Voici un petit compte-rendu que je voulais faire depuis longtemps sur l’excellent jeu de Melville : Bois Dormant – Vivre parmi les ronces.
Bonne lecture et merci à l’auteur et aux personnes qui ont participées à l’édition de ce jeu de rôle sans meneur !
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Vous savez, je ne suis pas vraiment fan des fictions futuristes du type cyberpunk ou post-apo. Pourtant le pitch de Bois Dormant m’a interpelé.
Jouez une communauté essayant de rester non-violente dans un monde resseré par l’étrange épidémie (presque magique) qui a endormi 90 % de la population de la ville. Tandis qu’une toute minorité se constituent en bandes tentant d’occuper le pouvoir laissé vacant dans cette cité claquemurée par l’État qui ne veut pas que ça se propage (il croient encore que leurs miradors et leurs snipers vont stopper la propagation de ce phénomène). Et cette végétation folle qui reprend du terrain trop vite. Et ces rumeurs sur des parties de la ville qui s’éveilleraient. Des racontars, sans doute, ... mais il n’y a pas de fumée sans feu, n’est-ce pas ?
C’est cette part de merveilleux s’insérant dans notre quotidien (la nature trop prolifique, presque magique, des « génies des lieux » qui commencent à se manifester, en incarnant différentes parties de la ville, la maladie mystérieuse qui déchire entre peine de perdre ses proches et espoir qu’ils se reveillent un jour) qui a incité mes joueurs(es) (trois tablées) à sauter le pas du JDR. En effet, aucun(e)s n’en avait encore jamais vu, ni joué (sauf un qui avait été dégouté du jdr par Pathfinder).
J’ai donc réalisé 4 parties en tant que Facilitateur, avec 3 tablées différentes (2 x 3 joueurs, moi compris, et 2 x 4 joueurs). Je viens donc ici témoigner du plaisir que procure ce jeu, mais aussi pointer quelques feedbacks pour aider à rendre les parties d’autres joueurs plus sympa encore, notamment si vous le faites jouer à des débutants. En tout cas, je vous le recommande, d’autant que son prix est modique. Vous pouvez retrouver en pdf les livrets de personnages et de domaines qui vous donneront une bonne idée du jeu.
Indique neuf choses que tu aimes :
- Son univers qui réintroduit du merveilleux dans notre monde et favorise une approche sensible dans ses relations inter-Pjs. Ce qui est vraiment sympa, c’est que l’on se base sur une ville réelle (si on la connaît bien, ça fait plus d’effet) auxquel on peut incorporer facilement la nouvelle réalité grâce à de très bonnes listes de lieux évocateurs.
- La règle de jouer une communauté non-violente, des gens de tous les jours quoi, qui essaient de rester humain dans un monde pas toujours tendre, ni rose. Entre gris clair et gris foncé dirait Goldman. Et d’ailleurs, de très bonnes listes pour peupler notre communauté
- Les Domaines (responsabilité des joueurs réparties sur différentes parties du monde) qui font bien vivre l’esprit du jeu.
- La création partagée du cadre du jeu, que j’ai règlé de cette manière : on choisit les Domaines que l’on veut traiter, on définit la communauté ensemble (nom, ressources, relations) en complétant le texte à trous, puis chacun va définir de lui-même un élément du cadre (un membre de la communauté, une menace du domaine, etc) en faisant tourner les feuilles (ils soulignent ou ajoutent au besoin).
- Les relations entre les personnages via des questions orientées du type « Qu’est-ce que tu crois capital de me cacher ? » ou « Pourquoi as-tu arrêté le traitement vital que je t’ais prescris ». Je les ai joué en mode secrets : le joueur(se) choisissait la question parmi les trois proposées qu’il allait poser à son voisin de droite et l’autre inscrivait la réponse dans un repli de sa feuille de personnage. Cela agissait comme des révélations fracassantes qui « explosaient » pendant le scénar comme des feux d’artifices. Mais cette interprétation des règles n’est pas à répéter à chaque fois.
- Les fleurs (choses que j’ai aimées), les épines (choses à améliorer)et les étoiles (choses que j’aimerai voir dans les parties) en feed-back à la fin de la partie, qui sont très cools pour aider à améliorer ses futures séances.
- Les listes, génératrices d’idées et d’histoires, admirables évocatrices, qui mettent bien dans l’ambiance du jeu.
- On commence tous avec aucun jeton au début (du coup, on doit assumer de mettre ses personnage volaontairement dans les ennuis)
- Les très belles illustrations. Simples et efficaces. Sans prétention.
Indique six choses qui t’interrogent :
- Pourquoi n’avoir pas rassemblé les questions « Pourquoi ai-je choisi de rejoindre la communauté ? » et « Pourquoi est-elle importante à mes yeux » avec la section Joue pour découvrir ?
- Quand un personnage cadre une scene, et qu’il ne joue pas des jetons (comme un 6- dans un PbtA) ou un seul (comme un 7-9), l’issue doit être mitigée pour le personnage du joueur. Mais si un autre joueur l’aide via son personnage, doit-il dépenser les un/ deux jetons pour améliorer/sauver la situation ?
