Jouer la déstabilisation
Publié : sam. mars 04, 2017 11:10 am
Un peu de background, avec quelques jeux auxquels je fais jouer :
Eclipse Phase : de la SF transhumaniste très conspiratoire. J'y ai fais joué quelques parties et mes préférés furent celles qui consistaient, pour les joueurs, à constituer un réseau d'espionnage sur Mars, afin de miner le mouvement Barsoomien pour l'effondrer de l'intérieur.
Black Crusade : ça demande encore d'être complétement lancé, mais en gros, la proposition de base est : vous jouez des adorateurs du Chaos qui vivent au sein de l'Impérium, tyrannique et omniprésent. Ce qu'on y fait, c'est généralement de former un genre de cinquième colonne sur des planètes impériales pour y attiser la révolte et renverser le gouverneur local. C'est même tout ce qu'on fait dans la campagne sortie en français pour le jeu.
Iron Gods (pour Pathfinder) : où entre deux donjons en série de portes et de passages secrets DD40, on monte une révolte contre un régime tyrannique et équipé d'une technologie bien supérieure. Le tout avec des PNJs meneurs de la rébellion qui, si on suit le bouquin, sont vraiment des tanches.
Mindjammer : c'est le coeur du jeu ! On découvre des planètes, des systèmes, des régimes politiques, et on veut les faire tomber dans le sillon de notre culture. La déstabilisation se joue là sur plusieurs plans : culturels, systémiques, économiques.....
Bref, vous voyez l'idée : j'aime bien jouer et faire jouer les lanceur de révoltes, la cinquième colonne, les meneurs de l'insurrection. J'aime particulièrement quand c'est subtil, qu'on cherche les points faibles d'un gouvernement, qu'on galère à trouver des alliés, qu'on renverse les éléments les plus favorables à un changement dans le régime.
Problème : on nous explique rarement comment jouer ça. Pour Les griffes de la corruption, la campagne Black Crusade, c'est même pire : alors que c'est le coeur de gameplay de ce qu'on fait, rien n'est prévu d'autre que "faites au mieux". Je ne parle pas de système de jeu, là, effectivement, c'est assez délicat de proposer quelque chose de mieux que "faites au mieux" sur ce plan (généralement on a des trucs à base de points à accumuler, pas fous et rarement intéressant).
Non, là je parle de gameplay au sens tout bête de : quels choix on fait, c'est quoi les enjeux, c'est quoi les leviers qu'on a, qu'est ce qu'on risque ?
Du coup, j'aimerai bien voir ce qui peut être fait sur ce thème. Ce que je vois pour l'instant permet de s'amuser un moment, mais je suis sûr qu'il y a moyen de développer beaucoup de jeu sur ce thème.
Identifier des points faibles : le plus évident, la première phase du gameplay d'une destabilisation. C'est quand on arrive, qu'on récolte les infos, en essayant de rester discret. Là, tout le gameplay de l'enquête est dispo, et il a pas mal été exploité dans le jeu de rôle. Vu qu'en plus, on doit se faire discret (une constante de ce thème), le principe du chasseur/chassé marche très bien.
Par exemple (spoiler d'Iron Gods, mais ça ne détruira pas votre plaisir de jeu) : quand on arrive en Varisie (le pays de medfan avec incursion scifi de Iron Gods), il y a deux centres de pouvoir, un roi et des vilains sorciers qui utilisent le matos technologique. Comprendre que les derniers contrôlent le premier et comment peu rendre le fait d'aller cogner le roi rends le fait d'aller le cogner bien plus sympa. Toutefois, chercher, c'est s'exposer aux vilains sorcier qui contrôlent tous les aspects de la vie du coin. A quel point on veut creuser et quel risque on prends (risquer d'exposer le réseau de résistants ? Est-ce qu'on pourra vaincre le roi à nous tout seul ? Quel niveau d'attention on veut de la part des vilains sorciers et surtout, qu'est-ce qu'il se passe si ils nous gaulent ?) c'est intéressant pour moi à jouer, et ça demande de se poser des questions avant et pendant la partie.
