Au XVIe siècle, les Portugais avaient réussi à établir une route pour rejoindre l'Asie du Sud-Est en contournant l'Afrique, ce qui leur permettait de pratiquer le juteux commerce des épices. Les instructions de navigation (les rutters) permettant de suivre la route des épices étaient jalousement conservées par les capitaines des navires de commerce.
Voici un extrait du livre L'archipel des hérétiques, de Mike Dash, dans lequel j'ai découvert l'information :
L'Espagne et le Portugal protégeaient leur monopole en entourant d'un
secret absolu toutes les informations qu'ils détenaient sur les Indes. En 1590,
les Pays-Bas - ainsi que les autres puissances occidentales - n'avaient
toujours pas la moindre idée du meilleur itinéraire pour arriver jusqu'aux
épices, des coordonnées précises des îles les plus riches, ni de la nature et
de la position des forces qu'ils auraient à affronter. Quant aux informations
qui leur étaient les plus vitales, des instructions de navigation détaillées
pour se diriger dans les mers d'Extrême-Orient, elles étaient les plus
jalousement gardées par l'ennemi.
Avant l'apparition de cartes et d'instruments de
navigation fiables, toutes les grandes puissances maritimes d'Occident s'évertuèrent
à préserver le savoir accumulé par leurs navigateurs. Elles synthétisèrent des
décennies d'expérience sous le terme générique de rutters, pour établir
des manuels d'instructions reposant sur toutes les informations dont on
disposait, concernant telle contrée ou tel itinéraire. Ces manuels comptaient
parmi les trésors d'État les plus jalousement préservés. Les capitaines et les
timoniers avaient ordre exprès de les détruire, si leur navire se trouvait en
péril de naufrage ou de capture, et ils se conformèrent si scrupuleusement à
ces impératifs qu'on ne trouva jamais aucun de ces fameux manuels à bord des
navires espagnols ou portugais arraisonnés par des corsaires. Toutes les
tentatives échouèrent, y compris les plus subtiles et les plus élaborées. Les
Hollandais envoyèrent des espions à Lisbonne avec mission de voler ou d'acheter
au moins un exemplaire de ces rutters. En pure perte. Or, sans une
parfaite compréhension des informations qu'ils contenaient, toute expédition à
destination de l'Orient était d'emblée condamnée à l'échec.
On pourrait reprendre ça dans un jeu de rôle historique ou de fantasy : un livret d'instruction de voyage maritime (ou même terrestre, d'ailleurs) peut être un bien extrêmement précieux tenu sous bonne garde, et une puissance étrangère ou une riche guilde de marchands paierait à prix d'or les espions ou les voleurs qui s'en empareraient.