ombre

Image
crédits : thomas hawk, verlaten, licence cc-by-nc, collection of old photos, Sam Droege, domaine public


Théâtres :

Dans cette séance, on joue une seule aventure (on garde son personnage, sa feuille de personnage tout du long, sauf décès ou élimination), mais on va glisser entre trois réalités : autrement dit, on alterne trois théâtres complètement différents, pour obtenir une aventure décomposée en trois paradigmes, comme dans le film The Fountain, de Darren Aronofsky.
Décliner ce concept en jeu de rôle est une idée d’Épiphanie.
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'il s'agit plus qu'un simple voyage entre des mondes parallèles. En réalité, les aventuriers sont fixes : c'est leur réalité (redessinant à la fois leur passé, leur présent et leur futur) qui change de visage alors même qu'ils continuent la même aventure.

1. Cuisine aux Orgones
Little Ho Chi Minh Ville...
Cité tentaculaire au coeur de la Forêt Noire... Construite sur les vestiges des industries chimiques, bardée de passerelles, de conduits et de cheminées fumantes... Saturée de vapeurs toxiques... Cité des mille Orients... Capitale commerciale en microcomposants et fibres nanorganiques, grand bidonville où se concentrent bricoleurs,
trafiquants, et chercheurs de reliques.
Des vieilles camionnettes aux AK-47 de contrebande,en passant par les machines à orgones, tout se trouve, se répare, se customise et se marchande à Little Ho Chi Minh Ville, le Chaos des Reliques.
Little Ho Chi Minh Ville, cité des apothicaires, des triades maudites, et des geishas à la beauté sans pareille, sera ce soir le théâtre d'une tragédie hédoniste, violente et occulte, où un commando se chargera d'infiltrer le Temple du Singe du Besoin pour récupérer une mystérieuse matière : la Viande Noire.

Cuisine aux Orgones est au départ un scénario pour Millevaux Sombre, avec six personnages prétirés. On conserve les prétirés, les joueur.se.s démarrent avec trois phrases : un objectif, un pouvoir, une relation avec un autre des personnages.

2. Green / Void
Un vaisseau-monde générationnel en dérive dans l'espace. Alors que la nouvelle génération émerge des caissons cryogéniques, elle réalise que la végétation des serres a envahi le vaisseau et a muté. De même, les insectes qui pullulaient à bord du vaisseau ont muté ; ils sont atteints de gigantisme et ont accédé à la conscience. Pour survivre, les humains vont devoir lutter contre les végétaux et les insectes, mais aussi s'hybrider avec eux.

Green / Void est un cadre de campagne générique créé par l'équipe du podcast La Voix d'Altaride.

3. Le Château des possibles.
Dans un Millevaux médiéval-fantastique, des aventuriers atteignent le but de leur voyage : le Château des Possibles : un édifice eschérien au cœur duquel vit le grand Arbre des Possibles. Le Château est décomposé en de nombreuses pièces. Lorsqu'on entre dans une pièce, on retombe à un moment de son passé qu'on peut alors choisir de vivre différemment. En connaissant les conséquences des actes qu'on avait accomplis au départ, on peut choisir de se comporter d'une autre façon, pour tenter de changer son destin.


L'histoire :

Le minuscules cabinet d'apothicaire de Versailles Cixi Lin Chu. Herbes qui pendent du plafond et frottent les têtes. Choses dans des bocaux. Artefacts laissés en gage. Versailles expose la mission pour laquelle elle a convoqué son mari Klaus Tenh Lao le concepteur de machines molles au tempérament de suiveur, l'excentrique cuisinier vénitien Vitello Manzeleini, son serviteur Ombre - un tueur des Triades que paye Vitello pour être son garde du corps - , Yawiqo Wang N'Guyen, une lieutenant de la Triade du Grand Timonier, qui se bat au pistolet lance-scorpion et refile de l'elixir de mémoire cellulaire et de la drogue du Yagé (la drogue des réalités) à Versailles, et enfin "Mask" Tao Leung N'Guyen, frère de Yawiqo, un sarcomancien, spécialisé dans les expériences d'hybridation entre l'homme et l'animal, membre récent du Temple du Singe du Besoin.
Quand Versailles leur expose le plan, elle n'a aucune expression faciale. Et pour cause, son visage est paralysé depuis qu'elle a absorbé une dose frelatée d’élixir de mémoire que lui a refourgué Yawiqo. Au rayon des comportements bizarres, il y a aussi Ombre. Il fait partie des Triades, d'ailleurs il a là-bas une réputation d'un type qu'il faut éviter de chercher, pour autant Yawiqo ignore comment il a pu y échouer. Il a comme un passé vide. Et là, ce type à la peau tannée, dans sa combi noire, comme prêt à commettre un meurtre ou un cambriolage, tire depuis un quart d'heure sur une cigarette qu'il n'a jamais allumée, et surveille en permanence la sortie.
Versailles leur propose une mission pour un commanditaire dont elle tait l'identité. A la clé, il y a assez de fric pour que chacun se mette au vert pour le restant de ses jours. La mission : s'infiltrer dans le Temple du Singe du Besoin et récupérer une matière spéciale, la Viande Noire. Versailles ignore elle-même les priorités et l'intérêt de cette matière, elle sait juste que c'est très précieux pour son commanditaire et qu'il faut la transporter dans un caisson "risque biologique".

Mask fait partie du commando en tant qu'agent double, puisqu'il est officiellement l'apprenti de Maître Liu Khan, qui dirige le Temple. Il a envisagé un temps de dérober les plans du Temple, mais ceux-ci sont stockés dans des tiques mémorielles. Ce sont des énormes tiques, si on les laisse vous piquer, elles vous injectent le sang contenu dans leur poche abdominale, et ce sang contient de la mémoire, en l’occurrence, la mémoire de tous les lieux du Temple. Mais en échange, la tique absorbe votre propre sang, et un de vos souvenirs avec. Mask a renoncé à se faire piquer par une de ses bestioles dégueulasses.

Vitello propose d'organiser un festin rituel au Temple, ce sera l'occasion rêvée pour s'infiltrer et dérober la Viande Noire. Tout le monde acquiesce.

Mask prend Versailles à part, il propose de lui faire une opération sarcomantique pour qu'elle retrouve la plasticité de son visage. Elle accepte, l'opération est un succès, mais Mask y a investi une grosse part de son énergie. Une fois que Versailles retrouve à nouveau des expressions faciales, elle pardonne à Yawiqo de lui avoir refilé la dose frelatée d’élixir de mémoire à l'origine de son infirmité.

Versailles va alors voir Yawiqo. Elle lui explique qu'une personne a fait appel à elle comme intermédiaire : elle souhaitait rencontrer Yawiqo et prétendait savoir qui étaient ses vrais parents. Comme Versailles en voulait à Yawiqo, elle a laissé traîner cette commission jusqu'à maintenant qu'elles sont réconciliées. Versailles entraîne Yawiqo sur la terrasse. Elle hèle un cornac qui dirige un hippocampe géant et elles montent dans le panier harnaché sur le dos de l'hippocampe. L'hippocampe émet des tentacules filamentaires qui viennent se coller aux parois des constructions de Little Ho Chi Minh Ville, et il s'enfonce ainsi dans les niveaux inférieurs, tracté par ses filaments. Ils arrivent tout au fond de la ville-bidonville, dans les bas-fonds interdits, les lieux les plus pauvres et miséreux, où elles n'ont jamais mis les pieds. Les brumes toxiques recouvrent tout. Sur les terrasses, des silhouettes couvertes dans des capuches et des manteaux de bure. Des vieilles vendent à la criée des marmites au contenu immonde. Sur les passerelles se tient le marché aux serpents bioniques, lovés dans des caissons de surgélation fumants.
Yawiqo avait eu le pressentiment, dans un trip narcotique, que ses vrais parents appartenaient à une lignée qui commandait le monde en secret. Elle est surprise d'arriver dans un tel endroit. Elles accostent à une terrasse. Un garde contrôle l'entrée d'une porte. Sur son crâne chauve, des idéogrammes tatoués, dans un chinois très ancien : "Nous régnons." Versailles ne peut franchir ce seuil, Yawiqo doit rentrer seule.

A l'intérieur, des tentures rouges, un labyrinthe.
Au cœur du labyrinthe, elle trouve une personne assise en tailleur devant un bol de thé. Son visage est dissimulé derrière un masque en or, un masque de mante religieuse, et elle porte une robe ample qui masque sa silhouette : impossible de déterminer son genre. Cette personne se présente à Yawiko, comme "son parent". Elle confirme appartenir à une lignée non-humaine, dissimulée dans la société humaine pour échapper aux persécutions, et profitant de cette ressemblance et de sa supériorité mentale pour gouverner en secret. Le parent a confié Yawiqo à une famille humaine pour la protéger et l'initier, aujourd'hui il est temps qu'elle fasse allégeance à sa véritable lignée. Son parent lui demande de récupérer la Viande Noire et la lui confier. Yawiqo demande des garanties de loyauté. Le parent donne à Yawiqo le masque qui lui revient de droit : un masque de scorpion. Seule un membre de la lignée peut enfiler ce masque sans risque. Un humain s'y brûlerait. L'intérieur du masque est couvert de mucus et de dizaines de petites pattes articulées et vivantes. Yawiqo ose enfiler le masque, les pattes lui rentrent dans le visage, sans douleur. Elle retire le masque, il lui reste une couche de mucus sur le visage, qui sèche rapidement, elle n'a subi aucune séquelle. Yawiqo demande une contrepartie en échange de la Viande Noire : que le parent lui retire le scolopendre qu'elle a dans le ventre. Jadis, elle est allé voir Maître Liu Khân, qui dirige le Temple du Singe du Besoin. Elle était alors tout en bas des échelons de la Triade, elle lui a demandé d'obtenir plus de pouvoir, alors Maître Khân a accepté d'envoûter la Triade et Yawiqo s'est vu confier la direction de tout un quartier. Mais en échange, elle a dû accepter que Maître Khân lui implante un scolopendre dans le ventre. Elle ignore le rôle de cette bestiole, mais elle le sent remuer dans son ventre et elle veut s'en débarrasser. Le parent plonge sa main dans son ventre, à toute vitesse il en retire le scolopendre - juste pour prouver qu'il en est capable - et le remet aussitôt dans son ventre. Yawiqo repart d'ici avec plus de questions que de réponses. Sur le chemin du retour, Versailles ne peut l'aiguiller, elle ne sait rien sur le Parent. En revanche, elle est aussi capable d'enlever le scolopendre de Yawiqo. Elle lui promet de le faire en échange d'un service : espionner Klaus, son mari, qu'elle soupçonne de le tromper. Si elle lui ramène des clichés minute par minute de sa prochaine sortie, alors, quelle que soit la douleur de la révélation, Versailles tiendra sa parole et l'opérera. Yawiqo promet de faire cette filature, même si elle sait pertinemment que l'amant de Klaus, c'est Mask, son frère par adoption. Mais elle n'aura pas le temps d'orchestrer la filature, les événements vont se précipiter.

Tous les membres du commando, sauf Versailles, se rendent au Temple, dans l'aile-ambassade, pour proposer l'idée du festin à Maître Liu Khân. L'aile-ambassade ressemble à un magasin de grand luxe. Le seul aspect religieux, ce sont les grandes colonnes-statues qui représentent un singe grimaçant - dans le style oriental - en train de chevaucher un misérable humain et de pomper son énergie vitale. Il y a des fétiches de singe en jade dans de grandes vitrines et des employés en costume-nœud papillon pour servir les riches clients-aspirants fidèles.
Le commando est invité à venir présenter son concept à Maître Khân en personne. Ils passent entre deux statues de lions aux yeux mobiles - Klaus reconnaît là des droïdes de surveillance et de combat, et sont conduits dans le saint des saints, une grande salle vide, où se tient Maître Khân, petit homme sans expression faciale, vêtu d'une tunique blanche très simple.
Quatre portes conduisent à des chambres cachées. Derrière l'une d'elles se trouve sans doute la Viande Noire. Juste à quelques mètres d'eux.

Vitello a amené un plat sous cloche. Il prétend être venu à Little Ho Chi Minh Ville pour s'initier aux mystères de la cuisine panasiatique locale, et veut proposer aux fidèles du Temple un festin qui satisfasse toute leur décadence. Pour cette introduction, il a fait une déclinaison autour du thème de la souillure. Il soulève la cloche du plat et révèle un plat de nouilles répugnant. Les nouilles sont en fait de longs vers, vivants, et la garniture est faite d'excréments d'une espèce indéterminée. "Je les relevé avec une préparation d'épices." Maître Khân invite à goûter, Mask s'y risque. Le mélange d'épices est tel que le plat est délicieux. Maître Khân avait hélé un goûteur, un jeune enfant, mais il le renvoie. "Mask, tu as goûté, j'ai confiance en toi.". Il mange quelques pincées du plat avec ses baguettes. Ceci conclut l'accord : l'équipe pourra présenter son festin au temple lors de la prochaine orgie, avec carte blanche pour le menu. Maître Khân adresse un regard creux à Mask qui veut dire : "Je sais que tu as pour ambition de me surpasser et m'écraser, mais je te sens si inférieur à moi que je te montre que malgré tes ruses grossières, je peux t'accorder la confiance la plus totale sans craindre que tu sois capable de me faire le moindre mal." Quand il réalise cela, Mask se soumet à cette révélation, et perd toute foi en lui-même et en sa sarcomancie.

Khân demande également à Yawiqo de rejoindre le Temple. Il lui confie un sari rouge, signe d'appartenance. Yawiqo l'accepte, mais intérieurement elle ne lui voue aucune loyauté. En gage de loyauté, Maître Khân lui demande de lui livrer une personne vivante : le Bodhan Lama.

Yawiqo en discute avec l'équipe. Vitello propose les services d'Ombre, son garde du corps. Ombre se rend au temple bouddhiste ou vit Bodhan Lama. Il le trouve entouré de six nonnes adolescentes. Bodhan Lama est en méditation dans la position du lotus, son visage lui donne la cinquantaine, et sa robe masque ses formes. Les nonnes se placent en position de combat autour du prêtre. Ombre somme les nonnes de se retirer ou mourir. La nonne la plus âgée, dissimulant sa terreur tant bien que mal, l'invite de la main à commencer le combat. Ombre lance une première lame entre les deux yeux de la femme. Les autres nonnes se précipitent sur lui en pleurant, il les déchire toutes de ses lames sanglantes. Il emporte Bohan Lama qui n'offre aucune résistance, et le livre à Khân sans lui demander ce qu'il compte en faire.

Toute l'équipe, à l'exception de Versailles restée en back-office, retourne ensuite au Temple pour organiser le festin. Même le timoré Klaus est présent, car ses machines molles sont indispensables pour percer les défenses, et il doit être à proximité pour les commander. Yawiqo a revêtu le sari rouge des officiants du Temple. Dans le chariot de cuisine de Vitello, il y a la cuve "risque biologique" pour emporter la Viande Noire.

Dans le lieu de culte, l'orgie a déjà commencé. Tous les riches fidèles et leurs malheureux esclaves sont sous l'emprise de la drogue. Vitello a cuisiné une déclinaison autour du thème du singe. Cervelles de singe servies dans leur calotte, têtes de singes avec divers plats servis dans le creux de leur crâne. Et le clou, plusieurs singes vivants et décalottés, la cervelle à vif, qu'on pourra déguster.
Klaus a injecté des machines molles dans la nourriture, et Yawiqo a rajouté du Yagé, la liane mystique, drogue des réalités. Les fidèles et leurs esclaves en mangent tous, les machines molles leurs massent les entrailles, ils se roulent tous par terre, en proie à l'extase.
Mask hybride des fidèles et des esclaves avec des singes dans une opération sarcomantique dégueulasse et ratée. Il pleure, son esprit a sombré.

Maître Khân a ordonné à ses officiants en sari de tendre une tenture rouge qui barre l'accès au saint des saints, là où se trouve la Viande Noire. Il a placé les singes vivants sur des chaises de l'autre côté, et fait percer la tenture pour qu'on voit leur crâne avec la cervelle à vif, et les fidèles sont invités à déguster la cervelle des singes, alors que ceux-ci sont toujours vivants.
Au centre de la tenture, il y a une ouverture plus grande, et le cerveau que l'on voit est assurément celui d'un humain.

Il dit à l'équipe que le temps est venu pour eux de prendre aussi part à l'orgie. Il tend des baguettes à Yawiqo et lui indique le cerveau humain, l'invitant à le déguster. Yawiqo refuse. Khân est alors assuré de leur duplicité.

Ombre sort une lame. Il s'apprête à frapper Khân, mais celui-ci réagit. Il tire la tenture. On voit les singes encore vivants, leurs crânes dégustés, et au centre, ligoté à une chaise, le cerveau à vif, Bodhan Lama. Mais le plus étrange n'est pas là. Derrière eux, ce n'est pas l'entrée du saint des saints, ou plutôt ça l'est, mais dans un autre monde. Une longue passerelle de métal grillagé s'étend vers un gigantesque sas circulaire, verrouillé par des vérins. Cette passerelle est-tendue au-dessus d'un vaste puits artificiel qui semble sans fond. Sur les parois de métal, des lianes partent à l'assaut et colonisent la structure. Elles semblent croître à vue œil. Khân part sur la passerelle. Son apparence change quelque peu. Il est maintenant vêtu d'une combinaison de plastique luisante, et il y a le bouchon d'une fistule sur son abdomen. Le suivre, c'est partir avec lui dans l'autre monde.