Rassembler des ressources : matériel, planques, recrues... Il y a de quoi faire, mais le risque de tomber dans du jeu de gestion est toujours là. Pour moi, c'est un risque parce que c'est moyen drôle en jdr, comparé au jeu vidéo. Plutôt que de faire du tableur excel et du compte d'épicier, je trouve plus intéressant de jouer de la grand strategy, c'est à dire des choix "meta" pour savoir où on va, ce qu'on veut faire, où on met nos priorités (plus de recrues, de la lutte armée, de la communication ?). Non seulement, c'est du choix des joueurs qui aura une influence sur la suite, sur ce qu'on va jouer ensuite, mais surtout, ça peut être du choix informé. Avec le point précédent, on peut savoir ce que va donner telle ou telle stratégie et telle ou telle utilisation de ressources. Vu que les PJs auront besoin d'avoir des alliés (voir point suivant), ça peut même être ces alliés qui les informent sur les choix qui vont faire, souvent avec leur subjectivité, pour en faire des choix emotionnels.
Par exemple : quand on joue à Lady Rossa, le hack de Lady Blackbird pour jouer des Brigades Rouges (paru dans [i}Di6dent #14[/i]), le moment où on bascule dans la lutte armée, comment et qu'est ce qu'on a communiqué avant, c'est super intéressant. Voir même ça détermine notre niveau d'uchronie, les Brigades Rouges réelles ayant fait le choix réel et presque philosophique d'agir d'une manière qui choque et sans avoir à s'expliquer. Un groupe qui mène des actions non-violentes mais en s'entourant d'experts de communications peut obtenir des résultats fortement différents, par exemple où la bataille aura lieu sur le terrain médiatique, contrairement à une lutte armée qui finira aux abois. La stratégie globale défini la suite du jeu.
Créer un réseau : vu l'amour des jeux hype pour les "relation maps" (schémas actantiels, en vrai), ça m'étonne que la déstabilisation ne soit pas plus jouée. Dans ce genre de cadre, on peut vraiment faire de l'ambigüe. Le principe d'avoir des espions (plus ou moins formés) qui cherchent à renverser un régime, c'est qu'il n'y aura jamais de vrais alliés et de vrais ennemis. Tous les PNJs vont se jouer en niveau de gris, les PJs choisissent la confiance qu'ils accordent à chacun et beaucoup de situation ne se débloqueront qu'en faisant d'un ennemi un allié. On peut donc déployer joyeusement tout le gameplay de diplomatie, lui aussi bien exploité en jeu de rôle.
Par exemple : beaucoup de réseaux s'appuient sur des vilains industriels peu scrupuleux. De tels personnages font des méchants facilement identifiables et caractéristiques pour les premières séances de découverte. Toutefois, à mesure que la lutte prend de l'ampleur, il va falloir ce genre de ressources, et ces personnages seront des alliés intéressant, bien que pénibles. On s'ouvre donc le jeu de diplomatie où il va falloir supporter les conneries de personnes qui vous méprisent et se croient tout permis, parce qu'ils ont quelque chose qui vous intéresse. C'est un classique du genre de l'espionnage, je me rappelle de très bons épisodes de Burn Notice sur ce sujet.
Ces trois axes de gameplay sont une bonne base, mais il y a moyen d'en développer moultes autres. Tous ne sont pas forcément pertinent, et ça dépendra forcément de la campagne qu'on joue, des histoires qu'on veut raconter et du ton qu'on veut donner à ses parties. Je suis bien curieux de voir ce que d'autres font et sur quoi ils mettent l'accent sur un tel type de jeu.
Également, le monde réel fourmille d'exemples (en Afrique, au Moyen Orient, en Amérique du Sud) de ce genre d'opération d'espionnage. Malheureusement, je n'y connais pas grand chose et les sources sont souvent incomplètes et orientées. Du coup, je suis bien curieux de connaître les méthodes précises qui ont été utilisées, il y a sûrement énormément d'inspiration à en tirer quand à ce qu'on peut faire jouer à une table.
Je reviens quand j'ai des idées plus claires (je suis sûr que j'ai un autre jeu qui permet de jouer ça....), mais je suis curieux de voir ce que vous pouvez raconter.
