J'ai donc terminé le visionnage de
Nadia et le secret de l'eau bleue.
Les points forts de la série, à mon avis, sont :
- sa capacité à jouer sur de multiples tableaux, tour à tour cartoonesque, aventure, action militaire, pathétique, tragique, mystique... De la même façon, le genre oscille entre l'aventure julesvernienne, le steampunk plus contemporain et la franche SF, avec tout de même une grande louche de roman-feuilleton façon XIXe siècle avec ses sociétés secrètes tentaculaires... et une dose d'ésotérisme
new age. Rien que ça. Ça la rend regardable à tous les âges.
- ses cliffhangers (roman-feuilleton, je disais).
- son animation (le
Nautilus est splendide).
- ses personnages secondaires fouillés et marquants : Nemo, Electra, Gladys et ses acolytes, Argon, se révèlent peu à peu avec des passés complexes et des arcs narratifs habiles, et prennent même le pas sur Nadia et Jean.
- son univers aux ficelles certes classiques, mais qui a une belle ampleur et qui fait une parfaite inspi pour du
steampunk ou du
steampulp.
- Nemo et Electra.
- J'ai mentionné Nemo et Electra ?
Ce qui m'a déçu :
- Le personnage de Nadia. Elle agit beaucoup dans les tout premiers épisodes, puis est réduite largement au rôle d'enjeu, tout juste bon à se faire enlever et à faire des crises d'ado rebelle. Elle n'est pas creuse pour autant : elle pose la boussole éthique des héros de la série et leur permet de ne pas devenir aussi affreux que ceux d'en face, et elle offre un moyen narratif commode pour qu'on se fasse expliquer en détail tous les plans du grand méchant. Mais elle... ne... fait... rien ! Même plus un vague bond de côté pour s'échapper ou une gifle au méchant, rien de rien. Zéro agentivité. C'est vieillot et frustrant pour un regard du XXIe siècle.
- Un male gaze et un paternalisme diffus très Japon des années 1990. Ça va avec. Il y a une sexualisation et une objectification diffuses des corps des personnages féminins un peu partout dans la série, c'est assez frappant à découvrir en visionnant ça une fois adulte. Ce n'est pas une série en avance sur son époque de ce point de vue ; d'un autre côté, j'imagine qu'il devait y avoir biennnn pire à l'époque (il y a par exemple très peu de "plans décolletés" et pas de "plans fesses" ni de "plans culotte vue par en-dessous"). Le personnage féminin le plus "moderne" à mes yeux reste Electra qui est extraordinaire, mais qui n'échappe pas à la fonction n°1 d'une femme selon la série, à savoir tomber amoureuse d'un homme et faire des enfants.
- L'épilogue à la toute fin, tout droit sorti d'un roman du XIXe siècle, y compris les aspects les plus creepy qui seraient passés à cette époque mais ne passent plus maintenant (un personnage qui épouse une femme qu'il a connue quand elle était petite fille et lui déjà adulte...). Il y a un côté "épilogue d'Harry Potter" tellement c'est bateau et conformiste, mais je l'excuse mieux de la part de
Nadia que de
Harry Potter, la série étant nettement plus ancienne !
Les aspects déroutants :
- Les changements de ton parfois à 180 degrés d'un épisode à l'autre ou au sein d'un même épisode, notamment en termes de traitement de la mort et de la violence. J'avais parfois l'impression de passer brusquement d'un épisode d'
Inspecteur Gadget à
Game of Thrones
- Le côté mystique/ésotérique, qui peut ne pas plaire : le trope du Peuple Très Ancien Qui A En Fait Tout Fait et qui est une variation de la théorie des anciens astronautes, ça peut agacer de nos jours, mais replacé dans le contexte de l'époque, pour moi, ça passe. Cest généralement traité sous un angle
pulp, pas sur le mode du paranormal. Mais, à faire voir à des enfants, ça nécessiterait quelques explications (il y a tout de même une ou deux scènes où un personnage se lance dans une argumentation du type : "mais comment se fait-il que telle coïncidence et tel mystère non résolu ? Coïncidence ? Je ne crois pas !" — sachant que ça correspond en partie à des choses qui étaient des mystères scientifiques à l'époque où est placée l'intrigue, donc fin XIXe siècle, mais qui n'en sont plus maintenant). Les multiples récupérations de la Bible me font un peu l'effet de ces films Bollywood où on voit brièvement la France réduite à la tour Eiffel et à quelques notes d'accordéon, c'est-à-dire que ça fait sourire plus qu'autre chose et ça passe si on prend ça pour du
pulp. Enfin, il y a un épisode qui fait un peu "jump the shark", quand
Donc il faut rester prêt à toutes les audaces dans le côté "grands secrets" mais, si on est d'humeur, ça va ! Et ce côté foutraque qui revient de temps en temps permet aussi de garder un peu de légèreté en dépit des Arcs Narratifs Importants.
Je suis donc bien content d'avoir regardé enfin cette série dont j'entendais parler depuis des années