Toute l'équipe lui emboîte le pas. Ombre se précipite sur Khân, et c'est le duel de deux grands maîtres en arts martiaux. Ombre vient à bout de Khân, mais cela consomme toute sa substance. Il se liquéfie, il est n'est plus qu'une flaque qui coule le long de la passerelle. Une flasque liquide.

Yawiqo libère Bodhan Lama. Il a... des bras de mante religieuse. Elle est maintenant sûre qu'il est son Parent.

Yawiqo se rappelle... le jour où elle est allée voir Maître Khân pour obtenir de lui une promotion au cœur de la Triade qui contrôle toutes les parties du vaisseau-monde habitées par les humains. Dans cette réalité, l'ambassade avait une toute autre apparence. C'était un étroit cockpit, Maître Khan était installé sur un fauteuil de pilote, à ses pieds, il y a avait ses fidèles, roulés dans la misère mentale, et derrière lui, un tableau de bord défoncé et poussiéreux, et une console qui porte d'emplacements à cylindres. Et enfin, en lieu et place de statue du Singe du Besoin, un gorille en combinaison de cosmonaute, avec des tubes implantés dans le crâne et qui partent alimenter le vaisseau.
Dans ce passé aussi, Yawiqo a accepté le scolopendre. Maître Khân a sorti un cylindre de sa console, une capsule vitrée contenant le scolopendre, vivant, remuant. Il a dévissé le bouchon de la fistule ventrale de Yawiqo - tous les humains de cette génération en ont une - et y a inséré le cylindre avec le scolopendre.
Yawiqo lui a demandé pourquoi c'était si important pour lui implanter un scolopendre. Khân a répondu : "Parce que tu appartiens à la Lignée. Ces insectes qui se font passer pour des humains. Vois-tu les membres de la lignée ont chacun un signe zodiacal, il y en a douze. Toi, tu es un Scorpion. Et je veux mater ta nature de Scorpion, sinon tu prendras le pouvoir. Maintenant, tu seras du signe du Scolopendre. Tu ramperas.
- Et de quel signe êtes-vous ?
- Du signe de l'Araignée. Qui étend sa toile sur les êtres. Et je ne supporterai pas ta concurrence."

Mask était présent lors de cette scène. Il a manipulé les végétaux qui envahissaient le temple, comme tout le reste du végétaux. Grâce à la sarcomantie, il a commencé à entrer en communion avec eux. Il s'est implanté des lianes dans les veines, et a laissé la sève s'irriguer...

... Jusqu'à atteindre le contrôle ultime. Mask se tient sur la passerelle. Il semble raffermi. Les lianes rampent jusqu'à lui, et l'aspirent dans leur sève. Il se dissout complètement dans les végétaux. Il a maintenant le contrôle du vaisseau. Mais l'être humain qu'il était n'existe plus.

Image
crédits : (c) La Loutre Rôliste

Yawiqo demande à Bodhan Lama, son Parent, où est son autre Parent. Bodhan lui répond qu'il l'a conçue par auto-fécondation. Yawiqo lui demande si elle aussi elle serait capable de faire une telle chose. Bodhan lui répond qu'il est de la lignée de la Mante, mais à chaque génération d'insecte, le code génétique se transforme. Yawiqo est une Scorpion. Il ignore quel est exactement son potentiel. Mais en tout cas, il sait que derrière le sas, il y a la Viande Noire, et qu'elle doit s'en emparer, ce sera l'arme fatale pour que sa lignée contrôle le vaisseau.

Vitello a utilisé sa science du Tissage d'Ombre pour refaçonner Ombre. Mais ce nouvel Ombre est encore plus instable, libre, que le précédent. Un serviteur incontrôlable. Le premier Ombre était déjà hanté de visions d'horreur, le nouvel Ombre voit clairement ce qui se trame dans ce vaisseau. Il perçoit l'emprise occulte et noire qui l'enserre... Il entend ce nom résonner dans ces tympans... Shub-Niggurath...

Yawiqo tient son masque de scorpion. Elle est tentée de l'enfiler. Mais Ombre lui arrache, il sait que c'est une arme et il la veut pour lui. Il enfile le masque, et il n'est pas brûlé - sans doute parce qu'il n'est pas humain. Son corps se transforme : il est maintenant un centaure-scorpion.

Dans cet autre monde, Vitello est bardé de ceintures portant des cylindres, contenant ses ingrédients : des bouillies immondes, des insectes vivants... et aussi un cylindre qui est le pass pour ouvrir le sas de la Viande Noire.

Vitello révèle à Ombre le but final de sa quête : "Nous sommes tous proches du but... La Viande Noire... L'ingrédient ultime... Qui fera de moi le plus grand cuisinier de l'histoire...". Yawiqo veut comprendre davantage les motivations de Vitello. Il ouvre sa combinaison et dévoile un gros scarabée noir dont les pattes sont implantées dans son thorax. Il dit : "Je suis de la Lignée du Scarabée. Je ne cherche pas le pouvoir comme les autres insectes. Je cherche avant tout... la connaissance."

Ombre, depuis le début, savait que Vitello l'avait créé pour l'aider dans sa quête de la Viande Noire, il savait que Vitello était le commanditaire secret qui payait Versailles pour monter l'expédition. Mais il ignorait que c'était pour un but aussi futile... Pour... de la cuisine !

Ivre de rage, Ombre tourne son dard contre son maître. Yawiqo veut l'en empêcher, mais elle est bien moins rapide. Elle agrippe Vitello a juste l'occasion de lui arracher le cylindre-pass. Tous les cylindres tombent de Vitello, s'écrasant sur la passerelle ou tombant dans le vide. Le dard a écrasé la tête de Vitello. Son corps bascule en arrière, et sombre dans l'abîme à son tour.

Ombre, Yawiqo et Bodhan Lama se jaugent. Mais Klaus les interrompt. Dans ce monde, il est un homme-tronc en combinaison. Il y a des jointures à la section de ses membres, et en émanent des tentacules de métal mou, qui lui servent d'organes arpenteurs.
"Attendez ! Nous savons que la Viande Noire est très dangereuse. Peut-être que celui qui contrôlera la Viande Noire contrôlera le vaisseau. Mais il sera alors lui-même sous le contrôle de la Viande Noire. Avec mes machines molles, je peux colmater les verrous du sas, et le couvrir de métal de façon à ce qu'il soit à la fois caché et infranchissable, pour que personne ne mette la main sur la Viande. Mais si vous refusez mon aide et préférez rentrer dans le sas, alors je vous fuirai." Yawiqo lui dit qu'elle veut ouvrir le sas.

Alors Klaus expulse des filaments de métal mou sur les parois du puits. Ses filaments se rétractent et entraînent Klaus loin derrière eux.

Yawiqo insère son pass dans le sens. Les vérins se déclenchent dans un grand souffle et le sas s'ouvre. Derrière, une immense salle sphérique couverte de de dalles blanches hexagonales. Ils sont sur une passerelle qui parcourt la circonférence de la salle. Et au centre de cette sphère, la Viande Noire. Dans ce monde, elle est bien trop grande pour rentrer dans la cuve "risque biologique". C'est une énorme boule, un astéroïde de chair noire, suintante de sang et de bile, creusée de galerie spongieuses. Elle étend des pseudopodes de toutes parts pour se coller aux parois de la sphère. Elle dégage une emprise, une attraction phénoménale, presque gravifique.
Yawiqo se penche sur le bord de la passerelle, fascinée. Ombre, trop impatient de savoir ce qui va se passer, pousse Yawiqo par-dessus bord. Elle tombe à la surface de la Viande Noire... qui l'absorbe aussitôt. Yawiqo devient la Viande Noire, la Viande Noire devient Yawiqo... Elle contrôle le vaisseau mais elle a perdu toute identité...

La réalité implose !

Ombre, Bodhan Lama et Yawiko sont maintenant habillées à la mode médiévale. Ombre est redevenu humanoïde, il a juste le masque-scorpion sur le visage. Ils sont dans un autre monde. Dans le Château des Possibles. Un édifice escherien avec des escaliers et des portes dans toutes les directions et dans toutes les dimensions. Ils sont sur un palier. Sous leurs pieds, sous un dédale d'escalier, il y a le plancher du Château, en damier. On y voit Klaus courir vers la sortie.
A ses mains, Yawiko tient une clé. Devant eux, une grande porte de bois. Ils sont une minute dans le passé, juste avant d'avoir franchi la porte de la Viande Noire. Yawiko lâche la clé, qui tombe dans le vide. Ombre exécute Bodhan Lama d'un large coup de couteau circulaire, juste en dégainant, puis il le tranche dans tous les sens. Le corps du père-mère de Yawiqo tombe dans un escalier eschérien, il dégringole l'escalier... qui part vers le haut.

Les chemins d'Ombre et de Yawiko se séparent, loin de la porte de la Viande Noire, chacun de son côté.

Yawiqo ouvre une porte au hasard. Derrière, elle voit le saint des saints, tel qu'il est dans le premier monde, Maître Khan et ses officiants l'attendent. C'est le moment où elle était venu les voir pour demander à prendre du galon dans la Triade. Maître Khân a le scolopendre dans les mains, prêt à lui implanter. Mais cette fois-ci, Yawiqo refuse. Elle s'apprête à quitter le temple, décidée à vivre libre, hors de l'emprise des Triades, du Temple, de la Lignée. Ne supportant pas cette insubordination, Khân abat son bras sur elle.

Elle fait glisser une ampoule-scorpion de sa manche, elle brise l'ampoule dans sa main et laisse le scorpion la mordre : maintenant qu'elle a accepté l'essence du scorpion, ses ongles sont empoisonnées. Elle se retourne vers Khân pour le foudroyer.

Mais il est plus rapide. Il agrippe un ganglion vital dans sa nuque et sert de toutes ses forces. Alors que Yawiko rend son dernier souffle, elle l'entend dire : "J'ai toujours su que les scorpions étaient indignes de confiance !"

Ombre évite de choisir une porte au hasard. Il choisit la porte qui le ramène à un instant précis.

Il est retourné dans le vaisseau. Il se tient devant le sas avec Yawiqo et Bodhan Lama, au moment où ils s'apprêtaient à l'ouvrir. Vif comme l'éclair, il s'empare du pass dans la main de Yawiqo. Yawiqo n'a émis aucune résistance. Elle le regarde. Et il jette le pass dans le vide.


Feuilles de personnage :

Yawiko :

+ (barré) Je dois faire retirer mon scolopendre de mes viscères par Versailles et j'en profiterai pour me venger du Temple du Singe du Besoin
+ (barré) Pouvoir : Mes vrais parents font partie des Loges des Masques d'Or et j'ai été mise en nourrice chez mes parents adoptifs. Révélation récente lors d'un trip. Vrai ou faux ? J'en suis persuadée.
+ (barré) Mask est mon "frère" mais c'est tout. Il peut faire ce qu'il veut. ça ne me concerne plus.
+ Je suis d'une autre espèce capable de maîtriser l'emprise.
+ Je deviens scorpion quand je mets mon masque.
+ Je suis amputée de moi-même par la perte du masque.
+ Je vais chercher par tous les moyens à tuer Ombre.
+ J'ai le pass pour ouvrir la porte de la salle de la Viande Noire.
+ Je sais ce que fait la Viande Noire.
+ Je suis tuée par un insecte.

Mask (première itération) :

+ (barré) Prendre la place de Maître Liu Khân
+ (barré) Pouvoir : Maîtrise la sarcomantie. Joue avec l'emprise, fait des des expériences sales et morbides autour de l'animalisme.
+ (barré) Lien familial avec Yawiko (et elle me fournit des champignons hallucinogènes).

Ombre (première itération) :

+ (barré) Dévoué à Vitello jusqu'à la mort
+ (barré) Pulsions de mort réfrénées qui sont entretenues par des visions éveillées ou des cauchemars.
+ (barré) Pouvoir : Collectionneur d'armes de ninja et d'assassin, avec préférence pour les lames tranchantes qui font les choses proprement. Praticien des arts martiaux complet.

Mask (deuxième itération) :

+ (barré) Cherche à devenir le Maître maintenant que Khân est mort (chef du groupe)
+ (barré) Pouvoir : Sarcomantie animale, végétale, minérale.
+ (barré) Entend des voix étrangères. Visions d'horreur. Shub-Niggurath.

Ombre (deuxième itération) :

+ Pouvoir : Prend du plaisir à tuer, comme une drogue.
+ (barré) Dévoué à Vitello, devoir qui prime sur tout, prêt aux sévices.
+ (barré) Visions d'apocalypse.
+ Transformé en scorpion.


Playlist :

Jack or Jive : Absurdity (ambient ritualiste japonaise)
Om : God is Good (dub, stoner doom orientalisant)
Inade : Aldebaran (space dark ambient)
Tokyo Mask : Route Painless (électro speed)
Rosetta : The Galilean Satellites CD 2 (space post-rock)


Commentaires sur le jeu :

J'ai révisé mon tableau des symboles, maintenant les sous-symboles sont numérotés de 1 à 12, comme ça on peut faire deux tirages, un pour le symbole, un pour le sous-symbole. Quand la joueuse de Yawiqo a voulu déterminer son pouvoir elle a tiré Clan > Loges des Masques d'Or. Je lui explique alors que les Masques d'Or sont une lignée de non-humains dissimulés parmi les humains pour éviter les persécutions et qui les gouvernent en secret. La joueuse a alors décidé que Yawiqo était une Masque d'Or, elevée en secret dans une famille humaine, et qu'elle recherchait ses vrais parents pour en savoir plus sur ses origines et obtenir sa part du gateau. C'est alors que le théâtre Green / Void a commencé à envahir le théâtre Cuisine aux Orgones de façon émergente : je voulais éviter d'introduire trop de nouvelles factions qui compliqueraient la transition d'un théâtre à un autre et j'ai donc fusionné les Masques d'Or et les insectes sentients du théâtre Green / Void. Cela a cimenté la cohérence et facilité la transition vers Green / Void qui suivra.

Quand le parent donne son masque à Yawiqo, je propose à la joueuse de choisir si elle décrit son masque ou si elle me laisse faire, elle choisit un masque de scorpion. Cela a été décisif dans les choix esthétiques suivants, introduisant notamment l'idée que la Lignée était décomposée entre plusieurs familles d'insectes.

Comme à mon habitude, en Confident, il m'arrive de tirer des symboles pour m'inspirer, et j'en ai tiré un pour le premier plat de Vitello. Ici, j'ai tiré Corruption > Souillure. D'où ce plat de nouilles-vers et d'excréments aromatisés.

Quand on passe dans le deuxième monde, la joueuse de Yawiqo me demande des explications sur comment le glissement fonctionne. Et moi, fou que je suis, pour lui illustrer le fait que c'est toujours la même aventure mais dans un décorum différent, je ne trouve rien de mieux que de lui faire jouer un flash-back redécoré façon vaisseau ! C'était risqué, c'était plus audacieux que ce que j'avais prévu (je m'étais interdit les voyages dans le temps pour éviter d'en rajouter dans le mindfuck) mais ça a fonctionné, et ça m'ouvre des perspectives !

Le passage dans le Château des Possibles était pour moi l'occasion de me permettre un climax plus mindfuck, car il m'a servi à tester un nouveau procédé : les aventures potentielles : on rejoue différemment des scènes du passé, en l'occurrence.

Le joueur de Mask et d'Ombre a défié toutes les probabilités : trois fois il s'est fait éliminer son personnage sur un jet à trois dés, dont deux sacrifices (qui contaminaient alors toute la main, et l'éliminaient car il n'avait que trois phrases). Il a donc d'abord joué Mask, puis Ombre, puis a rejoué Mask, puis a rejoué Ombre.

On a joué Cuisine aux Orgones 2h30, Green Void une heure, et Le Château des Possibles seulement une petite demi-heure. Ce serait à refaire, j'équilibrerais davantage le temps passé sur chaque théâtre, mais j'ai déjà apprécié. de réussir à caser les trois théâtres sans trop précipiter le déroulé de l'aventure.

Bref. Un grand moment de mindfuck. J'avais couvert mes arrières en jouant Carte Blanche, avec deux personnes seulement, et en planifiant à l'avance qu'on allait jouer, d'abord dans Cuisine aux Orgones, ensuite dans Green Void, enfin dans Le Château des Possibles. La semaine prochaine, on retente un tri-théâtre, mais en plus ambitieux : en Carte Rouge, à quatre personnes, en s'accordant des transitions d'un théâtre à l'autre à tout moment, et en se permettant d'autres expérimentations mindfucks : voyages dans le temps, rêves, aventures potentielles... [Cette séance a fait l'objet d'un compte-rendu diffusé plus tôt : Les Chemins de Compostelle / Venise Mortelle / Au Nord, sous les étoiles silencieuses. ]
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Pikathulhu
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Message par Pikathulhu »

LE MÉDECIN QUI MENTAIT

L'étau se referme sur les marchebranches ; la noirceur devient plus concrète.

