
JANUA VERA
Jean-Philippe Jaworski
Je n’ai jamais aimé Jean-Paul Sartre. Je l’ai découvert avec les Mots, son livre autobiographique dont je n’ai jamais compris le sens. A quoi bon écrire un livre sur soi pour mettre en avant ses défauts et, notamment, cette façon extrêmement pénible de se regarder écrire. J’ai toujours eu l’impression que chaque utilisation de mot rare dénuée de la moindre utilité devait constituer, pour lui, une source secrète d’orgasme. Je l’imagine, son stylo en main, son sexe dans l’autre, s’astiquer en se disant « ah ah, ils vont devoir encore chercher ce mot dans le dictionnaire, il n’a pas été utilisé depuis 1847 ! ». Je ne l’aime pas pour cela, ce d’autant plus qu’il peut, parfois, écrire de façon efficace, directe, comme il le fait dans Huis-clos. Je ne comprends pas.
Je ne comprends pas non plus les gens qui ont besoin d’énormément de mots pour raconter une histoire. Je ne plaide pas pour une simplification du langage ou une abréviation comme celles des Urrastiens dans les Dépossédés, non. On peut prendre le temps de poser un texte. Mais il me semble alors qu’il est nécessaire que ces mots en trop aient une utilité quelconque. Qu’ils visent à décrire une ambiance, une atmosphère, à induire un sentiment, soutenir une démonstration. Je ne sais pas encore si je pourrais facilement relire l’un des auteurs phares de mon adolescence, Balzac, dont j’aimais la plume et dont les descriptions m’ont toujours plu. Mais une chose est sûre, les descriptions de Salammbô m’ont ennuyé. Certes, cela faisait de jolis sons à la suite, mais sans aucune portée pour l’histoire, le thème ou l’esprit de ce que l’on était en train de raconter. J’ai lu des pages entières en diagonale.
C’est le même sentiment qui m’étreint à la clôture de Janua Vera. J’ai écouté ce livre en diagonale, la majeure partie du temps. L’écriture est, à mon sens, fidèle à l’idée de ce que la SF française se fait d’un auteur cultivé et intéressant. Les nouvelles sont longues non pas parce qu’il y a beaucoup à raconter, mais parce que l’auteur fait le choix de le raconter d’une façon ampoulée, longue et, parfois, inutile. La dernière nouvelle, par exemple, est un modèle du genre : après l’avoir écouté et décroché un nombre incalculable de fois, j’ai fini par me demander pourquoi l’on me racontait cela. Quel est le but de cette histoire ? Son sens ou sa thématique ? J’ai eu l’impression de me retrouver face à l’une de ces nouvelles insipides qui remplissent les livres de jeu de rôle dans laquelle les auteurs essaient de présenter un aspect de l’univers de jeu. Déjà longue dans l’absolu, dans ce cadre, elle l’est encore plus. L’aspect présentation d’un univers de jeu de rôle est renforcé par les annexes. On peut y trouver des textes très bien fait (les trois vieilles et le goupil) comme des choses rébarbatives au possible, comme l’historique du Vieux royaume.
Un style lourd, rébarbatif, des textes trop longs sans réelle thématique le plus souvent ou une thématique qui ne fait pas sens avec la direction du texte. En voilà assez, normalement, pour convaincre de cesser la lecture de ce livre. Malgré tout, une majorité de nouvelles contient des idées, des thèmes, des présentations intéressantes. A part les trop classiques (la première), les ratées (la nouvelle « comique »), les incompréhensibles (la dernière) et, parfois, même dans ces dernières, on trouve une approche intéressante, d’autres histoires à raconter que des gens qui se trucident pour des trésors ou la gloire. En dépit de tous les défauts évoqués, on a envie d’aimer ces textes, parce qu’ils nous parlent de peinture, de gens simples, de soldats pris entre leur loyauté vis-à-vis de leur suzerain et celle due à leurs fonctions, de petites personnes dont on ne tient pas réellement compte dans les romans ou les nouvelles de ce genre.
Janua Vera me laisse donc un peu le cul entre deux chaises : l’envie d’aimer l’approche et les histoires de l’auteur de Gagner la guerre, le dépit de voir des textes verbeux sans grand intérêt, qu’on les prenne sous l’angle littéraire ou sous celui du genre choisi. Sans devenir une Annie Ernaux de la fantasy, il y a de la place pour faire des textes plus accrocheurs, comme le montre la nouvelle sur Benvenuto, le héros de Gagner la guerre.
Edit : plus que D&D, ce livre me semble être une façon de faire du Warhammer ailleurs que dans l'univers de WH. Pourquoi pas, dans l'absolu ?