Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

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sherinford
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Dernier Meurtre au bout du monde

Message par sherinford »

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"Dernier meurtre au bout du monde" de Stuart Turton.

J'ai découvert Stuart Turton avec "Les sept morts d'Evelyn Hardcastle", puis "L'étrange traversée du Saardam", et après avoir lu ce troisième bouquin de cet auteur, je suis convaincu qu'il a rejoint le club très sélect des personnes dont je lis absolument toute la production. Pour cet auteur, l'enquête policière se transpose naturellement dans une variété impressionnante de genres, et il en fait encore la démonstration dans "Dernier meurtre au bout du monde", traduction quelque peu approximative du titre original "The last murder at the end of the World".

Car il s'agit bien de la fin du monde au sens temporel du terme dont parle ce livre, et pas d'une notion simplement géographique comme pourrait le laisser croire le titre français... Comme il s'agit d'un livre d'enquête, avec sa part de mystères et de révélations, je vais simplement vous "pitcher" le début, vous laissant ainsi tout le bénéfice des surprises que vous a réservé l'auteur.

L'île du "bout du monde" est le dernier rempart de l'humanité, le dernier îlot de survivants depuis que le brouillard a recouvert le reste de la Terre. Cent-vingt personnes y vivent, dirigés par trois "anciens": Niema, Héphaïstos et Thea.

Emory, quant à elle, a toujours été différentes des autres habitants de l'île, de par sa capacité à questionner tout et n'importe quoi, et à remarquer des détails qui échappent aux autres habitants. De ce fait, elle s'est quelque peu isolée des autres, y compris de sa propre fille, Clara. Il faut dire que les questionnements ne manquent pas: Pourquoi, par exemple, les trois "anciens" de l'île, vivent-ils depuis si longtemps, alors que les habitants ont une espérance de vie maximum de 60 ans, âge canonique que son grand-père vient tout juste d'atteindre? Pourquoi les habitants de l'île s'endorment-ils à heure fixe, au moment du "couvre feu", mais se réveillent parfois le lendemain avec des hématomes ou de légères blessures? Qui est au juste Abi, cette "voix" qui s'adresse télépathiquement à tous les habitants, espionnant leurs pensées les plus intimes, et dont la vigilance est supposée prévenir tout accès de violence?

Ce sens de l'observation et cette curiosité servent bien peu à Emory dans ce monde post apocalyptique, jusqu'au jour où, à leur réveil, les habitants doivent bien constater qu'un terrible meurtre a été commis, dont la nature pourrait bien condamner l'ensemble de l'île si le coupable n'est pas identifié à temps. Il reste 107 heures avant l'extinction de l'humanité. C'est bien peu pour mener l'enquête...

Ce bouquin est un véritable page turner, comme on dit outre atlantique. J'ai eu beaucoup de mal à le lâcher pendant mon week-end, et j'ai profité de mon dimanche soir pour le terminer en une traite. Comme dans chaque roman de Turton, on a droit à une jolie carte des lieux, ce qui permet de suivre les déplacements des personnages et de se situer sur l'île. Les révélations se succèdent assez rapidement jusqu'au clap de fin, qui donne la solution de l'énigme.


Lectures de 2025:

Spoiler:
1. "Le dernier voeu & l’épée de la providence" de Andrzej Sapkowski (10/10).
2. "Voix d’extinction" de Sophie Hénaff (6/10).
3. "Béantes portes du ciel" de Robert Reed (7/10).
4. "Dernier meurtre au bout du monde" de Stuart Turton (9/10).
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Sammael99
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Re: Dernier Meurtre au bout du monde

Message par Sammael99 »

sherinford a écrit : dim. janv. 19, 2025 11:00 pm J'ai découvert Stuart Turton avec "Les sept morts d'Evelyn Hardcastle", puis "L'étrange traversée du Saardam", et après avoir lu ce troisième bouquin de cet auteur, je suis convaincu qu'il a rejoint le club très sélect des personnes dont je lis absolument toute la production. Pour cet auteur, l'enquête policière se transpose naturellement dans une variété impressionnante de genres, et il en fait encore la démonstration dans "Dernier meurtre au bout du monde", traduction quelque peu approximative du titre original "The last murder at the end of the World".