- Et dans les cas des actions Sauvetage (cf question précédente) ou Détresse (prendre un jeton car son personnage est dans une très sale posture, dans une situation stressante ou problématique), le/les jeton(s) sont-ils utilisables pour l’action en cours ?
- Les scènes intra-communautaires (scène d’intro, notamment) sont-elles régies par la dynamique de jetons ?
- Pourquoi n’avoir pas récompensé par de la pioche de jeton la description de la ville au fil des saisons, les scènes paisibles intra-communautaires, ou tout autre scène contemplative ; jetons qui seraient mis dans un pot commun où tout le monde pourraient se servir selon ses besoins ? Quitte à rajouter des mécanismes d’attrition de celui-ci (offrandes aux esprits de la ville, épuisement des ressources faces au pénuries, rapt / racket des gangs, etc.). Je pense que ça aiderait à coller à l’esprit du jeu et c’est ce qui a manqué de la part des autres joueurs dans ma partie, au détriment de l’ambiance générale.
- Pourquoi certains Archétypes n’ont pas des avantages liées à leur domaine de prédilection dans les décisions communautaires ou pour la dépense de jetons ?
Jaune : la Main Verte, la Bricole
Rouge : la MC, le Cataplasme
Bleu : l’Encyclo
Indique sept choses qui tu souhaiterais améliorer ou voir améliorées :
- La maquette des fiches de personnages et de domaines. Elle est sympa (bonne idée le livret A5), mais tous les éléments sont mis au même niveau, graphiquement parlant, et ça n’aide pas pour le jeu (de joueurs non-MJ, j’entends).
- la répétition des règles de Gestes (actions du joueurs influençant sur les mécaniques du jeu) qui alourdissent la feuille de perso, alors qu’ils sont répétés dans une feuille annexe de mémo, qui noient la Gentillesse, spécifique à chaque Archétypes, dans le texte, et qui scinde les objectifs de jeu du joueur(se) (Joue pour découvrir …) et les Principes du personnage des questions liés au background du personnage.
- Les déclencheurs des domaines et les déclencheurs pour passer le domaine à ton voisin s’intercalant entre les Principes et les Actions du Domaine. La terminologie employé n’a pas été non plus aidante pour les utiliser facilement. Enfin, ces déclencheurs auraient mérités de figurer sous forme de liste à puces.
- Les principes sous forme de liste trop longue qui dépasse limite "infini" du cerveau (cf sur Ptgptb.fr, les billets traduits d'Alexander) : il faudrait en synthétiser quelques uns ou les regrouper par 3 ou 5 principes dans un grand principe.
- Relier de façon explicite les Archétypes et les Domaines correspondants pour maximiser l’intégration des perso au centre de l’expérience de jeu.
Diverses pénuries : la Bricole, la Main Verte, le Cataplasme (éventuellement l’Antenne)
Les Narcosés si nombreux : le Cataplasme, la Bricole, l’Antenne (éventuellement la Main Verte)
Nature foisonnante : la Main Verte, l’Encyclo, la Bricole (éventuellement le Graff)
Le Blocus gouvernemental : l’Antenne, le Graff, la Bricole (éventuellement l’Encyclo)
La Ville qui s’éveille : l’Encyclo, la MC, le Graff, (éventuellement le Cataplasme)
- Une aide de jeu avec des exemples d’actions par défaut d’ambiance (n’enclenchant pas les mécaniques de jeu) pour chaque archétype, sous forme de cartes avec des listes comme dans les livrets de perso, que les joueurs(es) choisieraient au début de la partie. (pour les joueurs(es) débutants) Exemple :(pour un perso enfant) Poser des questions embarassantes aux adultes, Casser quelques chose en essayant d’aider, Afficher un sourire carnassier, Parler d’une voix douce enjoleuse/joyeuse /enrouée /éteinte, Parler à soi à voix haute, …
- Une mécanique pour scripter les différentes phases de jeu (contemplatif, tension-confrontation, relation communautaire), afin de pouvoir aider les premiers joueurs(es) à les équilibrer aisément. J’ai eu une partie qui a capotée à cause d’un mauvais équilibrage : les scènes de tension représentaient 80 % de la partie, fatiguant la tablée, et dénaturant l’esprit du jeu tout en aplanissant les sensations de l’histoire.
- Une mécanique pour aider les joueurs à dépasser leur trac de s’investir ou d’improviser (genre comme dans Pour la Reine on refile à notre voisin et on peut amender, ou alors la table doit proposer deux à trois options au joueurs, ou chaque personne de la tablée décris un élément de la scène à tour de rôle, etc), des astuces pour éviter l’effet « meneur » ou « joueur-locomotive » avec une mauvaise répartition de la parole en jeu qui risque d’affaiblir l’ambiance.
- Faire une fiche avec listes d’exemples de manifestation des esprits de la ville (ça a trop tourné Marvel dans mes parties)
- J’apporterai la règle de Prosopopée de donner un de ses jetons à une personne si on trouve que sa description / interprétation te plait.
Bravo aux editions Dystopia et à Melville pour ce bijou ludique !