Eclipse Phase : de la SF transhumaniste très conspiratoire. J'y ai fais joué quelques parties et mes préférés furent celles qui consistaient, pour les joueurs, à constituer un réseau d'espionnage sur Mars, afin de miner le mouvement Barsoomien pour l'effondrer de l'intérieur.
Black Crusade : ça demande encore d'être complétement lancé, mais en gros, la proposition de base est : vous jouez des adorateurs du Chaos qui vivent au sein de l'Impérium, tyrannique et omniprésent. Ce qu'on y fait, c'est généralement de former un genre de cinquième colonne sur des planètes impériales pour y attiser la révolte et renverser le gouverneur local. C'est même tout ce qu'on fait dans la campagne sortie en français pour le jeu.
Iron Gods (pour Pathfinder) : où entre deux donjons en série de portes et de passages secrets DD40, on monte une révolte contre un régime tyrannique et équipé d'une technologie bien supérieure. Le tout avec des PNJs meneurs de la rébellion qui, si on suit le bouquin, sont vraiment des tanches.
Mindjammer : c'est le coeur du jeu ! On découvre des planètes, des systèmes, des régimes politiques, et on veut les faire tomber dans le sillon de notre culture. La déstabilisation se joue là sur plusieurs plans : culturels, systémiques, économiques.....
Bref, vous voyez l'idée : j'aime bien jouer et faire jouer les lanceur de révoltes, la cinquième colonne, les meneurs de l'insurrection. J'aime particulièrement quand c'est subtil, qu'on cherche les points faibles d'un gouvernement, qu'on galère à trouver des alliés, qu'on renverse les éléments les plus favorables à un changement dans le régime.
Problème : on nous explique rarement comment jouer ça. Pour Les griffes de la corruption, la campagne Black Crusade, c'est même pire : alors que c'est le coeur de gameplay de ce qu'on fait, rien n'est prévu d'autre que "faites au mieux". Je ne parle pas de système de jeu, là, effectivement, c'est assez délicat de proposer quelque chose de mieux que "faites au mieux" sur ce plan (généralement on a des trucs à base de points à accumuler, pas fous et rarement intéressant).
Non, là je parle de gameplay au sens tout bête de : quels choix on fait, c'est quoi les enjeux, c'est quoi les leviers qu'on a, qu'est ce qu'on risque ?
Du coup, j'aimerai bien voir ce qui peut être fait sur ce thème. Ce que je vois pour l'instant permet de s'amuser un moment, mais je suis sûr qu'il y a moyen de développer beaucoup de jeu sur ce thème.
Identifier des points faibles : le plus évident, la première phase du gameplay d'une destabilisation. C'est quand on arrive, qu'on récolte les infos, en essayant de rester discret. Là, tout le gameplay de l'enquête est dispo, et il a pas mal été exploité dans le jeu de rôle. Vu qu'en plus, on doit se faire discret (une constante de ce thème), le principe du chasseur/chassé marche très bien.
Par exemple (spoiler d'Iron Gods, mais ça ne détruira pas votre plaisir de jeu) : quand on arrive en Varisie (le pays de medfan avec incursion scifi de Iron Gods), il y a deux centres de pouvoir, un roi et des vilains sorciers qui utilisent le matos technologique. Comprendre que les derniers contrôlent le premier et comment peu rendre le fait d'aller cogner le roi rends le fait d'aller le cogner bien plus sympa. Toutefois, chercher, c'est s'exposer aux vilains sorcier qui contrôlent tous les aspects de la vie du coin. A quel point on veut creuser et quel risque on prends (risquer d'exposer le réseau de résistants ? Est-ce qu'on pourra vaincre le roi à nous tout seul ? Quel niveau d'attention on veut de la part des vilains sorciers et surtout, qu'est-ce qu'il se passe si ils nous gaulent ?) c'est intéressant pour moi à jouer, et ça demande de se poser des questions avant et pendant la partie.