J'avais viscéralement détesté Evelyn Hardcastle qui pour moi était un faux whodunnit qui reprenait les codes du genre mais n'en respectait absolument pas l'esprit. Du coup, j'ai consciencieusement évité les autres bouquins de Turton depuis. Tu me fais hésiter à remettre le couvert...
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Inigin
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Re: Dernier Meurtre au bout du monde

Message par Inigin »

Sammael99 a écrit : lun. janv. 20, 2025 8:02 am
sherinford a écrit : dim. janv. 19, 2025 11:00 pm J'ai découvert Stuart Turton avec "Les sept morts d'Evelyn Hardcastle", puis "L'étrange traversée du Saardam", et après avoir lu ce troisième bouquin de cet auteur, je suis convaincu qu'il a rejoint le club très sélect des personnes dont je lis absolument toute la production. Pour cet auteur, l'enquête policière se transpose naturellement dans une variété impressionnante de genres, et il en fait encore la démonstration dans "Dernier meurtre au bout du monde", traduction quelque peu approximative du titre original "The last murder at the end of the World".

J'avais viscéralement détesté Evelyn Hardcastle qui pour moi était un faux whodunnit qui reprenait les codes du genre mais n'en respectait absolument pas l'esprit. Du coup, j'ai consciencieusement évité les autres bouquins de Turton depuis. Tu me fais hésiter à remettre le couvert...
D'un autre côté c'est nettement plus intéressant à lire (et j'imagine à construire) qu'un whodunnit.
Cela étant si tu as un bouquin qui joue sur le paradoxe temporel, ou révolutionne le whodunnit, reléguant QATEH dans les vieilleries, ça m'intéresse :bierre:
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Sammael99
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Re: Dernier Meurtre au bout du monde

Message par Sammael99 »

Inigin a écrit : lun. janv. 20, 2025 6:50 pm
Sammael99 a écrit : lun. janv. 20, 2025 8:02 am
sherinford a écrit : dim. janv. 19, 2025 11:00 pm J'ai découvert Stuart Turton avec "Les sept morts d'Evelyn Hardcastle", puis "L'étrange traversée du Saardam", et après avoir lu ce troisième bouquin de cet auteur, je suis convaincu qu'il a rejoint le club très sélect des personnes dont je lis absolument toute la production. Pour cet auteur, l'enquête policière se transpose naturellement dans une variété impressionnante de genres, et il en fait encore la démonstration dans "Dernier meurtre au bout du monde", traduction quelque peu approximative du titre original "The last murder at the end of the World".

J'avais viscéralement détesté Evelyn Hardcastle qui pour moi était un faux whodunnit qui reprenait les codes du genre mais n'en respectait absolument pas l'esprit. Du coup, j'ai consciencieusement évité les autres bouquins de Turton depuis. Tu me fais hésiter à remettre le couvert...
D'un autre côté c'est nettement plus intéressant à lire (et j'imagine à construire) qu'un whodunnit.
Cela étant si tu as un bouquin qui joue sur le paradoxe temporel, ou révolutionne le whodunnit, reléguant QATEH dans les vieilleries, ça m'intéresse :bierre:

En fait, j'ai détesté ce bouquin parce que (pour moi) il ne réinvente pas le whodunnit, il l'évite. Il "triche". Je suis sans doute un peu obsessif sur la question, mais si je lis un whodunnit c'est pour essayer de deviner qui est le coupable. Ça fait partie du contrat tacite entre l'auteur et le lecteur. Là, on pense jusqu'au bout être dans le cadre de ce contrat, et puis l'auteur finit en nous disant "en fait, tu connaissais pas les règles du jeu, tu pouvais pas deviner. Na na na."

Ça m'a vraiment foutu en rogne.