Jeu : Marchebranche, aventures initiatiques dans un monde de forêts en clair-obscur

Joué le 30/01/2016 à la Médiathèque de Remungol

Personnages : Edgar le mage, Brûme l'artisan, Rhaleb-Kan l'artisan, Hamidou le voyageur

Image
photomontage par Simon Li Angeldust, licence cc by-nc-nd
crédits images : PublicDomainPictures, Christian_Birkholz, voyancecam, ClkerFreeVectorImages, licence cc0



L'histoire :

Remungol est sous l'averse. Il pleut tellement que les gens évitent de sortir de chez eux. Quelques "courageux" ont quand même couru jusqu'au bar "Le Solitaire". Ils demandent aux Marchebranche de raconter leurs souvenirs. Il y a Chimère, un des poivrots du coin, qui porte trois brassards de deuil au bras : le premier était pour son ami poivrot retrouvé poignardé sur le chemin entre le bar et sa maison. Depuis, deux autres ont subi le même sort.
Rhaleb-Khan est nerveux, il joue avec son arc. Gérard l'aubergiste le somme de sortir se calmer. Il cloue à la porte un panneau "Armes interdites".
Dehors, Rhaleb-Khan voit un gamin en ciré jaune accourir. Il vient de Loudéac, à une journée de marche de là, tout haletant : il a une mission urgente pour les Marchebranche. Il vient de la part du médecin en retraite qui vit à Loudéac, il l'a payé pour venir les chercher, ils doivent le suivre jusqu'à Loudéac, là le médecin en retraite leur confiera une mission en échange d'une carte de tarot ; mais le médecin a tu au gamin la teneur de la mission. Plus tard, Rhaleb-Khan voit arriver un autre étranger, emmitouflé dans une capuche, on ne voit pas son visage, il est bossu, et c'est difficile de savoir si c'est un homme ou une femme. Rhaleb-Khan le surnomme Germaine. Germaine dit : "Suivre moi... Le Maître... Bieuzy sous les eaux... Tarot..." Brûme a connu quelqu'un à Bieuzy ; quand ça s'appelait encore Bieuzy les Eaux : l'alchimiste qui a créé les horlas. Serait-ce le fameux maître ?
Brûme (et son compagnon : le frère du marié) et Edgar suivent Germaine sur la route. Il pleut toujours comme vache qui pisse. Ils arrivent sur le pont qui travers le Blavet, un grand pont de pierre avec un promontoire et une cabane de pierre. Le Blavet est prodigieusement haut, il lèche les parois du pont, qui pourrait bien être emporté d'un moment à l'autre. Un cavalier noir arrive de Bieuzy à leur rencontre. Il a une armure de cuir, une épée et une arbalète. Il leur dit qu'il est chasseur de horlas, qu'il est là pour les exterminer. Il leur demande de montrer leur visage et leurs mains. Tous s'éxécutent, sauf Germaine. Ils comprennent que Germaine est sans doute un horla, création de l'alchimiste, ils essayent de faire croire au cavalier que Germaine est lépreuse, mais il ne mord pas à l'hameçon. Alors Brûme dit qu'ils vont le conduire au créateur des horlas s'ils laissent Germaine en paix. Le cavalier noir acquiesce et les suit.

Le gamin insiste pour que Rhaleb-Khan et Hadimou le suivent au plus vite à Loudéac, mais ceux-ci veulent d'abord régler le problème des meurtres de clochards, pressés par Chimère. Ils projettent de soûler Pépé Léonard et de le laisser divaguer dans les rues de nuit, pour voir ce qui va lui arriver. Mais ils ont besoin d'alcool. Ils n'ont pas un sou vaillant pour en acheter. Edgar leur a laissé son tonneau de vin, mais celui-ci est atteint de noirceur : il provoque le vieillissement. Ne voulant pas prendre de risque, Rhaleb-Khan l'échange à Gérard le tavernier contre une bouteille de whisky. Ils soûlent Léonard au whisky, et au milieu de la nuit, Léonard repart en titubant vers chez lui, filé par Rhaleb-Kan. Une ombre en manteau lui tombe dessus, Rhaleb-Kan lui tire une flèche matelassée et l'assomme : il s'agit de la dame somnambule ! C'est elle qui tue les gens la nuit ! Ses yeux sont noirs, elle n'est plus elle-même. Hadimou et Rhaleb la ramènent chez son mari et la ligotent à son lit. Le mari explique que quand elle rentrait le matin de ses escapades nocturnes, elle lavait des couteaux et ses vêtements : ils comprennent qu'elle effaçait les traces de ses crimes. Ils disent au mari de la garder ligotée les prochaines nuits, le temps qu'ils trouvent une solution. Ils ont entendu parler d'une forêt du sommeil, où ils pourraient trouver des plantes somnifères, mais elle a la réputation d'être dangereuse.

C'est le petit matin. Un gars de Remungol vient les chercher, il leur dit qu'un vieillard les attend au Solitaire pour leur confier une mission, moyennant DEUX cartes de Tarot. Alléchés, Rhaleb et Hadimou s'y présentent. Le vieillard leur offre à chacun un verre de vin. Ils se méfient, mais le vieillard insiste beaucoup pour qu'ils boivent, "question de confiance" et "c'est un très bon vin de mon côteau personnel.". Rhaleb boit et en quelques instants, son visage se part de ride. Il se tourne vers le vieillard et entre en rage : il va le tuer ! Le vieillard révèle qu'il est Chimère : "Que m'importe pour ce qu'il me reste à vivre ! Hier, j'ai bu le vin que tu as échangé au tavernier, et vois ce qui m'est arrivé, par ta faute ! Alors, j'ai voulu me venger !" Rhaleb l'assomme. Il l'aurait tué s'il n'avait pas craint d'encaisser une noirceur. Gérard le vire de sa taverne.

Rhaleb, Hadimou et son troll partent avec le gamin pour Loudéac. C'est déjà une ville, mais tout y est en désordre, en travaux, il y a des échafaudages partout, et des poules et des cochons qui vagabondent dans les rues. Le médecin a la retraite porte des lorgnons ; il leur raconte son histoire. Avant, il était médecin à Guerlédan. Mais un médecin spécial : quand les malades et les blessés se présentaient à lui, il leur administrait des remèdes fantaisistes et les persuadait qu'ils étaient guéris. Et comme les gens le croyaient, ils étaient vraiment guéris. Puis il a pris sa retraite et il est descendu s'installer à Loudéac. Un jour, un vieil homme de Guerlédan s'est rendu à Loudéac pour voir son fils, qui avait fait une université de médecine, et il lui a vanté les mérites du médecin à la retraite qui l'avait guéri du cancer. Là, le jeune médecin lui a expliqué qu'au vu des remèdes fantaisistes que le médecin à la retraite lui avait administrés, c'était impossible qu'il soit guéri de ce cancer mortel. Alors, le vieil homme a compris qu'il avait été abusé, et il en est mort. Ivre de chagrin, le jeune médecin est parti à cheval à Guerlédan pour dire la vérité à tous ses habitants. Le médecin à la retraite supplie les marchebranches de le rejoindre au plus vite et de l'empêcher de divulguer la vérité : car alors, toutes les personnes qu'il a guéries mourraient de leur maladie, ce serait une hécatombe.
Ils ont déjà perdu toute une nuit, il faut faire vite. Rhaleb trouve toutes les plantes énérgétiques qu'il peut, il prépare une infusion qu'il fait boire au troll d'Hadimou, et ils montent sur son dos, et le troll court à toute vitesse jusqu'à Guerlédan.
Le lac de Guerlédan n'a jamais été rerempli. Le lac asséché présente un décor lunaire, il n'y a plus qu'un ruisseau, et dans le fond, un village, le village de Guerlédan. Quand ils arrivent, ils trouvent le jeune médecin devant la première ferme du village, en train d'expliquer à une fermière qu'elle n'a pas pu être vraiment guérie de la peste. Ils l'assomment, convainquent la fermière que ce jeune médecin est fou, et entraînent le médecin dans une cabane. Ils le réveillent et essayent de le persuader du danger qu'il fait courir aux habitants. Mais ils voient dans son regard un profond désespoir, une noirceur. Alors Hadimou prend la moitié de ce désespoir pour lui, et enfin le médecin devient réceptif à ses arguments : il réalise que par désespoir, il était prêt à provoquer la mort de dizaines de personnes.
Il repart avec eux pour Loudéac. Là, le médecin à la retraite leur tend une carte de tarot. C'est la Maison-Dieu (une tour qui s'effondre sur ses habitants), tirée à l'envers : signe de désastre ou de bouleversement. Rhaleb se dévoue pour la prendre. Voici le souvenir qui lui revient : jadis, il était un jeune homme naïf qui gardait les portes de sa communauté. Un berger et ses moutons s'est présenté à lui, il l'a supplié de lui accorder l'asile. Rhaleb, naïf, l'a laissé rentrer. Mais c'était un berger-loup ! Une fois à l'intérieur, ses moutons se sont transformés en loup et ont commis un massacre. Depuis, Rhaleb a quitté sa communauté et il est devenu le psychopathe que l'on connaît.
Les marchebranches retournent à Remungol avec le jeune médecin. Ils lui font guérir la somnambule, qui donne alors une carte de Tarot à Hadimou : la carte du Soleil, tirée à l'envers. C'est une peinture grossière, le soleil est énorme et semble écraser les gens. Hadimou se rappelle que lorsque sa famille s'est fait la guerre, il a quitté sa région dans l'espoir de trouver ailleurs une solution. Mais sur le chemin, la contrée qu'il traversait a été dévasté par la pousse d'un arbre-soleil ; un arbre qui pousse en boule de façon démesurée. Et depuis, Hadimou n'a pas pu rentrer chez lui parce que la région qui le sépare de sa famille est bloquée par l'Arbre-Soleil.

Brûme, Edgard, Germaine et le frère du marié sont arrivés à Bieuzy sous les eaux. Tout le village est inondé, c'est maintenant un lac couvert d'une algue noire. Il ne dépasse que le sommet du clocher, autour duquel est bâti une maison en bois circulaire. Ils traversent le lac en barque avec le cavalier noir, qui veut certainement tuer l'alchimiste. Edgar envoit sa loutre dans l'eau en reconnaissance, mais touchée par la noirceur de l'algue, la loutre devient énorme. Ils poussent le cavalier dans l'eau. Celui-ci lâche son armure et son armement pour ne pas se noyer. La loutre nage vers lui pour le dévorer. Les marchebranches envisagent un temps de laisser la loutre faire, mais ils savent que ce serait commettre un meurtre, ils écoperaient d'une noirceur. Alors ils sauvent le cavalier des eaux, si celui-ci promet de laisser l'alchimiste et Germaine en paix. Ils le déposent au bord du lac, et il remonte sur son cheval pour partir. Mais il leur annonce qu'ils se reverront !

Ils reprennent la barque et arrivent dans la cabane sur le clocher. Ils y retrouvent l'alchimiste. Germaine enlève sa capuche, toute à sa joie de retrouver son maître. Ses yeux sont globuleux, ses lèvre larges, elle a des branchies à la place des oreilles : c'est bien un horla. Tous les grimoires de l'alchimiste ont pris l'eau et le moisi, ils sont invisibles. L'alchimiste les a fait venir car il est amnésique, il veut en savoir plus sur son passé. Brûme lui explique qu'il a créé un jour les horlas en cherchant à transformer le plomb en or. L'alchimiste veut bien le croire, mais il veut retrouver ses connaissances : il veut qu'on lui ramène les ustensiles de son laboratoire, qui était dans la crypte de l'église, et donc au fond des eaux maintenant. Ils envoient Germaine au fond de l'eau (elle ne craint pas la noirceur) et elle en ramène l'alambic. Il est couvert d'algue, mais encore en état de fonctionner. Au fond de l'alambic, on distingue le précipité élémentaire qui a créé les horlas. L'alchimiste insiste pour pouvoir toucher l'alambic, ce qui lui fera recouvrer toutes ses connaissances. Cela a l'air dangereux, mais si les marchebranches refusent, alors il ne leur donnera pas sa carte de tarot, alors ils le laissent faire. Il touche l'alambic et tout son savoir lui revient par salves dans les doigts. Il tient sa promesse et donne une carte à Edgar : le Pape, tiré à l'envers. Le dessin est en noir et blanc, le pape est maigre et humblement vêtu. Il bénit les foules. A ses côtés, un petit homme lui souffle à l'oreille. Le diable ? Edgar accepte la carte. Voici son souvenir : quand il était dans son village natal, sa sœur a épousé un homme mauvais, qui l'a tuée. Edgar a voulu se venger, mais le prêtre du village est intervenu : il l'a persuadé de pardonner au mari, et même de taire sa culpabilité aux autres villageois. Edgar l'a fait, mais la peine était si forte qu'il a quitté le village pour ne plus voir l'assassin de sa sœur. Bien plus tard, il a revu le prêtre dans une taverne, dans une autre région. Le prêtre était depuis défroqué. Il lui a avoué que c'était le mari qui l'avait grassement payé pour le convaincre de pardonner. Puis le mari a dit que c'était un horla qui avait tué sa femme, et il est resté dans le village en toute impunité, et depuis il a épousé une autre femme, et il va sûrement recommencer ses crimes...


Feuilles de personnage à la fin de la partie :

Brûme, artisan, expérience 1
Atout : force
Spécialité : ignorer la peur
Souvenir : je connais la personne qui a créé les horlas : l'alchimiste
Equipement : pioche (noirceur : moisissante)
Compagnon : le frère qui a sauvé son frère de la noyade

Hamidou (anciennement Raîzus, le personnage change tout le temps de nom), saltimbanque, expérience 2
Atouts : Coeur, Esprit
Spécialité : langue des horlas, voler dans les poches
Souvenir : ma famille s'est fait la guerre + en quittant ma famille, j'ai été séparé d'elle par l'arbre-soleil qui a tout détruit sur son passage
Equipement : toge blanche

Rhaleb'Khan, artisan, expérience 2
Atouts : Force
Spécialité : reconnaissance des plantes, faire peur
Souvenir : porteur sain du somnambulisme + ma communauté a été massacrée par le berger-loup par ma faute : depuis, je suis un psychopathe
Equipement : arc + épée non létale
Compagnon : Le vieux Léonard + Frank le médecin dépressif
Notes : flèche, cache-pointe
équipements : toge blanche

Edgar, mage, expérience 2
Atouts : pouvoir
Spécialité : provoquer une émotion, créer un potion magique
Souvenir : quête de l'Arbre-Soleil + l'assassin de ma sœur a été impuni de ses crimes car un prêtre corrompu m'a persuadé de lui pardonner et de taire son crime.
Equipement : masque + fruit (noirceur : carnivore)


Règles utilisées :

Lors des précédents tests, les noirceurs se sont avérées plus un avantage qu'un handicap, et j'ai voulu dégonfler la puissance des personnages. J'ai redesigné la feuille de personnage pour qu'on comprenne bien qu'on ne pouvait avoir qu'un compagnon et qu'un équipement par niveau d'expérience. Les compagnons et équipements excédentaires doivent être cantonnés dans les notes, ils ne rapportent aucun dé.
De surcroît, si en cours de jeu on active la noirceur d'un équipement/compagnon, non seulement celui-ci est perdu mais son emplacement est indisponible jusqu'au prochain passage de niveau.
J'ai un peu dégonflé aussi la mécanique de dé : on n'a plus un dé pour la seule description de son action, à moins qu'on n'utilise aucun élément de sa feuille de personnage (de façon a avoir toujours au moins un dé quand on agit) : ça évite les moments où un personnage obtient deux dés parce que le joueur décrit son action, impliquant un élément de sa feuille de personnage et gagne alors un dé pour la description et un dé pour l'élément alors que c'est un total doublon.

Nouvelle feuille de personnage


Commentaires sur le jeu :

La noirceur commence vraiment à prendre part à l'économie du jeu, du fait que je la fais intervenir en dehors des jets de dés : Rhaleb a écopé d'une noirceur automatique parce qu'il avait bu le vin vieillissant, la loutre a écopé d'une noirceur parce qu'elle plongeait dans le lac. Le concept devient alors plus présent : c'est de la noirceur qu'on lit dans les yeux du jeune médecin. Le fait que la noirceur interdise la violence a bien joué sur le personnage de Rhaleb-Khan, qui sans cela aurait tué plusieurs figurants durant l'aventure = cela en fait l'équivalent des points du côté obscur à Star Wars D6.

Les changements de règle ont nettement durci le jeu, et les joueurs tout comme moi ont bien apprécié !

Le cas du médecin menteur est un cas typique d'égrégore, mais je me suis gardé de mentionner le terme aux joueurs, et cela a renforcé le côté fantastique de ce jeu. Je vais graver dans le marbre l'idée de ne mentionner ni l'égrégore ni l'emprise aux joueurs, seul le meneur de jeu aura connaissance de ces principes, les joueurs resteront dans le mystère.

Je commence à relier les histoires des persos entre elle et avec les aventures : ça m'aide à l'impro !