Rassembler des ressources : matériel, planques, recrues... Il y a de quoi faire, mais le risque de tomber dans du jeu de gestion est toujours là. Pour moi, c'est un risque parce que c'est moyen drôle en jdr, comparé au jeu vidéo. Plutôt que de faire du tableur excel et du compte d'épicier, je trouve plus intéressant de jouer de la grand strategy, c'est à dire des choix "meta" pour savoir où on va, ce qu'on veut faire, où on met nos priorités (plus de recrues, de la lutte armée, de la communication ?). Non seulement, c'est du choix des joueurs qui aura une influence sur la suite, sur ce qu'on va jouer ensuite, mais surtout, ça peut être du choix informé. Avec le point précédent, on peut savoir ce que va donner telle ou telle stratégie et telle ou telle utilisation de ressources. Vu que les PJs auront besoin d'avoir des alliés (voir point suivant), ça peut même être ces alliés qui les informent sur les choix qui vont faire, souvent avec leur subjectivité, pour en faire des choix emotionnels.
Par exemple : quand on joue à Lady Rossa, le hack de Lady Blackbird pour jouer des Brigades Rouges (paru dans [i}Di6dent #14[/i]), le moment où on bascule dans la lutte armée, comment et qu'est ce qu'on a communiqué avant, c'est super intéressant. Voir même ça détermine notre niveau d'uchronie, les Brigades Rouges réelles ayant fait le choix réel et presque philosophique d'agir d'une manière qui choque et sans avoir à s'expliquer. Un groupe qui mène des actions non-violentes mais en s'entourant d'experts de communications peut obtenir des résultats fortement différents, par exemple où la bataille aura lieu sur le terrain médiatique, contrairement à une lutte armée qui finira aux abois. La stratégie globale défini la suite du jeu.
Créer un réseau : vu l'amour des jeux hype pour les "relation maps" (schémas actantiels, en vrai), ça m'étonne que la déstabilisation ne soit pas plus jouée. Dans ce genre de cadre, on peut vraiment faire de l'ambigüe. Le principe d'avoir des espions (plus ou moins formés) qui cherchent à renverser un régime, c'est qu'il n'y aura jamais de vrais alliés et de vrais ennemis. Tous les PNJs vont se jouer en niveau de gris, les PJs choisissent la confiance qu'ils accordent à chacun et beaucoup de situation ne se débloqueront qu'en faisant d'un ennemi un allié. On peut donc déployer joyeusement tout le gameplay de diplomatie, lui aussi bien exploité en jeu de rôle.
Par exemple : beaucoup de réseaux s'appuient sur des vilains industriels peu scrupuleux. De tels personnages font des méchants facilement identifiables et caractéristiques pour les premières séances de découverte. Toutefois, à mesure que la lutte prend de l'ampleur, il va falloir ce genre de ressources, et ces personnages seront des alliés intéressant, bien que pénibles. On s'ouvre donc le jeu de diplomatie où il va falloir supporter les conneries de personnes qui vous méprisent et se croient tout permis, parce qu'ils ont quelque chose qui vous intéresse. C'est un classique du genre de l'espionnage, je me rappelle de très bons épisodes de Burn Notice sur ce sujet.
Ces trois axes de gameplay sont une bonne base, mais il y a moyen d'en développer moultes autres. Tous ne sont pas forcément pertinent, et ça dépendra forcément de la campagne qu'on joue, des histoires qu'on veut raconter et du ton qu'on veut donner à ses parties. Je suis bien curieux de voir ce que d'autres font et sur quoi ils mettent l'accent sur un tel type de jeu.
Également, le monde réel fourmille d'exemples (en Afrique, au Moyen Orient, en Amérique du Sud) de ce genre d'opération d'espionnage. Malheureusement, je n'y connais pas grand chose et les sources sont souvent incomplètes et orientées. Du coup, je suis bien curieux de connaître les méthodes précises qui ont été utilisées, il y a sûrement énormément d'inspiration à en tirer quand à ce qu'on peut faire jouer à une table.
Je reviens quand j'ai des idées plus claires (je suis sûr que j'ai un autre jeu qui permet de jouer ça....), mais je suis curieux de voir ce que vous pouvez raconter.