Et juste pour être clair, j'ai aucun problème avec des affaires criminelles ou il y a de la magie (mon prochain jeu est pile dans cette catégorie) ou des technos incroyables, etc. Du moment que c'est clair dès le départ.
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Gulix »

Sammael99 a écrit : lun. janv. 20, 2025 9:34 pm En fait, j'ai détesté ce bouquin parce que (pour moi) il ne réinvente pas le whodunnit, il l'évite. Il "triche". Je suis sans doute un peu obsessif sur la question, mais si je lis un whodunnit c'est pour essayer de deviner qui est le coupable. Ça fait partie du contrat tacite entre l'auteur et le lecteur. Là, on pense jusqu'au bout être dans le cadre de ce contrat, et puis l'auteur finit en nous disant "en fait, tu connaissais pas les règles du jeu, tu pouvais pas deviner. Na na na."

Ça m'a vraiment foutu en rogne.

J'ai eu la même sensation. J'avais beaucoup aimé le mystère, le déroulement, l'étrange. Et puis est arrivée la fin, et non. Tu t'es foutu de moi l'auteur. Et je veux bien me faire avoir une fois, mais pas deux ! J'avais eu pareil avec "Une Putain d'Histoire". Et ma pile à lire étant ce qu'elle est, si un auteur me la fait à l'envers, ben je vais pas revenir vers lui.
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Nolendur »

Hello, je poste ici parce que je cherche des infos / confirmations / conseils. C'est pas un roman, mais c'est un livre dont on n'est pas le héros et je ne sais pas dans quelle autre section poster.

Voilà, j'étais en recherche de sources d'inspiration pour de l'étrange/fantastique contemporain, et à force de voir utiliser les mots forteana et fortean ici et là je me suis acheté The Book of the Damned pour voir. Ouch ! C'est quasi illisible ce truc. C'est pas le niveau d'anglais mon problème, c'est le style de l'auteur, sa façon d'organiser ses idées, de défendre ses thèses. Ça ressemble à une longue divagation décousue où il ressasse sans arrêt les mêmes idées, multiplie les exemples qui n'ajoutent rien, use de métaphores pourries, passe d'un sujet à un autre sans transition. C'est rude. Sa pensée est très peu organisée.

J'avais cru comprendre que c'était un précurseur du paranormal moderne et que sa façon journalistique de traiter le sujet était une mine d'idées qui avait servi d'inspiration à pas mal d'auteurs de SF et de fantastique. Mais ce que j'ai trouvé, c'est un style lourdingue qui évoque plus nos cranks et crackpots usuels que la lisibilité d'un journaliste.

Bref, ma question : pour l'instant je n'ai réussi à lire que 4-5 chapitres ; est-ce que la suite du livre (j'ai peu d'espoir), mais surtout les livres suivants sont de cet acabit ? Y'a-t-il un intérêt pour moi à persévérer ?
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sherinford
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Re: Dernier Meurtre au bout du monde

Message par sherinford »

Sammael99 a écrit : lun. janv. 20, 2025 8:02 am
sherinford a écrit : dim. janv. 19, 2025 11:00 pm J'ai découvert Stuart Turton avec "Les sept morts d'Evelyn Hardcastle", puis "L'étrange traversée du Saardam", et après avoir lu ce troisième bouquin de cet auteur, je suis convaincu qu'il a rejoint le club très sélect des personnes dont je lis absolument toute la production. Pour cet auteur, l'enquête policière se transpose naturellement dans une variété impressionnante de genres, et il en fait encore la démonstration dans "Dernier meurtre au bout du monde", traduction quelque peu approximative du titre original "The last murder at the end of the World".

J'avais viscéralement détesté Evelyn Hardcastle qui pour moi était un faux whodunnit qui reprenait les codes du genre mais n'en respectait absolument pas l'esprit. Du coup, j'ai consciencieusement évité les autres bouquins de Turton depuis. Tu me fais hésiter à remettre le couvert...

Mmmh. Si tu cherches un whodunnit, je ne pense pas que celui-ci te conviendra. Le plaisir ici repose plus sur les révélations successives de tous les petits secrets de l'île et de ses habitants.
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Erwan G »

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DANS LA TOILE DU TEMPS
Adrian Tchaïkovsky

L’humanité est arrivée à un niveau technologique lui permettant de terraformer des planètes pour étendre dans le temps et dans l’espace la civilisation humaine et de survivre aux risques éventuels de disparition. Avrana Kern, scientifique touche à tout, met la dernière main à la pâte pour ce monde, son monde, sur lequel elle souhaite mener une expérience : introduire des singes et un virus accélérant l’évolution, pour voir si cela permettrait de voir se développer une nouvelle humanité.