Au début de l'aventure, par l'intermédiaire de mes figurants, j'ai demandé aux joueurs de me raconter les souvenirs de leurs personnage : cela me les a remis en tête, et m'a aider à improviser la suite.

je commence à m'affranchir de mes tirages : j'avais en tête toute la quête du médecin, alors je l'ai lancé sans faire de tirage sur la table des aventures. Pour la quête de l'alchimiste, j'avais déjà en tête le lieu (Bieuzy sous les eaux) et le personnage central (l'alchimiste créateur des horlas, issus des souvenirs de Brûme), j'ai juste fait un tirage sur la table pour déterminer la teneur de la quête, je suis tombé sur "un personnage à la recherche de son passé", c'est pour cela que j'ai fait de l'alchimiste un amnésique.

La table reste une super outil d'improvisation : je suis particulièrement content de mon histoire du berger-loup, un personnage effrayant à n'en pas douter. Au terme de quelques tirages et de six heures de jeu en cumulé, on voit le monde de Marchebranche se peupler, devenir vivant, et c'est fascinant.

J'ai étoffé ma description des cartes du tarot : avant, j'annonçais juste la figure et sa signification générale, maintenant je précise le style du dessin de la carte, les détails du dessin, l'impression générale... Cela oriente plus vers le contenu exact du souvenir, tout en augmentant la dose d'ésotérisme, j'ai adoré voir les joueurs spéculer là-dessus, c'est super intéressant.

Lors de leurs passage de niveau, les marchebranches débloquent un nouveau slot de compagnon : c'est sympa de voir que les joueurs en profitent d'instinct pour débaucher un des figurants rencontrés pendant l'aventure. Quand Rhaleb-Kan embarque le jeune médecin comme compagnon, c'est sympa parce qu'il y a ce côté shonen qui colle complètement avec l'esprit de Marchebranche : leur ancien antagoniste a atteint sa rédemption et marche maintenant aux côtés des héros.

La sensation d'urgence d'avoir toujours trois missions en même temps, et qu'une mission délaissée s'empire, a de nouveau poussé le groupe à splitté. Même si j'ai géré ce splittage sans problème, en passant d'un groupe à l'autre régulièrement, j'ignore si c'est appréciable dans le cadre de ce jeu.

J'ai précisé qu'on pouvait guérir d'une noirceur au moment d'un passage de niveau. J'hésite à savoir si c'est trop gentil ou pas. D'un côté, ça introduit une tension supplémentaire au moment de choisir quel personnage gagne un tarot, de l'autre ça décrédibilise un peu les noirceurs : Rhaleb-Khan n'a subi sa vieillesse accélérée que pendant une heure de jeu (ça l'a contraint à limiter sa violence pour ne pas avoir une noirceur supplémentaire qui l'aurait exclu du jeu), Hadimou son désespoir que pendant cinq minutes de jeu, et pour aucun des deux je n'ai eu le loisir de les handicaper à cause de la teneur de leur noirceur. Bon, tout bien réfléchi, je pense qu'un passage de niveau ne suffira plus à guérir des noirceurs. C'est bien plus intéressant de devoir chercher un moyen en jeu de les guérir. Le passage de niveau a déjà cet avantage de libérer un slot de noirceur supplémentaire, donc il reste attrayant pour les personnages débordés par la noirceur.
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Message par Pikathulhu »

MILLECROCS

Pour cette séance radiophonique : la dangereuse quête du savoir dans une forêt hantée par nos monstres intimes.

Jeu : Inflorenza minima, contes cruels dans la forêt de Millevaux

Joué le 30/05/2016 dans les studios de Plum'FM, à Serent (Morbihan).

Personnages : Agen, Raôc, Genzo, Gaeriss

Partie enregistrée en direct dans l'émission radio Des Luds et des Plums, sur Plum FM.

A retrouver en podcast sur le site de Plum FM (mise en ligne à venir) ou sur le site de Des lud's et des plums (mise en ligne à venir)

Image
crédits : Iguana Jo, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com


Les feuilles de personnages :

Genzo
Objectif : retrouver la bibliothèque pour comprendre les origines du cataclysme
Symboles : peur du noir, lampe de poche

Gaeriss
Objectif : accompagner Genzo jusqu'à la bibliothèque
Symboles : Papier, Chêne

Agen
Objectif : trouver le deuxième volume du livre de contes dans la bibliothèque
Symboles : Volume I, médaillon de moi et mon frère

Raôc
Objectif : utiliser le deuxième volume pour trouver Millecrocs et le tuer
Symboles : dents, masse


L'histoire :

C'est la veille du départ des braves de la communauté qui ont décidé de se mettre en quête de la légendaire bibliothèque qui contiendrait les livres de l'Âge d'Or. Toute la tribu est réunie autour d'un grand feu de camp où l'on brûle une effigie de paille pour porter bonheur aux aventuriers.
Agen, le vieux conteur, raconte une dernière histoire aux enfants, tirée de son vieux grimoire. Cette histoire parle de Millecrocs, un terrible loup aux crocs innombrables. Les adolescent font de terribles ombres chinoises dans le feu pour effrayer les plus jeunes. Ce que tait Agen, c'est que Millecrocs a dévoré son frère il y a longtemps. Il n'en a retrouvé que des morceaux. De lui, il ne lui reste qu'un médaillon qui les représente tous les deux.
Raôc, le plus forts des guerriers de la tribu, collectionne les dents de ses victimes. Il s'est juré que les dents de Millecrocs seraient son plus beau trophée, et c'est pour cela qu'il se joint à l'expédition : dans la bibliothèque, Agen a bon espoir de trouver le deuxième volume de son livre de contes, et Raôc pense qu'il contient des informations pour trouver et vaincre Millecrocs.
Roche, la cheffe du village, s'approche de Genzo, le jeune asiatique qui a décidé l'expédition. Son bras droit et une partie de son visage sont figés par une maladie de pierre à laquelle elle doit son nom. Elle invite une dernière fois Genzo à renoncer. Il ignore ce qu'il trouvera dans cette bibliothèque. Genzo dit que c'est trop dur pour lui de rester dans l'ignorance. Il pense que la bibliothèque recèle le secret des origines de Millevaux, et des informations pour créer un monde meilleur. Agen l'appuie. Selon lui, le deuxième livre de contes contient des informations pour lutter contre les horlas.
Roche leur fait promettre de ne pas revenir au village s'ils étaient pourchassés par des horlas comme Millecrocs.

Noix, le petit-fils d'Agen, la seule famille qui lui reste, souffre d'une rage de dents. Agen demande à Raôc de lui arracher sa dent malade. Mais Noix a très peur de ce terrible guerrier, de sa masse, et de sa bourse de dents. Pour se rassurer, Noix demande à Raôc de raconter un moment de sa vie où il a été gentil. Raôc hésite, et évoque le jour de sa naissance : ses parents ont été très heureux de l'avoir. Noix est un peu rassuré et se laisse faire. Raôc lui arrache sa dent avec sa grosse main. L'enfant crie de douleur et de surprise, et cela provoque des remous dans l'égrégore. L'espace d'un instant, Raôc revit le moment de sa naissance, où il remonte sur la poitrine de sa mère.
Une fois que la douleur est passé, Noix insiste pour se joindre à l'expédition. Agen l'en dissuade, c'est trop dangereux, il est trop petit, la prochaine fois... Noix craint de ne jamais revoir Agen. Agen lui promet qu'il reviendra.

Flash-forward.
Genzo, Raôc et Gaeriss reviennent de l'expédition. Agen n'est pas avec eux. Ils expliquent à Noix qu'il a dû rester là-bas. Noix est sous le choc, il pense qu'Agen est mort. Ils lui remettent le deuxième volume : il va pouvoir reprendre le flambeau de son père. Noix accepte cette charge. On voit que le chagrin l'a transformé du tout au tout.

Mystère la chamane du village, une femme vêtue d'un manteau de plumes de corbeau et d'un masque de corbeau en bois, va voir Gaeriss, le quatrième membre de l'expédition. Gaeriss suit Genzo parce que ce sont les instructions notées sur un fragment de papier journal qu'il possède : "Suis-le." Mystère propose à Gaeriss d'éclaircir son esprit par un rituel.

Mystère et Gaeriss vont dans la hutte de la chamane. Gaeriss consomme une décoction d'herbes et de champignons, Mystère allume un grand feu dans la hutte. Soudain, les flammes s'estompent et Gaeriss se retrouvent dans un autre décor.

Flash-back.
Gaeriss est dans la bibliothèque. Elle est dans un bunker. Les livres sont couverts de moisi et de feuilles mortes, et dégagent une aura dangereuse. Gaeriss vient de déchirer son papier journal en deux, il a gardé la partie avec écrit "Suis-le" et a jeté l'autre au sol. Au milieu du bunker, il y a un grand chêne noueux, qui lui rappelle les chênes de son enfance, un souvenir heureux. Mais le chêne grandit de façon anarchique, comme un haricot magique, et il dégage aussi une aura maléfique. Le chêne lui dit de partir.
Gaeriss sait que son temps est limité pour explorer la vision. Il se dirige vers le chêne et lui demande pourquoi il devrait fuir. Le chêne répond d'une voix grave : "Parce que nous nous nourrissons de vous."

Retour au présent.
Soudain, toute la bibliothèque s'enflamme. C'est juste que Gaeriss revient à la réalité, dans la hutte de la chamane, avec les flammes autour de lui. Mystère lui rappelle qu'il est interdit de divulguer le secret des visions chamaniques. Si Gaeriss parle aux autres de sa vision, elle enverra ses corbeaux le traquer.

Les aventuriers ont cheminé pendant longtemps. Ils bivouaquent au pied des arbres, autour du feu. Gaeriss monte dans un arbre pour surveiller l'horizon. A la lueur de la pleine lune, il aperçoit un chêne-haricot magique qui dépasse les autres cimes et se déplace rapidement, comme pour lui indiquer une direction.

Puis on entend un hurlement de loup, de l'autre côté. Suivi d'un cri d'enfant terrorisé ! Raôc et Agen se précipitent dans cette direction, en passant par les branches des arbres pour se dérober au prédateur. Gaeriss préfère suivre le chêne tant qu'il est encore temps. Incapable de se décider, Genzo reste sur le bivouac un moment.

Raôc et Agen découvrent que l'enfant en détresse, c'est Noix, qui a suivi son grand-père à son insu, et le loup qui le pourchasse, c'est Millecrocs !
Noix a une jambe cassée, il rampe les feuilles, hurle, appelle au secours. Millecrocs a la taille d'un ours, il peut se dresser sur ses pattes arrière, et sa gueule est un amas de crocs contre-nature. Il pousse un brame hideux.

Raôc se laisse tomber de l'arbre et assène un coup de masse à Millecrocs. La bête est sonnée juste un temps, cela lui laisse une unique occasion, soit de sauver Noix, soit de tuer Millecrocs (mais alors Millecrocs aurait le temps de tuer Noix). Raôc et Agen n'ont aucun besoin de réfléchir : ils tirent Noix dans les arbres. Pour tuer Millecrocs, on trouvera une solution plus tard.

Gaeriss arrive dans le bunker-bibliothèque. En son centre, le chêne-haricot magique, toujours plus gros et boursouflé. Il trouve le deuxième morceau du papier journal, où il est écrit de sa main : "... pour l'en empêcher." Le message entier était "Suis-le pour l'en empêcher." Il y a aussi le deuxième volume du livre de contes. Et posé à côté, un jerrycan d'essence et un briquet. Gaeriss a très peu de temps pour se décider avant l'arrivée de Genzo. Il sent qu'avec toute la magie concentrée dans ce bunker, la moindre flamme pourrait embraser toute la bibliothèque. Il décide de suivre sa vision et le message du papier journal, il met le feu au deuxième volume. Les flammes attisées par l'égrégore se communiquent à tous les autres livres et au chêne.

Gaeriss sort du bunker. Quand Genzo arrive, c'est trop tard. Il ne peut que constater les dégâts. Il a du mal à croire Gaeriss quand il lui explique que c'était la meilleure chose à faire. Il ne saura jamais. Il aura toujours peur de l'inconnu, peur du noir, malgré sa lampe-torche fétiche qui ne le quitte jamais.

Raôc, Agen et Noix fuient d'arbre en arbre. Ils cherchent une solution pour tuer Millecrocs. Ils se refusent à retourner au village pour demander conseil à la chamane, car ce serait trahir la promesse faite à Roche. Ils se refusent aussi à aller vers la bibliothèque, car ils mettraient Gaeriss et Genzo en danger. Ils appellent un corbeau de la chamane et lui demande d'appeler sa maîtresse. Le corbeau veut être payé en échange de ce service, il demande que l'un d'eux lui donne sa vue. Agen propose plutôt de lui donner un souvenir précieux : le souvenir de son frère.

Flash-back.
Un souvenir heureux qu'Agen a avec son frère. Agen tient le livre de contes, et son frère lui demande de créer une histoire qu'ils parleraient d'eux deux, du lien qui les unit. Alors Agen écrit dans le livre de contes l'histoire de Millecrocs, et de deux enfants qui échappaient toujours aux griffes de ce monstre. Son frère dessine maladroitement le monstre sur une page du livre. Mais le vrai Millecrocs est comme dans le dessin, difforme, absurde.
Agen réalise qu'il a créé le monstre qui a déchiqueté son frère. Il se rappelle n'en avoir retrouvé qu'un morceau.
Le corbeau apparaît dans le souvenir. Il fait : "Donne-moi ce souvenir, maintenant." Son frère crie : "Non, ne fais pas ça !" Mais Agen lui répond que c'est nécessaire, pour protéger Noix et les autres. Il demande à Raôc de continuer à lui parler de son frère. Son frère lui dit que ça ne suffira pas, il n'y aura aucune affection dans l'histoire de Raôc. Agen pourtant s'y résigne.
Alors Agen laisse le corbeau prendre son médaillon dans son bec, dernière marque physique du souvenir. Sous l'effet du vent, son frère s'éparpille en centaines de morceaux de papier. Dans tous ses souvenirs, son frère s'éparpille.
Il tient le bras de son frère, le seul morceau qu'on en ait retrouvé après l'attaque de Millecrocs, et le bras s'envole en dizaines de morceaux de papier.

Retour au présent.
Alors que la bibliothèque continue à brûler, Genzo et Gaeriss voient des êtres tomber des branches. Des fées, avec des yeux en perles d'eau et des ailes en feuilles mortes. Tomber. Mortes. Dans un silence assourdissant.
Gaeriss ramasse dans ses mains la dernière fée vivante. Elle est à l'agonie. Elle lui dit : "Alors, tu es revenu..." Les fées meurent parce que les livres de contes brûlent. Elle dit à Gaeriss qu'il peut retourner dans le passé pour comprendre mieux ce qui se passe. Pour cela, il lui suffit de lui enlever ses ailes, et son dernier souffle lui permettra d'aller dans le passé. Mais les autres personnes autour, comme Genzo, le suivront forcément. Et ils pourront changer le cours des choses. Gaeriss a-t-il temps besoin de savoir qu'il est prêt à prendre le risque de défaire ce qui est fait ?

Le corbeau se met à parler à Agen et Raôc avec la voix de la chamane. Il leur explique les options qui s'offrent à eux pour terrasser Millecrocs : Agen peut se sacrifier. Comme il a tué Millecrocs, Millecrocs mourra avec lui. Ou Raôc peut affronter Millecrocs, mais il mourra aussi dans le combat. Ou enfin, quelqu'un peut attirer Millecrocs dans le Val sans Retour. Ni lui, ni Millecrocs ne pourront en revenir.

Agen, Noix et Raôc, rejoignent l'abord du bunker enflammé par la voix des cimes, toujours poursuivis par Millecrocs. Ils y retrouvent Genzo et Gaeriss. Millecrocs reste à l'écart, à cause du feu. Gaeriss retire les ailes de la fée, et tous les aventuriers retournent dans le passé.

Le passé.
Ils sont tous dans le bunker, les livres sont là. Gaeriss tient la fée mourante dans ses mains. Agen inspecte les livres. Certains parlent de merveilles, d'histoires qui finissent bien, de guérisons de maladies, d'autres en effet parlent d'horreurs, de monstres, d'histoires qui finissent mal. Le premier volume contenait surtout des histoires qui finissent bien, la fée l'avait confiée à Gaeriss pour qu'il l'amène au village et le donne à Agen. Pour protéger le village. Mais les livres qui restent, s'ils peuvent sauver des vies, veut aussi provoquer des morts. Agen, Noix et Gaeriss décident de rester dans le passé pour faire le tri entre les histoires, brûler les histoires qui finissent mal et conserver les histoires qui finissent bien. Genzo et Raôc retournent dans le présent.

Le présent.
Raôc court dans la forêt, il attire Millecrocs à lui, il l'attire dans le Val sans Retour. L'air est différent, les couleurs sont différentes, ils sont passé dans un autre monde, et aucun retour en arrière n'est possible. Millecrocs plante ses innombrables dents autour du torse de Raôc, Raôc le frappe et le met à terre, Millecrocs le laboure de ses griffes et lui mort les membres, Raôc lui éclate le crâne d'un coup de masse, et soudain sa vue se voile de noir.

