Ce fut donc accompagné d’Isobaï et de son chariot tracté par deux ours qu’ils se lancèrent sur la piste des Dix. Sahrane était restée à Montandre et Anatole put grimper aux côtés de la trappeuse, si bien qu’ils firent bon train. Ils quittèrent la piste un peu après midi, quand la lumière déjà crépusculaire déclina soudain, annonçant un blizzard. Ils se résolurent à planter le camp, dont Polaris fit rapidement le tour pour découvrir tout près un troupeau de rennes blottit à flanc de colline, immobile sous les assauts du vent. Il en préleva sa juste part, le plus discrètement du monde, un vieux mâle qui boîtait, qu’il dépeça paisiblement en attendant le soir. Quand le sommeil emporta enfin ses camarades, il resta éveillé encore quelques heures. Le vent était tombé mais l’air toujours épais lui rapporta bientôt les ahanements d’une troupe. À pas de loup, il s’approcha pour les distinguer malgré la brume et la nuit, à la lueur de la lune. Des orques, en nombre. Huit. Suivis d’une silhouette de stature encore plus imposante que ces forces de la nature. Bien trop pour risquer une rencontre. Il hésita. Leur parler malgré tout ? Il caressa autour de son cou la babiole qu’il tenait de sa dernière rencontre avec un membre de la tribu des Sans Nombre, au cours d’un blizzard, déjà. Non, trop risqué. Il fila au campement pour réveiller les autres. Il était encore temps de filer. Sans doute les orques avaient-ils suivi le troupeau de rennes, ils ne s’intéresseraient guère aux traces d’un chariot gobelin. Ils plièrent le camp si rapidement qu’ils en oublièrent les belles lamelles de viande et la peau du boiteux sous le tas de neige fraîche où Polaris les avait entreposés. Le fruit de sa journée était perdu, mais sans doute cela valait-il mieux que de risquer leur vie.
Au petit matin, ils atteignirent la cabine de Macréadus, un vieil amas de planches vermoulues, perché sur pilotis, versant dangereusement vers l’à-pic qu’un éboulement récent avait creusé sous elle. Ses fenêtres brisées et ses volets battants n’auguraient rien de bon. Qui, au cœur de l’hiver éternel, pourrait ainsi survivre à tous les vents ? Ils s’approchèrent doucement. Loxias passa le premier. Il y sentit bien vite comme une étrange présence d’une grande sérénité, un calme divin loin d’être naturel. Une lettre de Copper qui traînait dans l'âtre le renseigna un peu, puisqu'il évoquait le seigneur du matin. Était-ce donc le dieu Lathandre qu'on sentait là ?
Un joli 1 au jet de Religion, bravo à Loxias. Heureusement qu'@Elijah Shingern, lui, n'est pas une buse, et qu'il a tout de suite su de qui on parlait.
Anatole le suivit à l’intérieur avec les plus grandes précautions, prenant bien garde de ne fouler que les planches les plus sûres. Son œil de lynx repéra tout de suite les principaux indices présents, au point qu’en une poignée de secondes, il avait déjà reconstitué toute la scène. Une déflagration avait noirci la pièce du sol au plafond. Sur le plancher, une trace plus claire, et en son centre un squelette récent dont toute chair avait été soufflée. Autour des vertèbres cervicales pendait encore la lourde amulette qui, de son vivant, ornait le cou de Macréadus, son fétiche magique. Entre les os de ses doigts, un livre calciné, mais pas suffisamment pour qu’Anatole ne pût le reconnaître : Les Arcanes merveilleuses de l’empire Netheril, le plus précieux des tomes de sa collection très fournie, qu’il n’aurait jamais daigné ne serait-ce que le lui laisser feuilleter pour peu qu'Anatole se fût abaissé à le lui demander. Parti en fumée. Et près de celui-ci, un objet curieux, deux anneaux concentriques reliés par un essieu qui transperçait une gemme. Comme il lui sembla évident que cet objet était celui qui avait déclenché l’explosion, Anatole s’empara de sa baguette pour le manipuler de loin, et constater bien vite que sa chaleur corporelle suscitait dans la gemme une activité qui serait bien vite hors de contrôle.
En claquant son inspi, Anatole nous fait un 20 nat en investigation, compétence qu'il maîtrise. Je lui balance donc tout, et @Islayre d'Argolh prend logiquement toutes les précautions qui s'imposent.
Alors que Polaris revenait de la pièce d’à côté les bras chargés de schémas qu’il y avait découverts, Loxias observait, éberlué, une constellation d’insultes apparaître les unes après les autres sur la couche de givre qui recouvrait la table.
« Mon vieux Maître, intervint Loxias. Je crois qu’un fantôme vous parle…
— Et la mort ne l’a pas rendu plus agréable, oui, lui répondit Anatole en auscultant la gemme et les deux anneaux. Les dieux savent que je ne souhaite la mort de personne et il semblerait bien, ajouta-t-il en jetant un œil aux schémas que Polaris avait étalés devant lui, que ce mauvais magicien, aussi rustre qu’il fût, était sur une piste si intéressante que l’espoir de la voir s’accomplir l’ait maintenu en ce monde… Si ce n’est son corps, du moins son âme.
— Une piste, vieux Maître ? répéta Polaris. De quel genre ?
— Macréadus avait trouvé le moyen de contrôler le temps, Polaris. De modifier le climat. »
Et un 20 en Arcane pour Anatole, qu'il maîtrise tout autant (avec avantage puisque Polaris avait trouvé les schémas et Loxias la lettre de Copper), histoire de vraiment ne plus faire planer la moindre once de mystère !