Pendant ce temps, sur terre, s’affrontent deux factions : ceux qui veulent sortir des limites de la terre et favoriser l’essaimage des humains et ceux qui veulent que les humains ne se consacrent qu’à leur monde et ne jouent pas les démiurges dans le reste de l’univers. La confrontation sort, malheureusement, de la simple opposition terrestre, puisqu’au moment de lancer les dernières tâches permettant la création complète du « monde de Kern », comme l’appelle sa créatrice, l’un des fanatiques anti-expansion fait sauter le satellite scientifique. Kern, qui est à bord, trouve le moyen de gagner la Sentinelle, le satellite qui devait surveiller le monde pendant quelques centaines d’années jusqu’à ce que les singes puissent communiquer avec elle. Elle réussit également à lancer vers la planète les véhicules contenant le virus et les singes. Mais, malheureusement, l’explosion du satellite dévie le véhicule des singes qui part se perdre dans l’espace. Kern entre alors en hibernation, attendant soit le retour des humains, soit que ses créatures la contactent.

A défaut de singes, le virus trouve des créatures capables d’évoluer, notamment des araignées. Pendant que celles-ci, peu à peu, accèdent à la civilisation, les survivants des habitants de la Terre arrivent, après avoir fui une planète en train de mourir. 2.000 ans plus tard, les descendants des hommes découvrent le monde de Kern, à bord de leur arche, le Gilgamesh, qui cherche un monde pour les accueillir et tenter de survivre. Mais pour cela, il va falloir survivre aussi à la fin du voyage et à la fois à la folie d’hommes ou de machines nées il y a plus de 2.000 ans.

Je ne connaissais pas Adrian Tchaïkovsky et, en me renseignant sur lui et sur ce titre, j’ai découvert qu’il a gagné un prix Arthur C. Clarke et que le président du jury a dit que cela aurait pu être du Clarke. Je n’ai pas une vision aussi négative de ce livre, qui réussit à construire des personnages et des situations de tension dramatique intéressantes.

Le livre suit, en parallèle, les « pèlerins » du Gilgamesh et le défit qu’ils affrontent pour survivre au passage du temps et à la folie de Kern qui protège son monde de l’invasion d’humain, d’un côté, et les araignées et le développement de leur civilisation très différente, très étrangère. Le tout donne un livre passionnant, riche et les passages d’un groupe à l’autre sont des déchirements parce que l’on a envie d’en savoir plus. Mais cela permet aussi de voir le temps passer, le temps d’hibernation et de voyage ou le temps d’évolution et de construction. De la SF riche, intéressante, qui prend en compte les spécificités du genre et de la narration, un livre bien écrit, une histoire des plus passionnantes et une thématique trop rare. A lire.
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Erwan G
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Erwan G »

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LE GRAND SECRET
René Barjavel

Jeanne est une égocentrique de première. Elle épouse un homme plus âgé qu’elle parce que, elle a un enfant comme d’autres ont un chien et elle rencontre Rolland, l’amour de sa vie. Mais comme Jeanne est polyamoureuse, elle reste avec son mari, qui a 21 ans de plus qu’elle, et se détourne de son fils pour vivre son amour sans le poids du quotidien. Jusqu’à ce que Rolland disparaisse.

Parce que, pendant ce temps, dans les années 50, un indien réussit à créer un virus végétal (normal, il est hindou) qui donne l’immortalité. Mais qui est extrêmement contagieux. Ca pose des problèmes, parce qu’il empêche le vieillissement de tout, des êtres vivants animaux ou végétaux. Oui, bon, Barjavel, la science, pour lui, c’est de la magie et la magie de la science, alors il croit plus en la médecine chinoise qu’en ces principes rébarbatifs de mutation nécessaire des virus pour passer d'une espèce à une autre. Si ça marche sur un papillon, ça marche sur l'Homme et pis c'est tout, non, mais, oh, je raconte une histoire, là.