Agen, Gaeriss et Noix sortent du bunker, barbus. Noix est devenu adulte, Agen est au crépuscule de sa vie. Genzo leur demande s'ils ont trouvé le secret des origines de Millevaux, mais il n'y avait rien de tel dans le bunker. Ils retournent au village apporter les bonnes histoires.

La chamane Mystère demande à Genzo s'il veut en savoir plus sur le secret des origines. Il acquiesce. Elle lui dit qu'elle peut le lui révéler, mais seulement s'il accepte de prendre sa suite, et de respecter les deux engagements des chamanes : garder les secrets, et veiller sur la tribu. Genzo accepte.

Il suit la chamane dans sa hutte. Elle allume un feu, puis l'éteint d'un coup. Genzo est plongé dans le noir. Il sort sa lampe de poche fétiche, mais elle n'a jamais fonctionné. Mystère enlève son masque, elle le tend à Genzo. Genzo le met sur sa tête. Alors Mystère allume un brandon. Genzo voit son vrai visage, celui d'une femme très âgé. Son visage est un parchemin ridé, comme le parchemin qu'elle tient dans sa main, le parchemin où est écrit le secret des origines :

"C'est arrivé parce que nous pensions qu'on le méritait."

Genzo est le nouveau chamane corbeau. Il préside à la cérémonie du passage à l'âge adulte. Il a réuni les adolescents de la tribu autour d'un feu, ainsi que Noix, qui a passé l'âge à cause de sa réclusion dans le bunker, mais qui doit faire la cérémonie également. Les jeunes s'écorchent tour à tour le bras avec un couteau et versent leur sang dans une coupelle commune. L'ombre du valeureux Raôc plane sur la cérémonie.

Noix se tient debout à côté de Genzo alors qu'il verse son sang dans la coupe.

Genzo voit alors un objet dépasser de la besace de Genzo.

Le premier volume.

Garni d'annotations.


Commentaires :

Durée :
10 minutes de création de personnages, 1h1/2 de jeu pour 2h d'émission (un quart d'heure de présentation, un quart d'heure de pauses musicales)

Profils des joueurs :
Les joueurs de Raôc, Genzo et Gaeriss font partie du staff de l'émission, ils ont plusieurs parties radiophoniques à leur actif. C'était la première partie radio pour le joueur d'Agen, mais c'est un rôliste expérimenté

Brainstorm initial :
On a fait le topo sur l'univers et la création des personnages avant de démarrer l'émission, pour des raisons de rythme et pour que j'ai l'opportunité d'imaginer une trame avant que l'émission commence.

Défis :
C'est ma première partie radiophonique ! On émettait en direct, donc il y avait un vrai challenge.

Mise en jeu :
On a mis à profit les deux intermèdes musicaux (on a passé A Night in the woods, la BO Millevaux par Dino Van Bedt, c'était top !) pour faire des bilans sur l'aventure et le rythme et repartir de plus belle après la pause.

Image
A Night in the Woods, par Dino Van Bedt, post-americana sans paroles, avec drone et field recordings, une traversée séminale et ténébreuse de la forêt de Millevaux. Composé spécialement pour Millevaux !

On a fait une première pause après la vision de Gaeriss, les joueurs m'ont demandé à ce que le rythme augmente, qu'on quitte le village. C'est pour cela que j'ai fait une ellipse sur le bivouac juste après. Le joueur de Raôc, qui faisait des blagues pendant la première partie, a demandé si on partait sur une note un peu grave, je lui ai dit oui, et il s'est interdit de refaire des blagues : bonne prise de conscience du fait que la partie est enregistrée, que la dramatisation a de l'importance. On a fait une deuxième pause, je crois après que Gaeriss ait mis le feu à la bibliothèque. Là, les joueurs m'ont dit que le rythme convenait, qu'ils étaient bien immergés. On a plus ou moins clôturé l'aventure avec le dernier combat de Raôc, alors j'ai introduit des rebondissements jusqu'à ce qu'on atteigne l'heure de fin.
J'ai aussi usé des changements de points de vue pour maintenir une sorte de suspense.

Debriefing :

Je pense qu'on est tous tombé d'accord sur le fait que c'était une réussite. La principale difficulté était dans le fait que tacitement, on s'est interdit de parler en surplomb du jeu pendant l'émission. Les joueurs se transmettaient des remarques par bouts de papier, quelque part le jeu et l'émission auraient profité qu'on les fasse à haute voix. Il y avait des remarques sur qui devait se sacrifier qui sont ainsi restées sous format papier. Le joueur de Genzo m'a envoyé un papier comme quoi dans le passé, il serait devenu le chêne, c'était une super idée, mais ça m'a été difficile de l'intégrer, justement parce que c'était non verbal, et j'étais trop engagé dans la conversation pour arriver à valider sa proposition.

L'exercice était très intéressant, avec des contraintes très particulières (émettre en direct fait qu'on tient beaucoup plus compte du public qu'en différé), et hormis cette remarque sur l'usage du papier, je pense qu'on a carrément remporté le challenge, notamment en réussissant à boucler une aventure entière en une heure et demie, là où les autres parties radiophoniques avaient dû interrompre l'aventure en cours de route (plus exactement, le maître de jeu avait dû raconter la fin plutôt que de la jouer).

Le prochain à se prêter au jeu, ça devrait être Monsieur Phal avec MashUp. Stay Tuned !
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Pikathulhu
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

LA CUISINE DU CAUCHEMAR

Mindfuck à tous les étages dans ce restaurant en crise ; réussite du jeu moral.

Jeu : Wonderland, piégés dans les réalités.

Joué le 31/01/2016 sur google hangout

Personnages : Joël le propriétaire, George le maître d'hotel, Ted l'homme à tout faire.

Partie enregistrée sur ma chaîne youtube

Image
illustration : Sir John Tenniel, domaine public


Le théâtre :

Vous jouerez le personnel d'un restaurant (gérance, cuisine, bar, service) en grande difficulté. Un coach énergique se rend dans le restaurant avec une équipe de tournage dans le but de redresser le restaurant (et de faire de l'audimat sur Wonderland). La première de ses découvertes, c'est que le restaurant est bloqué dans les années 80, depuis le décès brutal des parents du gérant, qui n'avait jamais su faire le deuil. A partir de là, les conflits au sein de l'équipe deviennent de plus en plus intenses, des drames non résolus refont surface et la réalité commence à se détraquer. D'ailleurs, qui a volé les tartes ?


L'histoire :

Une femme entre dans le restaurant. Victoria, 45 ans, tailleur rouge, coiffure impeccable, son regard de battante transperce la salle. George le maître d’hôtel l'accueille comme il se doit, après tout c'est sa sœur et puis elle vient manger ici tous les soirs, et Joël le propriétaire a alors pour habitude de lui tenir compagnie. Mais justement, elle veut voir Joël : elle a appelé l'émission de téléréalité qui coache les restaurants en difficulté : le restaurant de Joël en a cruellement besoin, d'après elle. George ne comprend pas. Il la conduit à Joël, qui est dans l'arrière-boutique, absorbé dans ses comptes. Il a un boulot salarié qui lui sert à payer les factures du restaurant, quand il arrive le soir il est fatigué, débordé. Il est endetté jusqu'au cou. Mais quand on lui annonce qu'une émission va les suivre, il refuse tout de go d'être tourné en ridicule. Une femme fait son entrée, jeune, en tailleur gris, avec un badge en forme de cœur. Elle s'appelle Lily, elle travaille pour la production, c'est elle qui est chargée de recueillir les "confessions" des employés du restaurant. Joël s'insurge, mais l'émission a déjà commencé.

D'ailleurs, le coach vient de rentrer dans le restaurant. Une armoire à glace, avec un crâne rond et chauve, qui lui a valu le surnom de Dumpty. George le prend en charge. Il présente bien, dans son costume qui ne déparerait pas dans un des bouchons lyonnais les plus à la mode, mais ici, il fait tache, car toute la déco du restau date des années 80. Il lui présente un menu qui lui aussi date des années 80. Dumpty commande une bouchée à la reine et un ris de veau.

George arrive en cuisine en panique : il faut pas se louper sur cette bouchée à la reine ! Mais la cuisine est un vrai chantier. Tout est en surgelé, et Gabrielle, la chef cuistot, qui est là depuis trente ans, clope aux becs et cheveux lâchés sans charlotte, n'a aucune intention de faire des efforts particuliers pour plaire à Dumpty.

Ted, le petit jeune qui trime ici, à faire la plonge et à sortir les poubelles et à empêcher les cafards de rentrer dans la cuisine, pour payer les études d'informatique que ses parents n'ont pas pu lui payer, se dévoue pour sortir l'assiette de Dumpty tandis que Gabrielle s'occupera des autres clients. Mais il n'a jamais cuisiné de sa vie. Bunny, la serveuse rebelle avec qui il flirte depuis un petit temps, lui propose une pilule : c'est la solution. Bunny, c'est une fille trash, elle prend son rôle de serveuse par-dessus la jambe, elle mâche du chewing-gum en parlant aux clients, elle a ce tatouage de lapin blanc sur le bras qui lui donne cet air provocateur, et surtout elle entraîne Ted, pendant les pauses et après le service, dans des raids survoltés dans les profondeurs. La pilule va plonger Ted dans une boucle temporelle où il aura tout le temps d'apprendre la cuisine. Il accepte. Et alors, la pilule lui fait vivre trente ans, trente ans où il bosse dans le restau comme un dingue, trente ans à peaufiner cette recette de bouchée à la reine, trente ans où il épouse Bunny et lui fait un enfant, trente ans à cuisiner, dévoué au restau, et là il fait la bouchée à la reine parfaite et il a une grosse douleur au coeur, et ça y est il revient au présent, la bouchée est finie.
Joël la sert à Dumpty, le chef fait des grimaces, dépiaute le plat, en mange quelques bouchées. Et décrète que c'est délicieux !

Dumpty a réuni tout le personnel. Il est en tunique blanc, col bleu-blanc-rouge du Meilleur Ouvrier de France, il en impose. Il va mettre les points sur les i. Il accroche Joël, il lui montre la carte, datée, il lui montre la déco, surannée. Il lui demande : "On est en 1985 ou en 2015 ?". Bunny se délecte du spectacle, elle a l'air de pressentir qu'il peut se passer quelque chose d'énorme. Joël fait mine de ne pas comprendre la question. A ses côtés, ses deux parents lui disent : "Réponds-lui qu'on est en 1985, sinon tu vas nous perdre." On entend un gros tremblement. Comme si la réalité tremblait. Joël ne répond pas. Il n'est pas prêt. Il tergiverse, botte en touche.

Ted passe un entretien d'embauche, dans la boîte de ses rêves, pour devenir architecte de Wonderland. La nana qui le reçoit en entretien dit que son CV est impeccable. Il y a juste un problème. Ils se retrouvent dans la cuisine, il se voit lui-même en train de préparer la bouchée à la reine avec Bunny penchée sur lui pour l'encourager, Bunny qui lui tient le bras. "On peut pas engager un junkie. Pas pour concevoir les architectures d'un réseau social fréquenté par des millions de personnes. Vous devez renoncer à Bunny, elle a une mauvaise influence sur vous." Gabrielle se penche sur Ted, elle lui tend son couteau de cuisine : "Débarasse-toi de cette vipère". Ted pète un câble. Il prend le couteau et poignarde Gabrielle comme un sauvage !

George va faire diversion en salle, Ted découpe la cuisinière, Bunny hacke l'émission pour effacer la séquence.

1985. Victoria a dix-huit ans. Elle va partir dans une brillante université, mais avant elle veut voir Joël au restaurant de ses parents. Elle va le demander en mariage. George veut éviter ça, car il est amoureux de Joël en secret. Mais il n'ose pas, alors il va chercher Joël qui est en cuisine avec ses parents, il a dix-huit ans, on ne peut pas dire qu'il prenne à cœur de les aider, mais eux au contraire essayent de lui expliquer tout, ils ont l'air très conscient que le père, arqué sur la bouchée à la reine qu'il prépare, en sueur, va claquer ce soir. Sa mère lui dit : "Ne va pas voir Victoria, reste avec nous, sinon tu ne nous reverras plus jamais". Mais Joël se dirige vers la salle, vers Victoria, alors la cuisine s'effondre, elle tombe dans l'abîme avec ses parents et toute la batterie d'ustensiles et d'appareils, et au fond de l'abîme, on voit deux silhouettes qui s'étreignent, et l'une d'elle tient un couteau.

Le restau est pris d'assaut. Tout le personnel est en armure de soldat du futur, avec épaulette, casque et fusil de guerre. Les cafards géants surgissent dans la salle en éclatant les murs, le personnel est à couvert derrière le bar, Dumpty est avec eux, lui est en tunique de chef, il leur gueule de trouver une coordination d'équipe, Ted lance des grenades-bouchées à la reine, Olga la plus âgée des serveuses, aussi boulotte que gentille, l'âme du restau, tombe transpercée par la patte d'une des bestioles, Bunny réplique en hurlant d'une salve de mitrailleuse.
George va chercher Joël, qui est dans l'arrière-boutique reconvertie en QG, en train d'étudier le plan de bataille avec ses parents. Ses parents lui interdisent de prendre des risques personnellement. Mais Joël comprend qu'il est temps d'agir.
Il tente une charge héroïque, George part à ses côtés, Ted les couvre. Joël et George sont dos à dos, les couloirs du restaurant sont démesurés, les cafards les encerclent. George embrasse Joël. Ils dégoupillent une grenade et se font sauter avec les cafards. Fade to white.

Dumpty a redressé l'équipe, maintenant il veut proposer à George une nouvelle carte, plus moderne. George arrive enfin à reconnaître qu'on est en 2015. Alors, ses parents deviennent gris, la déco devient grise, et les personnes modernes deviennent en couleur, enfin il s'aperçoit de l'existence des nouveaux-venus, Ted, et Bunny, qui compulse un étrange appareil qu'il ne connaît pas : un téléphone portable. Et le tremblement est de plus en plus fort. C'est le trafic des camions devant le restau, qui a triplé depuis 1985.

C'est l'épreuve du coup de feu. Pour tester la cohésion de l'équipe sous pression, Dumpty a fait venir une soixantaine de convives. Ted est arqué sur la cuisine. Bunny lui dit qu'elle ne veut pas vivre auprès de lui en cuisine ; s'il choisit cette vie alors elle lui laissera une pilule qui lui permettra de revivre la boucle de trente ans auprès, mais elle, la vraie Bunny, elle partira. S'il veut la garder, elle lui tend une autre pilule, pour qu'ils partent ensemble dans les profondeurs. Mais Ted a trop peur de finir à la rue, or l'architecture pour lui c'est cuit, il ne lui reste que la cuisine. Bunny lui dit : "On sera hackers, l'argent on le prendra là où il est, et puis si on vit dans les profondeurs, on aura tous les décors qu'on veut, peu importe qu'on vive à la rue." Ted pique une rage, il redonne à Bunny la pilule de la boucle de trente ans : "Puisque c'est comme ça, mange-là toi-même la pilule !" Bunny pleure, elle le supplie de renoncer, mais elle abdique et prend la pilule. Elle sombre dans le coma. Overdose.
Olga se met à crier ; elle est en panique totale.

Joël s'est bien impliqué en salle pendant ce coup de feu, presque aérien, le geste précis, serein dans la tourmente, enfin à sa place. Il y a quelques minutes, Olga est venu le voir avec un petit appareil : "L'enregistrement virtuel de tes parents, désolé Bunny n'a pas réussi à le réparer, il est définitivement fichu." Dumpty est en train de faire des compliments sur lui. Et là, c'est le calme, l'oeil du cyclone, cinq minutes de flottement avant que le coup de feu reparte. Lily vient le voir avec un contrat. Elle lui explique que la prod peut reprendre le restaurant et le faire prospérer, à condition que Joël se mette en faillite, quitte le restaurant et assume de régler les dettes de la boutique avec son travail salarié. La prod rachètera la boutique et redémarrera sur une affaire épurée de dettes. Joël est circonspect, alors Lily le plonge dans une boucle de temps accéléré, où elle prend des heures avec des avocats pour lui prouver que sa solution est sérieuse. Alors Joël accepte de signer, à condition que le nouveau restaurant s'appelle comme les prénoms de ses parents.

Lily donne congé à Joël, et c'est Victoria qui arrive, rayonnante. Joël fait le maître d'hotel, élégant, serviette au bras, il lui donne une table. Victoria va le demander en mariage. George les voit depuis la cuisine, il sait que s'il veut empêcher ça, c'est le moment ou jamais, mais en cuisine on a besoin de lui pour planquer Bunny et cacher son overdose à l'émission, sinon la réputation du restau est morte ; alors il traîne Bunny dans le cellier avec Olga plutôt que d'intervenir. Victoria tend une bague à Joël, Joël accepte. Il va demander à George de leur ramener une bonne bouteille de 1985. Et George s'en acquitte, résigné.