De toutes façons, René, il n'écrit pas des histoires, il écrit des histoires d'amour impossibles gâchée par une utopie qu’il va prendre un malin plaisir à détruire.

Mais comme on est en 1973, il va aller plus loin dans ses délires anti-étatiques et sexuels, tout en rappelant que le libéralisme, c’est le mal. Si sa figure d’attachement est devenue de Gaulle et plus Pétain, son expression de l’amour du chef reste la même. Bref, le scientifique indien, très très intelligent et sage, décide d’avertir le chef de son pays qui n’est pas Gandhi mais presque, pour le prévenir du risque encouru par l’humanité. Alors, le gentil premier ministre de l’Inde décide de faire le tour des gouvernements mondiaux pour convaincre tout le monde du danger de cette découverte et de la nécessité de protéger le monde. Top crédible, de toutes façons, les chefs d'état, ils s'entendent surtout pour entuber tout le monde, le reste n'a pas d'intérêt.

La solution est simple, on va mettre tous ceux qui ont été en contact avec le virus sur un ilot dans le nord de l’océan Atlantique, dans une ancienne base militaire et scientifique transformée en paradis beatnik : les enfants vivent nus, en autonomie, dans une approche bestiale et tout le monde couche avec qui il veut. Tout va bien dans le meilleur des mondes, sauf que, bin, c’est là qu’est Rolland. Alors, Jeanne, dont le seul but dans la vie est de retrouver son amour perdu parce qu’elle n’a rien d’autre à faire, elle, médecin, mère, cultivée et visiblement capable de se passer de toute activité professionnelle pour parcourir le monde pour retrouver Rolland, cherche au péril de sa vie, tuant des gens, en interrogeant d’autres, dont la reine d’Angleterre, doit y finir aussi, larguée en parachute parce que ça fait classe.

Bref, elle le retrouve et elle découvre qu’elle a 20 ans de plus que lui. Parce qu’il a cessé de vieillir. Alors, elle pleure parce qu’elle ne veut pas qu’il ressente leur différence d’âge, c’est terrible. Elle veut mourir, mais naturellement alors elle espère ne jamais attraper ce fichu virus, comme cela, elle a une porte de sortie plutôt que le rejet de Rolland à qui elle ne demande jamais son avis. Mais elle a du mal à s'intégrer dans cette utopie trop parfaite, où tout est trop facile, trop simple. Elle finit par se trouver une place le jour où le gourou de la secte décide de faire un jeûne et que les enfants le font aussi : les adolescentes n'absorbent plus, de ce fait, les produits contraceptifs magiques et mystérieux que l'on trouve dans les aliments, alors une tombe enceinte et Jeanne devient sage-femme grâce à un livre français qui apprend à accoucher naturellement sans aucune douleur grâce à la respiration. Elle est comme cela, Jeanne, elle refuse la magie de la science du virus, mais elle pratique la science de la magie de l'accouchement sans drogue et sans douleur.

C’est ainsi que l’utopie touche à son terme : la liberté de tout, sauf d’avoir des enfants, alors que ces neuneus de femelles, qui ne servent qu’à ça, n’arrivent pas à oublier leur rôle ancestral. Elles n'ont jamais eu d'enfant alors elles en veulent toute un et font ce qu'il faut pour. L'écosystème de l'île n'y survivra pas et comme il n'y a pas d'autorité, personne ne peut mettre personne au pas et on est obligé de subir la folie de cette jeunesse qui ne sait rien faire d'autre que de vivre pour elle, comme elle veut et sans écouter ceux qui savent, les vieux, les chefs.

Ajoutons à cela une couche de new-age bien moisie, des idées bien rances (comme celle d’appeler le successeur d’Adenhauer « chancelier du Reich », par exemple), une looooongue mis en oeuvre de la jeunesse ignare et nocive, la même que celle qui a fait mai 68, quelle horreur, et des idées bien soixantehuitardes, comme la liberté sexuelle absolue et on obtient une bonne daube barjavellienne classique, écrite à la truelle (la nécessité de répéter les choses inutiles trois fois, les listes sans fins d’animaux ou de végétaux pour faire poétique, la vacuité des phrases qui se veulent choc…).

C’est dommage, parce que tant que l’on était sur l’histoire d’amour entre Jeanne et Rolland, avant la disparition de ce dernier, il y avait un espoir : l’amour est vu comme une passion commune et non comme l’asservissement de la femme à l’homme pour son plaisir à lui, comme un choix qui est fait. C'est très novateur, pour du Barjavel.

Malheureusement, dès que l’on sort de cela, ça devient aussi ennuyeux que creux, simpliste que réactionnaire. Bref, si vous faites partie de ceux qui se sentent à leur aise dans notre époque et sa situation politique, ce livre est pour vous. Si, au contraire, vous avez un cerveau, que vous éprouvez des sentiments et que vous aimez les livres, il vaut mieux s’intéresser à d'autres livres, comme celui que je lis en ce moment avec grand plaisir, le Monde selon Garp de John Irving.
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par fafnir »

Je plussoie Dans la Toile du Temps, que j'avais beaucoup apprécié, notamment le développement et l'évolution de la société et puis de la civilisation des araignées. Bref de la SF qui a du souffle ! (même si j'étais plutôt pour les fourmis :P )
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Re: Dernier Meurtre au bout du monde

Message par Ravachol »

Inigin a écrit : lun. janv. 20, 2025 6:50 pm Cela étant si tu as un bouquin qui joue sur le paradoxe temporel, ou révolutionne le whodunnit, reléguant QATEH dans les vieilleries, ça m'intéresse :bierre:
QATEH ?

Sinon, j'ai pas trop le temps pour faire avancer le schmilblik, mais j'ai adoré les 7 morts d'Evelyne hardcastle... J'ai justement aimé être pris à contre-pied de mes attentes. Mais je comprends totalement que ça ai pu deplaire
J'ai diplomatie comme compétence. Ça fait combien de dégâts ?
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Lordelric »

Erwan G a écrit : jeu. janv. 23, 2025 5:01 pm
LE GRAND SECRET
René Barjavel

...
Estime-toi heureux : tu as échappé à l'adaptation du roman en mini-série à la télévision. Je me rappelle être tombé sur les épisodes lors de sa diffusion il y a 35 ans de ça et je m'en souviens encore. Surtout l'opposition jeunesse hippie inconsciente versus monde des adultes impitoyable, qui faisait déjà bien moisi à l'époque. Alors maintenant... Pour le reste on dira charitablement que le résultat de cette adaptation était... télévisuel  :mrgreen:

EDIT : Oh mon dieu, c'est visible sur internet !!!! :gné :? :runaway
co-fondateur autoproclamé de l'ABA (désolé)

Le jdr : faire et se faire plaisir. What else ?
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Inigin »

C'est marrant, du Grand Secret j'avais surtout retenu les enjeux géopolitiques et la théorie conspi de l'assassinat de Kennedy... et en roman SF ça passait super.

QATEH : qui a tué Evelyne Hardcastle. (mais ce n'est pas le vrai titre :oops: )
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Erwan G
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Erwan G »

Ce qui est amusant, avec Barjavel, c'est que chacun s'est fait un "film" sur ce qu'il se souvient du livre, généralement en positif. J'ai lu le Grand secret après avoir eu une discussion avec un ami qui pensait du bien de la Nuit des temps. Il m'a présenté cela comme une espèce de fable épique avec une inversion des rôles : la grande quête amoureuse de la femme qui recherche son amant disparu et, finalement, la découverte de l'immortalité de ce dernier et son choix, accepter la différence ou mourir.

En réalité, on est très loin de cela et l'on retrouve le fond très moralisateur, les nombreuses références à Dieu (il a beau parler de Shiva et de Vishnu, il les considère comme des aspects de Dieu), son coté réactionnaire, ses sentiments à tendance fascistes (le culte du chef, héros sans limite), son coté conspi, sa misogynie...
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Sammael99 »

Mais pourquoi continues-tu à t'infliger ça et à faire vivre ses héritiers @Erwan G ?

😁
Mozart n'a pas écrit que le Boléro de Ravel. Mais aussi plein d'autres trucs beaucoup moins connus (comme le canon de Pachelbel). - Le Grümph
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