George et Bunny sont dans le cellier des rêves brisés. Des grandes voûtes, un escalier de bois, des étagères et des couloirs à perte de vue, qui donnent sur des histoires possibles, par exemple, on voit la cuisine ou Ted et Bunny sont arqués sur la préparation de la bouchée à la reine. Alors que Bunny tremble, Ted lui prend les mains, il lui dit qu'il est encore temps qu'ils fassent une vie ensemble, elle lui demande de lui montrer à quoi ça ressemblerait, Ted prend une bouteille dans le cellier, sa vie rêvée est écrite sur l'étiquette, ensemble ils la boivent. Ils vivent ensemble trente ans, lui est un grand architecte du réseau, elle ouvre un restaurant réputé, ils ont un enfant. Ils sont dans son restaurant, elle a cinquante ans, elle est belle, elle lui dit : "Oui, c'est une belle vie. Mais ça n'arrivera pas." Et elle saute par la fenêtre. Dans l'abîme étoilé.

Ted et George vont continuer à faire vivre le restaurant. Une affaire très prenante, une réussite professionnelle, mais à quel prix ? Pour tenir la pression, George prend des drogues que lui fournit Bunny. Victoria devient la nouvelle propriétaire du restaurant. Elle est mariée à Joël, qui a finalement réussi à faire ce qu'il n'avait pas aussi faire il y a trente ans : laisser partir le restaurant.


Feuilles de personnage :

Nom : George ~ 50 ans
Rôle : Maître d’hotel
Handicap (ou qui freine objectif) : Vie cachée qu’il ne veux pas voir exposée (fréquente le milieu underground gay - fait la fête - consommation récréative de drogue)
Attache (qqn ou qqchose précieux/important) : Amitié avec Joel
Ressource (capacité ou objet ou qqn qui aide, lié à objectif) : Bon goût
Motivation (pourquoi suivre cet objectif concret) : Permettre à Joel d’avancer dans sa vie
Objectif (réalisable sur scénar) : Prendre la tête du restaurant
Destin (karma si perso ne fait rien) : Accroc à la drogue / Junkie

Nom : Ted, 19 ans
Rôle : “Ame du resto”
Handicap (ou qui freine objectif) : N’a jamais fait d’études car sans le sou. Abandonné par ses parents
Attache (qqn ou qqchose précieux/important) : Entiché d’une serveuse geek (Bunny) qui a accès aux profondeurs, il sort avec elle à la fin du service
Ressource (capacité ou objet ou qqn qui aide, lié à objectif) : Très intelligent et bosseur
Motivation (pourquoi suivre cet objectif concret) : Economiser pour se payer des études
Objectif (réalisable sur scénar) : Garder son job, ce qui implique sauver le restaurant
Destin (karma si perso ne fait rien) : Si le restau coule il finira SDF

Nom : Joël ~ 48 ans
Rôle : Propriétaire - Gérant par défaut
Handicap (ou qui freine objectif) : Travail de jour qui l’occupe à temps plein
Attache (qqn ou qqchose précieux/important) : Un enregistrement virtuel de ses deux parents
Ressource (capacité ou objet ou qqn qui aide, lié à objectif) : Victoria, amie d’enfance dont il est amoureux, meilleure cliente, executive woman qui a appelé le coach Dumpty
Motivation (pourquoi suivre cet objectif concret) : Commencer à vivre sa vie
Objectif (réalisable sur scénar) : Accepter de “laisser partir” le restaurant
Destin (karma si perso ne fait rien) : Finir seul et endetté


Liens :

George > Joel
Ami d’enfance de Joël - secrètement amoureux
George > Ted
Sentiment paternel à l’égard de Ted. Voit tout son potentiel et trouve qu’il gache à travailler au restaurant (Selon lui).
Ted > George
Forte sympathie, relation père de substitution car George lui a tout appris
Ted > Joel
Grief du à l’apparente “passivité” de Joel qui semble ne rien vouloir faire pour sauver la situation, non légitimité de son poste
Joel > George
Joel est reconnaissant des efforts que fait George pour le restaurant, c’est un vrai ami sur lequel on peut compter.
Joel > Ted
Joel ne se doute pas du désespoir de Ted. C’est un job étudiant, il est utile mais précaire.


Règles utilisées :

L'objectif du test était de vérifier s'il était viable de jouer à Wonderland en jeu moral. On était donc sur un système de prix à payer et d'as de pique, avec une feuille de personnage résumant six aspects du personnage (handicap, attache, ressource, motivation, objectif, destin) comme dans le test Keyboard Cat. Nouveauté : un lien avec chaque personnage.
Il y avait une "clause de vaudeville" qui permettait à tout personnage de hacker une scène, et "une clause de cut", qui permettait à quiconque de clôturer une scène abruptement.


Commentaires sur le jeu :

Au départ, mon idée était que les prix à payer étaient forcément des aspects. Je l'ai mis en œuvre en mettant en jeu l'attache de Joël (le souvenir de ses parents), et l'objectif de Ted de réussir sa vie. Mais j'ai aussi compris que ces aspects devaient surtout être une feuille de route, et que les prix à payer peuvent être détachés de la mécanique de barrer un aspect. Les aspects ne sont plus alors des points de vie, mais un questionnaire de création de personnage qui m'indique les lignes de tension.

Je valide le jeu moral pour Wonderland, qui constitue une solide amarre dans la tourmente du mindfuck ; les prix à payer sont ce qui rend le jeu concret ; car je dois respecter les engagements que je prends quand un joueur paye le prix, ce sont les éléments de l'aventure qui sont sacrés, et le reste peut passer à la moulinette du mind fuck. Reste à tester le jeu esthétique, pour voir s'il est aussi compatible avec Wonderland, dans ce cas là ce sera un jeu modulaire.


Retour des joueurs :

Joueur de Ted :

+ Quelles étaient les motivations de Bunny ? [réponse de Thomas : le restaurant l'indifférait, mais elle tenait à sa relation avec Ted.]
+ Le fait de tuer Gabrielle, c'était un échappatoire à un dilemme moral, c'est comme ça que j'ai pris le contrôle de mon destin. [Joueur de Joël : c'était une décision parfaite !]
+ J'ai regretté l'absence de la grille, testée sur Cardbox, qui permettait d'orienter le jeu au début, en excluant des parties de la grille qu'on voulait éviter en jeu. http://lesateliersimaginaires.com/forum ... =64&t=3653
+ Le mindfuck, c'est génial, mais ça a l'air très difficile pour le MJ [réponse de Thomas : l'objectif du livre de base, c'est fournir des canevas de scènes mindfuck, qu'on peut utiliser et combiner. Ces tests me servent à expérimenter ces scènes et à en dresser une typologie.]

Joueur de George :
+ J'ai un regret par rapport à Gabrielle, on ne sait pas quelles sont les conséquences de son assassinat. [réponse de Thomas : j'ai omis de jouer les conséquences, car j'avais trop de choses sur le feu.]
+ La transition what the fuck avec la charge des cafards géants, c'était brutal mais cool. [Joueur de Joël : ça m'a brisé ma suspension d'incrédulité, que j'ai retrouvé en me décrivant planifiant la bataille avec mes parents, ça m'a permis de me réencrer dans les enjeux narratifs malgré le décor absurde.]
+ Retour après lecture du compte-rendu : Sur une impression d'ensemble, je trouve qu'il y a pas mal de passages qui sont un peu résumés en diagonale. Je ne dis pas ça pour critiquer le rapport (n'ayant pas/ne prenant pas moi même le temps de le faire je serai bien mal placé pour ça) mais juste pour saluer encore une fois la densité de la partie/l'expérience que tu nous a fait vivre ! [réponse de Thomas : oui, jouer en freeform permet des aventures très denses, et aussi je teste maintenant les rédactions de comptes-rendus chronométrées : je me suis limité à 1h pour le volet narratif et 1/2 h pour le volet technique.]

Joueur de Joël :
+ 6 aspects, est-ce que c'est trop ? Ressource et attache me semblent doublonner, pareil pour Motivation, objectif et destin.
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Pikathulhu
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

LE CONVENT DE PRAGUE

La formation d'un convent d'alchimistes à Prague, la ville fantastique. Premier test très prometteur du jeu de Yoann Calamai sur l'alchimie à Millevaux, un hack d'Arbre et d'Inflorenza minima !

Jeu : Les Sels de Millevaux par Yoann Calamai, jouez des alchimistes rongés par l'achèvement du grand œuvre au cœur de l'enfer forestier de Millevaux.

Joué le 01/02/2016 sur google hangout

Personnages : Matilda Dobner, Petr Vlk, Anselmo Montela

Partie enregistrée sur ma chaîne youtube ici et ici

Image
illustration : Balthazar Schwann pour le Philosophia Reformata de Daniel Mylius, domaine public


L'histoire :

Une crypte sous le cimetière juif de Prague. Fragments de la Torah gravés sur des plaques. Candélabres. Une grande table ronde de pierre où figure une étoile de David. Quatre personnes en capuche réunies pour la première fois, assemblée secrète pour constituer un convent d'alchimistes.

Celle qui prend la parole en premier, c'est Isadora, la plus expérimentée, qui a recruté les trois autres. Elle baisse sa capuche, révèle le visage ferme d'une femme de trente ans aux longs cheveux noirs. Un œil orange, un œil violet.

Ils tombent leur capuches. Matilda Dobner est une jeune femme, 18 ans, elle a un bonnet de tissu, des tresses brunes, des grands yeux innocents, elle semble très influençable, c'est une alchimiste brodeuse. Petr Vlk est un noble, qui travaille pour le Gouvernement. Il est rondouillet, il a des yeux globuleux, une peau ridée, des lèvres fines. Cet alchimiste de la mémoire sourit peu et paraît empêtré dans ses convictions et ses projets occultes. Enfin, Anselmo, alchimiste du corps humain, est un médecin qui fait des expériences avec l'électricité. Il est de faible constitution et tousse souvent. Il est très pâle, des cernes noirs, une moustache et une barbichette poivre et sel. Il est encore jeune, quarante ans, mais il a vraiment l'air malade. Isadora se lèche les lèvres en le regardant, elle dit être impatiente d'expérimenter une autopsie humaine à ses côtés, bien que la pratique soit interdite. Les autres alchimistes disent qu'ils seront aussi curieux de voir ça. Matilda essaye-t-elle de paraître plus courageuse qu'elle n'est ?

Elle leur demande de convenir ensemble d'un objectif à atteindre par le grand-œuvre. Tous s'accordent à éradiquer l'oubli. Isadora les interroge sur leurs motivations, ils répondent, qui Matilda la bonté, Anselmo l'humanisme, Petr restaurer la mémoire et la fierté du peuple. La cynique Isadora en rit.

Elle leur demande leurs spécialités, d'où ils tiennent leur savoir, et quel est leur objectif personnel en dehors du grand-œuvre. Matilda dit qu'elle tient ses savoirs de sa mère, brodeuse alchimiste comme elle, et que sa mère est morte sur le bûcher, accusée à tort de sorcellerie. Isadora demande si elle pu récupérer ses cendres, Matilda répond qu'elles ont été dispersées dans le vent. Isadora réplique qu'elles peuvent peut-être encore être récupérées : avec l'alchimie, tout est possible tant qu'on est prêt à payer le prix.

Elle leur présente des écritoires, des plumes et des parchemins, pour qu'ils écrivent leurs testaments. Ensuite, il est temps de mettre fin à leur apprentissage. Elle leur tend une seringue faite du fer le plus pur, réputé pour annuler la souillure, afin qu'ils s'injectent les sels d'un ancien alchimiste dont ils obtiendront les savoirs, mais qui les hantera : leur daemon. Même l'innocente Matilda présente ses veines à la seringue sans sourciller. Bientôt, les daemons parleront dans leur tête et les tourmenteront.

Ensuite, ils gobent chacun un œuf d'albâtre, qui pourra charger leur infortune et la décharger pour empêcher une autre infortune, selon la loi des équivalences alchimiques.

Elle les instruit du danger, pour leur intégrité et pour la réalité elle-même, d'opérer pour le grand-œuvre dans un simple laboratoire. Il leur faudra chacun créer un labyrinthe, un théâtre mental, et un golem, qu'ils enverront dans ce labyrinthe procéder au grand-œuvre à leur place ; ainsi ils protégeront la réalité d'un possible désastre comme le chimiste œuvre en se protégeant derrière une vitre.

La première urgence est de se trouver des locaux pour opérer ; la suivante de se procurer les métaux et du matériel d'alchimie : athanors, alambics et creusets ; la dernière de rassembler les savoirs nécessaires à la création des labyrinthes et des golems. Isadora propose qu'on se dote d'un moyen de communication rapide et fiable ; Matilda propose que chacun s'arrache une oreille, qu'on les réduise ensemble dans un mortier, et que chacun récupère une oreille reconstituée, alors tout le monde entendra ce que dira tout le monde ; mais si Matilda fait confiance à tous dans l'innocence de sa jeunesse, les autres sont encore à se jauger, alors la motion est rejetée.

Anselmo et Isadora, l'un fasciné par la vie et l'autre par la mort, conviennent d'œuvrer ensemble dans la crypte du cimetière juif. Isadora se chargera d'en calciner une pièce et de condamner ses accès à la chaux, afin que la souillure des morts ne contamine leurs expériences.

Il leur faut des occupations, qui leur procurent à la fois couverture et argent. Le Gouverneur de Prague, Soleymane, sans doute pour faire un pied de nez au pouvoir central de l'Empire d'Autriche-Hongrie, Vienne la très-catholique, a soumis un décret qui ouvre Prague à toutes les religions et toutes les philosophies. Les temples les plus exotiques comme les ateliers d'alchimiste ont donc toute liberté d'ouvrir enseigne en pleine rue. Mais Isadora préfère opérer dans l'ombre, craignant le contrôle du Gouvernement. Ne dit-on pas qu'il a jadis employé des alchimistes, les condamnant en public et les asservissant en privé, dans les caves des archeries de la Ruelle d'Or, sous l'ombre du gigantesque Château de Prague ?

Anselmo veut se faire médecin, après tout c'était sa profession avant de fuir Gênes, où son maître a connu l'opprobre et la mort pour ses méthodes avant-gardistes. Il se rend dans la Nouvelle Ville, grands quartiers tracés au cordeau sur une assise de marais assainis à la va-vite, marchés grouillants de la plèbe. L'hôpital est sis dans une ancienne cathédrale dont les fondations s'enfoncent chaque jour un peu plus sous terre. C'est là un assemblage de passerelles et de lits cachés par des tentures blanches. Isobel, la médecin en chef qui le reçoit, la soixantaine, vêtue de noir, des gros grains de beauté sur le visage et des mains gonflées par les âges et l'ouvrage, paraît débordée, désabusée. La diphtérie et le choléra remplissent l'hôpital comme les eaux du marais gonflent le lit de la Vlatva. Elle envoie Anselmo à l'épreuve, on le charge d'opérer une toute jeune femme, Petra. Elle agonise dans son lit d'hôpital. Anselmo retire son drap ensanglanté et voit sa jambe, qui fut écrasée par un arbre, broyée, en bouillie, empestant la gangrène, les orteils gonflés, les ongles ayant sauté sous la pression. Anselmo mande à une nonne infirmière une scie, du fil, une aiguille et une bougie. Il sait qu'il passera pour un fou s'il stérilise les instruments au seul feu qui est la cheminée de la cantine, alors il stérilise sous la cachette de la tenture, à la bougie. Tout le monde a la migraine dans l'hôpital, Anselmo l'attribue aux miasmes, mais Petra, peut-être dans son délire, a une autre opinion. Elle dit qu'il s'agit de la souffrance des malades, c'est elle qui donne la migraine. Elle lit dans les énergies, c'est un don qu'elle tient de sa mère. Anselmo s'apprête à l'amputer. Petra sent la vie d'un vieil homme dans un autre lit, atteint de la grippe, il mourra si Anselmo la sauve, par le principe de circulation des énergies vitales. Anselmo lui dit qu'ainsi va la vie, certains vivent et d'autres meurent. Elle crie de tous ses poumons alors qu'il la découpe. La bonne soeur se cache les yeux avec les doigts, mais de temps elle les écartes, ce qui fait qu'elle regarde quand même. Anselmo conserve la jambe de Petra : il lui promet qu'il lui rendra un jour. Elle le supplie de le prendre ensuite à son service, car dans son village on ne voudra pas d'une handicapée, elle serait chassée, réduite à la mendicité. Anselmo lui dit de se contenter de vivre. Elle dit : "Qu'à cela ne tienne, je reviendrai vous voir tous les matins jusqu'à ce que vous changiez d'avis."

C'est Matilda, la petite brodeuse innocente qui vit chez sa tante, qui se charge d'aller quémander des métaux. Elle se rend à la ruelle d'Or, étroit passage à l'ombre du château où s'entassent dans les maisons à encorbellement échoppes de bijoutiers et d'alchimistes. C'est là que Maître Szolt, qu'on dit avoir été l'alchimiste secret de Soleymane, a ouvert le premier une boutique de joaillerie-alchimie. Matilda y entre, elle y découvre une dizaine de vendeurs qui s'affairent. Maître Szolt vient à elle, il la connaît puisqu'elle lui a demandé de la choisir comme apprentie, chose qu'il a refusé. C'est un homme très grand, le visage mou mais sévère, en manteau brodé de fourrure. A chacun de ses doigts une bague réputée contenir quelque minéral ou poison. Il l'invite à la suivre au sous-sol, elle découvre le plus grand laboratoire d'alchimie dont on puisse rêver. Vastes voûtes sous lesquelles peinent et suent une cinquantaine d'apprentis autours des feux de forges et des alambics complexes, enfants aux pieds nus qui actionnent des soufflets qui font trois fois leur taille, tintement de l'enclume des forgerons et des joaillers. Un jeune homme se distrait un temps de son ouvrage pour observer Matilda à la dérobée, avec curiosité. C'est Pavel, l'apprenti que Maître Szolt a choisi à sa place.

Le laboratoire contient maintes chambres secrètes fermées par des portes blindées, le maître entraîne la brodeuse dans l'une d'elle, son bureau et laboratoire privé. Sur le meuble, il y a pour une fortune de paillettes d'or, et une collection impressionnantes de grimoires sur l'étagère. Quand Matilda lui annonce qu'elle souhaite acquérir tous les métaux nécessaires au métier d'alchimiste, le maître lui rit d'abord au nez puis la bombarde de questions : qui est son nouveau maître ? Ou travaille-t-il ? L'innocente brodeuse ne connaît pas le mensonge, et malgré les mises en garde de son daemon, annonce que son maître vient d'arriver de Gênes. Szolt devine qu'il s'agit d'Anselmo. Elle dit qu'elle ignore où se trouve son laboratoire. Comment va-t-elle le payer ? Le daemon lui parle avec la voix de sa mère. Isadora serait-elle parvenu à récupérer les cendres de sa mère pour lui injecter ? Sa « mère » la prévient que Szolt va sans doute en vouloir à sa vertu, elle doit s'en méfier. Mais la brodeuse lui fait une meilleure proposition : elle coudra la robe de mariage de sa fille. Le maître acquiesce, mais il augmente le défi : sa fille se marie dans une semaine, à Soleymane en personne. La robe devra être d'une grande majesté, et surtout elle devra contenir un charme pour envoûter le gouverneur, à jamais. La brodeuse rétorque qu'une robe de mariée ne pourra être utile qu'un jour et une nuit. Le maître répond qu'elle a tout à fait raison ; c'est donc une toilette entière qu'elle doit lui confectionner en une semaine. Atterrée, Matilda essaye de négocier en sus un athanor et un alambic, mais le maître lui fait bien comprendre que c'est lui qui dicte les conditions !

En sortant du laboratoire, Matilda croise un homme étrange. Beau de sa personne, un bouc bien taillé, des habits brodés et rouge... et des porte-jarretelle. Il semble évoluer comme s'il était persuadé d'être invisible, aussi il s'étonne que Matilda la voie et le bouscule. Il lui promet qu'ils se reverront.

Petr retourne au Château. Pour travailler aux services de la censure du Gouverneur, c'est lui qui a rassemblé tous les livres confisqués aux victimes de l'Inquisition, dans une bibliothèque interdite sise dans une tour du château. Son accès est gardée par un labyrinthe ; alors que depuis le décret la bibliothèque est ouverte à tous, la seule personne hormis Petr qui y soit jamais parvenu, c'est Isadora, pour y consulter certains ouvrages licencieux, tels le Kitab Al-Azif, écrit par un scribe syrien dément, puis pour recruter Petr au sein du convent.

Mais n'a-t-il pas franchi le seuil du château qu'on le convoque chez le gouverneur. On le conduit dans une antichambre où il ronge son frein pendant quatre heures, et enfin deux gardes en livrée avec des hallebardes le conduisent au bureau du Gouverneur. Au fond de la pièce, une vaste peinture représentant l'impératrice, jeune et belle, perruque, corset, diamants et robe de princesse. A des lieues de la légende que raconte Isadora, comme quoi les autrichiens étaient des barbares il y a seulement une génération et que la mère de l'impératrice avait un symbiote horla dans le ventre, et que l'impératrice actuelle pourrait bien en avoir aussi un.
Le faciès de Soleymane tranche aussi avec la délicatesse impériale. Le turc est un peu bouffi par les excès, une de ses paupières tombe depuis ce que certains appellent "une crise" et l'on sait que ses docteurs l'entoure de près.

"On va vendre tous les livres", assène-t-il à Petr. Il faut remplir les caisses du gouvernement, et en mettre plein la vue aux autrichiens lors de son mariage, dans une semaine. Il donne à Petr un jour pour faire l'inventaire. Dans vingt-quatre heures, un érudit viendra faire un contre-inventaire, et ensuite ce sera la vente aux enchères. Petr argumente de son mieux, mais il obtient juste que ce premier inventaire se borne aux ouvrages les plus précieux, et donc les plus chers ; précisément les ouvrages que Petr cherche à sauver.
Il s'en retourne à la bibliothèque, immense, sombre et désordonnée, hauts plafonds, étagères massives et escaliers roulants. Il met de côté les grimoires consacrés aux golems et aux labyrinthes, qu'il compte bien détourner au profit du convent. Isadora se présente à lui, comme à son habitude elle semble venir de nulle part. Elle prend dans ses mains le Kitab Al-Azif et le compulse avidement. Les pages respirent, poissent et chuintent, la couverture en peau humaine est toute chaude. Elle insiste pour que Petr sauve pour elle le Kitab, et aussi l'Evangile selon Lazare, un traité de nécromancie chrétienne. Mais Petr refuse, il lui dit de les prendre avec elle si elle veut, mais Isadora révèle que pour franchir le labyrinthe, elle a une martingale, qui lui interdit de s'encombrer d'objets. Le ton monte entre les deux. Ils ne se font pas confiance. Petr lui dit de racheter les ouvrages à la vente aux enchères. Elle dit qu'elle a ses raisons pour ne pas s'y présenter ; elle confiera des deniers à Anselmo et l'y mandera pour acheter l'Evangile selon Lazare, mais elle insiste pour que Petr dérobe pour elle le Kitab ; Petr annonce qu'il ne veut pas tromper l'érudit, alors ce ne sera fait que si Isadora s'en charge elle-même.

Tous se réunissent à nouveau dans la crypte et font part de leurs avancées et de leurs problèmes. Le problème le plus urgent est celui de Matilda. Elle a besoin d'acheter du temps. Il y a une méthode : la transfusion sanguine, mais elle ne fonctionne qu'avec une personne avec laquelle le transfuseur a passé un moment privilégié, et le rendement est très mauvais : pour gagner un mois, il faut prendre vingt ans à l'autre. Anselmo fait venir Petra. Elle est en béquilles, et elle n'a d'yeux que pour Anselmo. Sur le chemin, elle l'a chastement embrassé dans le cou, et ça l'a laissé sous le choc, il l'a empếché d'aller plus loin. Il dit qu'il la prendra à son service si elle accepte de donner une partie de son sang à Matilda et perdre alors vingt ans de sa vie. Petra accepte à une condition : si elle perd vingt ans, elle sera ménopausée, alors elle veut qu'Anselmo lui fasse un enfant tout de suite : la lune est propice. Anselmo refuse, au prétexte qu'il ne peut plus toucher une femme ; son daemon lui susurre que s'il s'agit d'une promesse qu'il a tenue à quelqu'un qui a disparu, comme son ancienne femme, il est temps de se détacher de cette promesse pourrie, mais Anselmo persiste. Il demande à Petr de féconder Petra a sa place. Petra accepte le compromis. A l'aide d'une seringue en fer pur, ils procèdent ainsi à la transfusion. Le visage de Petra se creuse et se bouffit en cinq minutes, et en moins d'une minute son ventre gonfle, et elle accouche. Le temps qu'Anselmo coupe le cordon, l'enfant a déjà trois ans. Ses traits rappellent la physionomie de Petr. Petra demande à Anselmo de lui trouver un nom, il répond : Angelo.

Matilda sent le sang arriver dans ses veines, et avec elle une vision terrible, une partie de la vie de Petra. Mais Matilda serre les dents, renonce à arracher le tube, et accepte le sang. Elle reçoit vingt ans de la vie rêvée de Petra, épousant Anselmo, élevant leurs enfants avec lui, heureuse. Cette vie qui n'aura pas lieu. La brodeuse sent alors la violence d'un temps qui s'accélère pour elle ou ralentit pour les autres, elle voit les autres alchimistes au ralenti, elle pourrait tous les tuer si elle voulait, mais au lieu de ça elle s'éclipse, il est temps pour elle de se mettre à l'ouvrage. A peine les alchimistes ont fini un clignement d’œil qu'ils ne la voient plus.

La question d'envoûter les robes n'est pas tranchée. Ce sera l'objet d'autres sacrifices. Elle a déjà des idées derrière la tête sur ce point.


Commentaires sur le jeu :

La création de personnage et le briefing étant fastidieux, j'ai décidé, pour respecter la volonté de l'auteur d'incorporer au maximum dans la narration des éléments habituellement circonscris au méta, d'incorporer ces éléments à la première réunion du convent. Si au départ les personnages sont sous des capuches, c'est à la fois pour montrer la situation de manque de confiance, et aussi pour permettre aux joueurs de décrire leurs personnages seulement quand ils seraient prêts. C'était une grande réussite, il faut dire que le thème du jeu s'y prêtait bien.

Je voulais éviter aux joueurs une info dump sur l'alchimie. Aussi je suis parti du principe que leurs personnages étaient certes des scientifiques ou des mages expérimentés, mais qu'ils avaient encore beaucoup à apprendre pour accomplir le grand-œuvre, et donc les informations leurs seraient distillées au compte-goutte et en roleplay, par le biais des figurants et des grimoires. De même, j'ai transmis les informations sur la Prague géopolitique par le roleplay d'Isadora. Je suis assez content de cette idée.

Enfin, pour introduire les choses en douceur, j'ai estimé qu'avant d'opérer dans le labyrinthe avec son golem, il fallait d'abord les créer, ce qui rajoute un enjeu dans la campagne et retarde le moment où je devrai expliquer les spécificités techniques des labyrinthes, des golems et du grand-œuvre.

Le thème de l'alchimie et le traitement qu'en fait l'auteur colle à merveille avec le système de prix à payer et de Goupil (ici renommé Daemon). J'ai vraiment pris un grand plaisir de jeu, et j'ai la matière pour mettre en place une grande campagne urbaine, tendue comme j'aime. Je crois fort au potentiel des Sels de Millevaux !

Le jeu moral a très bien pris, et c'était mon objectif premier pour ce test. Il y avait aussi une ambiance super, entre Kafka, l'ère soviétique, le médiévisme, l'obscurantisme et l'ouverture...

Par contre, le jeu est exigeant pour moi, énormément d'infos à traiter. Je me suis résumé le livre de base en mots-clés pour m'en sortir.

Les joueurs se sont bien appropriés le concept du Daemon, ils commencent à leur donner une personnalité, surtout le joueur de Petr, qui incarne le Daemon de Matilda et agit comme s'il s'agissait de sa mère défunte.

Lors du debriefing, j'ai demandé aux joueurs leurs attentes, ils n'en avaient pas, alors je me donne carte blanche pour la prochaine. Il me faut développer mes fronts et voir quels sont les entourages plus positifs autour des alchimistes. On testera juste une nouvelle règle : les daemons pourront plonger leurs alchimistes dans des rêves de leur fabrication, afin de les tourmenter ou d'enquêter sur leur passé ou leurs sentiments.


Retours des joueurs :

Joueur d'Anselmo :

+ Le fait de faire la création de personnage en roleplay, c'est génial.

+ Avec le daemon, c'est compliqué d'imposer narrativement quelque chose. [Réponse de Thomas : je rappelle alors les différentes possibilités du daemon, en plus de causer avec son alchimiste : suggérer des actions d'infortune qui chargent l'oeuf d'albâtre, faire la balance karmique, suggérer des choses au MJ, et surtout enquêter sur le passé de son alchimiste...]

+ J'aurais voulu pouvoir faire des suggestions aux autres joueurs sur leurs personnages [réponse de Thomas : en théorie, on peut se donner des papiers entre joueurs, mais j'ai oublié d'appuyer dessus, on le fera par la prochaine séance. De surcroît, le daemon peut servir à faire des suggestions d'historique : "tu as peur de retrouver ta fille ?")

+ C'était fluide à jouer, comme on n'avait pas de dés ni de chiffres.

+ Le Grand-œuvre, pour moi, c'est juste un Mac Guffin. Ma priorité actuelle, c'est de roleplayer l'instant.

Joueur de Petr :

+ La feuille de perso est absconse, il faudrait la faire plus compréhensible.

+ J'ai le sentiment que ce jeu appelle des joueurs subtils, capable de distiller les informations de leur background au fur et à mesure. [réponse de Thomas : le jeu a des armes pour leur arracher leurs secrets, que ce soit le daemon, ou le système de l'Obole, ou on utilise ses secrets comme monnaie.]

Joueuse de Matilda :

+ Je n'y connais rien en alchimie, est-ce que c'est un défaut pour jouer ? [retour de Thomas : j'essaye de maîtriser pour que le jeu soit accessible même dans ce cas. Je crois que ce qui est important, c'est que les joueurs s'exercent à avoir une pensée magique, et tu l'as eu, par exemple, en proposant la fusion des oreilles. Le principal, c'est de considérer que tout est possible. Tu n'as qu'à dire ce que tu souhaites, moi je dis comment le faire et quel est le prix à payer. Tu peux aussi dire comment faire, dans ce cas je me borne d'énoncer le prix à payer.]

+ Retour à froid : On a parlé aussi d'être toujours sincère avec son daemon, même si notre personnage peut s'entêter dans une illusion, un déni, une exagération... C'est comme ça qu'on l'a joué instinctivement, mais on l'a acté pour la suite.
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

LA NOUVELLE CUISINE DU CAUCHEMAR

On refait La Cuisine du Cauchemar, en jeu esthétique.

Jeu : Wonderland, piégés dans les réalités

Joué le 07/02/16 sur google hangout

Partie enregistrée sur ma chaîne YouTube

Personnages : Antoine Michelin, Bunny, Chef Dumpty

Image
crédits : Sir John Tenniel, domaine public


Le théâtre :

Vous jouerez le personnel d'un restaurant (gérance, cuisine, bar, service) en grande difficulté. Un coach énergique se rend dans le restaurant avec une équipe de tournage dans le but de redresser le restaurant (et de faire de l'audimat sur Wonderland). La première de ses découvertes, c'est que le restaurant est bloqué dans les années 80, depuis le décès brutal des parents du gérant, qui n'avait jamais su faire le deuil. A partir de là, les conflits au sein de l'équipe deviennent de plus en plus intenses, des drames non résolus refont surface et la réalité commence à se détraquer. D'ailleurs, qui a volé les tartes ?


L'histoire :

Antoine arrive tôt le matin à la cuisine, pour faire toutes les préparations, pour que tout soit carré. Il prépare une crème anglaise. Il reçoit un message de son amant sur Wonderland, et ça le distrait, alors il brûle la crème anglaise. Bunny, la jeune serveuse un peu anar, entre dans la cuisine depuis la sortie extérieure. Elle chasse à coups de pieds un cafard qui veut rentrer à sa suite. Quand elle voit qu'Antoine a fait cramer la crème anglaise, elle le voit en panique, elle veut rattraper le coup. Elle hacke l'émission pour que la gaffe d'Antoine soit effacée des enregistrements, et comme l'émission est en direct, elle hacke la mémoire des spectateurs pour qu'ils oublient sa bourde. La charge émotionnelle en face est trop forte et elle se prend un méchant feedback. Elle tombe à moitié inconsciente dans les bras d'Antoine.
Mais le hack a fonctionné. Les téléspectateurs n'y ont vu que du feu, pour eux Antoine a réussi la crème anglaise, et Bunny n'a pas écrasé de cafard, elle a juste donné des coups de pieds dans la porte.

Chef Dumpty, qui est chargé par l'émission de coacher le personnel de ce restaurant en difficulté, a oublié aussi, mais il ressent un manque, un vertige. Il se dit qu'il ne peut plus se fier aux caméras. S'il veut redresser l'équipe, il va falloir y aller au corps à corps.

C'est le coup de feu. Une soixantaine de convives, tout le personnel est dans le speed. Bunny, qui fait juste ce taf pour le salaire, qui le voit comme une étape, décroche rapidement, elle récolte les protestations des clients. Elle file vers la remise pour fumer une clope. Dumpty l'arrête en chemin. Et lui colle une droite en pleine face !

Dumpty et Bunny sont sur un ring de boxe. Dumpty est déjà impressionnant d'habitude, une armoire à glace de deux mètres de haut, un gros crâne chauve, toujours sévère. Mais là, il est en short, torse nu, ruisselant de sueur, avec des gants de boxe, et il envoie coups sur coups à Bunny. Bunny est en costume de lapin, pour le moment elle se mange des parpaings dans la gueule sans savoir comment réagir, elle part vaincue. Dumpty lui demande de montrer ce qu'elle a dans le ventre ! Les gradins sont bondés de public, des hommes-cartes, des dodos, des chapeliers. L'arbitre est un lapin blanc. La cloche sonne. Nouveau round.

Un type du public passe une chaise à Bunny, elle l'éclate sur le dos de Dumpty qui bronche à peine. Il lui défonce le foie d'un crochet terrible. Bunny le frappe aux couilles. A nouveau, Dumpty encaisse. Il dit : "Bats-toi, mais bats-toi dans les règles ! Sois toi-même !" Dumpty claque des doigts pour montrer qu'il n'a pas besoin des caméras ou des spectateurs pour lui apprendre à se battre. Tous les spectateurs disparaissent des gradins en un clin d'œil. Alors Bunny insiste. Le combat est super long, mais Bunny frappe à la régulière, à la tête et au torse. Et finalement, Dumpty s'effondre. La cloche sonne. Avant de sombrer dans l'inconscience, le chef sourit. Il pense qu'il a fait évoluer cette petite.

Antoine est dans la cuisine, seul. Au loin, on entend le brouhaha du restaurant. Un jeune de quinze ans se présente à lui, on ne sait pas comment il est entré là. Il veut qu'Antoine lui apprenne le métier, il veut entrer dans ce restaurant. Antoine lui montre les gestes, et le jeune fait. Il s'entaille le doigt en coupant un navet. Antoine passe derrière lui et lui montre mieux les gestes.

Tout à coup, la cuisine est devenue beaucoup plus petite et plus sombre. Dans le coin, il y a un vieil homme taciturne. C'est celui qui a appris à Antoine tout ce qu'il sait. Il lui dit : "Tu m'as beaucoup déçu." Maintenant, Antoine veut le battre, c'est un combat qu'il doit faire pour s'affranchir de ses regrets : avoir stagné en cuisine, avoir épousé une femme et fait des enfants alors qu'il préfère les hommes... Bunny cherche à lui venir en aide, mais Dumpty entre à son tour dans la cuisine, alors Bunny s'éclipse, la pièce est trop petite pour qu'elle ait envie de se retrouver coincée entre tous ces molosses. Dumpty promet à Antoine de l'aider à remporter ce défi culinaire. L'apprenti va l'aider aussi.

Ils sont dans un hangar immense. D'un côté Antoine et l'apprenti sont sur une batterie de cuisine, rutilante, avec Dumpty qui leur crie dessus, mais avec bienveillance, pour les booster. De l'autre côté, le vieil homme sur une autre batterie de cuisine, il abat une somme de travail monstrueuse.
Antoine sue à grosses gouttes, mais il se donne à fond, enfin surtout il donne le travail à l'apprenti, et l'encourage à fond. Dumpty abandonne son rôle de coach pour faire le commis, il demande à Antoine de lui filer tout le boulot possible, les découpes, les cuissons, pour que ça envoie un maximum.

Au final, ensemble, ils battent le vieux. Un tube pop leur résonne dans les oreilles, pluies de confettis, Dumpty soulève Antoine dans ses bras. Tout le personnel du restaurant rentre dans le hangar pour les acclamer. Quant Antoine voit aussi arriver sa femme et ses enfants, il est un peu plus mal à l'aise. Une personne arrive pour féliciter l'apprenti, c'est sa mère. C'est Bunny dans vingt ans.

Le restaurant s'active. Bunny a vu son petit copain, Ted le commis, s'impliquer à mort dans la cuisine et s'éloigner d'elle. Elle veut aller demander conseil à Antoine. Elle le trouve dans la cuisine, mais il est en train d'apprendre le métier à Ted. Ted s'entaille le doigt avec un navet, il se lèche le doigt. Antoine va chercher une serviette pour son doigt. Bunny prend alors le taureau par les cornes, elle demande à Ted d'aller faire un raid dans les profondeurs avec elle, comme ils le faisaient avant, après le boulot pour décompresser. Ted est OK pour déserter la cuisine, si c'est juste pour un shoot rapide.

C'est parti. Les cuisines, et tout le restaurant, sont envahis par des cafards géants bioniques. Il y a aussi des sauterelles et des chenilles, chacune avec des capacités spéciales, et à leur-tête une reine-mère cafard qui pond des abominations à la chaîne ! Le niveau est beaucoup plus hardcore que prévu ! Soit Bunny a été affaiblie par son hack précédent, soit les profondeurs se rebellent, soit Ted la met à l'épreuve.

La cuisine a des airs post-apocalyptiques, Bunny et Ted se servent des énormes mitrailleuses rouillées qui sont rivetées à même le sol pour asmater les cafards à qui mieux mieux. Mais l'un d'eux est passé, il a tranché le chef Dumpty en deux, il gît maintenant à leurs pieds, les tripes à l'air. On ne sait pas où sont passées ses jambes. Bunny crie à Ted de s'enfuir de cet enfer tandis qu'elle tient le fort. Tant pis, elle a perdu Ted pour le sauver, elle s'est condamnée elle-même a rester ici.

Dumpty est livide, il se plaint du froid et demande à Bunny de le tenir dans ses bras pour le réchauffer. Lui qui s'est toujours battu pour briser la cuirasse des autres, c'est à son tour de se montrer vulnérable. Il tombe éperdument amoureux de Bunny, alors qu'il meurt dans ses bras.

Dumpty a convoqué tout le personnel. Il a fait réaliser au chef cuisinier, qui est aussi le gérant, qu'il était resté bloqué trente ans en arrière, au moment de la mort brutale de ses parents, quand il a dû reprendre leur restaurant alors qu'il se destinait à autre chose. En trente ans, il n'a jamais changé la déco, il n'a jamais changé la carte, malgré toutes les propositions d'Antoine, son second en cuisine, qui suivait de près ce qui se faisait dans les cuisines de ses copains de promos parti faire briller la gastronomie française aux États-Unis, alors Antoine a jeté l'éponge et s'est résigné pendant vingt ans à faire la même cuisine démodée. Et enfin le chef ouvre les yeux.
Dumpty a demandé à Antoine de mettre tous les plats de la carte sur une grande table. On les voit enfin tels qu'ils sont vraiment : moisis, servis dans des assiettes ébréchées et désuètes, couverts de toiles d'araignées. Le papier peint est aussi tacheté de moisi, gondolé, déchiré. Les portes sont vermoulues. Il y a des toiles d'araignée partout dans le restaurant.
Le chef se dit prêt à changer.
Alors Dumpty fait apparaître toute une galerie de fours et d'ustensiles flambant neufs pour rééquiper la cuisine, et des étagères entières de produits frais. Il dit : "Ton second, Antoine, il a plein d'idées, est-ce que tu vas les laisser les exprimer ?
- Oui !"
Antoine était derrière des barreaux de prison et ils s'ouvrent d'un coup.
Tout le monde est suspendu à ses lèvres : quelle nouvelle formule va-t-il décider pour le restaurant ? Tout le monde est là, il y a aussi son amant, d'un côté. Sa femme et ses enfants, de l'autre. Est-ce qu'Antoine va tout plaquer pour son amant ? Que va-t-il faire ?

Antoine renverse tous les fours et les ustensiles de la table. Il ne garde que les couteaux. On va travailler sur la sincérité, sur la simplicité, avec des tailles artistiques. On va faire un restaurant de cru pour une clientèle moderne, et on va garder la déco pour rappeler la connexion avec le terroir, avec les valeurs. Même Dumpty est bouleversé par cette décision, même pour lui c'est presque trop moderne, trop audacieux ! Mais tout le monde se range à cette idée.

Grâce à l'idée et l'investissement d'Antoine, le restaurant va connaître le succès. Un grand succès. Mais Antoine va d'abord perdre sa femme, il verra peu ses enfants, et il va aussi perdre ses enfants. Lui qui se sentait enfermé par les autres, il finit prisonnier de lui-même.

Bunny restera au restaurant, mais elle perdra son lien privilégié avec Antoine, devenu tyrannique, trop absorbé par l'excellence culinaire pour être le confident dont elle aurait eu besoin. Elle n'a pas revu Ted. Elle quittera le restaurant au bout d'un moment car elle a perdu toutes ses attaches.

Chef Dumpty est dans sa cuisine. Des batteries de cuisine, blanches, à perte de vue, et personne sauf le chef. Il prépare un plat, et en même temps, se repasse les événements de l'émission. Antoine apparaît devant lui en train de faire sa crème anglaise, Bunny qui donne des coups de pieds dans la porte. D'autres apparaissent dans son décor, l'apprenti, le gérant...

La salle est remplie à perte de vue de centaines d'Antoine, de Bunny, de Ted, etc... Bunny pendant le match de boxe, Bunny en train de filer à la remise pour s'en griller une...

Elle est à un mètre d'elle. La larme à l'œil, il tend le bras pour effleurer son visage. Et ses doigts passent au travers d'elle.


Feuilles de personnages :

“Bunny” (serveuse)
Employée (job alimentaire)
Fume, n’est pas trop à son travail depuis peu car perte de motivation
Ted<Figurant, ex-petit copain et commis>
Le gérant ne considère pas ses employés, solidarité entre eux.
S’échappe dans les profondeurs après le travail, à la recherche de liberté

→ Mémoire :
→ Rêves :
→ Illusions : Bunny fait croire que le second a réussi sa sauce
→ Chair : Bunny supporte mal le hacking et défaille
Bunny fait un surmenage et quitte le restaurant
→ Identité :
→ Innocence : Bunny a dû se plier aux règles et admettre malgré elle qu’il était possible de réussir sans tricher
→ Dépendances :
→ Influence : (barré) Bunny veut couvrir son ami qui fait des conneries de par sa distraction
→ Figures :

Antoine Michelin (second de cuisine)

→ Mémoire :
→ Rêves :
→ Illusions :
→ Chair : Je veux pouvoir vivre ma sexualité au grand jour
→ Identité :
→ Innocence :
→ Dépendances :
→ Influence : Mon amant me fais perdre le contrôle
→ Figures :

Le coach (Dumpty)

→ Mémoire :
→ Rêves : Je suis heureux d’aider les gens à réaliser leurs rêves
→ Illusions :
→ Chair : Je sens dans mes bleus que j’ai réussi à faire progresser Bunny.
Dans l’adversité et la violence, j’ai trouvé Bunny
→ Identité :
→ Innocence :
→ Dépendances : Je ne veux pas dépendre des caméras pour savoir ce qui se passe avec le personnel.
→ Influence :
→ Figures :


Règles utilisées :

L'objectif de ce test était de vérifier s'il était viable de faire un module de jeu esthétique pour Wonderland, une fois que j'avais vérifié la viabilité du jeu moral (cf CR précédent : La Cuisine du Cauchemar).

Nous avons utilisé les règles d'Inflorenza première édition, avec quelques twists : On prend le tableau des thèmes suivants : Mémoire, Rêves, Illusions, Chair, Identité, Innocence, Dépendances, Influence, Figures. Je demande aux joueurs s'il y a des thèmes qu'ils veulent passer sous silence : on les retire alors de la grille (Identité). Et je leur demande s'ils ont des thèmes préférés. On attribue alors des numéros de 1 à 12 pour chaque thème, et on s'arrange pour que les thèmes préférés aient plus de numéros. Ici, on avait 8 thèmes, dont 4 préférés, j'ai donc attribué un numéro pour les thèmes basiques et deux numéros pour chaque thème préférés. Cette attribution de coefficients aux thèmes est assez inspirée de la façon dont kF gère collectivement l'écriture de théâtre à Inflorenza.

Cela a donc donné ce tableau des thèmes :
1 Mémoire
2-3 Rêves
4 Illusions
5-6 Chair
Identité (barré)
7 Innocence
8 dépendances
9-10 influence
11-12 figures

Autre variation par rapport à Inflorenza : la feuille de personnage est une matrice avec les différents thèmes, donc quand on doit écrire une phrase, on l'écrit dans la case correspondant au thème (on peut faire plusieurs phrases par case, par contre). Même si l'on choisit d'ignorer le thème tiré au dé, on est du coup quand même obligé d'attribuer un thème à sa phrase, puisqu'il faut bien l'écrire quelque part.


Retours du joueur de Bunny :

+ J'ai joué aussi dans La Cuisine du Cauchemar (jeu moral), où je jouais Ted, le petit copain de Bunny. Comme j'ai trouvé intéressant le personnage de Bunny, j'ai choisi de l'incarner dans ce reboot.

+ J'hésitais à dire que Bunny était resté copine ou confidente d'Antoine ou si elle était allé plus loin, se faisant passer pour son amant dans Wonderland. [réponse du joueur d'Antoine : c'est comme ça dans Inflorenza, on a des idées d'embranchements et vu la tournure que prend l'aventure, on doit y renoncer.] [réponse de Thomas : en théorie, dans Wonderland, on peut davantage faire cohabiter deux idées divergentes, en jouant des scènes potentielles, mais sans doute que ça demande de l'expérience, d'oser, de désapprendre la volonté de cohérence.]

+ Pour avoir testé les deux systèmes (moral & esthétique) à la suite, les deux sont valables. Mais le premier était plus fluide : pour les joueurs, les règles étaient plus simples et c'est le MJ qui se chargeait du mindfuck. Sur ce deuxième système, au début je me suis un peu perdu, j'ai pas eu le réflexe de tirer les thèmes, je les ai plutôt choisis. [réponse de Thomas : c'est tout à fait licite de choisir les thèmes au lieu de tirer, le tirage c'est une contrainte oulipienne, et pour qu'elle fonctionne en jeu de rôle, sans bloquer créativement les personnes, elle doit être facultative et non obligatoire.] [réponse du joueur d'Antoine : Comme Thomas et moi, on connaissait bien le système, peut-être qu'on est allé un peu vite, qu'on a zappé des explications.]

+ J'ai retrouvé le principe du choix des thèmes au départ, que j'avais expérimenté dans Cardbox, qui est intéressant

+ Tu as moins utilisé les sauts temporels que dans la première version. [Joueur d'Antoine : comme la feuille de personnage décrit une progression linéaire, c'est plus compliqué de briser la temporalité que dans la version jeu moral où le personnage est écrit d'avance et qu'on n'écrit plus rien pendant le jeu.] [réponse de Thomas : Y'a aussi le fait qu'on jouait en Carte Rouge, donc le mindfuck était la responsabilité de chacun, chacun gérait comme il voulait. Avec des joueurs qui tous une bonne expérience du système et du mindfuck, ça peut partir très loin, comme dans le triptyque Compostelle / Venise / Au Nord.
Il faut aussi que les joueurs aient à leur disposition un répertoire de scènes mindfuck, que je vais rassembler dans un tarot.]


Retour du joueur d'Antoine :

+ Dans ma tête, le jeune commis c'était moi plus jeune. Mais je l'ai gardé pour moi car vous aviez l'air d'avoir une interprétation différente. [réponse de Thomas : en fait, en jouant en solispsisme, on pouvait faire cohabiter nos visions sans problème. D'ailleurs, ta remarque me fait voir l'aventure sous un jour différent. Le vieux maître pouvait aussi bien être une image d'Antoine à une autre époque.]

+ En MJ tournant, je préfère, chacun peut exploiter ses propres idées. S'il n'y a qu'un MJ, je suis assez exigeant.

+ Les thèmes à choisir / coefficienter, ça ajoute beaucoup de valeur ajoutée à Inflorenza classique, ça recentre l'esthétique.

+ Je vois que le drama semble un élément indispensable pour alimenter le jeu, et j'apprécie.

+ Comment faire un clin d'oeil à Alice aux Pays des Merveilles ? [Réponse de Thomas : il y en a eu beaucoup dans le jeu, Dumpty, Bunny, les spectateurs du ring... Mais à l'avenir, le tarot fournira des idées de personnages et de situations, évoquant Alice aux Pays des Merveilles.] [Joueur de Bunny : il y aussi cette dimension physique dans Alice, à exploiter, quand elle change de taille...] [Thomas : oui. On a pas mal joué sur la taille des cuisines dans cette partie !]

+ Il y a une dimension initiatique dans le jeu qui colle bien à Alice, qui est quand même un roman d'initiation avant tout. [Thomas : Oui, notamment avec les thèmes Influence, Innocence... J'hésite aussi à réincorporer le thème Secrets...]

+ Est-ce que c'est prévu de jouer en campagne ? [Joueur de Ted : les persos sont vachement abîmés à la fin d'un one-shot !] [Thomas : Non, c'est fait pour du one-shot, ou de la campagne à persos tournants, comme le fait kF avec Inflorenza.]

+ Au final, le fait de barrer un thème, ça ne l'exclut pas tout à fait, ça le minore parce qu'on ne peut plus le tirer pour une phrase, mais quand même les joueurs peuvent le traiter (surtout que ce sont des thèmes super larges.] C'est surtout un accord esthétique. En matière de contrat social / protection, je préfère énoncer des tabous, qui sont plus clairs et spécifiques (pas de viol, pas de violence contre les enfants, etc...)


Retour personnel :

Le jeu esthétique fonctionne, donc je valide le fait que Wonderland sera modulaire. Sans doute modulaire esthétique / moral et modulaire Carte Blanche (MJ) / Carte Rouge (sans MJ), ce qui fera quatre jeux en un.

A ce stade, je suis satisfait de mon système. Je l'ai déjà tellement testé avec Inflorenza et Arbre que je sais où je vais. Si je devais encore tester Wonderland, ce serait surtout pour tester de nouveaux théâtres.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
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